N° RG 21/00917 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KYKS
C3
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOULIN KREMENA MLADENOVA' AVOCATS ASSOCIES
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 30 MAI 2023
Appel d'une décision (N° RG 18/00185)
rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 08 février 2021
suivant déclaration d'appel du 18 février 2021
APPELANTE :
La SELARL [Adresse 6] NOTAIRES ASSOCIES, venant aux droits de la SCP Didier LECLERCQ, Henry BENOIST, Olivier MARCE, Julien DAUVERGNE, société civile professionnelle de notaires, dont le siège social est [Adresse 2], immatriculée au RCS de Grenoble sous le numéro 349 993 493, et prise en la personne de son représentant légal en exercice
représentée et plaidant par Me Marie-Bénédicte PARA de la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOULIN KREMENA MLADENOVA' AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIME :
M. [U] [Z]
né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Christophe ANSERMAUD de la SELARL ANSERMAUD TROJANI & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 mars 2023 où l'affaire a été mise en délibéré au 23 mai 2023, prorogé au 30 mai 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de Mme Blatry, conseiller assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
En septembre 2008, M. [Z], notaire, a intégré en qualité d'associé la SCP Didier Leclerq, Henry Benoist, Olivier Marce, Julien Dauvergne (désignée ci-après la SCP) .
Par courriel du 3 février 2016, M. [Z] a notifié à la SCP sa décision de quitter définitivement l'étude, souhaitant se «'diriger vers d'autres horizons'» et donner «'une nouvelle impulsion à sa carrière'».
Par courrier du 3 mars 2016 (contresignée par chacun des associés de la SCP), il a confirmé sa volonté d'exercer sa faculté de retrait de la SCP en se référant à l'article 31 alinéa 2 du décret n°67-868 du 2 octobre 1967, indiquant': «'je quitterai d'étude le 31 mars 2016, date à laquelle sera établi un bilan intermédiaire, et qu'en couverture de mes droits et conformément aux statuts, je propose que me soit versé au titre du remboursement de la valeur de mes droits, une somme de 515.000€'; cette somme sera réglée conformément aux dispositions du protocole d'accord régularisé entre nous'».
Le 9 mars 2016, la SCP et M. [Z] ont régularisé et signé un document intitulé «'protocole d'accord réduction de capital sous conditions suspensives'» qui prévoyait entre autre':
-l'autorisation pour M. [Z] de se retirer de la SCP le 31 mars 2016 et l'annulation de 890 parts sociales de même valeur (ce qui aura pour effet de réduire le capital social) sous la condition suspensive de l'obtention de son droit de retrait prononcé par arrêté du garde des sceaux, la réduction de capital devant être réitérée par acte authentique à recevoir de Me [Y], notaire à [Localité 5], au plus tard dans les dix jours suivant la réalisation de cette condition suspensive,
-l'établissement d'un bilan intermédiaire de la SCP à la date du 31 mars 2016 pour la répartition des résultats compris «'entre le 1er janvier de l'année et cette date là'»,
-le règlement par la SCP à M. [Z] de la somme de 515.000€ pour le règlement de ses droits'; le règlement à compter du 1er avril 2016 par la SCP, pour le compte de M. [Z], de l'emprunt consenti à celui-ci ainsi que toutes ses charges personnelles (cotisations sociales et de retraite, imposition) les sommes ainsi payées devant être déduites du prix convenu de 515.000€,
-le paiement du prix définitif dans les dix jours de la publication du retrait de M. [Z] prononcé par arrêté du garde des sceaux,
-pendant la période entre le départ de M. [Z] de l'Etude, soit le 31 mars 2016, et l'arrêté du garde des sceaux prononçant son retrait, il ne serait fait aucun obstacle à ce qu'il exerce toute activité de son choix en dehors d'un office notarial et notamment à ce qu'il procède à facturation de ses services et conseils juridiques.
