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04/05/2023 | FRANCE | N°21/04942

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 04 mai 2023, 21/04942


N° RG 21/04942 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LEB4



C4



Minute :









































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la SELARL COOK - QUENARD



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'A

PPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 04 MAI 2023





Appel d'une décision (N° RG 2021J278)

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 05 novembre 2021

suivant déclaration d'appel du 25 novembre 2021





APPELANTE :

AXA FRANCE IARD, immatriculée sous le numéro 722 057 460 au RCS de Nanterre, agissant poursuite et diligence...

N° RG 21/04942 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LEB4

C4

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SELARL COOK - QUENARD

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 04 MAI 2023

Appel d'une décision (N° RG 2021J278)

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 05 novembre 2021

suivant déclaration d'appel du 25 novembre 2021

APPELANTE :

AXA FRANCE IARD, immatriculée sous le numéro 722 057 460 au RCS de Nanterre, agissant poursuite et diligences de son Président-Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me CHOI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. MASAI immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460, représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés es-qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée et plaidant par Me QUENARD de la SELARL COOK - QUENARD, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 janvier 2023, M. Lionel BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour, après prorogation du délibéré.

Faits et procédure:

1. La société Masai a été créée le 18 mars 2016 en vue d'exploiter des espaces récréatifs et sportifs comprenant des équipements ludiques d'escalade et une petite restauration sous l'enseigne «'Hapik'». Elle exploite 13 établissements sur le territoire français. Son activité se pratique en intérieur exclusivement dans des centres commerciaux, et est assimilée à une activité sportive. Les établissements qu'elle exploite sont classés de type X. Son activité accessoire de snacking (boissons, confiseries) a pour objet que de permettre à ses pratiquants, qui sont majoritairement des enfants, de pouvoir se restaurer rapidement juste avant ou juste après leur pratique ou dans le cadre de goûters d'anniversaire organisés, et ne fonctionne pas indépendamment de son activité principale. Lors de l'entrée en vigueur du premier confinement national, dix établissements étaient ouverts et exploités et trois nouveaux établissements ont ouvert leurs portes à la fin du confinement printanier : [Localité 5] en juillet 2020, [Localité 4] en août 2020 et [Localité 7] en octobre 2020.

2. Le 16 mars 2020, la société Masai souscrit auprès de la compagnie Axa France France une assurance multirisque professionnelle, à effet au 1er avril 2020 pour l'ensemble de ses sites, à l'exception du site de [Localité 4], pour lequel le contrat a pris effet le 12 mars 2020. La police a été étendue aux sites de [Localité 5] et de [Localité 7] - [Localité 6] par contrat en date du 8 juin 2020. Les conditions particulières précisent que le contrat se compose des conditions générales n°460645K et de la convention spéciale dommages n° 460646 G. La police prévoit les modalités de prise en charge de la perte d'exploitation.

3. Dans le contexte de la propagation sur le territoire français du virus de la Covid-19, le gouvernement français a décidé dès le 14 mars 2020 de fermer certains lieux accueillant du public par un premier arrêté du 14 mars 2020 et un second du 15 mars 2020. A compter de ce 14 mars 2020, la société Masai a été contrainte de fermer ses portes, n'étant plus autorisée à recevoir du public.

4. La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 a instauré l'état d'urgence sanitaire, et l'interdiction d'accueil du public notamment pour les établissements relevant de la catégorie X, a été successivement prolongée jusqu'au 15 avril 2020 par le décret n°2020-293 pris le 23 mars 2020, puis jusqu'au 11 mai 2020 par le décret n°2020-423 du 14 avril 2020, complétant le décret n°2020-293 du 23 mars 2020, puis encore au-delà du 11 mai 2020 par un décret n°2020-548 du 11 mai 2020.

5. Le 30 septembre 2020, la société Masai, par l'intermédiaire de son courtier et par courriel, a transmis à la compagnie Axa France Iard une déclaration de sinistre aux 'ns d'être indemnisée à hauteur de la perte d'exploitation causée par la fermeture administrative de ses établissements suite au confinement national. Le 12 octobre 2020, par courriel, la compagnie Axa France Iard a répondu que le contrat contient une clause d'exclusion qui a vocation à s'appliquer au sinistre déclaré par la société Masai et a refusé de couvrir le sinistre déclaré.

6. Le 16 octobre 2020, le décret n° 2020-1262 a prescrit les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire et a imposé dans son article 40 les précautions limitant l'accueil du public de certains établissements. Le 19 octobre 2020, par courrier recommandé, la société Masai, par l'intermédiaire de son conseil, a sollicité auprès de la compagnie Axa France Iard l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi en raison de la fermeture administrative de dix de ses établissements, correspondant à la perte de marge brute. Le 21 octobre 2020, Axa France Iard a réceptionné ce courrier et n'y a pas donné pas suite.

7. Le 29 octobre 2020, le décret n°2020-1310 a prévu en son article 40-1, que «'Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l'article R123-12 du code de la construction et de l'habitation figurant ci-après ne peuvent accueillir du public'» et a entraîné une nouvelle fermeture à compter du 30 octobre 2020. Le 30 octobre 2020, les treize établissements exploités par la société Masai ont été ainsi fermés par l'autorité administrative.

8. La société Masai a engagé une procédure en référé devant le tribunal de commerce de Grenoble et par une ordonnance du 27 avril 2021, le jugé des référés a dit que le litige excède ses pouvoirs, a rejeté les demandes et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir. La société Masai a alors sollicité de la présidente du tribunal de commerce de Grenoble l'autorisation d'assigner la compagnie Axa France Iard à brefs délais, sur le fondement des dispositions de l'article 858 du code de commerce, par requête en date du 30 juillet 2021. Par ordonnance en date du 04 août 2021, la présidente du tribunal de commerce a fait droit à cette requête et a autorisé la société Masai à assigner la compagnie Axa France Iard à l'audience du tribunal du 10 septembre 2021.

9. Selon assignation délivrée le 25 août 2021, la société Masai a notamment demandé au tribunal de commerce de juger que l'indemnisation des pertes subies est mobilisable pour la période postérieure au 29 octobre 2020'; de juger non écrite la clause d'exclusion de garantie 'gurant au contrat d'assurance'; de condamner la compagnie Axa France Iard à lui payer la somme de 1.239.761 euros'; subsidiairement, d'organiser une expertise comptable afin d'évaluer la perte de marge brute subie en accord avec la méthode de la Convention Spéciale Dommages Multirisque de l'Entreprise rattachée au contrat d'assurance'; de condamner la compagnie Axa France Iard à lui payer une provision à valoir sur son indemnisation qui ne saurait être inférieure à la moitié de sa demande, et en tout état de cause qui ne saurait être inférieure à 600.000 euros.

10. Par jugement du 5 novembre 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a':

- rejeté la demande de la société Axa France Iard de voir juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie n'est pas mobilisable en l'espèce, du fait que la signature du contrat est postérieure à la réalisation du sinistre';

- jugé que la garantie perte d'exploitation de la société Axa France Iard du fait de la fermeture administrative en raison d'une épidémie est due à la société Masai';

- jugé que la clause d'exclusion de garantie visée par la société Axa France Iard est nulle';

- condamné la société Axa France Iard au versement d'une somme provisionnelle de 300.000 euros à la société Masai, à titre de provision à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies du fait de la fermeture de son établissement du 1er avril au 2 juin 2020 puis à partir du 29 octobre 2020';

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire';

- nommé comme expert judiciaire monsieur [Y] avec pour mission:

* d'évaluer la perte de marge subie par la société Masai pour les périodes du 1er avril au 2 juin 2020 puis à partir du 29 octobre 2020, en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance';

* de se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission';

* de fixer le montant des pertes d'exploitation subies par la société Masai pendant les périodes de fermeture dont elle a fait l'objet, en accord avec la méthode de la Convention Spéciale Dommages Multirisque de l'Entreprise rattachée au contrat d'assurance souscrit par la société Masai le 16 mars 2020, en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable et sur une période maximum de trois mois, soit du 29 octobre 2020 au 29 janvier 2021';

* de décider d'une méthode de calcul pour le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé pendant la période d'indemnisation pour les établissements secondaires sans écritures comptables ni résultats sur des exercices antérieurs au titre de la même période, à savoir les établissements qui ont ouvert au public après mars 2020 : [Localité 5], [Localité 4] et [Localité 6]';

* de donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture';

* d'entendre tout sachant lui permettant de mener à bien sa mission d'expertise';

- dit que l'expert effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original et une copie de son rapport au greffe du tribunal de commerce de Grenoble dans le délai qui lui sera imparti';

- fixé à 3.000 euros le montant de la provision à consigner par la société Axa France Iard avant le 5 décembre 2021 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile';

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera considéré que la désignation de l'expert sera caduque (article 271 du code de procédure civile)';

- dit que lors de sa première réunion laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de 2 mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge chargé du dossier ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en oeuvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où il découlera la date de dépôt de son rapport et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, lequel juge rendra, s'il y a lieu, une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile, et s'il y a lieu, accordera une prorogation du délai pour le dépôt du dossier';

- dit que lors de cette première réunion, l'expert fixera un délai pour les appels éventuels en intervention forcée de toutes les parties dans la cause';

- dit que si les parties ne parviennent pas à composition entre elles, et sauf contrariété avec le paragraphe précédent, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe de ce tribunal, dans le délai de 3 mois à compter de la consignation de la provision fixée ci-dessus';

- rejeté la demande de la défenderesse consistant à ce que l'expert ainsi désigné donne son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assuré;

- jugé que les montants perçus au titre du fonds de solidarité et du chômage partiel n'ont pas à être déduits du montant de la perte d'exploitation';

- sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation pour perte d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert';

- condamné la société Axa France Iard au versement de la somme de 8.000 euros au pro't de société Masai à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

- débouté les parties de leurs autres demandes, 'ns et conclusions';

- débouté la société Axa France Iard de sa demande tendant à écarter l'exécution provisoire';

- condamné la société Axa France Iard aux dépens.

11. La compagnie Axa France Iard a interjeté appel de cette décision le 25 novembre 2021, en ce qu'elle a':

- rejeté la demande de la société Axa France Iard de voir juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie n'est pas mobilisable en l'espèce, du fait que la signature du contrat est postérieure à la réalisation du sinistre';

- jugé que la garantie perte d'exploitation de la société Axa France Iard du fait de la fermeture administrative en raison d'une épidémie est due à la Sas Masai';

- jugé que la clause d'exclusion de garantie visée par la société Axa France Iard est nulle';

- condamné la société Axa France Iard au versement d'une somme provisionnelle de 300.000 euros à la Sas Masai, à titre de provision à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies du fait de la fermeture de son établissement du 1er avril au 2 juin 2020 puis à partir du 29 octobre 2020';

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire';

- nommé comme expert judiciaire monsieur [Y] avec pour mission:

* d'évaluer la perte de marge subie par la société Masai pour les périodes du 1er avril au 2 juin 2020 puis à partir du 29 octobre 2020, en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance';

* de se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission';

* de fixer le montant des pertes d'exploitation subies par la Sas Masai pendant les périodes de fermeture dont elle a fait l'objet, en accord avec la méthode dela Convention Spéciale Dommages Multirisque de I'Entreprise rattachée au contrat d'assurance souscrit par la société Masai le 16 mars 2020, en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable et sur une période maximum de trois mois, soit du 29 octobre 2020 au 29 janvier 2021';

* de décider d'une méthode de calcul pour le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé pendant la période d'indemnisation pour les établissements secondaires sans écritures comptables ni résultats sur des exercices antérieurs au titre de la même période, à savoir les établissements qui ont ouvert au public'après mars 2020 : [Localité 5], [Localité 4] et [Localité 6]';

* de donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture';

* d'entendre tout sachant lui permettant de mener à bien sa mission d'expertise';

- dit que l'expert effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original et une copie de son rapport au greffe du tribunal de commerce de Grenoble dans le délai qui lui sera imparti';

- fixé à 3.000 euros le montant de la provision à consigner par la société Axa France Iard avant le 5 decembre 2021 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile';

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera considéré que la désignation de l'expert sera caduque (article 271 du code de procédure civile).

L'instruction de cette procédure a été clôturée le 5 janvier 2023.

Prétentions et moyens de la compagnie Axa France Iard':

12. Selon ses conclusions d'appelante n°4, elle demande à la cour, au visa des articles 562 du code de procédure civile, des articles 1103, 11 70, 1171 et 1188 et suivants du code civil, des articles L. 111-2, L. 113-1 du code des assurances':

- de déclarer son appel recevable et bien-fondé, et à titre principal, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la garantie perte d'exploitation du fait d'une fermeture administrative est due à la société Masai;

- en ce qu'il a considéré que la clause d'exclusion ne serait ni formelle ni limitée au sens de l'article L.113-1 du code des assurances et que la concluante devra garantir la société Masai au titre de la perte d'exploitation de son activité de restauration;

- en ce qu'il condamné la concluante à payer à la société Masai la somme provisionnelle de 300.000 euros';

- en ce qu'il a ordonné une expertise judiciaire et nommé à cette 'n monsieur [Y] avec la mission telle que décrite dans le jugement entrepris';

- en ce qu'il a condamné la concluante à payer à la société Masai la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; condamné la concluante aux entiers dépens';

- en ce qu'il a débouté la concluante de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion.

13. L'appelante demande à la cour, statuant à nouveau':

- de juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie n'est pas mobilisable en l'espèce, du fait que la signature du contrat est postérieure à la réalisation du premier sinistre;

- par conséquence, de débouter la société Masai de sa demande de condamnation à l'encontre de la concluante et de la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement.

14. L'appelante demande, à titre subsidiaire':

- de juger que les risques situés à [Localité 5] et [Localité 6] ne sont pas assurés auprès de la concluante';

- de juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce;

- de juger que la clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L.113-1 du code des assurances en ce qu'elle est claire et ne laisse pas de place à l'incertitude;

- de juger que la clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle de la concluante de sa substance au sens de l'article 1170 du code civil;

- en conséquence, de juger applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie;

- de débouter la société Masai de sa demande de condamnation à l'encontre de la concluante et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement';

- d'annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de

Grenoble.

15. L'appelante demande, à titre plus subsidiaire':

- de juger que le montant de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Grenoble n'est pas justifié;

- de juger que les aides et subventions d'Etat perçues par l'assurée doivent être déduites du calcul de la perte d'exploitation qu'elle a subie;

- de juger que la limite de garantie à trois mois par sinistre est applicable;

- en conséquence, de réformer le jugement entrepris sur la mission confiée à l'expert judiciaire';

- de confirmer le jugement en ce qu'il a fait application de la limite de garantie à 3 mois maximum par sinistre;

- statuant à nouveau, d'ordonner que l'expert judiciaire aura pour mission de se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années'; d'entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties, le calendrier possible de la suite de ses opérations; d'examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance et se rapportant uniquement à l'activité de restauration, en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable et sur une période maximum de trois mois ; de donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales, les économies réalisées ; de donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée; de donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture, en se fondant notamment sur les recettes encaissées les semaines ayant précédé le 29 octobre 2020';

16. Elle demande, en tout état de cause':

- de débouter l'assurée de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif;

- de condamner la société Masai à payer à la concluante la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'appelante expose':

17. - que le contrat d'assurance conclu le 16 mars 2020 a prévu, dans les conditions particulières, une extension de la garantie des pertes d'exploitation en présence d'une fermeture administrative, dans la limite de trois mois, avec une indemnisation limitée à 50 fois l'indice soit 310.250 euros, et avec l'exclusion d'une franchise de trois jours ouvrés'; qu'elle garantit les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies': la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente et extérieure à l'assuré, et cette décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication';

18. - que cette clause d'extension comporte cependant une clause d'exclusion, concernant les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique';

19. - que par quatre arrêts du 1er décembre 2022, la Cour de Cassation a reconnu que la clause d'exclusion est formelle, au motif que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'est pas l'épidémie, mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement fait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme «'épidémie'» était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'applique'; que concernant le caractère limité de la clause d'exclusion, la Cour a considéré que la garantie couvre le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laisse dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance';

20. - en premier lieu, que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a condamné la concluante à garantir un risque dont l'origine est antérieure à la conclusion du contrat d'assurance, puisqu'il a statué notamment sur les pertes d'exploitation subies au titre de la fermeture de l'établissement entre le 1er avril et le 2 juin 2020, le contrat ayant pris effet au 1er avril 2020'; qu'en effet, le sinistre est survenu le 15 mars 2020, étant la conséquence de l'arrêté du 14 mars 2020 ordonnant la fermeture de tous les commerces et lieux non essentiels à la vie de la nation, dont les établissements de catégorie N (restaurants et débits de boisson) et X (établissements sportifs couverts)'; que le contrat d'assurance n'a pas d'effet rétroactif, de sorte que sont seuls couverts les évènements postérieurs à sa prise d'effet'; que si le contrat a été négocié au cours du mois de décembre 2019, ce fait est sans effet sur la date de prise d'effet de la police d'assurance'; que si la prise d'effet correspond à la fin de la police précédemment souscrite auprès de la compagnie General, cela est de même sans incidence'; que si la société Masai a affirmé que l'établissement de [Localité 4] aurait été assuré depuis le 12 mars 2020, la pièce produite par elle correspond au contrat conclu le 16 mars 2020 avec prise d'effet au 1er avril';

21. - concernant la clause d'exclusion, qu'elle est formelle au sens de l'article L113-1 du code des assurances, étant dépourvue d'ambiguïté, et qu'elle n'a pas à être interprétée'; que la mention «'quelle que soit sa nature et son activité'» permet à l'assurée de comprendre l'étendue de l'exclusion, à savoir la fermeture de tout autre établissement quel qu'il soit'; que le débat sur la définition du terme «'épidémie'» est sans pertinence';

22. - que la compréhension par l'assurée de la clause d'exclusion doit s'apprécier lors de la souscription du contrat'; que la cause de l'extension de la garantie est de permettre à l'assurée, professionnelle de la restauration, de se prémunir contre une intoxication alimentaire, fréquente dans ce domaine d'activité, et non de se prémunir contre une épidémie telle que la Covid 19, qui n'était jamais survenue en France'; que l'assurée n'a pu ainsi se méprendre sur la portée de la clause d'exclusion';

23. - qu'il ne peut être reproché à la concluante de ne pas avoir défini le terme «'épidémie'», puisque le critère de l'exclusion réside seulement dans la nature isolée de la fermeture administrative, ce qu'a jugé la Cour de Cassation'; que ce n'est pas la nature de l'épidémie et donc indirectement sa définition qui importe, mais sa conséquence, à savoir la fermeture du seul établissement assuré ou celles d'autres établissements dans le département, pour la même cause'; que l'absence de définition de ce terme employé seulement au titre des conditions de garantie, n'affecte pas la validité de la clause d'exclusion'; qu'il n'est pas ainsi nécessaire d'appréhender la notion d'épidémie pour comprendre ce qui est exclu';

24. - que si la concluante a proposé un avenant, on ne peut en retirer que cela indique qu'elle a eu conscience de l'inopposabilité de cette clause d'exclusion'; que la crise sanitaire a entraîné une reconsidération des risques liés aux épidémies par l'ensemble des acteurs du marché de l'assurance, les réassureurs n'entendant plus couvrir à l'avenir le moindre risque lié à une épidémie quelle que soit son étendue, ce qui a conduit les assureurs à établir des avenants pour y insérer une clause d'exclusion relative à l'épidémie, la pandémie ou la maladie contagieuse;

25. - que la clause d'exclusion ne prive pas de sa substance l'obligation de la concluante, puisque la survenue d'une épidémie n'est que l'une des conditions permettant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative'; que le risque assuré se traduit par les seules pertes d'exploitation en lien avec cette fermeture, et non en lien avec celles pouvant résulter de l'épidémie elle-même'; que la clause d'exclusion reste ainsi limitée'; que l'obligation de garantie n'est pas dérisoire au sens de l'article 1170 du code civil en raison des autres motifs de fermetures administratives prévus; qu'en pratique, une épidémie entraînant une fermeture administrative ne peut concerner qu'un seul établissement, comme en cas d'intoxication alimentaire, alors que les autorités administratives doivent prendre des mesures proportionnées selon l'article L3131-1 du code de la santé publique; que la définition habituelle donnée à ce terme est l'apparition d'un grand nombre de cas d'une maladie infectieuse transmissible dans une région donnée ou au sein d'une collectivité;

26. - que si la charge de la preuve des conditions d'application de l'exclusion repose sur l'assureur, la preuve de la charge de sa validité revient à l'assuré'; qu'il n'incombe pas ainsi à l'assureur de démontrer qu'il aurait déjà indemnisé des sinistres en application de la garantie considérée';

27. - que la validité de la clause d'exclusion ne peut s'apprécier au seul regard de l'épidémie de Covid 19, puisque cette épidémie ne reflète pas les cas nombreux qui peuvent survenir en France de façon localisée, et qui peuvent ainsi être couverts'; que le risque n'est pas ainsi improbable'; que la garantie reste due si le foyer épidémique est extérieur à l'établissement faisant l'objet de la fermeture administrative, dès lors que la fermeture ne concerne que l'établissement assuré, ainsi en cas de «'cluster'», ou si l'assureur ne parvient pas à établir que d'autres établissements font l'objet d'une fermeture administrative pour la même cause sur le même territoire;

28. - que l'intention des parties est de couvrir les conséquences d'une fermeture administrative isolée de l'établissement assuré en raison d'un risque inhérent à son activité, ainsi pour une intoxication alimentaire, et non de couvrir les conséquences d'une fermeture généralisée'; qu'une mesure de fermeture généralisée constitue un préjudice anormal et spécial dont les conséquences ne peuvent incomber à l'assureur'; que les conséquences d'une mesure générale de police administrative entraînant la fermeture collective d'établissements ne peuvent relever de la garantie individuelle de droit privé, de sorte que l'État a mis en l'espèce des mesures importantes pour juguler les conséquences des mesures de police exceptionnelles';

29. - subsidiairement, concernant la provision allouée par le tribunal, que les montants réclamés sont surévalués, alors que l'assureur ne peut prendre en charge un sinistre dont l'origine est antérieure à la signature du contrat'; que l'intimée a elle-même, dans ses conclusions déposées devant la cour, limité sa réclamation à la deuxième période de fermeture, soit du 29 octobre 2020 au 29 octobre 2021, alors que le tribunal a également pris en compte la période du 1er avril au 2 juin 2020; qu'aucune mesure administrative n'a été prise le 1er avril 2020 puisque les mesures de confinement sont intervenues à compter du 15 mars 2020'; que le tribunal n'a pas tenu compte du fait que les établissements de Bordeaux, Nanterre et [Localité 6] n'ont ouvert que postérieurement au 15 mars 2020';

30. - que le calcul des pertes d'exploitation doit être effectué en application du contrat d'assurance, et selon l'article L121-1 du code des assurances'; que la mission d'expertise doit ainsi être modifiée'; qu'il convient ainsi de déterminer la différence entre le chiffre d'affaires qui a aurait été réalisé pendant la période d'indemnisation en l'absence de sinistre, et le chiffre effectivement réalisé pendant cette période, selon les résultats antérieurs correspondant à la même période, et en tenant compte des factures internes et externes susceptibles d'avoir, indépendamment du sinistre, une influence sur l'activité et le chiffre d'affaires'; qu'il convient ensuite d'appliquer le taux de marge brute en tenant compte du montant des charges variables qui n'ont pas été supportées, puis de retrancher les autres économies et les aides perçues'; que l'épidémie n'étant pas assurée, il convient de ne prendre en compte que les pertes résultant de la fermeture administrative'; ainsi, au titre des factures externes, il y a lieu de prendre en compte le contexte épidémique, qui aurait nécessairement eu pour effet une baisse du chiffre d'affaires indépendamment de toute fermeture administrative, comme cela a été le cas en Suède, où les ventes ont baissé de 40'% pour les restaurants, bien qu'aucune mesure de fermeture n'ait été prise.

Prétentions et moyens de'la société Masai:

31. Selon ses conclusions d'intimée n°3, elle demande à la cour, au visa des articles L.113-1 du code des assurances, de l'article 1170 du code civil, de l'arrêté du ministre de la santé du 14 mars 2020, du décret n°2020-293 du 23 mars 2020, de la loi n°2020-856 du 9 juillet 2020, du décret n°2020-1257 du 14 octobre 2020, du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020, de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020':

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions';

- de rejeter l'intégralité des demandes de la société Axa France Iard';

- y ajoutant, de condamner l'appelante à payer à la concluante la somme de 9.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'appel, distraits au profit de la Selarl Cook Quenard.

Elle soutient':

32. - que lors du premier confinement national, elle exploitait 10 établissements, alors que ceux de [Localité 5], [Localité 4] et [Localité 6] ont ouvert respectivement le 3 juillet 2020, le 18 août 2020 et le 17 octobre 2020'; que le contrat d'assurance signé le 16 mars 2020 a pris effet le 1er avril 2020 pour l'ensemble des sites, à l'exception de celui de [Localité 4], la date de prise d'effet ayant été fixé au 12 mars 2020'; que le contrat a été étendu aux sites de [Localité 5] et de [Localité 6] le 8 juin 2020';

33. - que suite au jugement déféré, l'expert judiciaire a déposé son rapport le 10 mars 2022, retenant un préjudice de 1.082.363 euros au titre des pertes d'exploitation sur la période courant du 29 octobre 2020 au 29 janvier 2021';

34. - concernant la période d'indemnisation sollicitée, que la concluante a résilié son ancien contrat d'assurance souscrit auprès de la compagnie Generali le 16 octobre 2019'; qu'elle s'est rapprochée de l'appelante qui a transmis, par l'intermédiaire de son courtier, une proposition d'assurance le 28 octobre 2019, mentionnant une prise d'effet au 1er avril 2020, car les assurances précédentes expiraient le 31 mars 2020'; que la décision a ainsi été prise dès décembre 2019 de régulariser une police auprès de l'appelante, avec régularisation le 16 mars 2020, date de l'édition des conditions particulières par l'assureur'; que la concomitance entre la date de signature du contrat le 16 mars 2020 et l'arrêté entraînant la fermeture des établissements n'est qu'un simple hasard'; qu'il existait bien ainsi un aléa lors de la souscription du contrat'; que la concluante n'a ainsi sollicité une indemnisation qu'à la date de la prise d'effet du contrat le 1er avril 2020'; que la concluante circonscrit désormais sa demande d'indemnisation à la période courant du 29 octobre 2020 au 29 janvier 2021, ce qu'elle a indiqué à l'expert judiciaire;

35. - concernant la mise en jeu de la garantie des pertes d'exploitation, que la décision de fermeture des établissements de la concluante est la conséquence d'une épidémie'; que la clause d'exclusion doit être considérée comme non écrite, dans la mesure où elle s'oppose au caractère aléatoire que définit par nature le contrat d'assurance, en limitant l'application de la garantie au cas où un seul établissement par département serait fermé'; qu'elle prive de toute substance l'obligation essentielle de l'assureur puisqu'elle prive l'assuré de toute garantie en cas d'épidémie; que la concluante n'exerce pas une activité dans la restauration, de sorte qu'aucune épidémie d'origine alimentaire ne peut trouver son origine à l'intérieur d'un seul de ses établissements';

36. - que cette clause n'est pas claire, ce que confirme l'analyse de la jurisprudence alors que l'appelante a soumis un nouveau contrat le 1er décembre 2020 excluant toute indemnisation des pertes d'exploitation en cas d'épidémie ou de maladie contagieuse et définissant ces termes';

37. - que si l'appelante fonde sa décision sur les arrêts rendus par la Cour de Cassation le 1er décembre 2022, la mention de «'cause identique'» figurant dans la clause d'exclusion n'a pas fait l'objet d'une analyse'; que ces arrêts aboutissent à l'absence de toute garantie en cas d'épidémie, de sorte que cette garantie est vidée de sa substance';

38. - subsidiairement, concernant la provision, que le tribunal n'a pas statué au fond sur l'indemnisation'; que la concluante a produit un tableau justifiant du calcul de la marge brute réalisée à la même période l'année précédente pour les centres qui étaient ouverts, outre une attestation de son expert-comptable détaillant les modalités de calcul pour l'estimation de la marge brute qui aurait pu être réalisée si les centres n'avaient pas été fermés administrativement, et justifiant la méthode retenue pour estimer la perte de marge brute des centres qui n'avaient pas encore été ouverts à la même période l'année précédente'; qu'il a été tenu compte de la limite de trois mois et de la franchise'; qu'il n'y a pas lieu de retrancher les charges salariales non déboursées ni les dépenses non exposées, ni les aides versés par l'État ou les charges fixes non supportées qui ne seraient pas des charges constitutives de la marge brute'; qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des factures externes qui sont hypothétiques';

39. - que l'expert ayant déjà accompli sa mission, il n'y a pas lieu d'annuler l'expertise.

*****

40. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

Motifs':

1) Concernant la date de prise d'effet du contrat d'assurance et ses conséquences':

41. Le contrat établi et signé le 16 mars 2020 a pris effet le 1er avril 2020, ainsi que mentionné en première page, pour l'ensemble des établissements exploités par l'intimée, à l'exception des sites de [Localité 5] et de [Localité 6]. Concernant l'établissement situé à [Localité 4], les conditions particulières ont prévu que d'un commun accord des parties, les garanties sont acquises à partir du 12 mars 2020. Pour les sites de [Localité 5] et [Localité 6], les garanties ont été étendues à compter du 8 juin 2020, selon le contrat établi et signé à cette date.

42. Concernant les sites exploités par l'intimée, à l'exception de celui de [Localité 4], les mesures gouvernementales prises dans le cas de la pandémie de Covid 19 sont intervenues avant le 1er avril 2020. Il en résulte qu'à la date de la prise d'effet du contrat d'assurance, le risque garanti concernant les pertes d'exploitation était déjà réalisé. Le fait que des pourparlers aient eu lieu au courant de la fin de l'année 2019 est inopérant, aucun accord n'ayant été alors concrétisé, et l'intimée indique d'ailleurs que jusqu'au 31 mars 2020, elle était alors garantie par la compagnie Generali. Or, selon l'article L112-4 du code des assurances, la police d'assurance est datée du jour où elle est établie. En conséquence, aucune garantie n'est due pour les établissements de l'intimée, sous réserve de celui de [Localité 4], l'objet d'un contrat d'assurance étant de garantir la survenue d'un aléa, inexistant à la date de prise d'effet le 1er avril 2020. Il en résulte que le tribunal de commerce n'a pu condamner l'appelante au paiement d'une provision concernant la période ayant couru du 1er avril au 2 juin 2020, ni organiser une mesure d'instruction portant sur cette période. L'intimée limite d'ailleurs ses demandes pour la période postérieure au 29 octobre 2020. Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.

43. S'agissant de la période du 29 octobre 2020 au 29 janvier 2021, l'objet de l'extension de la garantie des pertes d'exploitation est de couvrir le risque consécutif à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque deux conditions sont réunies': la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente et extérieure à l'assuré, et cette décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

44. L'objet de cette extension n'est pas ainsi notamment de garantir les conséquences d'une épidémie, mais celles d'une fermeture administrative pour les causes prévues au contrat. Or, si les nouvelles mesures administratives entraînant la fermeture des établissements de l'intimée ont procédé de la même cause, à savoir le rebond de la pandémie, il s'est cependant agi de nouvelles mesures de fermeture. En conséquence, sous réserve de l'appréciation de la clause d'exclusion figurant ensuite de l'extension de garantie, l'appelante était tenue de prendre en charge les conséquences des mesures de fermeture administratives survenue à partir de la fin du mois d'octobre 2020.

45. Concernant le site de [Localité 4], l'assureur a expressément accepté de faire rétroagir la date d'entrée du contrat au 12 mars 2020. Il en résulte que sous réserve de l'appréciation de la clause d'exclusion figurant ensuite de l'extension de garantie, l'appelante était tenue de prendre en charge les conséquences des mesures de fermetures administratives survenues à partir du 15 mars 2020, de même que celles intervenues à partir de la fin du mois d'octobre 2020. L'intimée sollicitant désormais seulement une indemnisation pour les pertes d'exploitation subies entre le 29 octobre 2020 et le 29 janvier 2021, le jugement déféré ne peut qu'être également infirmé en ce qu'il a condamné l'appelante au paiement d'une provision concernant la période ayant couru du 1er avril au 2 juin 2020, et a organisé une mesure d'instruction portant sur cette période.

2) Concernant la clause d'exclusion de la garantie des pertes d'exploitation':

46. Selon l'article L113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. En l'espèce, il a été stipulé que la garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies':

- la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à l'assuré';

- la décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

En conséquence, ni la maladie contagieuse, le meurtre, le suicide, l'épidémie ou l'intoxication ne sont en eux-mêmes pris en compte pour la garantie des pertes d'exploitation pouvant résulter de ces faits. Seules les conséquences de la décision de fermeture administrative, résultant de l'un de ces cas, sont garanties lorsqu'il résulte de cette fermeture une perte d'exploitation.

47. La clause d'exclusion litigieuse a prévu que sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique.

48. Concernant le caractère formel de cette clause, la cour constate qu'elle ne nécessite pas d'interprétation particulière, en raison de la simplicité des termes employés, contrairement à l'appréciation de l'intimée, y compris concernant la notion de «'cause identique'». Il doit simplement s'agir du même fait, entraînant une mesure de fermeture administrative. Le fait que l'appelante ait proposé par la suite une modification du contrat d'assurance est inopérant, la validité d'une clause d'exclusion devant s'apprécier à la date de conclusion du contrat.

49. En outre, peu importe que le terme «'épidémie'» n'ait pas fait l'objet d'une définition particulière, puisque ce n'est pas l'épidémie elle-même qui est garantie, ainsi qu'il a été indiqué plus haut, mais que ce sont les conséquences d'une mesure de fermeture administrative notamment pour cette raison qui sont assurées. Il en résulte que cette clause d'exclusion est formelle.

50. S'agissant du caractère limité de l'exclusion, la cour indique qu'elle ne s'applique que si, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique. Il en résulte qu'une mesure de fermeture limitée à un seul établissement dans le département sera prise en compte pour la garantie des pertes d'exploitation, ainsi en cas d'une affection contagieuse limitée à cet établissement, dans le cas d'un «'cluster'». L'intimée exerçant une activité accessoire de restauration est ainsi garantie en cas de fermeture résultant notamment d'une épidémie de salmonellose limitée à un établissement dans le département. L'objectif poursuivi par les parties n'est pas de garantir les conséquences de fermetures intervenues au plan national comme en l'espèce, mais résultant de fermetures administratives circonscrites. La garantie n'est pas vidée de sa substance. Cette clause n'est pas ainsi nulle. En conséquence, l'appelante ne doit aucune garantie à la société Masai concernant les pertes d'exploitation subies lors de la pandémie Covid 19.

51. Le jugement déféré sera ainsi infirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour, étant observé que la cour n'a pas été saisie d'un appel des chefs du jugement ayant condamné l'appelante à verser à la société Masai la somme de 8.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens, et du débouté de l'appelante de sa demande tendant à écarter l'exécution provisoire, la compagnie Axa France Iard n'ayant pas visé ces dispositions dans sa déclaration d'appel, de sorte qu'elles sont définitives. Statuant à nouveau, la cour déboutera ainsi la société Masai de l'ensemble de ses autres demandes. Il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de l'expertise ordonnée par le tribunal, le jugement déféré étant également infirmé en ce qu'il a ordonné cette mesure d'instruction.

3) Sur la demande de restitution des sommes mises à la charge de l'assureur par le tribunal de commerce':

52. La compagnie Axa France Iard demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire. Cependant, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.

*****

53. Succombant devant cet appel, la société Masai sera condamnée à payer à la compagnie Axa France Iard la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'article L113-1 du code des assurances';

Infirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour';

statuant à nouveau';

Déboute la société Masai de l'intégralité de ses demandes soumises à la cour dirigées contre la compagnie Axa France Iard';

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour';

Condamne la société Masai à payer à la compagnie Axa France Iard la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne la société Masai aux dépens exposés en cause d'appel';

Signé par Madame FIGUET, Présidente et par Madame RICHET, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/04942
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;21.04942 ?
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