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25/05/2023 | FRANCE | N°21/04642

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 25 mai 2023, 21/04642


N° RG 21/04642 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LDHO



C8



Minute :









































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELAS ABAD & VILLEMAGNE - AVOCATS ASSOCIÉS



la SELARL LGB-BOBANT



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR

D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 25 MAI 2023





Appel d'une décision (N° RG 2020J00114)

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 30 août 2021

suivant déclaration d'appel du 02 novembre 2021





APPELANT :



M. [Y] [P]

né le [Date naissance 2] 1965 à italie

[Adresse 5]

[Localité 4]



représenté par Me ABAD de...

N° RG 21/04642 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LDHO

C8

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELAS ABAD & VILLEMAGNE - AVOCATS ASSOCIÉS

la SELARL LGB-BOBANT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 25 MAI 2023

Appel d'une décision (N° RG 2020J00114)

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 30 août 2021

suivant déclaration d'appel du 02 novembre 2021

APPELANT :

M. [Y] [P]

né le [Date naissance 2] 1965 à italie

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par Me ABAD de la SELAS ABAD & VILLEMAGNE - AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRENOBLE,

INTIMÉE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SAINT MARTIN D'HERES à capital variable et à responsabilité statutairement limitée, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le numéro D 309 599 074, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés es-qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Christophe BOBANT de la SELARL LGB-BOBANT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 mars 2023, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assistée de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

Exposé du litige

La société CEMTP, exploitant une activité de travaux publics, génie civil et terrassement, a ouvert auprès de la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères un compte courant professionnel n°00020301501 par acte sous seing privé du 20 octobre 2010.

Par acte sous sein privé du 27 mars 2015, la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères a consenti à la société CEMTP une autorisation de découvert d'un montant de 10.000 euros au taux de 7,9% l'an actuellement variable en fonction de l'évolution du taux de base qui s'élève actuellement à 6,6% l'an. Il était mentionné un taux effectif global de 8,299% l'an.

Par acte du même jour, Monsieur [Y] [P], dirigeant de la société CEMTP, s'est porté caution solidaire de cette société dans la limite de la somme de 12.000 euros au titre de ce concours bancaire.

Par jugement du 20 septembre 2016, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la société CEMTP. Suivant décision du 19 septembre 2017, un plan de sauvegarde d'une durée de 5 ans a été arrêté.

Par jugement du 14 janvier 2020, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé la résolution du plan de sauvegarde et la liquidation judiciaire de la société CEMTP.

Par courrier reçu le 31 janvier 2020, la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères a mis en demeure Monsieur [Y] [P] en sa qualité de caution solidaire de lui payer la somme de 18.142,18 euros, soit 12.000 euros au titre du compte courant et 6.142,18 euros au titre du prêt.

Par acte d'huissier de justice du 17 mars 2020, la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères a assigné Monsieur [Y] [P] devant le tribunal de commerce de Grenoble en paiement de la somme de 12.000 euros.

Par jugement du 30 août 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a:

rejeté le dossier déposé à l'audience par le demandeur,

débouté Monsieur [Y] [P] de sa demande de disproportion de son acte de cautionnement ,

condamné Monsieur [Y] [P] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères la somme de 12.000 euros,

jugé qu'il pourra se libérer du paiement en 23 mensualités de 250 euros et le solde à la 24ème mensualité,

condamné Monsieur [Y] [P] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Monsieur [Y] [P] aux entiers dépens,

liquidé les dépens.

Par déclaration remise le 2 novembre 2021, Monsieur [Y] [P] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a:

débouté Monsieur [Y] [P] de sa demande de disproportion de son acte de cautionnement ,

condamné Monsieur [Y] [P] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères la somme de 12.000 euros,

jugé qu'il pourra se libérer du paiement en 23 mensualités de 250 euros et le solde à la 24ème mensualité,

condamné Monsieur [Y] [P] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Monsieur [Y] [P] aux entiers dépens.

Prétentions et moyens de Monsieur [Y] [P]

Dans ses conclsuions remises le 16 décembre 2022, il demande à la cour de:

À titre principal,

réformer le jugement rendu le 30 août 2021,

dire et juger que l'acte de cautionnement souscrit par Monsieur [Y] [P] en date 27 mars 2015 est disproportionné par rapport à sa situation financière,

juger que la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères ne peut se prévaloir de l'engagement souscrit par Monsieur [Y] [P],

débouter la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères de toutes ses demandes,

À titre subsidiaire, si la cour venait à confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la disproportion de l'acte de caution souscrit par Monsieur [Y] [P],

confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à Monsieur [Y] [P] les plus larges délais de paiement en application de l'article 1343-5 du code civil et notamment les modalités suivantes, 250 euros par mois au titre de la première mensualité jusqu'à la 23 ème, le solde à la 24 ème mensualité,

En tout état de cause

condamner la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères à payer à Monsieur [Y] [P] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Il fait valoir que la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères n'a pas procédé aux vérifications de solvabilité du garant à la date de conclusion du contrat de cautionnement, qu'à cette date, marié sous le régime de la séparation des biens, il percevait un revenu annuel à hauteur de 5.233 euros, qu'il ne pouvait en effet être rémunéré au titre de ses fonctions dans la société CEMTP compte tenu de ses difficultés financières, que la fiche patrimoniale produite par la banque est datée du 7 novembre 2012, que rien ne permet d'affirmer qu'en 2015, sa situation était inchangée, que l'engagement de caution représente plus de deux fois ses revenus annuels, qu'en outre à la date de son engagement du 27 mars 2015, il était déjà engagé à hauteur de 15.000 euros en vertu d'un acte du 15 novembre 2012, qu'il produit l'intégralité de ses pièces afin de démontrer la preuve de la disproportion au regard de sa situation financière et patrimoniale.

Il ajoute que dans la fiche patrimoniale remplie le 7 novembre 2012, il a mentionné être marié sous contrat de mariage de façon loyale et transparente, qu'en cas de séparation de biens, la disproportion éventuelle s'apprécie au regard des seuls biens et revenus personnels de la caution, que les revenus de sa femme ne peuvent être pris en compte, que les biens ont été acquis au profit d'une Sci et il n'en est pas propriétaire, que les revenus fonciers s'élèvent à 2.927 euros pour le couple, soit 1.522 euros pour lui-même puisqu'il détient 52% des parts.

Sur la disproportion à la date où il est actionné, il résulte de son avis d'imposition sur les revenus 2019 que son revenu fiscal de référence est de 27.448 euros soit 2.287 euros par mois, qu'il a été licencié en janvier 2020 et a connu une baisse de ses revenus, qu'il a été actionné en qualité de caution par la société Crédit Mutuel Factoring pour un montant de 20.000 euros, qu'il n'a toujours pas de patrimoine puisque les biens immobiliers appartiennent à la Sci, qu'il ne peut toujours pas faire face à son engagement.

Sur sa demande de délai, il note qu'il est débiteur de bonne foi, qu'il s'est retrouvé sans emploi du fait de son licenciement.

Prétentions et moyens de la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères

Dans ses conclusions remises le 29 avril 2022, elle demande à la cour de:

dire et juger que l'appel de Monsieur [Y] [P] est mal fondé, son engagement de caution solidaire et personnelle n'étant pas manifestement disproportionné, et les plus larges délais de paiement lui ayant déjà été octroyé en première instance,

débouter Monsieur [Y] [P] de l'intégralité de ses demandes,

confirmer le jugement entrepris,

condamner Monsieur [Y] [P] à régler à la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

condamner Monsieur [Y] [P] aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la Selarl LGB-Bobant, avocats associés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elle expose:

que la banque n'a aucune obligation de faire compléter une fiche de renseignements patrimoniale à la caution lors de son engagement et elle n'est pas tenue d'en produire une en cas de contestation du caractère proportionné du cautionnement,

que c'est à la caution qu'il incombe de démontrer son insolvabilité au jour de la souscription du jugement,

que préalablement à la conclusion de son engagement de caution, Monsieur [Y] [P] a rempli le 7 novembre 2012 une fiche patrimoniale révélant un revenu annuel de plus de 49.000 euros, des placements financiers à hauteur de 27.600 euros et la propriété directe et indirecte au travers d'une Sci de biens immobiliers évalués à 132.000 euros,

que le 27 mars 2015, Monsieur [Y] [P] n'a pas informé la banque d'une modification de ses revenus ou de son patrimoine depuis le 7 novembre 2012, ni qu'il aurait souscrit des engagements de caution par ailleurs,

que le dernier cautionnement évoqué par Monsieur [Y] [P] n'a pas à être pris en compte puisque sa date n'est pas connue,

que la fiche du 7 novembre 2012 fait état de placements financiers et d'un patrimoine immobilier largement suffisants à garantir l'engagement de 12.000 euros, quelque soit l'évolution des revenus,

que la valeur nette de l'appartement de 28.000 euros en novembre 2012 n'a pu qu'augmenter,

que Monsieur [Y] [P] qui n'a pas signalé être marié sous le régime de la séparation des biens en 2012 ne peut invoquer sa propre turpitude pour exclure les revenus de son épouse et une part du patrimoine,

que même à considérer que l'appartement a été acquis en indivision, il lui reste personnellement une valeur de 14.000 euros,

que l'engagement n'était pas disproportionné au jour de sa conclusion et ne l'est pas plus aujourd'hui.

Pour le surplus des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction de la procédure a été clôturée le 9 février 2023.

Motifs de la décision

1) Sur la disproportion de l'engagement de caution

Aux termes de l'article L 332-1 (anciennement L 341-4) du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La banque n'a pas l'obligation d'établir une fiche de renseignements avant la conclusion du contrat de cautionnement et il appartient à la caution de prouver la disproportion manifeste de son engagement lors de sa conclusion.

Cette disproportion s'apprécie par rapport aux revenus et aux biens de la caution.

Monsieur [Y] [P] verse aux débats son avis d'imposition sur les revenus 2014 duquel il ressort qu'il a perçu des salaires pour un montant annuel de 5.233 euros. Les revenus de son épouse ne peuvent être pris en considération dès lors qu'il est marié sous le régime de la séparation des biens et que contrairement à ce que soutient la banque, il avait indiqué à la banque dans sa fiche patrimoniale remplie le 7 novembre 2012 avoir conclu un contrat de mariage. La banque ne peut lui reprocher de ne pas lui avoir signalé en 2015 la baisse de ses revenus intervenue depuis 2012. En l'absence de fiche patrimoniale remplie en mars 2015, les revenus en prendre en considération sont ceux perçus à ce moment et justifiés par la caution sans que la banque puisse lui opposer ceux déclarés dans une fiche patrimoniale renseignée près de 3 ans auparavant.

Néanmoins, la disproportion ne s'apprécie pas au regard des seuls revenus de la caution mais aussi de ses biens.

Il ressort des pièces (statuts - assemblée générale) que lors de la conclusion de l'engagement de caution du 27 mars 2015, Monsieur [Y] [P] était propriétaire de 98 parts sociales sur 185 de la Sci FFC laquelle détient à l'époque un bien immobilier procurant des revenus immobiliers.

En outre, contrairement à ce qu'il prétend, tous les biens immobiliers ne sont pas détenus par la Sci FFC puisque l'appartement situé à Saint Martin d'Hères ne figure pas au titre des biens de la Sci FFC. Cet appartement était évalué à 78.000 euros en 2012 avec un capital restant dû de 50.000 euros d'où une valeur nette de 28.000 euros. Monsieur [Y] [P] ne justifie pas que ce bien a été acquis en indivision avec son épouse et il est taisant sur sa valeur en 2015 alors qu'il lui appartient de rapporter la preuve de la disproportion manifeste de son engagement au regard de ses revenus et de son patrimoine.

En tout état de cause, en tenant compte d'une seule valeur nette de 28.000 euros, l'engagement à hauteur de 12.000 euros, même ajouté au précédent engagement contracté le 15 novembre 2012 à hauteur de 15.000 euros n'est pas manifestement disproportionné aux revenus et biens mobiliers et immobiliers de la caution.

En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a dit que la banque pouvait se prévaloir de l'engagement de caution du 27 mars 2015, a débouté Monsieur [Y] [P] de sa demande au titre de la disproportion et l'a condamné à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères la somme de 12.000 euros. Le jugement sera confirmé de ces chefs.

2) Sur la demande de délai de paiement

Le jugement sera aussi confirmé sur ce point sans qu'il y ait lieu d'accorder à Monsieur [Y] [P] de nouveaux délais.

3) Sur les frais de procédure

Monsieur [Y] [P] qui succombe dans son appel sera condamné aux entiers dépens avec distraction au profit de la Selarl LGB-Bobant, avocats associés, pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision et à payer la somme de 1.000 euros à la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement rendu le 30 août 2021 en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [Y] [P] aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de la Selarl LGB-Bobant, avocats associés.

CONDAMNE Monsieur [Y] [P] à payer la somme de 1.000 euros à la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Martin d'Hères en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/04642
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.04642 ?
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