M. [Z] a quitté l'étude notariale le 31 mars 2016.
Afin de répondre aux demandes de la Chancellerie, un avenant au protocole d'accord a été signé le 6 décembre 2016 indiquant que ':
-les parties affirment, sous les peines édictées à l'article 1837 du code général des impôts que la réduction de capital social objet des présentes exprime l'intégralité du prix versé à Me [Z],
-le prix définitif sera payable dans les dix jours de la publication au Journal Officiel du retrait de Me [Z] prononcé par arrêté du garde des sceaux,
-les autres clauses contenues dans ledit protocole demeurent inchangées.
Le retrait de M. [Z], accepté par arrêté du garde des sceaux du 22 décembre 2016, a été publié au Journal Officiel le 27 décembre suivant.
Le 6 janvier 2017, la SCP lui a transmis le projet d'acte authentique de réduction de capital.
Par courrier du 11 janvier 2017 M. [Z] a fait part à la SCP de son désaccord sur deux points': l'absence de précision quant au décompte des sommes que la SCP entendait déduire du paiement de la valeur de ses parts sociales et l'absence de paiement de sa quote-part dans les bénéfices de la SCP des années 2016 et 2017 jusqu'au paiement de ses parts.
En réponse, la SCP lui a communiqué par courriel du 13 janvier 2017 le décompte détaillé des charges personnelles avancées pour son compte depuis le 1er avril 2016.
Sommation a été délivrée le 12 janvier 2017 à M. [Z] d'avoir à comparaître devant Me [Y] pour réitération par acte authentique de la réduction de capital comme prévu au protocole d'accord'; un procès-verbal de carence a été dressé le 18 janvier suivant.
L'assemblée générale de la SCP du 20 janvier 2017 a constaté que le retrait de M. [Z] était devenu définitif le 27 décembre 2016, a modifié en conséquence le capital social et la répartition du bénéfice entre les quatre associés restants, a approuvé les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2016 se soldant par un bénéfice net comptable de 1.215.178€ et concernant la répartition des bénéfices, a notamment décidé d'allouer à M. [Z] :
* s'agissant de la rémunération des droits afférents aux apports en capital, la somme de 1.006,44€ au titre de sa qualité d'associé jusqu'au 27 décembre 2016,
* s'agissant de la répartition du bénéfice distribuable, la somme de 25.987€ conformément au protocole d'accord du 9 mars 2016 et de son avenant du 6 décembre 2016.
Le 17 février 2017, la SCP a réglé à M. [Z] la somme de 372.433€ au titre de la différence entre le montant de ses parts sociales fixé à 515.000€ et le montant de ses dépenses personnelles qu'elle avait assumées pour son compte depuis le 1er avril 2016, soit 142.567€.
Aucun accord n'a été trouvé entre les parties s'agissant de la demande de M. [Z] tendant à se voir accorder sa quote-part dans les bénéfices à distribuer de la SCP jusqu'au paiement de ses parts sociales le 17 février 2017.
Suivant acte extrajudiciaire du 7 décembre 2017, M. [Z] a assigné devant le tribunal de grande instance de Grenoble la SCP aux fins de la voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à le rétribuer notamment de ses apports en capital jusqu'à la date du 17 février 2017.
Par ordonnance du 15 janvier 2019, le juge de la mise en état a ordonné à la SCP, de communiquer, sous astreinte, ses comptes annuels relatifs à son exercice clos au 31 décembre 2016, ses comptes annuels relatifs à son exercice clos au 31 décembre 2017 avec arrêté intermédiaire du 1er janvier au 17 février 2017.
Par jugement contradictoire du 8 février 2021, ce tribunal, devenu tribunal judiciaire, a':
-condamné la SCP à payer à M. [Z] les sommes suivantes':
*216.042€ au titre de sa quote-part dans le bénéfice de la SCP pour l'exercice clos le 31 décembre 2016,
*32.165,57€ au titre de sa quote-part dans le bénéfice de la SCP pour la période du 1er janvier au 17 février 2017,
-dit que ces sommes seront productives d'intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2017,
-condamné la SCP aux dépens avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
-ordonné l'exécution provisoire,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration déposée le 18 février 2021, la SELARL [Adresse 6] Notaires Associés venant aux droits de la SCP Didier Leclerq, Henry Benoist, Olivier Marce, Julien Dauvergne (la SELARL), a relevé appel.
