N° RG 23/00782 -
N° Portalis DBVM-V-B7H-LWZK
C8
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
notifié par LRAR aux parties
le
copies aux avocats le
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 08 JUIN 2023
Appel d'une ordonnance (N° RG 2023LS0008)
rendue en matière gracieuse par le Tribunal de Commerce de ROMANS
en date du 25 janvier 2023
suivant déclaration d'appel du 06 février 2023
S.C.I. AVENIR PATRIMOINE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée et plaidant par Me VIGOUROUX, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière
EN PRÉSENCE DE :
M. le Procureur Général auquel l'affaire a été régulièrement communiquée, représenté à l'audience par Mme BENEZECH, Avocat Général, et qui a fait connaître son avis par écrit et oralement.
DÉBATS :
A l'audience en Chambre du Conseil du 03 mai 2023,
Mme FIGUET, Présidente de chambre, a été entendue en son rapport,
Me VIGOUROUX a été entendue en sa plaidoirie,
Mme BENEZECH, Avocat Général, a été entendue en ses conclusions écrites et orales
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
Exposé du litige
La Sci Avenir Patrimoine est détenue par la société Groupe Avenir et Monsieur [O] [C]. Elle détient les immeubles acquis soit pour les besoins de l'activité du groupe, soit à des fins d'investissements locatifs.
Par requête du 11 janvier 2023, elle a demandé au président du tribunal de commerce de Romans sur Isère d'ordonner l'ouverture d'une procédure de conciliation à son bénéfice et de désigner à cet effet la Selarl AJ UP en la personne de Me [F] [S] en qualité de conciliateur avec pour mission de prendre connaissance de la situation économique, financière et comptable de l'entreprise, l'assister dans le cadre des discussions avec ses créanciers afin de permettre à la société de réaliser ses actifs, l'assister dans les négociations à mener afin de conclure tout accord utile avec ses principaux créanciers et ses assureurs, rechercher toute solution permettant d'assurer la pérennité de l'entreprise.
Elle a fait valoir que le groupe a dû faire face ces dernières années à plusieurs difficultés ayant conduit à une baisse drastique des ventes de maisons neuves résultant de la crise sanitaire Covid 19, du retrait du marché de certains assureurs s'agissant de la garantie de livraison empêchant le démarrage des chantiers de construction, de la diminution de l'artificialisation des terrains, des difficultés d'approvisionnement du fait de la guerre en Ukraine. Elle a indiqué que la société SFMI (société française de maisons individuelles) a dû être placée en liquidation judiciaire le 29 novembre 2022 et que suite à cette défaillance, le groupe Avenir souhaite pouvoir réaliser ses actifs immobiliers dans les meilleures conditions pour permettre le désintéressement des créanciers du groupe. Elle a exposé que ses engagements financiers s'élèvent à 2.216.453,93 euros, qu'elle n'a pas de dette sociale et fiscale, qu'elle a été mise en demeure par la société Arkéa pour une échéance impayée du 30 novembre 2022, que sa trésorerie s'élève à 1.969,09 euros.
Elle a relevé qu'en raison de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société SFMI par le tribunal de commerce de Romans sur Isère, sa compétence s'impose pour l'ouverture des procédures de conciliation sollicitée par sa société mère et les filiales de celle-ci.
Elle a souligné que si la vente de certains actifs peut se faire à brève échéance, d'autres nécessiteront plus de temps, qu'elle souhaite dès lors trouver un accord avec ses créanciers pour disposer du temps nécessaire à la vente, que le groupe souhaite pouvoir revoir avec la société AXA les conditions de mise en oeuvre de sa caution à hauteur de 3 millions d'euros, que n'étant pas en cessation de paiement depuis plus de 45 jours, elle est éligible à l'ouverture d'une procédure de conciliation.
Par ordonnance du 25 janvier 2023, le président du tribunal de commerce de Romans sur Isère a :
- constaté l'incompétence de la juridiction en matière de conciliation,
- rejeté la demande d'ouverture d'une procédure de conciliation et de désignation d'un conciliateur.
Cette ordonnance a été notifiée à la Sci Avenir Patrimoine le 31 janvier 2023.
Par déclaration adressée au greffe du tribunal de commerce de Romans sur Isère le 6 février 2023, la Sci Avenir Patrimoine a interjeté appel de cette ordonnance.
Le président du tribunal de commerce de Romans sur Isère n'a pas souhaité modifier ou rétracter sa décision et a transmis la déclaration d'appel à la cour d'appel de céans. Le dossier a été reçu le 23 février 2023.
Aux termes de sa déclaration d'appel et de ses conclusions remises et reprises oralement à l'audience, elle demande à la cour :
- la rétractation en toutes ses dispositions de l'ordonnance du 27 janvier 2023,
- la désignation de la Selarl AJ UP en la personne de Me [F] [S] en qualité de conciliateur avec pour mission de prendre connaissance de la situation économique, financière et comptable de l'entreprise, l'assister dans le cadre des discussions avec ses créanciers afin de permettre à la société de réaliser ses actifs, l'assister dans les négociations à mener afin de conclure tout accord utile avec ses principaux créanciers et ses assureurs, rechercher toute solution permettant d'assurer la pérennité de l'entreprise.
Elle fait valoir :
- qu'en raison de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société SFMI par le tribunal de commerce de Romans sur Isère, sa compétence s'impose pour l'ouverture des procédures de conciliation sollicitée par sa société mère, la société Groupe Avenir, et les filiales de celle-ci,
- que sur le fond, la mission du conciliateur qui est sollicitée est une mission classique visant à obtenir des délais afin de mener à bien et finaliser les projets de promotion et lotissement en cours et de réaliser les actifs détenus une fois ceux-ci en état d'être cédés,
- que la procédure de conciliation apparaît la plus appropriée pour réaliser les actifs dans les meilleures conditions et préserver ainsi l'intérêt de la société mais aussi de ses créanciers.
Le ministère public a conclu à la confirmation de l'ordonnance en considérant que la requête visait à contourner les règles édictées par les articles L 611-4 et L 611-7 et suivants du code de commerce, notamment l'état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours de la société requérante.
A l'audience, le conseiller rapporteur a fait son rapport.
La Sci Avenir Patrimoine a repris oralement les termes de son recours.
Le ministère a repris ses conclusions écrites.
Motifs de la décision
Aux termes des article L 211-4 et R 211-4 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements au nombre desquelles figurent les dispositions du livre VI du code de commerce comprenant les procédure de prévention des difficultés et les procédures de sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire. Cette compétence est d'ordre public.
Par ailleurs, l'article L 611-4 du code de commerce dispose qu'il est institué devant le tribunal de commerce une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.
Quant à l'article L 611-5, il prévoit que la procédure de conciliation est applicable, dans les mêmes conditions, aux personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, le tribunal judiciaire étant alors compétent et son président exerçant les mêmes pouvoirs que ceux attribués au président du tribunal de commerce.
Il résulte de ces dispositions qu'une société civile immobilière doit solliciter le bénéfice d'une procédure de conciliation devant le président du tribunal judiciaire.
En outre, si aux termes de l'article L 662-8 du code de commerce, le tribunal est compétent pour connaître de toute procédure concernant une société qui détient ou contrôle une société pour laquelle une procédure est en cours devant lui ou de toute procédure concernant une société qui est détenue ou contrôlée par une société pour laquelle une procédure est en cours devant lui, il n'apparaît pas que la société SFMI qui fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce de Romans sur Isère détienne ou contrôle la SCI Avenir Patrimoine, ni qu'elle soit détenue ou contrôlée par elle. En conséquence, il n'est justifié d'aucune possibilité d'extension de compétence.
Dès lors, c'est à bon droit que le président du tribunal de commerce de Romans sur Isère a rejeté la requête déposée devant lui par la Sci Avenir Patrimoine en considérant qu'il n'était pas compétent pour désigner un conciliateur.
Cette ordonnance sera donc confirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en chambre du conseil, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 25 janvier 2023 par le président du tribunal de commerce de Romans sur Isère.
Condamne la Sci Avenir Patrimoine aux dépens d'appel.
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente