N° RG 22/04337 -
N° Portalis DBVM-V-B7G-LTNM
C8
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
notifié par LRAR aux parties
le
copies aux avocats le
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 25 MAI 2023
Appel d'une ordonnance (N° RG 2022RC0111)
rendue en matière gracieuse par le Tribunal de Commerce de ROMANS
en date du 08 juin 2022
suivant déclaration d'appel du 27 juin 2022
Société SOGAMA
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-Louis BARTHELEMY de la SELAS MSA VALENCE, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière
EN PRÉSENCE DE :
M. le Procureur Général auquel l'affaire a été régulièrement communiquée, représenté à l'audience par Mme BENEZECH, Avocat Général, et qui a fait connaître son avis par écrit et oralement.
DÉBATS :
A l'audience en Chambre du Conseil du 01 mars 2023, Mme FIGUET, Présidente de chambre, a été entendue en son rapport,
Me [V] a été entendu en ses conclusions écrites,
Mme BENEZECH, Avocat Général, a été entendu en ses conclusions écrites et orales
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSE DU LITIGE
La Sarl Sogama a été immatriculée le 1er août 1977.
Par décision de l'assemblée générale ordinaire annuelle des associés du 29 juin 2018, le mandat de Monsieur [N] [I], commissaire aux comptes titulaire, n'a pas été renouvelé et Monsieur [U] [C] a été nommé pour le remplacer pour une durée de six exercices.
Par décision de la même assemblée générale, le mandat de la société Pricewaterhouse Coopers Services France, commissaire aux comptes suppléant, n'a pas été renouvelé et Monsieur [P] [S] a été nommé pour le remplacer pour une durée de six exercices.
Par courrier du 18 septembre 2020, Monsieur [U] [C] a démissionné de son mandat de commissaire aux comptes titulaire à compter du 18 septembre 2020.
Par courrier du 15 février 2021, Monsieur [P] [S] a démissionné de son mandat de commissaire aux comptes suppléant à compter du 15 février 2021.
Par décision de l'assemblée générale ordinaire annuelle des associés du 28 septembre 2020, il a été mis un terme aux mandats de Monsieur [U] [C] et de Monsieur [P] [S] des fonctions de commissaire aux compte titulaire et commissaire aux compte suppléant et il a été décidé de ne pas procéder à leur remplacement au regard des dispositions du décret du 24 mai 2019 fixant à la hausse les nouveaux seuils de désignation des commissaires aux comptes.
Par courrier du 9 mars 2022, la société Sogama a demandé au greffe du tribunal de commerce de Romans une modification du RCS concernant la suppression des commissaires aux comptes titulaire et suppléant et leur non remplacement en application des dispositions du décret d'application de la loi Pacte.
Par courrier du 6 avril 2022, le greffe du tribunal de commerce de Romans a notifié à la société Sogama une décision de refus d'inscription en indiquant que la durée du mandat de commissaire aux comptes est impérative que sa nomination soit obligatoire ou non et qu'il convient donc de nommer des remplaçants pour la fin du mandat.
Par requête déposée le 16 mai 2022, la société Sogama a demandé au juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés d'ordonner au greffier du tribunal de commerce de Romans de procéder à l'enregistrement de la formalité requise.
Par ordonnance du 8 juin 2022, le juge commis a rejeté la requête et a invité la requérante à se conformer aux obligations légales en matière de durée de mandat des commissaires aux comptes. Il a retenu que la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 a prévu en son article 20 que les mandats des commissaires aux comptes en cours à l'entrée en vigueur du présent article se poursuivent jusqu'à leur date d'expiration dans les conditions prévues à l'article L 823-3 du code du commerce et que les mandats des commissaires aux comptes ne sont pas arrivés à expiration et doivent se poursuivre en application de l'article L 823-3 du code du commerce.
Par lettre reçue au greffe le 27 juin 2022, la société Sogama a formé appel à l'encontre de cette ordonnance après avoir exposé :
- que l'extrait KBIS d'une société est destiné à l'information des tiers et que les informations qui y sont portées sont d'une particulière importance,
- qu'actuellement, l'extrait KBIS de la société Sogama comporte des mentions inexactes puisqu'y figure le nom de commissaires aux comptes qui ont démissionné,
- que le pouvoir de contrôle du greffier et par extension celui du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés consiste en un contrôle de régularité formelle et non pas à un contrôle de fond,
- que saisi d'une formalité visant à la suppression des commissaires aux comptes du registre du commerce et des sociétés, le juge doit donc vérifier si les conditions légales relatives au mandat des commissaires aux comptes permettent la suppression demandée,
- que l'article L227-9-1 du code de commerce encadrant les conditions de nomination d'un commissaire aux compte dans une SAS dispose que sont tenues de désigner au moins un commissaire aux comptes les SAS qui dépassent à la clôture d'un exercice social deux des seuils fixés par décret: le total de leur bilan, le montant de leur chiffre d'affaires ht ou le nombre moyen de leurs salariés au cours de l'exercice,
- que les seuils issus du décret n°2019-514 du 24 mai 2019 pris en application de la loi Pacte n'ont pas été atteints par la société Sogama au cours des exercices 2018 et 2019 de sorte qu'elle n'est pas tenue de désigner des commissaires aux comptes,
- que la démission des commissaires aux comptes est indépendante de la volonté de la société Sogama,
- que les mandats ont été rompus et n'ont plus lieu d'être,
- qu'aucune disposition du code du commerce n'impose de désigner un nouveau commissaire aux comptes en cas de démission de son mandat d'un commissaire aux compte en exercice lorsque les conditions de sa désignation ne sont pas remplies,
- que l'article 20 de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 invoqué par le juge commis est muet sur ce point,
- que le greffe du tribunal de commerce de Romans adopte des positions contraires d'une société à l'autre,
- que les greffes d'autres tribunaux de commerce ne posent pas la moindre difficulté s'agissant de l'enregistrement de la demande de suppression des commissaires aux comptes,
- que la jurisprudence de la Cour de cassation du 6 novembre 2012 n°11-30-648 n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce puisqu'elle concerne la nomination volontaire de commissaire aux comptes par une société en dehors des critères définis par la loi.
Elle demande en conséquence à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge chargé de la surveillance du registre,
Statuant à nouveau,
- ordonner au greffier du tribunal de commerce de Romans de procéder à l'enregistrement de la formalité requise.
Le juge commis n'a pas souhaité modifier ou rétracter sa décision et a transmis la déclaration d'appel à la cour d'appel de céans. Le dossier a été reçu le 10 août 2022.
Le 1er mars 2023, le Ministère Public à qui l'affaire a été communiquée a conclu à la confirmation de l'ordonnance.
A l'audience, le conseiller rapporteur a fait son rapport.
Le Ministère Public a repris oralement son avis.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L 823-3 du code du commerce dispose :
'Le commissaire aux comptes est nommé pour un mandat de six exercices. Ses fonctions expirent après la délibération de l'assemblée générale ou de l'organe compétent qui statue sur les comptes du sixième exercice.
Le commissaire aux comptes nommé en remplacement d'un autre ne demeure en fonction que jusqu'à l'expiration du mandat de son prédécesseur.
Le commissaire aux comptes dont le mandat est expiré, qui a été révoqué, relevé de ses fonctions, suspendu, interdit temporairement d'exercer, radié, omis ou a donné sa démission permet au commissaire aux comptes lui succédant d'accéder à toutes les informations et à tous les documents pertinents concernant la personne ou l'entité dont les comptes sont certifiés, notamment ceux relatifs à la certification des comptes la plus récente.'
La loi n°2019-142 du 22 mai 2019 en son article 20 a modifié les seuils à partir desquels la désignation d'un commissaire aux comptes est obligatoire.
Toutefois, l'article 20 II de ladite loi dispose que les mandats de commissaires aux comptes en cours à l'entrée en vigueur du présent article se poursuivent jusqu'à leur date d'expiration dans les conditions prévues à l'article L. 823-3 du code de commerce.
Il est constant que le mandat du commissaire aux comptes était en cours lors de l'entrée en vigueur de l'article 20 de la loi n°2019-142 du 22 mai 2019.
La durée du mandat du commissaire aux comptes est de 6 exercices et elle n'est pas affectée par la démission du commissaire aux comptes, le remplaçant devant demeurer en fonction jusqu'à l'expiration du mandat de son prédécesseur. La cour observe au demeurant que la société Sogama a mis un terme au mandat de commissaire aux compte suppléant de Monsieur [P] [S] le 28 septembre 2020, soit avant même que celui-ci démissionne de son mandat le15 février 2021.
Dès lors, la désignation d'un commissaire aux comptes pour la durée légale de six exercices fait obstacle à ce qu'il puisse être procédé à la radiation de son inscription du registre du commerce et des sociétés à défaut de son remplacement pour la durée du mandat restant à courir.
Par ailleurs, aux termes des articles R 123-94 et R 123-95 du code du commerce, le greffier, sous sa responsabilité, doit s'assurer de la régularité de la demande et vérifier que les énonciations sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires, correspondent aux pièces justificatives et acte déposés en annexe.
Dès lors, contrairement à ce que soutient la société Sogama, le greffier était tenu de s'assurer que la demande de modification du registre du commerce et des sociétés afférente à la démission des commissaires aux comptes titulaire et suppléant et à leur non-remplacement était régulière et conforme aux dispositions législatives et réglementaires.
Cette démission sans remplacement n'étant pas conforme à la loi, notamment à l'article 20 II loi n°2019-142 du 22 mai 2019, c'est de façon bien fondée que le greffier a procédé à un refus d'inscription.
La société Sogama ne peut venir se plaindre d'une absence de conformité du registre du commerce et des sociétés à la réalité de la démission des commissaires aux compte alors qu'il lui appartient de procéder à leur remplacement conformément aux dispositions légales.
Par ailleurs, le fait que le greffier du tribunal de commerce de Romans sur Isère ou d'autres greffiers de tribunaux de commerce aient pu procéder à une inscription similaire à celle requise est inopérant.
En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance rendue le 08 juin 2022 par le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Romans sur Isère.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 8 juin 2022 par le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Romans sur Isère.
Condamne la société Sogama aux dépens.
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente