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27/06/2023 | FRANCE | N°21/02201

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 27 juin 2023, 21/02201


N° RG 21/02201 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K355



C1

N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



la SCP PYRAMIDE AVOCATS



la SELARL IDEOJ AVOCATS



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1èRE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 27 JUIN 2023





Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/01371)

rendu par le tribunal judiciaire de Vienne

en date du 29 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 11 mai 2021





APPELANTS :



M. [Y] [T]

né le 28 janvier 1979 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 3]



Mme [Z] [N] ép...

N° RG 21/02201 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K355

C1

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SCP PYRAMIDE AVOCATS

la SELARL IDEOJ AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1èRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 27 JUIN 2023

Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/01371)

rendu par le tribunal judiciaire de Vienne

en date du 29 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 11 mai 2021

APPELANTS :

M. [Y] [T]

né le 28 janvier 1979 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 3]

Mme [Z] [N] épouse [C]

née le 15 octobre 1982 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentés par Me Fabrice POSTA de la SCP PYRAMIDE AVOCATS, avocat au barreau de VIENNE postulant, et plaidant par Me Alexia ROUX, avocate au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.C.I. VIRGULE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Sophie DELON de la SELARL IDEOJ AVOCATS, avocate au barreau de VIENNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ   :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller

Assistées lors des débats de M. Frédéric Sticker Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 mai 2023, madame Lamoine, conseiller, a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte notarié du 14 février 2019, la SCI VIRGULE, constituée entre les époux [H] [G] et [A] [V], a consenti au bénéfice de M. [Y] [T] et Mme [Z] [N] épouse [C] (les consorts [T] [C]) une promesse unilatérale de vente portant sur une maison d'habitation située à Vienne (38) pour le prix de 749'000 €.

La promesse était consentie pour une durée expirant le 30 juin 2019, et sous la condition suspensive d'obtention d'une ou plusieurs offres définitives de prêt d'un montant maximum de 680'000 € au plus tard le 31 mai 2019.

Il était encore stipulé :

que les bénéficiaires de la promesse devraient justifier du dépôt de leur(s) demande(s) de prêt et du respect de ses obligations aux termes de la condition suspensive,

qu'à défaut le promettant pourra les mettre en demeure d'en justifier, avec toutes précisions sur les conséquences et suites de cette mise en demeure.

Il était enfin convenu d'une indemnité d'immobilisation d'un montant de 74 900 € devant être versée par les bénéficiaires dans les 20 jours de l'acte à hauteur de moitié pour être séquestrée entre les mains du notaire rédacteur, qui serait acquise au promettant dans le cas où, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, les bénéficiaires ne procéderaient pas l'acquisition dans le délai fixé, outre la seconde moitié de cette indemnité qui leur resterait alors à verser.

Suite à un courriel du notaire en date du 3 juin 2019, les consorts [T] [C] ont justifié d'un refus de prêt portant sur une somme de 740 000 €.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 24 juin 2019, la SCI VIRGULE a, par l'intermédiaire de son conseil, mis les consorts [T] [C] en demeure de justifier de la non réalisation de la condition suspensive.

Ces derniers ont répondu 28 juin 2019 par l'intermédiaire de leur conseil que la promesse de vente était caduque en raison de la défaillance de la condition suspensive d'obtention d'un prêt sans faute de leur part, en joignant des attestations de refus de prêt portant, là encore, sur des demandes de financement à hauteur de 740 000 €.

Ils ont enfin communiqué le 12 novembre 2019 d'autres attestations portant sur des refus de prêt de sommes de 680 000 €.

Par actes des 25 et 26 novembre 2019, la SCI VIRGULE a assigné les consorts [T] [C] devant le tribunal de grande instance de Vienne pour voir :

dire et juger que la condition suspensive est réputée accomplie,

condamner in solidum M. [T] et Mme [C] à lui payer la somme de 74 900 € au titre de l'indemnité d'immobilisation, ainsi que celle de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [T] [C] ont conclu au rejet de la demande en faisant valoir que la promesse de vente était caduque en raison de la non réalisation de la condition suspensive d'obtention du prêt, et qu'ils bénéficiaient de cette condition suspensive dont il n'était pas établi qu'ils aient empêché la réalisation.

Par jugement du 29 avril 2021, le tribunal judiciaire de Vienne a :

condamné solidairement M. [T] et Mme [C] à payer à la SCI VIRGULE la somme principale de 74'900 € au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse de vente, outre intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2019 date de l'assignation,

condamné in solidum M. [T] et Mme [C] aux entiers dépens et à payer à la SCI VIRGULE une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 11 mai 2021, M. [T] et Mme [C] ont interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions n° 3 notifiées le 24 avril 2023, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré, et de :

juger que la promesse de vente est caduque en raison de la non réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un prêt,

juger qu'ils bénéficient de cette condition suspensive dont ils n'ont pas empêché la réalisation,

débouter la SCI VIRGULE de l'intégralité de ses demandes,

la condamner à leur payer :

la somme de 5 000 € à chacun à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

celle, globale, de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir :

que s'ils ont, dans un premier temps, justifié du défaut d'obtention de prêts sollicités à hauteur de 749'000 €, c'est qu'en raison du taux d'intérêt alors très attractif, les banques consultées leur avaient conseillé de déposer des demandes de prêts sur la totalité du prix de vente ce qui leur permettait de conserver leur apport personnel pour la réalisation de quelques travaux d'aménagement,

que s'il est exact que ce n'est qu'en novembre 2019 qu'ils ont justifié de la non-obtention de prêts sollicités en temps utile à hauteur de 680 000 € c'est-à-dire le montant prévu dans la condition suspensive, le dépassement du délai de validité de la promesse à cet égard n'a pas pour effet d'entraîner le bénéfice de l'indemnité d'immobilisation au profit du promettant, mais seulement que ce dernier pourra se prévaloir de la caducité de la promesse,

qu'en réalité, s'ils n'ont pu obtenir d'emprunt, c'est en raison de leur régime matrimonial puisqu'ils étaient, au moment de la signature de la promesse de vente, tous deux mariés sous le régime de la communauté légale et en instance de divorce, et c'est pourquoi ils ont constitué la SCI VALENTINA pour tenter de contourner la difficulté,

que la Société Générale, qui n'était pas légalement tenue de se justifier, à néanmoins indiqué aux termes d'un courriel du 6 mai 2019, que le refus de financement avait été décidé "au vu de la situation matrimoniale des deux emprunteurs (divorces non prononcés) malgré les ordonnances et interventions des conjoints",

que le notaire chargé de la vente était parfaitement informé de cette difficulté puisqu'ils l'ont consulté notamment le 16 mai 2019 afin qu'il informe les banques de la situation et du régime juridique d'une SCI, et qu'il était même chargé d'en déposer les statuts,

que la SCI VIRGULE était tout autant informée de leur situation, puisque leurs conjoints respectifs sont intervenus à la promesse de vente pour régler amiablement, dans leurs rapports entre eux, les conséquences du bénéfice de la promesse et de l'acquisition projetée,

qu'il n'est ainsi établi aucune faute de leur part, qu'ils ont tout fait pour obtenir un financement et parvenir à acquérir le bien,

que la SCI VIRGULE ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les attestations qu'ils produisent seraient de pure complaisance.

Ils ajoutent que la jurisprudence invoquée par l'intimée, aux termes de laquelle ils seraient tenus de justifier des éléments d'information fournis aux banques et qui étaient à l'origine des refus de prêt ne serait pas transposables à l'espèce, dans laquelle les mentions de la condition suspensive ne prévoient pas une telle obligation à leur charge.

Sur la demande subsidiaire en dommages-intérêts fondée sur une prétendue faute, ils font valoir :

que la preuve en incombe à la SCI demanderesse qui s'en prévaut,

qu'il est faux de prétendre qu'ils n'ont pas informé la promettante des difficultés rencontrées,

qu'ils se sont d'ailleurs adressés au notaire instrumentaire qui a suggéré la constitution d'une SCI pour pallier les refus opposés par les banques en lien avec leur situation, ce qui prouve d'ailleurs les difficultés dans lesquelles ils se sont trouvés,

qu'en toute hypothèse, la SCI VIRGULE ne démontre pas en quoi elle aurait subi un préjudice, a fortiori d'un montant exorbitant de 74 900 €,

que si les époux [G], associés de cette SCI, font valoir qu'ils ont dû supporter des frais de déménagement et de location de garde-meuble, il résulte de la chronologie des faits qu'ils ont organisé leur déménagement avant-même d'avoir la certitude que les bénéficiaires de la promesse de vente obtiendraient leur financement, ce qui caractérise une imprudence des vendeurs qui ne leur est pas imputable.

La SCI VIRGULE, par dernières conclusions notifiées le 24 avril 2023, demande :

au principal :

la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, au besoin par substitution de motifs,

subsidiairement :

la condamnation in solidum de M. [T] et Mme [C] à lui payer la somme de 74'900 € à titre de dommages-intérêts,

en toute hypothèse :

le débouté de M. [T] et Mme [C] de leurs demandes, fins et conclusions,

leur condamnation in solidum aux dépens et à leur payer la somme supplémentaire de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

que le tribunal a justement retenu que la réalisation de la condition suspensive avait été empêchée par les bénéficiaires de la promesse,

que les consorts [T] [C] n'ont pas rapporté la preuve qui leur incombe qu'ils avaient sollicité, en temps utile, un financement conforme aux caractéristiques stipulées dans la condition suspensive,

qu'en effet, la plupart des décisions de refus dont il est justifié portent sur un financement dépassant largement celui stipulé dans la condition suspensive,

qu'il n'ont, en outre, pas justifié des éléments communiqués aux banques à l'appui des demandes formées,

que les demandes de prêt dont il est justifié n'ont pas été faites au nom des bénéficiaires de la promesse stipulée à l'acte, mais :

pour celle formée auprès de la BPAURA, au nom de M. [T] seul,

pour toutes les autres, au nom d'une SCI VALENTINA, sans que la SCI promettante soit informée de la substitution alors que celle-ci n'était pas sans conséquence,

que les consorts [T] [C] invoquent en vain leur situation maritale, alors que seule une banque mentionne cette circonstance comme motif de refus,

qu'il s'agissait en toute hypothèse d'un élément connu au jour de la signature de la promesse de vente, que les consorts [T] [C] avaient ou devaient avoir anticipé,

que l'inertie fautive et dommageable des acquéreurs lui a causé un préjudice important en ce qu'elle est une SCI strictement familiale,

que ses associés les époux [G] avaient souscrit trois emprunts immobiliers pour financer son acquisition,

que, par la faute des consorts [T] [C], le bien en cause a été immobilisé pendant 4 mois et demi sans possibilité de trouver un nouvel acquéreur dans ce délai, alors-même que les bénéficiaires ont été informés dès avant le 11 mars 2019, soit trois mois avant la date prévue pour la vente, qu'à l'analyse de leur projet, le retour des banques était défavorable, alors-même qu'ils avaient demandé un capital dépassant largement l'enveloppe de financement stipulée dans la promesse,

que tant le notaire que l'agent immobilier en charge de la vente attestent que, contrairement à ce qui est soutenur par les appelants, ils n'ont jamais été informés par les consorts [T] [C] des difficultés rencontrées jusqu'à l'envoi des mises en demeure, ces derniers ayant au contraire rassuré leur mandante en lui disant que ça allait "être bon",

que d'ailleurs, par échange de messages électroniques du 23 mai 2019, M. [T] répondait à une proposition de M. [G] de conserver pour eux certains équipements de la maison, sans l'informer en rien des difficultés rencontrées et sans demande de report du rendez-vous de signature de la vente fixé 13 jours plus tard.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 9 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale

# sur la demande fondée sur la réalisation de la condition suspensive

Le contrat signé entre les parties le 14 février 2019 prévoyait que la promesse de vente était consentie sous la condition de l'obtention par les bénéficiaires les consorts [T] [C], au plus tard le 31 mai 2019, d'une ou plusieurs offres de prêt d'un montant maximum de 680 000 €.

Il était encore stipulé :

que les bénéficiaires de la promesse devraient justifier du dépôt de leur(s) demande(s) de prêt et du respect de ses obligations aux termes de la condition suspensive,

et se prévaloir, au plus tard à la date ci-dessus, par télécopie ou courrier électronique confirmé par courrier recommandé avec avis de réception adressée au promettant à son domicile élu, du refus de ce ou ces prêts.

qu'à défaut le promettant pourra les mettre en demeure de justifier sous huitaine de la réalisation ou de la défaillance de la condition.

Le contrat prévoyait encore qu'à défaut de réponse et de production des justificatifs prévus passé ce délai de huit jours, la condition serait censée défaillie et la promesse caduque de plein droit, et que le bénéficiaire ne pourrait recouvrer l'indemnité d'immobilisation qu'il aurait, le cas échéant, versée, qu'après justification qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt, et que la condition n'est pas défaillie de son fait.

Il est constant qu'en l'espèce, les consorts [T] [C] n'ont pas, dans les huit jours de la mise en demeure adressée le 24 juin par lettre recommandée du conseil de la SCI VIRGULE, justifié de l'obtention ou du refus de prêts conformes aux conditions de la condition suspensive puisqu'ils ont par courrier du 28 juin 2019, répondu en joignant deux attestations de refus de prêts de la Banque Rhône-Alpes et de la BNP Paribas, celles-ci faisaient suite, selon leurs termes, à des demandes de financement à hauteur de 749 000 €, montant supérieur de plus de 10 % à celui de 680 000 € maximum stipulé dans la condition suspensive.

Cependant, cette inexécution n'a pas eu pour conséquence, selon les termes du contrat qui viennent d'être rappelés, de rendre de facto les consorts [T] [C] débiteurs de l'indemnité d'immobilisation stipulée, mais a mis à leur charge la preuve de ce qu'ils avaient accompli les démarches nécessaires et que la condition n'était pas défaillie de leur fait.

En l'espèce, il ressort des pièces produites :

que si, par courrier du 12 novembre 2019, les consorts [T] [C] ont justifié d'un refus de prêt de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes portant sur une demande de prêt à hauteur de 680 000 €, l'attestation jointe à ce courrier est en date du 12 novembre 2019 et n'atteste pas d'une demande de prêt formé pour ce montant dans le délai contractuel,

qu'en revanche, par deux pièces produites en cause d'appel, numérotées 9 et 10 de leur bordereau de communication de pièces, les consorts [T] [C] justifient de deux refus d'octroi de prêt l'un par la Banque Rhône-Alpes, l'autre par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, le premier suite à une demande de prêt de 680 000 € présentée le 30 avril 2019, le second suite à une demande de prêt de 650 000 € présentées le 5 avril 2019, toutes deux ainsi formées avant le 31 mai 2019 date d'expiration du délai de la condition suspensive, et dans un délai suffisant pour que leur demande puisse être correctement instruite.

En outre, par un courriel du 6 mai 2019 faisant suite à une demande de financement présentée dans le délai contractuel, la Société Générale a répondu au courtier que les consorts [T] [C] avaient mandaté qu'elle ne donnerait pas suite à leur demande en raison 'de la situation matrimoniale des deux emprunteurs (divorces non prononcés) malgré les ordonnances et interventions des conjoints.' (sic)

Il en résulte la preuve suffisante que la condition n'est pas défaillie par la faute des bénéficiaires, et que, dès lors, l'article 1304-3 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer, sans qu'il y ait lieu d'imposer à ces derniers de justifier des pièces qu'ils ont produites à l'appui de leurs demandes de financement.

La SCI VIRGULE ne justifie donc pas de son droit à disposer de l'indemnité d'immobilisation, et le jugement sera infirmé en ce qu'il leur en a alloué le bénéfice.

# sur la demande fondée sur la faute contractuelle des consorts [T] [C]

Il ressort de la chronologie ci-dessus rappelée, ainsi que des écritures des consorts [T] [C] eux-mêmes, que ces derniers ont rencontré de grandes difficultés dans la recherche d'un financement, notamment à cause de leur situation matrimoniale, dès lors qu'ils étaient tous deux en instance de divorce au moment de la signature de la promesse unilatérale de vente.

Si cette situation matrimoniale n'était, certes, pas inconnue de la SCI VIRGULE au moment de la signature de la promesse unilatérale de vente, puisque les conjoints respectifs de M. [T] et de Mme [N]-[C] sont intervenus à cet acte en indiquant accepter que le bien objet de la promesse n'entre pas en communauté, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que la promettante ait eu conscience de la difficulté que pourraient rencontrer les bénéficiaires de la promesse pour obtenir le financement objet de la condition suspensive, étant donné les situations professionnelles de ces derniers, respectivement architecte et chef d'entreprise.

En revanche, les consorts [T] [C] se sont, pour leur part, heurtés très vite à cette difficulté ainsi qu'ils le soulignent, ce qui les a conduits notamment à constituer entre eux la SCI VALENTINA. Pour autant, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'ils auraient, à un quelconque moment avant la date d'échéance de la condition suspensive le 31 mai 2019, informé leur cocontractante de cette difficulté et de l'aléa important affectant, par conséquent, leur recherche de financement. S'ils soutiennent que le notaire chargé de la vente en était informé, ce dernier le dément formellement dans un courrier en date du 4 mai 2020, et la simple circonstance qu'ils aient chargé celui-ci des formalités de constitution de la SCI VALENTINA ne démontre pas qu'ils aient explicitement fait état à ce stade de difficultés d'obtention de prêts.

Ainsi, alors-même qu'ils s'étaient vu successivement refuser des demandes de prêts par au moins trois organismes bancaires à partir du 30 avril 2019, les consorts [T] [C] ne justifient en rien avoir fait part à la SCI promettante de ces difficultés, ayant même domicilié à l'adresse du bien objet de la promesse la SCI VALENTINA qu'ils avaient créée, ce qui a conduit les époux [G] à leur faire suivre à plusieurs reprises les courriers concernant cette société ainsi qu'il résulte de textos des 14, 20 et 31 mai 2019 (captures d'écrans, pièces n° 14-2 de l'intimée) ; en outre, M. [T] a répondu positivement et sans aucune réserve le 23 mai 2019, soit 8 jours seulement avant la date d'expiration de la condition suspensive, à un texto de M. [G] qui lui proposait divers équipements pouvant être laissés dans la maison objet de la promesse.

Par ailleurs, Mme [E], négociatrice immobilière, atteste avoir régulièrement pris contact avec Mme [C] dans les semaines ayant suivi le compromis pour savoir où en était l'avancement de leur dossier de demande de prêt, et s'être vu répondre à chaque fois : 'ça va être bon' (sic).

Enfin, les consorts [T] [C] n'ont pas rempli leur obligation contractuelle de justifier spontanément, à l'expiration du délai de la condition suspensive, du refus ou de l'obtention de prêts, attendant le 12 juin par un appel téléphonique à l'étude du notaire suite à un courriel de ce dernier en date du 3 juin pour l'informer finalement des refus de financement.

Il en résulte une négligence fautive, confinant à la mauvaise foi, des bénéficiaires dans leur obligation d'information loyale du promettant, génératrice pour ce dernier d'un préjudice en ce que, ne disposant d'aucune information de nature à leur faire soupçonner une difficulté des bénéficiaires à obtenir le financement escompté, les époux [G] avaient légitimement préparé leur déménagement de manière à libérer les lieux dès la signature de l'acte authentique dont la date avait été fixée d'un commun accord le 13 juin 2019 ainsi qu'il ressort du courriel du notaire du 3 juin, leur bien étant, pendant cette durée, immobilisé en vain sans qu'ils aient quelque raison de soupçonner un possible échec de la transaction.

Dès lors, la SCI VIRGULE est fondée à réclamer, en réparation de son préjudice résultant du comportement fautif de ses cocontractants, la condamnation de ces derniers à lui payer une indemnité que les éléments du dossier permettent de fixer à 15 000 €.

Sur les demandes accessoires

Les consorts [T] [C], qui succombent principalement en leur appel, devront supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en leur faveur. A fortiori, leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive n'est fondée sur la preuve d'aucun abus du droit d'agir en justice ou d'exercer un recours, et elle sera par conséquent rejetée.

Il est équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCI VIRGULE.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré seulement en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'infirme pour le surplus et, statuant de nouveau et y ajoutant :

Rejette la demande de la SCI VIRGULE en paiement de la somme de 74 900 € au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse de vente en date du 14 février 2019.

Condamne in solidum M. [Y] [T] et Mme [Z] [N] épouse [C] à payer à la SCI VIRGULE :

la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts,

la somme supplémentaire de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne in solidum M. [Y] [T] et Mme [Z] [N] épouse [C] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 21/02201
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;21.02201 ?
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