Dans ses dernières conclusions n°2 déposées le 9 janvier 2023 sur le fondement des articles 1134 devenu 1104, 1869 du code civil, la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et l'article 31 du décret 67-868 du 2 octobre 1967, la SELARL demande que la cour, la recevant et la disant bien fondée en son appel, réforme le jugement déféré et statuant à nouveau,
à titre principal, infirme le jugement,
-juge qu'aux termes du protocole d'accord signé entre les parties le 9 mars 2016, M. [Z] a expressément renoncé à sa quote-part dans ses bénéfices à compter du 31 mars 2016, date de son départ effectif de la société,
-déboute M. [Z] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
subsidiairement,
-juge que le décret du 2 octobre 1967 s'applique en sa version issue de la modification du 9 novembre 2016,
-juge que M. [Z] ne pouvait prétendre à aucune somme au titre des bénéfices de la SCP après le 27 décembre 2016, date de publication de son retrait accepté par la Chancellerie,
-en conséquence, déboute M. [Z] de ses demandes au titre de la période postérieure au 27 décembre 2016,
à titre infiniment subsidiairement (sic), sur le calcul des sommes revendiquées par M. [Z] pour la période du 1er janvier 2017 au 17 février 2017,
-en l'état de la situation intermédiaire communiquée, juge qu'il n'y a point de bénéfice sur la période du 1er janvier 2017 au 17 février 2017 à répartir,
à titre extrêmement subsidiaire,
-juge qu'il ne peut être intégré au chiffre d'affaires la somme de 129.476€,
en conséquence, statuant à nouveau
-fixe à 24.710,35€ l'éventuel bénéfice sur la période du 1er janvier 2017 au 17 février 2017,
-juge que le taux légal est celui d'une personne physique agissant pour des besoins professionnels,
en tout état de cause,
-condamne M. [Z] à lui payer la somme de 10.000€ à titre de dommages et intérêts, outre celle de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-déboute M. [Z] de toutes, demandes, fins et prétentions,
-condamne le même aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Benichou Para Triquet-Dumoulin-Lorin, avocat sur son affirmation de droit.
L'appelante fait valoir en substance que':
-les parties avaient la faculté d'aménager conventionnellement le départ anticipé de cet associé et donc de déroger à l'article 31 du décret précité, cet aménagement étant également permis par l'article 34 des statuts de la SCP'; le protocole constitue la seule loi des parties, et reflète la commune intention des parties, à savoir arrêter au 31 mars 2016 la date jusqu'à laquelle M. [Z] pourrait prétendre aux bénéfices de la société'; le fait qu'il ait demandé un bilan intermédiaire à cette date reflète la commune intention des parties de fixer au 31 mars 2016 l'arrêt de sa participation aux bénéfices.
-l'article 31 du décret du 2 octobre 1967 dans sa version modifiée par le décret n°2016-1509 du 9 novembre 2016, remettant en cause le droit à rétribution de l'associé retrayant au titre des bénéfices de la société a vocation à s'appliquer au cas d'espèce, les dispositions transitoires de ce dernier décret distinguant expressément la procédure dont la date d'engagement détermine le droit applicable, de l'opération sur laquelle porte cette procédure'; or le retrait de M. [Z] a été publié le 27 décembre 2016, soit après l'entrée en vigueur de cette modification, et il a contesté les modalités de rétribution de ses apports en capital le 7 janvier 2017 et a assigné en justice la SCP le 7 décembre 2017, soit également après l'entrée en vigueur du décret précité du 9 novembre 2016,
-à supposer applicable au litige l'article 31 dans son ancienne version, M. [Z] ne peut pas prétendre à sa quote-part dans les bénéfices jusqu'au 17 février 2017 car il a renoncé expressément à percevoir celle-ci à la date de son départ définitif de la SCP, soit à partir du 31 mars 2016'; l'acceptation de la SCP qu'il cesse immédiatement ses fonctions, sans respecter le délai légal de six mois, pour lui permettre de se consacrer à une nouvelle activité qu'il jugeait plus satisfaisante, constitue une contrepartie significative à la non-perception de cette quote-part, ayant dû pour sa part, supporter une charge de travail non-anticipée à la suite de la cessation brutale de l'activité de cet associé'; il a donc perçu, conformément à l'article 31 ancien, la rémunération des droits afférents à ses apports en capital jusqu'au 27 décembre 2016, date à laquelle il a perdu sa qualité d'associé, mais bien qu'il conserve artificiellement sa qualité d'associé jusqu'à la publication de l'arrêté constatant son retrait, il ne peut conserver une quelconque participation dans les bénéfices générés après son départ'car n'apportant plus son industrie à la SCP à compter du 31 mars 2016,
-la situation comptable intermédiaire du 1er janvier au 17 février 2017 de la SCP fait apparaître une perte de 164.000€'de sorte qu'il n'y a aucun bénéfice distribuable et d'ailleurs les autres associés n'ont rien perçu ; M. [Z] ne peut pas réclamer une quote-part de bénéfices calculée sur le chiffre d'affaires cumulé au 17 février 2017 à l'aide d'un pourcentage déterminé en fin d'année'; si la SCP a changé de régime fiscal au 1er janvier 2017 (option impôt sur les sociétés) , cette modification n'a eu aucun changement sur la comptabilité,
-les bénéfices revenant à M. [Z] sont en lien avec son activité professionnelle'; le taux d'intérêt légal applicable est celui applicable aux professionnels,
-l'attitude abusive et dilatoire de M. [Z] dans le seul but de retarder le remboursement de ses parts sociales et maximiser ainsi ses gains justifie l'allocation de dommages et intérêts.
Dans ses dernières conclusions n°2 déposées le 16 décembre 2022 au visa des articles 1843-2, 1844-1, 1869 du code civil, 31 du décret 67-868 du 2 octobre 1967, et 700 du code de procédure civile, M. [Z] demande à la cour de':
-confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
-juger que le taux d'intérêt légal applicable à sa créance est celui dont bénéficie une personne physique n'agissant pas à titre professionnel,
-condamner la SELARL à lui verser la somme de 15.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner la même aux entiers dépens de l'instance et ses suites, dont distraction requise au profit de la SELARL Dauphin Mihajlovic, avocat, aux offres de droit.
L'intimé oppose notamment que:
-il n'a pas renoncé à la rémunération afférente à ses apports en capital en contrepartie de la cessation anticipée de ses fonctions de notaire, aucune renonciation n'étant prévue au protocole d'accord ou dans l'avenant, une telle renonciation ne pouvant pas se déduire de l'établissement d'un bilan intermédiaire au 31 mars 2016 au sujet duquel il ne peut être dit qu'il reflète la commune intention des parties de supprimer son droit à bénéfice à cette date'; une telle renonciation serait nulle pour absence de cause, car la cessation de la participation d'un notaire à l'activité de la SCP dont il se retire ne peut pas constituer la contrepartie d'une privation de la rémunération afférente à ses apports en capital,
-la nouvelle rédaction de l'article 31 du décret du 2 octobre 1967 issue du décret du 9 novembre 2016 n'est pas applicable au litige et la SCP a elle-même visé l'article 31 ancien dans son procès-verbal d'assemblée générale du 20 janvier 2017'; en tout état de cause, la nouvelle rédaction de ce texte ne remet pas en cause le principe selon lequel l'associé se retirant d'une SCP a droit à la rétribution de ses apports en capital et partant, à sa quote-part dans les bénéfices tant que ses droits sociaux ne lui sont pas remboursés,
-il a droit à 20'% du bénéfice net comptable au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2016, soit 216.042,16€ après déduction de la somme déjà perçue au titre de cet exercice (26.993,44€),
-la décision de la SCP prise le 29 mars 2017,d'opter pour le régime fiscal de l'impôt sur les sociétés avec effet rétroactif au 1er janvier 2017 en prévision de sa transformation en SELARL, (transformation décidée par les quatre associés de la SCP en assemblée générale extraordinaire du 21 juin 2017) ne lui est pas opposable, dès lors qu'il avait perdu ses droits d'associés,
-aucune attitude abusive et dilatoire ne peut être retenue à son encontre pour fonder la demande de dommages et intérêts de l'appelante, dès lors d'une part, qu'il a respecté les termes du protocole et n'a pas travaillé chez Fiducial avant son départ de l'étude notariale accepté au 31 mars 2016,et que d'autre part, il a manifesté son désaccord dès réception du projet d'acte authentique de réduction de capital de la SCP,
-dès lors que les bénéfices réclamés constituent la contrepartie de sa participation au capital de la SCP, ils constituent un revenu civil et non professionnel'; agissant à titre orivé pour défendre les droits pécuniaires qu'il a pu tirer de la détention de parts sociales au sein d'une société et non de l'exercice d'une quelconque activité au sein de cette dernière, le taux d'intérêt applicable aux sommes qui lui sont allouées à ce titre doit être celui applicable aux personnes physiques n'agissant pas à titre professionnel,
-ses droits dans les bénéfices au 17 février 2017 doivent donc être appréciés en fonction de la même méthode que le calcul des bénéfices des exercices précédents (comptabilité recettes/ dépenses), car la situation comptable intermédiaire au 17 février 2017 a été établie selon les règles applicables aux SELARL'; ainsi, la perte comptable affichée de 164.000€ est en lien avec la méthode comptable utilisée, dictée par l'option de la SCP pour sa comptabilité d'engagement et sa transformation en SELARL'; l'appelante ne donnant pas spontanément les moyens de comparer les résultats des deux exercices 2016 et au 17 février 2017, il y a lieu de retraiter la comptabilité de la SELARL selon les règles de la comptabilité recettes/ dépenses.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2023.
MOTIFS
Sur la demande de quote-part des bénéfices après le 31 mars 2016
Il ne peut être soutenu que M. [Z] a expressément renoncé à percevoir sa quote-part sur les bénéfices à compter à la date de son départ définitif de la SCP, soit à partir du 31 mars 2016, et ce, conformément à la commune intention des parties qui se déduirait du fait qu'un bilan intermédiaire a été édité pour la période du 1er janvier au 31 mars 2016 ou encore que le protocole d'accord prévoit ce bilan intermédiaire pour la répartition des résultats «'compris entre le 1er janvier de l'année et cette date là'».
Outre qu'une renonciation à un droit ne se présume pas, toute clause de renonciation à la rémunération des apports en capital de M. [Z] avant le transfert de propriété de ses parts par leur paiement et la perte de sa qualité d'associé, telle que « l''établissement d'un bilan intermédiaire de la SCP à la date du 31 mars 2016 pour la répartition des résultats compris «'entre le 1er janvier de l'année et cette date là'»'», est nulle en l'absence de contrepartie qui ne soit ni illusoire ni dérisoire, car privée de cause au sens de l'article 1131 ancien du code civil (applicable à la cause)'; en effet, cette contrepartie ne peut pas être recherchée dans la cessation de la participation de M. [Z] à l'activité de la SCP ni dans le fait qu'il a été autorisé à quitter l'étude dans un délai inférieur à six mois, ce délai constituant un maximum, pour rejoindre sa nouvelle activité professionnelle dont il est soutenu sans offre de preuve par l'appelante qu'elle était déjà à l'époque plus rémunératrice.
Le fait d'avoir sollicité un bilan intermédiaire du 1er janvier au 31 mars 2016 n'est pas révélateur d'une telle renonciation, alors même que dans le procès-verbal de l'assemblée générale de la SCP du 20 janvier 2017, il est rappelé dans la première résolution, le texte de l'article 31 du décret du 2 octobre 1967 dans sa version issue du décret n°87-172 du 13 mars 1987 pris en sa seule disposition': «'l'associé titulaire de parts sociales perd, à compter de la publication de l'arrêté constatant son retrait, les droits attachés à sa qualité d'associé, à l'exception toutefois des rémunérations afférentes à ses apports en capital'», tout en actant le retrait définitif de M. [Z] au 27 décembre 2016.
Il en résulte donc, que les associés de la SCP, ont le 20 janvier 2017 admis la perte de qualité d'associé de l'intéressé au 27 décembre 2016 mais ont également admis qu'il conservait néanmoins son droit à percevoir la rémunération de ses apports en capital après le 31 mars 2016.
L'article 31 du décret du 2 octobre 1967 dans sa version en vigueur jusqu'au 11 novembre 2016 issue du décret n°87-172 du 13 mars 1987, énonçait':
«'Lorsqu' un associé demande son retrait de la société en cédant la totalité de ses parts sociales, il est procédé conformément aux dispositions des articles 27 et 28.
Toutefois, un associé titulaire de parts sociales ou de parts d'intérêts peut, à la condition d'en informer la société et ses associés par lettre recommandée, avec demande d'avis de réception, demander son retrait de la société. Il doit, le cas échéant, respecter le délai de retrait fixé par les statuts sans que ce délai puisse excéder six mois. L'associé titulaire de parts sociales perd, à compter de la publication de l'arrêté constatant son retrait, les droits attachés à sa qualité d'associé, à l'exception toutefois des rémunérations afférentes à ses apports en capital.
Tout retrait d'une société par un associé est prononcé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, l'associé étant réputé démissionnaire.'»
Le même article 31, dans sa version en vigueur au 11 novembre 2016 issue du décret n°2016-1509 du 9 novembre 2016, est ainsi libellé':
«'I. - Lorsqu'un associé demande son retrait de la société en cédant la totalité de ses parts sociales, il est procédé conformément aux dispositions des articles 27 et 28.
II. - Lorsqu'un associé entend demander à la société de satisfaire à l'obligation à laquelle elle est tenue en application de l'article 21 de la loi n°66-879 du 29 novembre 1966, il notifie sa demande par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à ses associés ainsi qu'à la société, qui remplit son obligation dans un délai de douze mois à compter de cette notification, sous condition suspensive de l'acceptation du retrait par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.
III. - L'associé titulaire de parts d'intérêt qui entend demander son retrait au garde des sceaux, ministre de la justice, en informe la société et ses associés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
En application du dernier alinéa de l'article 14, la société annule les parts d'intérêt de l'associé qui entend demander son retrait dans un délai de six mois à compter de la notification prévue au précédent alinéa, sous condition suspensive de l'acceptation du retrait par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.'»
Si la nouvelle version de l'article 31 ne reprend pas l'exception («'l'associé titulaire de parts sociales perd, à compter de la publication de l'arrêté constatant son retrait, les droits attachés à sa qualité d'associé, à l'exception toutefois des rémunérations afférentes à ses apports en capital'») il n'édicte aucune règle dérogeant au principe résultant des dispositions des articles 1869 du code civil et 18 de la loi n°66-879 du 29 novembre 1966 relatives aux sociétés civiles professionnelles selon lequel l'associé retrayant conserve ses droits patrimoniaux tant qu'il n'a pas obtenu le remboursement intégral de ses parts sociales, sauf accord contraire des parties dérogeant à cette règle et organisant les conditions et modalités financières découlant du retrait'; l'associé retrayant a donc droit, tant qu'il détient ses parts sociales, à la rétribution de ses apports en capital et, partant, à sa quote-part dans les bénéfices distribués, la répartition des bénéfices étant fondée sur sa participation au capital social.
Ainsi, s'il doit être admis avec le premier juge que l'article 31 dans sa rédaction issue du décret précité du 9 novembre 2016 n'est pas applicable à la cause, en ce que la procédure (dans son acception générale rejoignant la notion de processus et pas uniquement au sens de procédure judiciaire) avait été engagée avant son entrée en application (11 novembre 2016) ainsi qu'en atteste le protocole d'accord signé le 9 mars 2016, il est à relever que le débat sur l'applicabilité au litige de l'ancienne ou nouvelle version de cet article 31 est sans réelle portée, dès lors que la nouvelle version de ce texte applicable au 11 novembre 2016 n'édicte pas d'exception au principe sus-rappelé qui trouve donc toujours à s'appliquer après le décret précité du 9 novembre 2016.
Dès lors que de plus fort les statuts de la SCP et pas davantage le protocole d'accord et son avenant n'ont pas dérogé à ce principe, M. [Z] est fondé à réclamer paiement de sa quote-part sur les bénéfices de la SCP jusqu'au jour où il a perdu sa qualité d'associé à la suite du remboursement de la valeur intégrale de ses droits sociaux, soit jusqu'au 17 février 2017, peu important qu'il soit parti de la SCP le 31 mars 2016 et donc qu'il n'y travaille plus.
A cet égard, l'appelante soutient vainement à la faveur d'un raisonnement par analogie avec le cas de l'associé empêché au sens de l'article 11 des statuts de la SCP qu'il existe «'une corrélation évidente et nécessaire entre l'industrie attachée à l'exercice effectif de l'activité et la participation aux bénéfices'» afin de refuser à M. [Z] le bénéfice d'une «'quelconque participation dans les bénéfices générés après son départ», tout en se prévalant également de l'article 2 alinéa 5 du Règlement national des notaires selon lequel le notaire consacre tout le temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions.
Ce faisant, elle occulte la circonstance particulière dans laquelle son associé a quitté l'étude, à savoir qu'il n'était pas «'empêché'»' d'exercer son activité de notaire, mais qu'il a été expressément autorisé à partir avant le délai maximal de six mois, cette autorisation étant doublée de celle de pouvoir exercer toute autre activité de son choix hormis celle de notaire, entre le 31 mars 2016 et l'arrêté du garde des sceaux prononçant son retrait, le déliant ainsi de son obligation de non-concurrence.
Et surtout, il n'apparaît pas que la répartition des bénéfices au titre de l'année 2016 (aucune indication n'étant communiquée pour les années antérieures) était fondée sur l'industrie des associés en l'absence d'indication idoine dans la cinquième résolution du procès-verbal d'assemblée générale du 20 janvier 2017, et dans l'article 23 des statuts.
Ensuite, l'obligation pour le notaire de consacrer tout le temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions fait écho à ses obligations déontologiques et professionnelles mais ne permet pas de conclure que les droits des associés aux bénéfices d'une SCP «'est avant tout fonction de l'industrie des associés'» comme le soutient l'appelante.
En définitive, le jugement querellé est confirmé en ce qu'il a retenu au bénéfice de M. [Z] le droit de réclamer paiement de sa quote-part de bénéfices jusqu'au 17 février 2017, date du remboursement intégral de ses parts sociales, déduction faite des dépenses payées pour son compte par la SCP depuis le 1er avril 2016.
Sur le montant de la créance de M. [Z]
Le jugement est confirmé sur la condamnation à paiement de la somme de 216.042€ au titre de la quote-part dans le bénéfice de la SCP au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2016, ce quantum n'étant pas discuté par les parties à hauteur d'appel.
L'appelante conteste uniquement le montant de la condamnation au titre de la quote-part de bénéfice pour la période du 1er janvier au 17 février 2017, soit 32.165,57€, faisant valoir que l'étude a enregistrée une perte de 163.444€ sur la période du 1er janvier au 17 février 2017 et donc qu'aucun bénéfice ne pouvait être distribué.
Elle expose qu'elle a toujours utilisé la comptabilité d'engagement (règle créance-dettes) et que la décision de la SCP d'opter rétroactivement pour le régime fiscal de l'impôt sur les sociétés à compter du 1er janvier 2017dans la perspective de sa transformation en SELARL (soumise à l'impôt sur les sociétés donc obligatoirement à la comptabilité d'engagement) n'a donc pas eu d'incidence sur sa comptabilité.
Ce qui doit être admis.
En effet, il résulte des photocopies reproduites dans ses conclusions et dans sa pièce 35 des premières pages des formulaires fiscaux n° 2025 (compte de résultat fiscal) pour les revenus fiscaux 2013, 2014, 2015, 2016 (documents non critiqués par l'intimé) ,que le résultat fiscal de la SCP était déjà déterminé d'après les règles «'créances/dettes'», donc selon la comptabilité d'engagement, régime comptable facultatif certes pour une SCP qui relève ordinairement de la comptabilité de caisse (recettes/ dépenses) mais qu'il ne lui était pas interdit d'appliquer.
Ainsi quand bien même la décision de la SCP prise le 29 mars 2017, d'opter pour le régime fiscal de l'impôt sur les sociétés avec effet rétroactif au 1er janvier 2017 en prévision de sa transformation en SELARL décidée ultérieurement lors de l'assemblée générale extraordinaire du 21 juin 2017, ne lui est pas opposable, dès lors qu'il avait perdu ses droits d'associés à compter du 27 décembre 2016 et n'a donc pas été convoqué aux assemblées générales et n'a pas participé aux décisions de la SCP, M. [Z] n'est pas fondé à critiquer les résultats de la situation intermédiaire du 1er janvier au 17 février 2017 qui a été élaborée selon des règles comptables inchangées par rapport aux exercices antérieurs'; ainsi il ne peut sérieusement «'retraiter'» les données comptables figurant dans cette situation intermédiaire à la faveur de calculs et d'analyses personnelles.
Le jugement déféré est en conséquence infirmé en ce qu'il a alloué à M. [Z] la somme de 32.165,57€ au titre de sa quote-part dans le bénéfice de la SCP pour la période du 1er janvier au 17 février 2017, aucun bénéfice ne pouvant être distribué au titre de cette période en l'état de la perte enregistrée de 164.000€.
S'agissant du taux de l'intérêt légal assortissant la condamnation à paiement de la somme précitée de 216.042€, il y a lieu d'ajouter au jugement querellé en précisant qu'il s'agit du taux applicable à une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels au sens de l'article L.313-2 du code monétaire et financier, dès lors que M. [Z] poursuit le recouvrement d'une créance née de la détention de parts sociales dans le capital d'une société et non pas de l'exercice de son activité libérale.
Sur la demande de dommages et intérêts
L'appelante est déboutée de ce chef de prétention à défaut d'établir la réalité du préjudice allégué («'associés en situation particulièrement inique et délicate'») en lien avec le comportement de M. [Z] dont elle ne caractérise pas la nature fautive, alors que notamment celui-ci a quitté la SCP avec son autorisation, sans occulter les raisons de son départ, les conditions de ce départ ayant été actées dans un protocole d'accord que la SCP a signé, la circonstance qu'il a dénoncé les termes du projet d'acte authentique de réduction de capital de la SCP n'étant pas davantage fautive, cette protestation ayant été formulée très rapidement.
Sur les mesures accessoires
Chacune des parties doit conserver la charge de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles exposés devant la cour dès lors qu'elles succombent pour partie dans leurs prétentions respectives'; le jugement déféré est toutefois confirmé en ses dispositions relatives aux mesures accessoires.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,'
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives à la quote-part de M. [U] [Z] dans le bénéfice de la SCP pour la période du 1er janvier au 17 février 2017,
Statuant à nouveau sur ce point et ajoutant,
Dit M. [U] [Z] fondé dans le principe à réclamer sa quote-part dans les bénéfices de la SCP du 1er janvier 2017 jusqu'au 17 février 2017, mais le déboute de cette réclamation en l'absence de bénéfices distribuables au titre de cette période comptable,
Dit que le taux de l'intérêt légal applicable à la condamnation à paiement de la somme de 216.042€ au titre de la quote-part dans le bénéfice de la SCP au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2016', est le taux applicable à une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels au sens de l'article L.313-2 du code monétaire et financier,
Déboute la SELARL [Adresse 6] Notaires Associés venant aux droits de la SCP Didier Leclerq, Henry Benoist, Olivier Marce,Julien Dauvergne de sa réclamation de dommages et intérêts formée à l'encontre de M. [U] [Z],
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
Dit que chacune des parties conserve la charge de ses dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame Clerc , président, et par Madame Burel, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT