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20/06/2023 | FRANCE | N°21/01461

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 20 juin 2023, 21/01461


N° RG 21/01461 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KZUK

C1

N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



la SELAS CABINET CHAMPAUZAC



Me Orianne PARET







AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS>


COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 20 JUIN 2023





Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/00778)

rendu par le Tribunal judiciaire de Valence

en date du 04 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 26 mars 2021







APPELANT :



M. [N] [T]

né le 24 septembre 1944 au [Localité 25]

de nationalité Française

[Adresse 19]

[Localité 18]



représen...

N° RG 21/01461 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KZUK

C1

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELAS CABINET CHAMPAUZAC

Me Orianne PARET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 20 JUIN 2023

Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/00778)

rendu par le Tribunal judiciaire de Valence

en date du 04 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 26 mars 2021

APPELANT :

M. [N] [T]

né le 24 septembre 1944 au [Localité 25]

de nationalité Française

[Adresse 19]

[Localité 18]

représenté et plaidant par par Me Didier CHAMPAUZAC de la SELAS CABINET CHAMPAUZAC, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE :

Mme [V] [T] épouse [R]

née le 26 janvier 1947 à [Localité 24]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 22]

représentée et plaidant par Me Orianne PARET, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Mme Catherine Clerc, présidente,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

Assistées lors des débats de Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 2 mai 2023, Madame Lamoine, conseiller, a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte notarié du 2 octobre 1988, les époux [H] [T] et [H] [E] ont procédé à une donation partage de la nue propriété de divers biens immobiliers à leurs cinq enfants, [M], [N], [V] (épouse [R]), [J] (épouse [D]) et [O].

En particulier, ils ont donné en nue-propriété les parcelles suivantes, lieu-dit "[Adresse 21]" à [Localité 22] (26), aux enfants suivants :

à M. [N] [T] les parcelles alors cadastrées section BD n° [Cadastre 5] et [Cadastre 7],

à Mme [V] [T] épouse [R] les parcelles alors cadastrées section BD n° [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], ces deux dernières constituant un chemin d'accès,

à Mme [J] [T] épouse [D] les parcelles alors cadastrées section BD n° [Cadastre 6] et [Cadastre 8].

Mme [V] [T] épouse [R] et M. [M] [T] ont, en outre, reçu en nue-propriété, divers droits sur la maison familiale alors habitée par les parents donateurs et sur le terrain attenant, constituant la parcelle cadastrée BD n° [Cadastre 1].

L'acte de donation partage contenait, sous l'intitulé "SERVITUDE DE NON-AEDIFICANDI", une clause aux termes de laquelle, "afin de garder une certaine homogénéité dans les constructions qui pourront être faites dans les lots attribués à [J] [T] épouse [D] et [N] [T], une servitude de non aedificandi sera établie sur chacun des lots à l'identique du lot contigu vendu à M. [C] (...) c'est-à-dire une servitude de non aedificandi de cinq mètres autour des lots, servitude portée à dix mètres le long de la parcelle de 6,50 M de large et de 154,70 M de longueur (...) ; en conséquence, une seule construction pourra être établie sur les parcelles [Cadastre 6] (...) et [Cadastre 8] (...) attribuée à Madame [D] et sur les parcelles [Cadastre 5] (...) et [Cadastre 7] (...) attribuées à [N] [T]".

Après subdivision des parcelles attribuées à M. [N] [T], ce dernier a cédé à Mme [L] une partie de celles-ci, prises sur les anciennes parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 7] et nouvellement numérotées BD n° [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 16] et [Cadastre 17], sur lesquelles Mme [L] a fait construire une maison d'habitation.

Projetant de construire une maison d'habitation sur les parcelles restantes numérotées section BD n° [Cadastre 11], [Cadastre 14] et [Cadastre 15], M. [N] [T] a déposé une demande de permis de construire, qui a été acceptée le 23 mars 2017 et à laquelle Mme [V] [T] épouse [R] a manifesté son opposition notamment en écrivant à la présidente de la Chambre départementale des notaires le 28 décembre 2017, en faisant valoir que ce projet contrevenait aux clauses de l'acte de donation partage par l'édification d'une seconde construction sur le lot attribué à son frère [N].

Par acte du 14 mars 2019, M. [N] [T] a assigné Mme [V] [T] épouse [R] devant le tribunal de grande instance de Valence pour voir :

juger que les parcelles cadastrées BD n° [Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 11] dont il est propriétaire ne sont grevées d'aucune servitude de non aedificandi, au profit du fonds appartenant à Mme [V] [T] épouse [R]

l'autoriser ainsi que ses ayant droits successifs à réaliser les travaux de construction d'une maison et d'un garage sur le dit terrain, tels que décrits dans les plans annexés au dossier de permis de construire accordé le 23 mars 2017,

condamner Mme [V] [T] épouse [R] à lui payer des dommages-intérêts ainsi qu'une indemnité de procédure.

Par jugement du 4 mars 2021, le tribunal judiciaire de Valence a :

débouté M. [N] [T] de ses demandes, fins et prétentions,

dit que ce dernier ne pourra édifier une construction nouvelle sur les parcelles cadastrées B n° [Cadastre 14],[Cadastre 9] et [Cadastre 11] sises à [Localité 22] [Adresse 23],

débouté Mme [V] [T] épouse [R] de sa demande de dommages-intérêts,

condamné M. [N] [T] aux dépens et à payer à Mme [V] [T] épouse [R] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration au greffe en date du 26 mars 2021, M. [N] [T] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives n° 4 notifiées le 21 avril 2023, il demande à la cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau, de :

juger que les parcelles cadastrées BD n° [Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 11] qui sont sa propriété ne sont grevées d'aucune servitude de non aedificandi, au profit du fonds appartenant à Mme [V] [T] épouse [R],

l'autoriser ainsi que ses ayant droits successifs à réaliser les travaux de construction d'une maison et d'un garage sur le terrain correspondant à ces parcelles, tels que décrits dans les plans annexés au dossier de permis de construire accordé le 23 mars 2017 par le maire de la commune de [Localité 22],

condamner Mme [V] [T] épouse [R] à lui payer la somme de 15'000 € à titre de dommages-intérêts, ainsi que celle de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir :

que la servitude non aedificandi stipulée à l'acte de donation partage n'a pas été établie, selon ses termes, au profit des parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 4] propriétés de Mme [V] [T] épouse [R] qui n'a pas la qualité de fonds dominant, le dit fonds n'étant pas mentionné dans la clause établissant cette servitude,

que d'ailleurs Mme [V] [T] épouse [R] ne s'y est pas trompée puisque, dans son courrier adressé à la chambre des notaires puis dans ses écritures de première instance, elle a mentionné qu'elle ne s'était jamais prévalue d'une servitude non aedificandi à son profit,

que si, comme l'a considéré le tribunal, les mentions de la clause sont sur ce point imprécises ou équivoques, elles doivent être interprétées en faveur du débiteur de l'obligation et non pas l'inverse comme il l'a jugé à tort,

que les mentions de cette clause ne peuvent a fortiori être modifiées pour aggraver la servitude en limitant son droit de propriété sans son accord,

qu'il s'agissait en réalité d'un droit personnel et non réel, qui s'est donc éteint au décès des donateurs soit en 2002 s'agissant de leur père [H] [T], et en 2015 s'agissant de leur mère [H] [T],

que, dans le cas contraire, la clause de servitude grèverait également la parcelle cadastrée BD [Cadastre 20] attribuée à leur frère [M] [T],

que la mention selon laquelle "une seule construction pourra être établie" :

d'une part ne constitue pas une interdiction,

a fortiori ne constitue pas une interdiction de construire un ou plusieurs logements,

ne signifie pas davantage l'interdiction de construire un logement sur la parcelle [Cadastre 5] et un autre sur la parcelle [Cadastre 6],

qu'en toute hypothèse, la construction projetée par lui et pour laquelle il a obtenu un permis de construire comporte une liaison architecturale avec la maison déjà édifiée par Mme [L], de sorte qu'ils forment, en raison des liens physiques entre eux, une seule et unique construction,

que d'ailleurs, les parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 8] attribuées à leur soeur [J] ont aussi fait l'objet de la construction de deux maisons reliées entre elles, ce à quoi Mme [V] [T] épouse [R] n'a rien trouvé à redire et lui a même demandé, par courrier du 28 octobre 2016, de se conformer au projet réalisé par leur soeur [J],

qu'en l'absence de désignation, dans la clause de servitude, du fonds dominant, celui qui s'en prévaut doit en rapporter la preuve par titre, ce que Mme [V] [T] épouse [R] ne fait pas, ses parcelles n'étant pas mentionnées à l'acte comme fonds dominant.

Mme [V] [T] épouse [R], par dernières conclusions n° 2 notifiées le 3 avril 2023, demande la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande encore :

qu'il soit jugé que les parcelles cadastrées BD n° [Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 11] sont grevées d'une servitude non aedificandi au profit du fonds lui appartenant,

la condamnation de M. [N] [T] aux entiers dépens et à lui payer la somme supplémentaire de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

que la clause de servitude non aedificandi stipulée dans l'acte de donation partage ne souffre aucune interprétation possible,

qu'elle est suffisamment claire et non équivoque,

qu'elle prévoit ainsi clairement qu'une seule construction pourra être édifiée sur chacun des lots attribués à [Localité 22] d'une part à son frère [N], d'autre part à sa soeur [J],

que Monsieur [H] [T] a d'ailleurs réalisé des dessins avec une construction sur chaque terrain en respectant les zones non aedificandi autour des lots contigus dont celui qui lui a été attribué dans l'acte,

que le tribunal a justement recherché cette commune volonté des parties, sans dénaturer l'acte et sans l'interpréter dès lors qu'il n'était pas équivoque, et sans favoriser le débiteur de l'obligation en l'absence de doute,

qu'en réalité, M. [N] [T] cherche à réaliser un maximum d'opérations immobilières, en particulier sur d'autres lots que ceux concernés, au mépris, en l'espèce, de l'intention commune des copartageants.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 28 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale

# sur la nature de l'obligation non aedificandi stipulée dans l'acte de partage

La clause de l'acte de donation partage restreignant le droit de construire est ainsi rédigée en page 14, sous l'intitulé : "SERVITUDE DE NON AEDIFICANDI" :

"afin de garder une certaine homogénéité dans les constructions qui pourront être faites dans les lots attribués à [J] [T] épouse [D] et [N] [T], une servitude de non aedificandi sera établie sur chacun des lots à l'identique du lot contigu vendu à M. [C] le 13 juillet 1979, c'est-à-dire une servitude de non aedificandi de cinq mètres autour des lots, servitude portée à dix mètres le long de la parcelle de 6,50 M de large et de 154,70 M de longueur, face à la maison des donateurs ; en conséquence, une seule construction pourra être établie sur les parcelles [Cadastre 6] d'une contenance de (...) et [Cadastre 8] d'une contenance de (...) attribuée à Madame [D] et sur les parcelles [Cadastre 5] d'une contenance de (...) et [Cadastre 7] d'une contenance de (...) attribuées à [N] [T]" (NB les contenances des parcelles, non discutées, ne sont pas rappelées ici pour plus de clarté).

Elle est suivie de la mention manuscrite suivante, non approuvée en marge :

"Fonds servant : BD [Cadastre 6]-[Cadastre 8]-[Cadastre 5]-[Cadastre 7],

"Fonds dominant : BD [Cadastre 6]-[Cadastre 8]-[Cadastre 5]-[Cadastre 7]".

M. [N] [T], appelant, soutient tout d'abord qu'il s'agirait d'une obligation non pas réelle mais personnelle, stipulée en faveur des seuls donateurs c'est-à-dire les père et mère des parties [H] [T] et [H] [E] épouse [T], et qui se serait donc éteinte avec le décès de ces derniers.

Pour qu'une obligation soit personnelle, il faut qu'elle ait été établie à la charge d'une personne et en faveur d'une autre personne. A l'inverse pour qu'une obligation constitue une servitude, charge réelle ainsi que la définit l'article 686 du code civil, il faut qu'elle soit établie à la charge d'un fonds et au profit d'un autre fonds.

En l'espèce, l'obligation est intitulée par trois fois "servitude" dans l'acte de donation, et elle pèse de façon expresse non pas sur des personnes mais sur des fonds, puisque l'interdiction de construire dans une certaine limite depuis les parcelles servant de chemin concerne les "lots" attribués à M. [N] [T] et à Mme [J] [T] épouse [D] et non leurs propriétaires, et que la restriction à une seule construction s'applique expressément aux parcelles cadastrées [Cadastre 6] et [Cadastre 8] d'une part, et [Cadastre 5] et [Cadastre 7] d'autre part, même s'il est précisé à quel copartageant l'acte attribue chacune d'elle. Les fonds servants sont ainsi clairement identifiés.

S'agissant des fonds dominants, la mention manuscrite ajoutée ne peut valoir élément de preuve en ce qu'elle n'est pas visée par les parties à l'acte, étant souligné, au surplus, qu'elle est particulièrement peu claire puisqu'elle désigne les parcelles BD [Cadastre 6], [Cadastre 8], [Cadastre 5] et [Cadastre 7] tout à la fois comme fonds servants et comme fonds dominants sans distinction.

Certes les fonds bénéficiaires des obligations imposées ne sont pas précisés expressément. Cependant, il peut être déduit de l'ensemble de la clause telle que rappelée ci-dessus, en particulier de la mention selon laquelle l'obligation est stipulée "afin de garder une certaine homogénéité dans les constructions qui pourront être faites dans les lots attribués à [J] [T] épouse [D] et [N] [T]" et qu'elle l'est "à l'identique du lot contigu vendu à Monsieur [C] le 13 juillet 1979", la volonté commune des parties à l'acte que cette obligation profite à l'ensemble des lots attribués aux copartageants, donateurs comme donataires, de manière à préserver un ensemble harmonieux à la propriété familiale jusqu'alors unique, sans surcharge de construction ni multiplication d'occupants.

Il s'agit, en cela, de rechercher quelle a été la commune intention des parties à l'acte en application de l'article 1156 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et non pas d'interpréter une clause ambiguë ou obscure ainsi que voudrait l'entendre l'appelant, l'article 1162 du même code n'ayant donc pas vocation à s'appliquer.

Il s'agit donc bien d'un droit réel, créant une obligation sur des fonds déterminés, et au profit d'autres fonds, les propriétaires de ces derniers ne profitant pas du bénéfice créé par cette obligation à titre personnel mais au travers de la chose dont ils sont propriétaires.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelant, rien ne permet de considérer que l'obligation aurait été consentie au seul profit des parents donateurs, la simple mention dans la clause de la maison de ces derniers, dont ils avaient conservé l'usufruit, n'étant pas significative sur ce point en ce qu'il ressort du plan annexé à l'acte que le terrain faisant face à cette maison n'était pas concerné par la servitude stipulée à l'acte puisqu'il avait déjà été vendu à la famille [C].

Il n'est pas davantage concevable que la servitude non aedificandi ait concerné les seuls fonds attribués d'une part à [N] [T] (parcelles alors cadastrées BD n° [Cadastre 5] et [Cadastre 7]), d'autre part à [J] [T] épouse [D] (parcelles alors cadastrées BD n° [Cadastre 6] et [Cadastre 8]), qui se devraient réciproquement l'obligation, hypothèse dans laquelle l'élargissement de l'interdiction de construire à 10 mètres le long du chemin (à l'époque cadastré n° [Cadastre 3] et [Cadastre 4]) n'aurait aucun sens puisque les deux lots en question ne se font pas face de chaque côté du chemin, mais sont situés du même côté de ce chemin, et sont contigus.

L'obligation stipulée à l'acte est donc bien une servitude non aedificandi dont Mme [V] [T] épouse [R] peut se prévaloir puisque son fonds est l'un de ceux bénéficiant de cette obligation en application de l'acte de partage.

C'est en vain que M. [N] [T] se prévaut, sur ce point, du contenu de la lettre de Mme [V] [T] épouse [R] du 28 décembre 2017 à la présidente de la Chambre régionale des notaires dans laquelle elle évoque, sur la suggestion d' « amis » dont on ignore le degré de connaissance juridique, la possibilité d'établir une servitude non aedificandi différente de celle stipulée dans l'acte, l'ensemble de ce courrier reflétant clairement la volonté de Mme [R] de s'opposer à la construction projetée par son frère [N] sur la partie restante de sa propriété après la vente partielle à Mme [L].

Il en est de même des écritures de première instance de Mme [R] produites aux débats, la mention selon laquelle elle ne s'est 'jamais prévalu d'une servitude non aedificandi à son profit' ne concernant, à la lecture de ces écritures, que l'interdiction de construire dans une certaine distance des limites séparatives, ce qu'elle ne reprochait pas au projet de son frère [N] puisque cette limite y était respectée.

# sur l'étendue de cette obligation

Ainsi qu'il a été développé au paragraphe précédent, l'interdiction de construire dans une certaine distance des limites séparatives, ainsi que l'obligation d'édifier une seule construction sur les lots attribués d'une part à [N] [T], d'autre part à [J] [T] épouse [D], insérées toutes deux dans une seule clause intitulée 'Servitude de non aedificandi' (sic) forment manifestement un tout, justifié par l'intention, explicitement annoncée en tête de cette clause, de 'garder une certaine homogénéité dans les constructions qui pourront être faites dans (ces) lots', intention illustrée par l'exemple expressément donné du lot déjà vendu à Monsieur [C], étant souligné que l'obligation d'édifier une seule construction sur les lots en cause est introduite par la locution 'en conséquence', ce qui confirme son lien avec l'obligation précédente de ne pas construire dans un périmètre précis calculé depuis les limites séparatives.

Il en résulte suffisamment clairement la volonté des copartageants de prévoir qu'une seule construction, c'est-à-dire un seul bâtiment d'habitation, pourra être édifiée sur chacun des lots concernés, c'est-à-dire celui attribué à [N] [T] (parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 7]) d'une part, et celui attribué à [J] [T] épouse [D] (parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 8]) d'autre part, ce que, d'ailleurs, Mme [J] [D] a parfaitement respecté puisqu'il résulte tant des photographies produites que de l'extrait de plan cadastral établi par la SARL GéoVallée produit par l'appelant (sa pièce n° 5), que la construction édifiée par Mme [D] sur son lot est d'un seul tenant.

A cet égard, M. [N] [T] est mal fondé à soutenir que le projet pour lequel il a obtenu une autorisation de construire respecterait cette obligation, en se prévalant de la circonstance que la maison qu'il projette de construire serait reliée par une 'liaison architecturale' avec celle de Mme [L] et formerait par conséquent avec cette dernière une seule construction, les plans et dessins joints à sa demande de permis de construire montrant en effet qu'en réalité, cette 'liaison' est constituée d'un simple mur d'une longueur de près des 3/4 de la largeur de la façade de la maison projetée, reliant les deux constructions de manière artificielle sans qu'il puisse, de ce fait, être considéré qu'il s'agirait d'une seule construction au sens de la clause de l'acte de partage.

C'est par conséquent à bon droit que le tribunal a débouté M. [N] [T] de sa demande tendant à se voir autoriser ainsi que ses ayant droits successifs à réaliser les travaux de construction d'une maison et d'un garage sur ses parcelles actuellement cadastrées n° [Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 11], tels que décrits dans les plans de son dossier de permis de construire, ainsi que de toutes ses autres demandes, et qu'il a dit que M. [N] [T] ne pourra édifier une construction nouvelle sur les dites parcelles.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

M. [N] [T], qui succombe en son appel, devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en sa faveur.

Il est équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [V] [T] épouse [R].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Y ajoutant,

Condamne M. [N] [T] à payer à Mme [V] [T] épouse [R] la somme supplémentaire de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne M. [N] [T] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 21/01461
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;21.01461 ?
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