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20/06/2023 | FRANCE | N°21/02538

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 20 juin 2023, 21/02538


N° RG 21/02538 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K5CC

C3

N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la SELARL LEXIMM AVOCATS







AU NOM DU

PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 20 JUIN 2023







Appel d'un jugement (N° R.G. 20/00558)

rendu par le Tribunal judiciaire de Valence

en date du 08 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 04 juin 2021



APPELANTS :



M. [X] [D]

né le 21 octobre 1940 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité...

N° RG 21/02538 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K5CC

C3

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SELARL LEXIMM AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 20 JUIN 2023

Appel d'un jugement (N° R.G. 20/00558)

rendu par le Tribunal judiciaire de Valence

en date du 08 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 04 juin 2021

APPELANTS :

M. [X] [D]

né le 21 octobre 1940 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 12]

Mme [A] [D]

née le 10 juin 1945 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 12]

représentés par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Caroline CAUZIT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

M. [C] [W]

né le 2 février 1950 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 12]

Mme [O] [K] épouse [W]

née le 8 janvier 1951 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 12]

représentée par Me Gilles RIGOULOT de la SELARL LEXIMM AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR: LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Mme Catherine Clerc, présidente,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

Assistées lors des débats de Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 2 mai 2023, madame [P] a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2023 puis prorogé à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

******

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon acte notarié du 14 février 1978, M. [C] [W] et Mme [O] [K] épouse [W] ont acquis auprès de M. [Z] [M] une parcelle de terrain cadastrée E [Cadastre 9] (devenue AW [Cadastre 3]) d'une contenance de 1530m² sise [Adresse 8] à [Localité 12], sur laquelle ils ont fait édifier leur maison d'habitation.

Après cession à titre gratuit à la commune de [Localité 12] d'une bande terrain d'environ 21,50 m² et à la suite du dernier remaniement cadastral de 1995, la contenance de la parcelle de M. et Mme [W] s'établit désormais à 1490 m².

Selon acte notarié du 12 février 2003, M. [X]-[D] et Mme [A] [V] épouse [D] ont acquis auprès des consorts [B] une parcelle de terrain avec maison d'habitation, cadastrée AW [Cadastre 6] pour une contenance de 5 ares 44 centiares, sise [Adresse 7] à [Localité 12], cadastrée AW [Cadastre 6], ainsi que le tiers indivis de la parcelle AW [Cadastre 4] formant la voie d'accès à leur propriété.

M. et Mme [D] ont obtenu en 2004 un permis de construire afin de réaliser une extension pour la création d'un garage en limite de la propriété de M. et Mme [W].

Les parcelles AW [Cadastre 3] et AW [Cadastre 6] sont issues de la division successive d'une seule parcelle E [Cadastre 1] propriété de M. [M].

Les parcelles AW [Cadastre 3] et AW [Cadastre 6] étaient séparées depuis 1979 par un muret avec piquets et grillage et une clôture grillagée bordée d'une haie de poiriers remplacée par une haie de cyprès en 1988. Les fondations de ce muret / clôture avaient été réalisées en 1979 par M. et Mme [W] sur leur terrain, donc en retrait de la ligne divisoire du fonds contigu alors cadastré E[Cadastre 10] (devenu AW [Cadastre 6]) à la suite du désaccord de l'ancien propriétaire de ce fonds de contribuer aux travaux de construction.

En octobre 2003, la déclaration de travaux déposée par M. et Mme [W] pour rehausser une partie de la clôture située au sud/ est de leur propriété a fait l'objet d'un avis favorable du maire de la commune. Ces travaux consistaient à rehausser le muret existant sur une longueur de 44 mètres tout en conservant la partie grillagée bordée de végétaux sur une longueur de 26,35 mètres.

En 2010, la partie grillagée bordée de végétaux et la partie restante de muret avec grillage ont été remplacées par un mur'; M. et Mme [D] ont payé 180€ (achat de sable et de fers à béton).

M. et Mme [W] ont construit au cours des années 2014/2015 une cuisine d'été en limite sud de leur propriété en appui sur le mur édifié en 2010, en bordure de la propriété [D].

Depuis cette construction, un litige s'est élevé entre les deux couples, M. et Mme [D] soutenant que le mur sur lequel s'appuie cette cuisine d'été est mitoyen, M. et Mme [W] affirmant en être les propriétaires.

Par assignation du 14 avril 2016, M. et Mme [D] ont assigné M. et Mme [W] devant le tribunal d'instance de Valence en bornage des parcelles AW [Cadastre 4] et [Cadastre 6] d'une part, et AW [Cadastre 3] et [Cadastre 6] d'autre part.

Par jugement du 6 septembre 2017, cette juridiction a constaté le désistement des demandeurs à l'égard du bornage de la parcelle AW[Cadastre 4] et a ordonné une expertise confiée à M. [F] pour le bornage des parcelles AW [Cadastre 3] et [Cadastre 6].

L'expert a déposé son rapport définitif le 22 février 2019.

Par jugement du 23 octobre 2019, le tribunal d'instance de Valence a notamment ordonné le bornage des parcelles AW [Cadastre 3] et [Cadastre 6] en fixant les limites de propriété par la ligne passant par les points ABC du plan au 1/250 annexé à l'expertise, désigné M. [F] pour procéder à l'apposition des bornes et dresser le procès-verbal de bornage, et renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Valence pour qu'il soit statué sur la nature juridique du mur séparant les parcelles AW [Cadastre 3] et [Cadastre 6].

Par jugement contradictoire du 8 avril 2021, le tribunal de grande instance précité, devenu tribunal judiciaire a':

dit que M. et Mme [W] sont seuls propriétaires du mur séparant les parcelles AW [Cadastre 3] et [Cadastre 6] dans la portion comprise entre les points A et B figurant au plan au 1/250 annexé au rapport de M. [F] du 22 février 2019,

dit que le mur séparant les parcelles AW [Cadastre 3] et [Cadastre 6] est mitoyen dans sa portion comprise entre les points B et C figurant au plan au 1/250 annexé au rapport de M. [F] du 22 février 2019,

condamné M. et Mme [D] à verser à M. et Mme [W] la somme de 1.500€ à titre de dommages et intérêts, outre celle de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toute prétention plus ample ou contraire des parties,

condamné M. et Mme [D] aux dépens exposés au cours de l'instance devant le tribunal de grande instance de Valence, devenu le tribunal judiciaire de Valence.

Cette juridiction a retenu en substance :

s'agissant de la portion de mur entre les points A et B, la présomption de mitoyenneté devait être écartée dès lors que,

le mur litigieux entre les points A et B est situé uniquement sur la propriété AW [Cadastre 3] de M. et Mme [W] , en retrait de la limite de propriété, comme elle avait été construite en 1979 à la suite du refus de leur voisin de construire une clôture mitoyenne,

M. et Mme [D] sont mal fondés à exciper des dispositions de l'article 655 du code civil pour dire que ce mur a été édifié à frais communs au motif qu'ils ont payé 180€ de fournitures lors de la réhausse de cette partie de mur après abattage de la haie et dépose des piquets et grillage de la clôture existante, car la clôture ainsi modifiée n'avait pas de caractère mitoyen dès son origine en 1979,

le mur entre les points A et B étant construit en retrait de la ligne séparative des deux fonds, la cession de la mitoyenneté ne peut être réclamée et obtenue au visa de l'article 661 du code civil,

la présence de tuiles plates sur le mur de clôture qui ont été cassées par M. [W] au moment de la construction de sa cuisine d'été n'est pas de nature à établir, à elle-seule, la mitoyenneté,

les piliers du portail de M. et Mme [D] ont été implantés en 1989 par M. [R], précédent propriétaire de la parcelle E [Cadastre 2] devenue AW [Cadastre 6], qui a en attesté en précisant les avoir posés à l'intérieur de la parcelle E [Cadastre 2] en s'adossant contre le mur [W], côté nord'; il n'y a donc pas d'implantation du mur litigieux au niveau du portail [D] à cheval sur les parcelles W [Cadastre 3] et [Cadastre 6],

s'agissant de la portion du mur entre les points B et C,

celle-ci est mitoyenne car déportée de trois centimètres dans la propriété [W] et «'ceux-ci'» (comprendre M. et Mme [D]) en ont acquis la mitoyenneté en participant financièrement à sa construction après dépose des piquets et du grillage de la clôture initiale.

Par déclaration du 4 juin 2021, M. et Mme [D] ont relevé appel de l'intégralité du jugement.

Dans leurs dernières conclusions n°2 déposées le 23 février 2022 sur le fondement des articles 653 et suivants du code civil, M. et Mme [D] demandent à la cour de':

infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

a dit que les époux [W] étaient seuls propriétaires du mur séparant les parcelles cadastrées section AW n°[Cadastre 3] et [Cadastre 6] dans la portion comprise entre les points A et B figurant au plan 1/250 annexé au rapport de l'expert [F] en date du 22 février 2019,

les a condamnés à verser aux époux [W] la somme de 1.500€ à titre de dommages et intérêts, et celle de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

a rejeté toute prétention plus amples ou contraire des parties,

les a condamnés aux dépens exposés au cours de l'instance devant le tribunal de grande instance de Valence, devenu le tribunal judiciaire de Valence,

confirmer le jugement sur le surplus,

statuant à nouveau

juger que le mur séparant les parcelles cadastrées section AW n°[Cadastre 3] et [Cadastre 6] est mitoyen dans sa portion comprise entre les points A et C figurant au plan 1/250 annexé au rapport de l'expert [F] en date du 22 février, de sorte que le mur séparant ces parcelles est mitoyen sur l'ensemble de sa longueur,

débouter M. et Mme [W] de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

condamner M. et Mme [W] à leur payer la somme de 2.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens d'instance, distraits au profit de Me Grimaud, avocat sur son affirmation de droit.

Au soutien de leur appel, ils font valoir en substance que':

le caractère mitoyen du mur sur toute sa longueur entre A et C résulte de la présomption de mitoyenneté posée par l'article 653 du code de procédure civile, et leur titre de propriété ne prévoit aucune clause ou disposition particulière concernant le caractère privatif du mur de clôture avec leur parcelle AW [Cadastre 6],

il existe des indices de mitoyenneté, à savoir

qu'en 2010, le mur a été rehaussé d'un commun accord entre les parties, sur la longueur partant de leur portail jusqu'à leur extension, puis de celle-ci jusqu'à la limite ouest des deux propriétés,

qu'ils ont participé financièrement à ces travaux et pas seulement sur la portion comprise entre les points B et C,

que le permis de construire avait été accordé en 1979 à M. et Mme [W] pour la construction d'une clôture mitoyenne, et ceux-ci ne peuvent pas soutenir qu'elle a toujours été implantée chez eux sur la foi de leurs propres déclarations,

qu'à l'origine, le mur en cause était surplombé par des tuiles dépassant sur les deux parcelles, peu important que ces tuiles aient été plates'; celles débordant sur leur parcelle ayant été détruites par M. [W] sans leur accord lorsqu'il a construit sa cuisine d'été, afin de revendiquer la propriété de ce mur séparatif,

que le pilier de leur portail est ancré dans le mur séparatif ainsi qu'en atteste la demande de permis de construire qui certes n'est pas l'original mais qu'ils n'ont pas falsifiée contrairement aux allégations des parties adverses, s'étant limités à l'annoter pour les besoins de leur démonstration' et le mur litigieux est donc bien à cheval entre les parcelles AW [Cadastre 6] et [Cadastre 3] ainsi qu'en atteste le fait qu'il existe un décalage de «'7'» centimètres au niveau du portail résultant de la distance entre ce mur et le pilier (3,45m entre le mur et ce pilier au lieu de 3,50m),

la mitoyenneté s'applique sur toute la longueur du mur, donc aussi sur la portion entre les points A et B , ce mur ayant été construit d'un seul tenant, les fondations qui supportaient les piquets étant dans le même alignement, peu important que cette portion soit recouverte de tuiles en pente du côté [W] car à l'origine il y avait également des tuiles du côté de leur propriété avant que M. [W] les détruise,

la diminution de la superficie de la propriété [W] de 1530m² à 1490 m² s'explique par le partage et la mitoyenneté des murs,

ils ont été condamnés à tort au paiement de dommages et intérêts alors qu'ils sont eux-mêmes victimes des agissements malveillants de M. et Mme [W].

Dans leurs dernières conclusions n°2 déposées le 31 mars 2022 au visa des articles 646 et 1240 du code civil, M. et Mme [W] demandent que la cour':

à titre principal,

confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit qu'ils sont seuls propriétaires du mur séparant les parcelles cadastrées section AW n°[Cadastre 3] et [Cadastre 6] dans sa portion comprise entre les points A et B, figurant au plan 1/250 annexé au rapport de l'expert [F] en date du 22 février 2019,

réforme le même jugement en ce qu'il a':

dit que le mur séparant les parcelles cadastrées section AW n°[Cadastre 3] et [Cadastre 6] est mitoyen dans sa portion comprise entre les points B et C figurant au plan 1/250 annexé au rapport de l'expert [F] en date du 22 février 2019

condamné les époux [D] à leur verser la somme de 1.500€ au titre des dommages-intérêts,

juger recevable leur appel incident,

juger qu'ils sont seuls propriétaires du mur séparant les parcelles AW n°[Cadastre 3] et AW n°[Cadastre 6] dans sa portion B et C,

condamner M. et Mme [D] à leur verser

la somme de 10.000€ au titre de dommages et intérêts en application de l'article 1240 du code civil,

la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. et Mme [D] aux dépens,

à titre subsidiaire, confirme le jugement en date du 8 avril 2021.

Les intimés répondent en substance que':

il n'existe pas d'indices de mitoyenneté, car

les frais engagés par M. et Mme [D] ne correspondent pas à leur participation dans la construction du mur mais étaient destinés à les dédommager (les intimés) de l'abattage de leur haie et de la dépose de la clôture existante qui leur avaient été demandés par ceux-ci afin qu'ils puissent effectuer leurs travaux de construction,

le mur initial avait été construit par eux-mêmes en retrait de la ligne divisoire, le projet de clôture mitoyenne n'ayant pas abouti, et a été rehaussé à partir des fondations existantes, et les tuiles plates qui le recouvraient ne démontrent pas son caractère mitoyen,

la diminution de la surface de leur propriété ne s'explique pas par le partage de la propriété du mur mais résulte de la cession gratuite d'une bande de terrain à la commune dans le cadre de la procédure d'alignement et du remaniement cadastral de 1995'; d'ailleurs, la contenance de la propriété [D] n'a pas évolué entre 1984 et 2019 (largeur de 23 m à l'est et de 23 m à l'ouest selon le document d'arpentage du 10 janvier 1984),

l'élargissement des fondations et le doublement d'épaisseur du muret existant ont été réalisés dans leur propriété,

ils ont entretenu le mur (entre les points A B) pendant plus de trente ans , depuis sa construction en 1979,

ils subissent moult désagréments et voies de fait de la part de M. et Mme [D] qui justifient les dommages et intérêts réclamés en réparation de leur préjudice moral et du caractère dilatoire de leur action en revendication de mitoyenneté.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2023.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes, mais également qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Sur ce dernier point, la cour n'est donc pas saisie de la demande de M. et Mme [D] tendant à voir juger irrecevable l'appel incident formé par M. et Mme [W] sur les dommages et intérêts, cette prétention n'ayant pas été reprise dans le dispositif de leurs dernières écritures d'appel déposées le 23 février 2022.

Il est précisé que seule est en litige la nature juridique du mur situé entre les points A et C, la portion du mur située au sud-est ayant fait l'objet des travaux de rehaussement en 2003 étant la propriété indiscutée de M. et Mme [W].

Sur la nature juridique du mur entre les points A à B

Il est vérifié par les pièces du dossier que M. et Mme [W] ont à l'époque de la construction du mur séparatif des deux propriétés en 1979, obtenu un permis de construire une clôture mitoyenne entre leur parcelle et la parcelle E [Cadastre 10] (celle qui allait devenir celle de M. et Mme [D]) '; pour autant, ils n'ont pas construit cet ouvrage mitoyen mais l'ont implanté en retrait, sur leur terrain en raison du refus du propriétaire de la parcelle E [Cadastre 10] de confirmer son accord pour un mur mitoyen ; ils justifient en avoir informé par courrier le directeur de l'équipement le 6 août 1979 ainsi que le maire de la commune de [Localité 12] par courrier du 21 août 1979.

Cette construction concernait toute la longueur de la propriété côté sud/ ouest de M. et Mme [W], donc l'actuelle portion comprise entre les points A et B.

Lors des opérations de bornage, il a été constaté que les fondations de cet ouvrage séparatif étaient implantées sur la parcelle AW [Cadastre 5] de M. et Mme [W], en retrait de la ligne séparative des deux parcelles en cause, circonstance démontrant le caractère privatif de celui-ci.

C'est donc à tort que M. et Mme [D] dénient toute valeur probante au courrier adressé au maire le 21 août 1979 au motif que M. [W] ne peut attester pour lui-même, cette pièce qui n'est pas une attestation, étant adressée à un tiers et étant corroborée dans les faits par les constatations de l'expert en charge des opérations de bornage.

Compte tenu de cette implantation en parcelle AW [Cadastre 3], M.et Mme [D] sont mal fondés à exciper des dispositions de l'article 655 du code civil en se prévalant du fait qu'ils ont payé une somme de 180€ (et quelques centimes) pour l'achat de sable et de fer à béton pour édifier le mur séparatif après l'arrachage de la haie de cyprès et la dépose des piquets et grillage du muret existant'par M. et Mme [W] ; en effet, comme justement retenu par le premier juge, ce texte n'a pas vocation à s'appliquer dès lors qu'il ne s'agissait pas de réparer ou de reconstruire un mur mitoyen'; en outre, les travaux ont été réalisés sur les fondations existantes qui étaient implantées en retrait sur la parcelle de M. et Mme [W]'; en réalité, cette participation financière, au demeurant modique, doit s'analyser comme pertinemment objecté par M. et Mme [W], en une indemnisation des prestations qu'ils ont réalisées (arrachage de leur haie et démolition de leur grillage et de leurs poteaux) afin de favoriser la réalisation de travaux par M. et Mme [D].

Ensuite, s'agissant des tuiles surplombant cette portion de mur, il ne peut qu'être constaté que celles-ci étaient posées sur un mur privatif à M. et Mme [W] et qu'au surplus, les photographies produites par M. et Mme [D] montrant un homme, dont il n'est pas contesté par les intimés qu'il s'agit de M. [W], en train de casser des tuiles posées au sommet du mur n'établissent pas que ces tuiles présentaient un plan incliné du côté de la propriété [D]'; ainsi lesdites tuiles sont au contraire un signe de non-mitoyenneté au sens de l'article 654 du code civil.

S'agissant du pilier du portail de M. et Mme [D], ceux-ci sont mal fondés à soutenir qu'il est ancré dans le mur séparatif, et qu'il constituerait un signe de mitoyenneté'; en effet, il est clairement établi par l'attestation de l'ancien propriétaire de leur parcelle, M. [R], que celui-ci avait installé en 1989 les piliers de son portail sur sa parcelle, en s'adossant sur le mur côté nord de M. et Mme [W]'; en aucun cas, il n'a fait état d'un encastrement de ce pilier dans le mur séparatif et le premier juge a exactement écarté comme non probante la pièce 6 (12 en appel) communiquée par M. et Mme [D] correspondant à un document daté du 5 mars 2004 faisant partie du dossier de demande de permis de construire pour la création de leur garage, document communiqué sur lequel ils avaient dessiné eux-mêmes ce pilier en l'encastrant dans ledit mur pour les besoins du procès, alors même que le document en question figurant au dossier de demande de permis de construire était vierge de tout croquis de ce genre.

En tout état de cause, il n'est pas soutenu et a fortiori démontré par M. et Mme [D] qu'ils ont déplacé ce pilier installé depuis 1989 pour l'encastrer dans le mur séparatif litigieux'; et le simple fait qu'il soit adossé audit mur dont la nature privative est soutenue n'est pas un mode d'acquisition de la mitoyenneté mais une entreprise de fait de nature à engager la responsabilité de son auteur, les appelants ne se prévalant pas au surplus de l'usucapion.

Par ailleurs, le décalage constaté au niveau du portail de l'ordre de 5 centimètres a été imputé par l'expert judiciaire, non pas à l'implantation du mur litigieux qui ne se trouve pas à cheval sur les parcelles AW [Cadastre 3] et AW [Cadastre 6] comme soutenu par M. et Mme [D] et qui n'a pas bougé, mais à la mauvaise implantation de la construction édifiée au sud (comprendre celle figurant sur la parcelle AW [Cadastre 5]) qui ne respecte pas la distance d'implantation.

M. et Mme [D] ne sont pas davantage fondés à soutenir que la diminution de surface de la parcelle AW [Cadastre 3], à savoir initialement 1530m² et désormais 1490 m², est la conséquence du partage et de la propriété des murs et donc leur mitoyenneté avec les parcelles voisines donc au sud celle qui leur appartient', soulignant que M. et Mme [W] n'ont pas contesté devant l'expert que le mur nord de leur propriété était mitoyen, et les intimés de conclure'«'il en est donc de même au sud, avec la parcelle AW[Cadastre 6]'».

Outre que la mitoyenneté du mur situé au nord de la propriété [W] est étrangère au litige, cette diminution de surface trouve son explication dans des événements étrangers à la nature juridique du mur litigieux, à savoir l'abandon par M. et Mme [W] d'une parcelle de terrain à la commune pour les besoins d'alignement et le remaniement du plan cadastral'; cette explication est d'autant plus exacte que parallèlement la surface de la parcelle AW [Cadastre 6] n'a pas évolué depuis le document d'arpentage de 1983, ce qui n'aurait pas dû être le cas si la mitoyenneté du mur en cause avait été effective, la propriété de M. et Mme [D] devant alors s'accroître proportionnellement à la diminution de contenance de la parcelle AW [Cadastre 3].

Enfin, il est en tant que de besoin relevé que les appelants ne motivent plus à hauteur d'appel des prétentions sur le fondement de l'article 661 du code civil dont ils avaient été déboutés en première instance par de justes motifs.

Sans plus ample discussion, ces seules constatations et considérations conduisent à confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit M. et Mme [W] propriétaires de la partie du mur comprise entre les points A et B, la présomption légale de mitoyenneté édictée par l'article 653 du code civil à l'égard de l'ouvrage séparatif litigieux étant écartée en l'absence de marques de mitoyenneté et par la prescription trentenaire dont se prévalent à bon droit les intimés à l'égard de cet ouvrage édifié par leurs soins depuis 1979.

Sur la nature juridique du mur entre les points B et C

Cette partie de mur est située, d'après le bornage dans la droite ligne des points A, B et C.

Il est rappelé à cet égard que les fondations de ce mur ont été édifiées en 1979 par M. et Mme [W] en même temps que celles de l'autre partie du mur, sur leur propriété,'en retrait de la ligne séparative.

Il en résulte que même à considérer que M. et Mme [D] ont financé également par leur versement de 180€ (et quelques centimes) la construction de ce mur, ils ne peuvent utilement s'en prévaloir compte tenu de l'absence de mitoyenneté de ces fondations.

En effet, les travaux d'édification du mur sur cette ligne B-C ont été réalisés sur les fondations existantes situées dans la propriété [W], le déport de 3 centimètres relevé par l'expert sur la propriété [W] s'expliquant par l'utilisation de moellons de 20 centimètres et non de 15 centimètres comme les murs plus anciens situés à l'est des constructions de M. et Mme [D].

Dès lors, elle est également privative à M. et Mme [W] et ce d'autant qu'elle comporte un signe de non-mitoyenneté, à savoir l'existence en surplomb de tuiles en pente vers leur propriété ainsi qu'en atteste la photographie dans le rapport d'expertise judiciaire de M'.[F]. Il en résulte que même à considérer que M. et Mme [D] ont financé également par leur versement de 180€ (et quelques centimes) la construction de ce mur, ils ne peuvent utilement s'en prévaloir compte tenu de l'absence de mitoyenneté du mur.

Le jugement déféré est en conséquence infirmé sur ce point.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Les dommages et intérêts alloués par le premier juge à M. et Mme [W] sont confirmés comme étant justifiés tout à la fois sans leur principe, eu égard aux agissements de M. et Mme [D] rappelés par le premier juge, et dans leur quantum eu égard aux préjudices matériel et moral qui s'en sont suivis pour les intimés.

Sur les mesures accessoires

Parties perdantes, M. et Mme [D] sont condamnés aux dépens d'appel et conservent leur frais irrépétibles exposés devant la cour'; ils sont condamnés à verser à M. et Mme [W] une indemnité pour l'instance d'appel.

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions relatives aux mesures accessoires.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions concernant la portion de mur entre les points B et C,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et ajoutant,

Dit que M. [C] [W] et Mme [O] [K] épouse [W] sont seuls propriétaires du mur séparant les parcelles AW [Cadastre 3] et AW [Cadastre 6] dans la portion comprise entre les points B et C figurant au plan au 1/250 annexé au rapport de M. [F] du 22 février 2019,

Condamne M. [X]-[D] et Mme [A] [V] épouse [D] à verser à M. [C] [W] et Mme [O] [K] épouse [W] une indemnité de 3000€ pour la procédure d'appel,

Déboute M. [X]-[D] et Mme [A] [V] épouse [D] de leur réclamation présentée en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [X]-[D] et Mme [A] [V] épouse [D] aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 21/02538
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;21.02538 ?
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