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27/04/2023 | FRANCE | N°20/03254

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 27 avril 2023, 20/03254


N° RG 20/03254 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KST2





C8



Minute N°





































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL AXIS AVOCATS ASSOCIES



la SCP LACHAT MOURONVALLE



la SELARL BSV



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
>

COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 27 AVRIL 2023





Appel d'un jugement (N° RG 2014J691)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 11 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 21 octobre 2020





APPELANTE :



S.A. ACTE IARD, S.A à directoire et conseil de surveillance régie par le Code des assurances, i...

N° RG 20/03254 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KST2

C8

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL AXIS AVOCATS ASSOCIES

la SCP LACHAT MOURONVALLE

la SELARL BSV

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 AVRIL 2023

Appel d'un jugement (N° RG 2014J691)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 11 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 21 octobre 2020

APPELANTE :

S.A. ACTE IARD, S.A à directoire et conseil de surveillance régie par le Code des assurances, immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le n° 332 948 546, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège ;

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Sylvain LEPERCQ de la SELARL AXIS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉS :

S.A.R.L. HOTEL RESTAURANT BEAUME AU GAI SOLEIL DU MONT AIGUILLE, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le numéro B 413 024 399, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée par Me Christophe LACHAT de la SCP LACHAT MOURONVALLE, avocat au barreau de GRENOBLE

S.A.R.L. BATYSS inscrite au RCS d'AVIGNON sous le n°B 449 893 577, prise en la personne son représentant légal, domicilié en cette qualité audit

siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]/FRANCE

Société d'assurance Mutuelle MAF, Société d'assurance Mutuelle, immatriculé au RCS de PARIS sous le n° 784 647 349, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3] / FRANCE

représentées par Me Laure BELLIN de la SELARL BSV, avocat au barreau de GRENOBLE

M. [X] [U] Es-qualité de mandataire liquidateur de la société H2O

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

défaillant

S.A.R.L. H2O prise en la personne de Maître [X] [U] en sa qualité de mandataire liquidateur

[Adresse 5]

[Adresse 5]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 janvier 2023

Mme FIGUET, Présidente, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré.

Exposé du litige

La société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille a décidé de procéder à des travaux de rénovation de l'hôtel par la réhabilitation de 5 chambres et la création d'un espace de bien-être.

Elle a confié la maitrise d'oeuvre à la société Batyss, assurée auprès de la société Maf, et le lot n°11 'Equipement Balnéo' à la société H2O, assurée auprès de la compagnie Acte Iard.

L'acte d'engagement de la société H2O a été signé le 22 février 2011pour un montant de 131.560 euros Ttc.

Le 27 octobre 2011, les travaux de la société H2O ont été réceptionnés avec les réserves suivantes :

- réparer les fuites derrière le grand bassin,

- poser l'arrivée d'eau et le trop plein du pédiluve,

- faire le joint mastic autour du jacuzzi,

- reprendre le platelage.

Par courriels des 30 octobre et 28 décembre 2011, la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille a signalé d'autres désordres.

Par courriers des 6 et 16 avril et 14 juin 2012, la société Batyss a mis en demeure la société H2O de remédier aux dysfonctionnements relevés.

Ces mises en demeures étant restant vaines, la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille a fait appel à la société Eco Tesl en vue de réaliser une étude technique des équipements du spa laquelle a déposé son rapport.

Sur l'assignation délivrée aux sociétés H2O, Acte Iard, Batyss et Maf, le juge des référés du tribunal de commerce de Grenoble a ordonné une mesure d'expertise par ordonnance du 18 juin 2013. L'expert judiciaire [R] a déposé son rapport le 3 octobre 2014.

Par jugement du 10 juillet 2014, la société H2O a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

Par acte d'huissier du 25 novembre 2014, la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille a assigné la société Batyss, la société Maf, la société Acte Iard et Me [X] [U] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société H2O devant le tribunal de commerce de Grenoble aux fins d'indemnisation de son préjudice.

Suivant ordonnance de référé du 21 juillet 2015, l'expert [R] a été à nouveau désigné au titre de l'aggravation des désordres. Il a déposé son rapport le 5 octobre 2017.

Par jugement du 11 septembre 2020, le tribunal de commerce de Grenoble a:

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Batyss,

- jugé que la responsabilité des dommages n'incombe pas à la société Batyss mais à la société H2O,

- jugé que la société H2O en liquidation judiciaire, doit être relevée et garantie par son assureur Acte Iard pour les sommes suivantes :

* 195.542,96 euros Ht au titre du remboursement des dommages

* 5.000 euros de préjudice moral

* 25.000 euros de préjudice de perte d'image

* 21.825 euros de remboursement de frais d'expertise avancés

* 15.000 euros au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- jugé que les sommes ci-dessus doivent être portées au passif de la société H2O,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à hauteur de 130.000 €,

- condamne la société H2O substituée par son assureur Acte Iard aux entiers dépens de l'instance.

Ce jugement a été rectifié par décision du 4 décembre 2020 comme suit :

'Motifs du jugement

[...]

Sur la responsabilité des dommages

[...]

Que la société Acte Iard, dans l'impossibilité de répondre aux questions de la juridiction, se contente dans ses écritures d'affirmer « qu'il résulte de la liquidation judiciaire de H2O que seules perdurent les garanties obligatoires du contrat d'assurance, à l'exclusion des garanties facultatives » sans expliquer et justifier cette affirmation, ni justifier ce qui serait facultatif '.

Laisse sans changement le reste du jugement.

Selon déclaration du 21 octobre 2020, la société Acte Iard a interjeté appel du jugement du 11 septembre 2020 en toutes ses dispositions qu'elle a énoncées dans son acte d'appel.

Prétentions et moyens de la société Acte Iard

Dans ses conclusions remises le 18 janvier 2021, elle demande à la cour de :

- constater que le contrat d'assurance de la société H2O a été résilié par suite de son placement en liquidation judiciaire le 10 juillet 2014, et que seules perdurent les garanties obligatoires du contrat d'assurance, savoir la garantie décennale des constructeurs, à l'exclusion des garanties facultatives,

- constater que la garantie F 805 n'a pas été accordée en responsabilité décennale,

- constater que la garantie F 805 n'a été accordée que pour les « dommages autres qu'à l'ouvrage », ce qui exclut sa mise en oeuvre au titre de dommages matériels,

- dire et juger que les garanties de la société Acte Iard ne sont pas mobilisables au titre des désordres et préjudices allégués par la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille,

- réformer le jugement déféré en ce sens,

-dire et juger que les désordres étaient visibles à la réception comme l'a clairement indiqué l'expert à plusieurs reprises,

- constater que lesdits désordres apparents n'ont pas été portés en réserve lors de la réception,

- dire et juger que la réception sans réserve par la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille vaut décharge de responsabilité, à l'égard de la société H20, pour les désordres qualifiés d'apparents par l'expert,

- réformer le jugement déféré en ce sens,

- débouter la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la société Acte Iard,

- réformer le jugement déféré en ce sens,

- rejeter toute demande de garantie dirigée contre la société Acte Iard,

- réformer le jugement querellé en ce sens,

- dire et juger que l'indemnisation de la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille au titre de ses pertes d'exploitation doit être strictement limitée au montant retenu par l'expert, soit la somme de 93.075,69 euros,

- réformer le jugement querellé sur ce point,

- dire et juger qu'aucune atteinte à l'image n'est caractérisée, et la perte de chance de pouvoir développer le chiffre d'affaires pour les années futures n'est nullement démontrée,

- débouter la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille de ses demandes totalement injustifiées présentées à ce titre,

- réformer le jugement déféré en ce sens,

Subsidiairement,

- condamner in solidum la sarl Batyss et son assureur la mutuelle des architectes français à intégralement relever et garantir la société Acte Iard de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

- réformer le jugement déféré en ce sens,

- condamner la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille, ou qui mieux le devra, à payer la somme de 3.000,00 euros à la société Acte Iard en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise.

Elle fait remarquer que la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille a sollicité la mise en oeuvre de la responsabilité biennale et/ou décennale alors que de tels fondements ne sont pas cumulatifs et sans démontrer que pour chacun des désordres allégués, les conditions de mise en oeuvre applicables sont réunies. Elle observe aussi que s'agissant de la responsabilité contractuelle invoquée subsidiairement, la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille ne caractérise pas les prétendues fautes reprochées aux constructeurs.

Sur sa garantie, elle fait valoir que le contrat d'assurance a été résilié du fait de la liquidation judiciaire et que seules perdurent les garanties obligatoires du contrat d'assurance, à savoir la garantie décennale des constructeurs, que la garantie F 805 couvrant l'activité de balnéo n'a été souscrite qu'en responsabilité civile et non en responsabilité décennale, que dès lors, sa garantie n'est pas mobilisable au titre des désordres allégués par le maître de l'ouvrage.

Sur les désordres, elle relève que selon l'expert, ceux-ci étaient apparents à la réception et qu'en l'absence de réserves à la réception, ils sont purgés.

Elle considère que la responsabilité de la société H2O est clairement engagée en ce qu'elle n'a pas rédigé de CCTP pour le lot n°11, n'a pas analysé le dossier de la société H2O, n'a pas réalisé les études préliminaires nécessaires au bon accomplissement de sa mission, n'a pas assisté correctement le maître de l'ouvrage lors des opérations de réception en ne portant pas en réserve les désordres qualifiés d'apparents par l'expert judiciaire, que ces manquements qui sont à l'origine des désordres engagent la responsabilité de la société Batyss et la garantie de son assureur.

Sur le préjudice, elle expose que les garanties ne sont nullement mobilisables au titre des travaux de reprise de l'ouvrage, que les pertes d'exploitation doivent être limitées au montant retenu par l'expert, soit 93.075,69 euros, qu'aucune atteinte à l'image n'est caractérisée, ni perte de chance de pouvoir développer le chiffre d'affaires pour les années futures.

Prétentions et moyens de la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille

Dans ses conclusions remises le 27 août 2021, elle demande à la cour sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil à titre principal et des articles 1134 et suivants du code civil à titre subsidiaire de :

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société H2O et la garantie de la société Acte Iard et en ce qu'il a condamné la société Acte Iard au paiement d'une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance,

- réformer le jugement pour le surplus et statuer à nouveau :

- retenir la responsabilité de la société Batyss principalement sur le fondement de la responsabilité biennale et/ou décennale et subsidiairement sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,

- juger que les garanties dues par la compagnie Maf sont acquises au profit de la société Batyss,

En conséquence,

- condamner in solidum la société Batyss, son assureur la Maf et la société Acte Iard, assureur de la société H2O à verser à la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille les sommes suivantes :

* 203.836 euros ttc outre indexation selon l'indice Bt 01 du bâtiment au titre des travaux de reprise,

* principalement 143 817,69 euros au titre des pertes d'exploitation selon détail ci-dessous :

- 44.400 euros au titre des pertes d'exploitation concernant les chambres n° 21 et 22 pour la période de 2012 à 2015,

- 36.000 euros au titre de l'indemnisation des préjudices liés à la gestion permanentes des dysfonctionnements de l'installation pour la période de 2012 à 2015 sauf à parfaire,

- 14.715 euros au titre de la perte d'exploitation relative aux prestations de massage pour les années 2014 et 2015 sauf à parfaire,

- 31.461 euros au titre de la perte d'exploitation au titre de l'activité spa pour les années 2014 et 2015 sauf à parfaire,

- 54.053,31 euros au titre des travaux de reprises en vue de maintenir l'activité,

* subsidiairement 93 075,69 euros au titre des pertes d'exploitation selon détail ci-dessous :

- 39.834 euros au titre des pertes d'exploitation concernant les chambres n° 21 et 22 pour la période de 2012 à 2015,

- 36.000 euros au titre de l'indemnisation des préjudices liés à la gestion permanentes des dysfonctionnements de l'installation pour la période de 2012 à 2015 sauf à parfaire,

- aucun montant retenu au titre de la perte d'exploitation relative aux prestations de massage pour les années 2014 et 2015 sauf à parfaire,

- aucun montant retenu au titre de la perte d'exploitation au titre de l'activité spa pour les années 2014 et 2015 sauf à parfaire,

- 54.053,31 euros au titre des travaux de reprises en vue de maintenir l'activité,

* 10 000 € au titre du préjudice moral et des tracas occasionnés,

* 50.000 euros au titre du préjudice lié à l'atteinte à l'image et à la perte de chance de pouvoir développer le chiffre d'affaires pour les années futures,

* 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* les entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais des deux expertises arrêtés à la somme de 41.805 euros,

- juger que l'ensemble des sommes faisant l'objet d'une condamnation à l'encontre des intervenants à la construction et de leur assureur, seront portées au passif de la société H2O en liquidation,

- débouter les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes.

Elle indique :

- que la responsabilité des intervenants à la construction est recherchée principalement sur le fondement de la garantie biennale et décennale,

- qu'en effet, l'ouvrage a été réceptionné avec des réserves non liées aux désordres relevés par l'expert lesquels se sont manifestés après la réception,

- que les désordres n'étaient pas perceptibles par un non professionnel, l'expert relevant que les désordres étaient visibles par un professionnel tel qu'une maîtrise d'oeuvre, qu'en outre certains désordres tels que le phénomène d'oxydation, de moisissures, d'humidité et de chlore n'étaient pas présents au jour de la réception,

- que la responsabilité légale n'exige pas la recherche des causes du désordre mais le constat de l'existence de désordres entrant dans la définition de la garantie biennale et/ou décennale,

- que subsidiairement, si les désordres sont qualifiés de désordres intermédiaires, les fautes des intervenants à la construction ressortent des conclusions de l'expert,

- qu'il résulte de l'attestation d'assurance dénommée 'Sécurité Entreprise' que la société Acte Iard garantit la responsabilité civile Entreprise et la responsabilité décennale obligatoire de la société H2O et que les activités visées dans l'attestation sont celles visées dans l'acte d'engagement,

- que la garantie visée à la référence J805 et non F805 ne mentionne 'Garantie responsabilité civile' qu'au titre des accessoires et équipements de balnéo, que cette mention ne doit pas être étendue aux autres travaux dépendant de la nomenclature J805 à savoir 'Installation d'équipements et accessoires pour piscine et balnéo, réalisation de réseaux hydrauliques et pompes, filtration, chauffage et déshumidification des locaux', qu'il est aisément compréhensible que les simples accessoires et équipements de piscine balnéo ne correspondent pas à des travaux relevant par définition de la responsabilité décennale, que tel n'est pas le cas pour les autres travaux, que le contrat d'adhésion s'interprète contre celui qui l'a proposé, que s'agissant d'une dérogation à la responsabilité civile décennale, elle doit être d'interprétation stricte,

- qu'au surplus, les désordres affectent aussi des travaux de serrurerie et d'installation d'aéraulique et de conditionnement d'air pour lesquels la garantie décennale est mobilisable,

- qu'en outre, il peut être mobilisée la garantie responsabilité civile s'agissant des désordres affectant le bâtiment,

- que dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'aucune garantie en responsabilité civile décennale n'a été souscrite, elle entend voir rechercher la responsabilité de l'architecte au titre de son manquement à ses obligations contractuelles et à son obligation de conseil et d'information, qu'il devait en effet vérifier que chaque intervenant à la construction disposait bien d'une garantie en responsabilité décennale pour les travaux envisagés, que la faute de

l'architecte a fait perdre au maître de l'ouvrage la chance soit de refuser de contracter avec la société H2O, soit de contracter avec une société disposant d'une garantie décennale.

Sur les préjudices subis, elle demande qu'il soit retenu les pertes d'exploitation évaluées grâce à son expert-comptable et à défaut la somme retenue par l'expert, le montant des reprises rendus nécessaires pour limiter les pertes d'exploitation et le préjudice de jouissance, un préjudice moral de 10.000 euros eu égard à la perte de temps et aux multiples tracas qu'elle a dû affronter et un préjudice résultant d'une atteinte à l'image et d'une perte de chance de pouvoir développer son chiffre d'affaire.

Prétentions et moyens de la société Batyss et de la compagnie Maf

Dans leurs conclusions remises le 15 avril 2021, elles demandent à la cour de:

A titre principal,

- confirmer le jugement du 11 septembre 2020 rendu par le tribunal de commerce de Grenoble en ce qu'il a jugé que la responsabilité des dommages n'incombe pas à la société Batyss mais à la société H2O,

Y ajoutant,

- condamner la société Acte Iard, ou qui mieux le devra, au paiement d'une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Batyss et de la mutuelle des architectes français,

- condamner la société Acte Iard, ou qui mieux le devra, aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la Selarl BSV avocat, sur son affirmation de droit,

Statuant à nouveau et en tant que de besoin,

- constater que la société Batyss n'a pas commis de manquement dans l'exercice de sa mission de maîtrise d'oeuvre,

- constater que les études d'exécution du lot « équipement balnéo » étaient à la charge de la société H2O,

- constater que les désordres relevés par l'expert judiciaire sont la conséquence d'un défaut de conception et d'exécution exclusivement imputable à la société H2O,

- dire et juger que les désordres affectant l'espace bien être de la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille ne sont pas imputables à la société Batyss,

- rejeter l'ensemble des demandes tant de la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille que de la société Acte Iard formulées à l'encontre de la société Batyss et de son assureur la mutuelle des architectes français,

En tout hypothèse,

- dire et juger que toute indemnisation allouée à la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille sera prononcée hors taxe,

- dire et juger que l'indemnisation au titre de la reprise des désordres ne saurait excéder la somme de 116.801,66 euros ht,

- rejeter l'ensemble des demandes de la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille au titre des préjudices immatériels, et à tout le moins les réduire à de plus justes proportions,

- débouter la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille de toute demande de condamnation solidaire ou in solidum de la société Batyss et de la Maf avec la compagnie Acte Iard et la société H2O,

- juger que la société Acte Iard doit la mobilisation de ses garanties,

- condamner la société Acte Iard à relever et garantir la société Batyss et son assureur la mutuelle des architectes français de toutes condamnations prononcées à leur encontre concernant des désordres de nature décennale et les préjudices immatériels consécutifs à ces désordres, ainsi qu'au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger que toute condamnation à l'encontre de la Maf sera prononcée dans les conditions et limites de son contrat, déduction faite de sa franchise contractuelle,

- condamner la société Acte Iard , ou qui mieux le devra, au paiement d'une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Batyss et de la mutuelle des architectes français.

- condamner la société Acte Iard , ou qui mieux le devra, aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la Selarl BSV avocat, sur son affirmation de droit.

Elles font valoir :

- que les désordres, objet du litige, sont hors d'intervention du champ de mission de la société Batyss,

- que les désordres affectant l'espace bien être ne lui sont pas imputables et elle ne saurait se voir reprocher un manquement dans l'exécution de sa mission de maîtrise d'oeuvre, les désordres procédant de défauts d'exécution imputables à la société H2O, assurée auprès de la compagnie Act Iard,

- que le contrat de maîtrise d'oeuvre excluait la mission complémentaire EXE et le CCAP prévoyait expressément la charge des études techniques aux entreprises titulaires, que dès lors, la réalisation des études d'exécution incombait exclusivement à la société H2O,

- que l'absence de CCTP pour le lot n°11 ne saurait être retenue comme cause principale, ou même aggravante, des désordres affectant l'espace bien-être, les désordres relevés par l'expert judiciaire ne concernant pas des non-conformités aux besoins et attentes du maître d'ouvrage, mais procédant d'une défaillance de la société H2O dans la réalisation des études d'exécution et dans la mise en oeuvre de ses prestations,

- que si l'expert indique que les désordres étaient visibles à la réception par un professionnel tel que la maîtrise d'oeuvre, il apparaît que la cause des désordres étaient si peu évidente que l'expert a été contraint de réaliser de nombreuses mesures pour la déterminer,

- que l'assistance du maître de l'ouvrage aux opérations de réception s'entend par un contrôle visuel normalement attentif, sans aucune campagne de mesures spécifiques,

- que la dégradation du matériel par la présence d'humidité et de chlore, l'oxydation extérieure du bassin aquatique ou le défaut de traitement de l'air de la zone bien être ne sont apparus que bien après la réception des travaux de la société H2O,

- que si à juste titre, la maîtrise d'oeuvre n'a pas formulé de réserve en rapport avec les désordres, elle a en revanche pleinement joué son rôle durant l'année de parfait achèvement, ayant rapidement relayé les dénonciations des désordres par le maître d'ouvrage et sollicité l'intervention de la société H2O,

- qu'elle a parfaitement exécuté sa mission d'assistance aux opérations de réception en adressant à la société H2O l'ensemble des mises en demeure nécessaires à la reprise des désordres dénoncés par le maître d'ouvrage,

- que l'examen des désordres révèle une défaillance de la société H2O, l'expert indiquant ainsi que le traitement de l'air mis en oeuvre par la société H2O est insuffisant, notamment concernant l'introduction d'air neuf dans le bâtiment et l'insuffisance de l'extraction de l'air, que de ce fait l'air alimentant la chaudière est vicié, que le désordre concernant la régulation de l'eau entre le jacuzzi et la piscine provient de la réalisation d'une seule boucle sur l'installation alors qu'il n'est pas possible de réguler deux températures d'eau différentes sur une même boucle, que les désordres acoustiques relevés par l'expert judiciaire ont pour origine la pompe remplacée par la société H2O suite à de nombreuses défaillances, que la société H2O devait en conséquence contrôler le niveau sonore de ses installations et le respect de la réglementation en vigueur et procéder à une pose des équipements avec un traitement acoustique et anti-vibratile,

- que les désordres allégués par le maître de l'ouvrage procèdent d'une exécution défaillante de la société H2O, excluant toute imputabilité de ces désordres à la société Batyss,

- que toute condamnation sur le fondement de la responsabilité contractuelle sera prononcée sans solidarité par application de la clause figurant au contrat et excluant la responsabilité solidaire ou in solidum de l'architecte,

- que si la cour devait retenir l'application des garanties obligatoires, alors les condamnations seront également prononcées sans in solidum dans la mesure où la société Batyss n'avait pas de mission sur les travaux de la société H2O, chaque entité devant être tenue dans la limite de sa mission,

- que sur la garantie de la société Acte Iard, il résulte de l'attestation que les garanties du contrat sont accordées pour différents types de travaux dont la serrurerie, l'installation d'aéraulique et de conditionnement d'air, l'électricité, le génie climatique comprenant chauffage électrique, plomberie installation sanitaire, ventilation mécanique contrôlée, climatisation, les accessoires et équipements de piscine balnéo, l'installation d'équipements et accessoires pour piscine balnéo, réalisation de réseaux hydrauliques et pompes à filtration, chauffage et déshumidification des locaux, travaux qui se retrouvent dans l'acte d'engagement de la société H2O, que la mention «Garantie responsabilité civile» ne figure qu'au titre des «accessoires et équipements de piscine balnéo» et ne doit pas être étendue aux autres travaux dépendant de la nomenclature J805 à savoir 'Installation d'équipements et accessoires pour piscine et balnéo, réalisation de réseaux hydrauliques et pompes, filtration, chauffage et déshumidification des locaux' , que dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé,

- que l'ensemble des désordres affectant l'espace bien être de la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont relèvent d'une exécution défectueuse de son lot par la société H2O et étant de nature décennale relèvent de la garantie de la compagnie Acte Iard, assureur de responsabilité décennale de la société H2O, qui doit donc les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre,

- que toute condamnation à l'encontre de la Maf doit être prononcée dans les conditions et limites de son contrat, déduction faite de sa franchise contractuelle.

Sur le préjudice, elles relèvent :

- que toute indemnisation doit être octroyée sur une base Ht, le maître de l'ouvrage étant une Sarl récupérant la Tva,

- que la réactualisation du coût des travaux de reprise entre 2014 et 2016 ne saurait être retenue de manière forfaitaire à hauteur de 1,5% par an, mais seulement indexée selon l'indice BT01, contrairement à ce qu'a retenu l'expert,

- que l'intervention d'un maître d'oeuvre et d'un BET Fluide fait double emploi,

- que la préconisation de la construction d'un local technique enterré à l'extérieur du bâtiment destinée à supprimer les nuisances sonores du local technique dont il a été démontré qu'elles sont consécutives au remplacement de la pompe initiale par la société H2O par une pompe beaucoup plus bruyante est démesurée, constitue une amélioration de l'ouvrage et doit être supportée par la société H2O seule et son assureur Acte Iard,

- que s'agissant du poste 'Perte d'exploitation concernant les chambres n° 21 et 22", l'analyse des taux d'occupation réels de la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille ne permet pas de conclure que les deux chambres immobilisées ont fait défaut,

- que s'agissant du préjudice subi au titre de la gestion des dysfonctionnements, on ignore s'il s'agit d'une perte d'exploitation, auquel cas elle serait susceptible de faire double emploi avec les autres chefs de demande ou d'un surcoût en termes de frais de personnel, de frais d'entretien ou de réparation, que le montant réclamé est totalement forfaitaire et non justifié, qu'en ce qui concerne la perte d'exploitation au titre des massages, l'expert ne l'a pas retenue et elle n'est pas justifiée, que les autres préjudices ne sont pas plus étayés.

Me [X] [U] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société H2O n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée le 2 décembre 2020.

L'instruction de la procédure a été cloturée le 8 décembre 2022.

Motifs de la décision

A titre préliminaire, la cour relève que si la société Acte Iard a interjeté appel de la disposition du jugement ayant rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Batyss, aucune demande n'est formulée par les parties dans le dispositif de leurs conclusions relativement à cette exception d'incompétence, ni aucun moyen développé dans le corps de leurs conclusions. Le jugement ne peut qu'être confirmé de ce chef.

1) Sur la nature de la responsabilité

La société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille fonde sa demande à titre principal sur les articles 1792 et suivants du code civil.

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître de l'ouvrage des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Cette garantie ne s'applique que s'il y a eu réception de l'ouvrage. En l'espèce, l'ouvrage a été réceptionné le 27 octobre 2011 avec des réserves non liées aux désordres relevées par l'expert.

Dans son rapport déposé le 3 octobre 2014, l'expert judiciaire a constaté les désordres suivants :

- des désordres au niveau du bain aquatique consistant en une corrosion de l'ensemble de la structure acier et de la cuve inox sur la face extérieure, en une absence d'étanchéité de la cuve inox et en une inadaptation des trappes d'accès pour assurer une maintenance des installations,

- l'absence d'étanchéité de la porte du hammam entraînant une dégradation des hublots d'éclairage, des huisseries et des plafonds,

- la corrosion de l'ensemble du matériel et des équipements de la zone balnéo par la présence d'humidité et de chlore,

- l'absence d'alimentation correcte de la chaudière en air neuf entraînant sa corrosion, l'arrivée d'air étant chargée en chlore,

- une condensation importante des baies vitrées de la zone de bien-être et une absence de renouvellement de l'air par un apport d'air neuf,

- une impossibilité de réguler des températures d'eau différentes pour le jaccuzi et pour la piscine,

- des nuisances acoustiques dans les chambres 21 et 22.

Le rapport de l'expert judiciaire établi le 5 octobre 2017 relate une aggravation des désordres sur les points suivants :

- la détérioration accentuée de la structure acier entourant le bassin et supportant le plancher de la fosse, cette structure s'étant effondrée sous le poids d'un client de l'hôtel, la détérioration accentuée de l'escalier en structure acier permettant l'accès au jacuzzi et celle de l'ensemble des pièces métalliques,

- la détérioration accentuée de l'ensemble des cloisons,

- de nouvelles dégradations au niveau des radiateurs du fait de l'absence d'introduction d'air neuf.

L'expert relève l'évolution rapide de la dégradation de l'installation et de l'immeuble.

Le caractère apparent ou caché des désordres s'apprécie au jour de la réception en la personne du maître de l'ouvrage et non pas en la personne du maître d'oeuvre, même si celui-ci assiste le maître de l'ouvrage à la réception de l'ouvrage.

Dès lors, le fait que l'expert judiciaire indique que les désordres constatés étaient visibles par un professionnel tel qu'une maîtrise d'oeuvre lors de la réception des travaux est inopérant pour considérer les désordres comme apparents à l'égard du maître de l'ouvrage dont il n'est pas allégué qu'il possède des compétences en matière de construction.

Les nuisances acoustiques n'ont pu être établies par l'expert qu'après des prises de mesures et une analyse des spectres acoustiques. Elles ne peuvent dès lors être considérées comme apparentes pour le maître de l'ouvrage. Il en est de même pour l'absence d'équilibrage des débits d'air qui nécessite des connaissances techniques pour en apprécier l'insuffisance.

Par ailleurs, les dégradations et corrosions affectant les structures en acier et la cuve en inox, les équipements de la zone balnéo, le plafond et les huisseries du hammam ne sont apparues qu'au fil des mois après la mise en service de l'ouvrage. Elles ne pouvaient donc pas être apparentes au jour de la réception.

En conséquence, la réception sans réserve avec les désordres constatés par l'expert lesquels n'étaient pas apparents ou n'étaient pas survenus lors de la réception ne fait pas obstacle à l'action en garantie décennale.

Les travaux commandés par la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille consistaient en une réhabilitation importante et en la création d'un espace de bien-être. Les nuisances acoustiques rendent impossible la location de deux chambres. Les autres désordres rendent l'espace 'bien-être' impropre à sa destination au regard des importantes dégradations observées par l'expert. Ainsi la structure supportant le plancher de la fosse s'est effondrée sous le poids d'un client, les portes ne ferment plus.

Il est donc établi que les désordres relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs. Le jugement sera complété en ce sens.

2) Sur la responsabilité des intervenants à la construction

La responsabilité décennale des constructeurs est une responsabilité de plein droit. L'existence de cette présomption de responsabilité permet au maître de l'ouvrage de rechercher la responsabilité de tous les locateurs d'ouvrage intervenus à l'opération de construction sans avoir à déterminer leur faute. Est réputé constructeur tout architecte, technicien, ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage.

La société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille a conclu avec la société Batyss un contrat d'architecte portant sur la réhabilitation de 5 chambres et la création d'un espace 'bien être'. Le contrat comprenait une mission complète portant tant sur la conception du projet que sur la direction de l'exécution des travaux notamment par l'organisation de réunions et la rédaction de comptes rendus ainsi que l'assistance à la réception des travaux.

La mission de la société Batyss comprenant un suivi des travaux, celle-ci ne peut soutenir qu'elle n'avait pas de mission sur les travaux exécutés par la société H2O.

Par ailleurs, aucune clause limitative de responsabilité ne peut être retenue en matière de responsabilité légale. La société MAF ne peut aussi opposer au maître de l'ouvrage une franchise au titre de la réparation des préjudices matériels dans le cadre de la responsabilité décennale.

En conséquence, c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu la responsabilité de la société Batyss et la garantie de la société MAF qui ne dénie pas assurer la responsabilité décennale de la société Batyss. Le jugement sera infirmé sur ces points.

3) Sur la garantie de la société Acte Iard

L'acte d'engagement de la société H2O comporte des travaux de traitement d'eau/hydraulique (filtration, pompage, raccordements hydrauliques, chauffage eau bassin, électricité, traitement d'eau, débimétrie, bac tampon, alimentation pédiluve), des travaux d'équipements balnéo (bassin mixte, jacuzzi, douches balnéo), des travaux concernant l'espace vapeur (habillage mur, plafond, porte sécurité, générateur de vapeur), des travaux de déshumidification (centrale de vapeur, raccordement électrique).

L'attestation remise par la société Acte Iard le 11 janvier 2011 indique que l'assuré a souscrit le contrat 'Sécurité Entreprise' garantissant la responsabilité de l'entreprise et la responsabilité décennale obligatoire pour les travaux relevant notamment des travaux de serrurerie (réalisation de serrurerie et métallerie et protection contre les risques de corrosion, raccordement des alimentations électriques et automatismes nécessaires), des travaux d'installations d'aéraulique et de conditionnement d'air (réalisation d'installations assurant les fonctions de chauffage, renouvellement et traitement de l'air, de rafraîchissement), des travaux d'électricité, des travaux de génie climatique (incluant chauffage électrique , plomberie, installations sanitaires, ventilation mécanique contrôlée, climatisation), accessoires et équipement de piscine/balnéo, installation d'équipements et accessoires pour piscine et balnéos, réalisation de réseaux hydrauliques et pompes, filtration, chauffage et déshumidification des locaux.

Si cette attestation fait apparaître la mention ' garantie responsabilité civile', celle-ci est apposée dans la rubrique J805 uniquement à côté de l'activité 'Accessoire et équipements de piscine/balnéo' et non pas à côté de l'activité 'Installation d'équipements et accessoires pour piscine et balnéos, réalisation de réseaux hydrauliques et pompes, filtration, chauffage et déshumidification des locaux'.

Les conditions particulières du contrat d'assurance mentionnent au titre des activités assurées celle de génie climatique comprenant le chauffage notamment par pompe à chaleur et installations des circuits de chauffage, la plomberie/installations sanitaires, la ventilation mécanique contrôlée, la climatisation, chauffe eau solaire et plancher chauffant. Sont couverts également les travaux accessoires d'électricité, peinture, enduits, petits ouvrages de maçonnerie. Les accessoires et équipements de piscine/balnéo (rubrique F805) sont mentionnés comme étant couverts en garantie responsabilité civile.

Le contrat stipule que l'activité F805 est complétée comme suit: Installation d'équipements et accessoires pour piscine et balnéos, réalisation de réseaux hydrauliques et pompes, filtration, chauffage et déshumidification des locaux. Il n'est pas apposé la mention 'garantie responsabilité civile' à côté de cette activité.

Le contrat s'interprète contre celui qui l'a rédigé.

Comme relevé par la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille, il est logique que seule la garantie 'Responsabilité civile' soit accordée pour les accessoires et équipements de piscine/balnéo dès lors que l'assuré ne réalise pas de travaux relevant de la garantie décennale mais se contente uniquement de fournir des équipements. En revanche, il n'en est pas de même s'agissant de travaux d'installation d'équipements et accessoires pour piscine et balnéos et de réalisation de réseaux hydrauliques et pompes, filtration, chauffage et déshumidification des locaux de nature à relever d'une responsabilité légale.

En l'absence d'une mention expresse ' Garantie Responsabilité civile' à côté de cette dernière activité, il y a lieu de considérer qu'elle est couverte au titre de la responsabilité décennale.

Dès lors, les travaux effectués par la société H2O au profit de la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille qui ont entraîné des désordres de nature décennale sont assurés par la société Acte Iard au titre de cette garantie, étant en outre observé que ces travaux relèvent aussi pour certains des activités de travaux d'installations d'aéraulique et de conditionnement d'air , de travaux d'électricité ou de travaux de génie climatique dont il n'est pas contesté qu'ils sont assurés en garantie décennale.

La société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille est donc bien fondée à agir contre la société Acte Iard qui doit sa garantie décennale et à voir fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société H2O.

4) Sur le préjudice

A/ Sur les travaux de reprise des désordres

Ainsi que relevé par la société Batyss et la société MAF, l'indemnisation doit être effectuée sur la base d'un montant hors taxe dès lors que le maître de l'ouvrage est une société commerciale, exerçant son activité sous la forme d'une Sarl.

Les travaux de reprise ont été évalués sur la base des devis présentés par les parties à l'expert. Compte tenu de l'ancienneté des devis remis lors de la première expertise réalisée en 2014, une augmentation du coût des travaux à hauteur de 6% apparaît justifiée.

Par ailleurs, l'expert a précisé qu'au regard des travaux à réaliser et de la complexité de la partie hydraulique et aéoraulique, il est indispensable de mettre en place une maîtrise d'oeuvre et un BET fluide.

Dès lors, contrairement à ce que soutiennent la société Batyss et la société MAF, l'intervention de ces deux professionnels qui n'ont pas la même mission est nécessaire et leur coût, apprécié correctement par l'expert, doit être comptabilisé dans les frais de reprise.

La société Batyss et la société MAF font valoir que la construction du local technique enterré à l'extérieur du bâtiment constitue une amélioration de l'ouvrage. Toutefois, l'expert a relevé que la pose d'un isolant dans le local technique ne sera pas suffisante et qu'il faut traiter le bruit solidien qui propage la nuisance acoustique par la structure du bâtiment. Il a ajouté que la désolidarisation de la dalle engendrait des travaux importants et qu'il est préférable d'éloigner la source sonore des zones de détente et de repos en relevant qu'il n'est pas acceptable d'avoir un local technique avec un niveau sonore de 85 dB dont la porte d'accès se situe dans une zone de détente à bas niveau sonore. Il en a déduit que la solution est de déplacer le local technique en dehors du bâtiment.

Dès lors que la réfection proposée par l'expert est le seul moyen d'éviter la réapparition des désordres, elle doit être retenue et ne peut être écartée au motif qu'elle constitue une amélioration de l'ouvrage.

En conséquence, il doit être alloué à la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille au titre de la reprise des désordres la somme de 169.863,77 euros, correspondant à un montant ht. Le jugement du tribunal de commerce sera donc infirmé sur le montant des dommages et intérêts au titre de la reprise des désordres.

B/ Sur les dommages immatériels

a) sur la perte d'exploitation concernant les chambres n°21 et 22

En raison des nuisances sonores, la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille n'a pu louer les chambres 21 et 22.

La société Batyss et la société MAF font valoir que le nombre de chambres vacantes a toujours été supérieur au nombre de chambre immobilisées.

Toutefois, ainsi que l'a conclu le sapiteur, la qualité de prestations des nouvelles chambres n°21 et 22 est incontestablement supérieure à celle des autres chambres non rénovées. Lorsque le client est dans l'attente d'une certaine qualité de prestation et qu'il lui est proposé une chambre d'une qualité moindre, il est en capacité de refuser ou d'accepter mais avec le risque qu'il ne revienne pas.

Comme relevé par le sapiteur et l'expert, il existe une perte de chance de louer ces chambres qu'ils ont évaluée en tenant compte du taux d'occupation moyen de 25,68% appliqué à la perte de chiffre d'affaires pour deux chambres, 8 mois par an, sur 5 ans, soit la somme de 41.460 euros de laquelle ils ont déduit les économies de charge correspondantes évaluées à 1.626 euros, d'où un préjudice de 39.834 euros. Il convient d'entériner ce montant dont le calcul a été parfaitement explicité par l'expert et le sapiteur qui ont tenu compte des données du litige.

b) sur la perte d'exploitation relative aux prestations de massage

La société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille sollicite la somme de14.715 euros.

Le sapiteur a retenu que si l'activité n'a pu démarrer dans l'endroit initialement prévu, elle a été déplacée dans de nouvelles pièces à côté de l'accueil ce qui a permis de réaliser du chiffre d'affaires. L'expert n'a donc retenu aucun préjudice. Cette conclusion doit être entérinée dès lors que la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille ne démontre pas l'existence d'une perte de chiffre d'affaires strictement imputable aux désordres.

c) sur la perte d'exploitation au niveau de l'activité Spa

La société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille sollicite la somme de 31.461 euros.

Après une analyse minutieuse des évolutions de chiffre d'affaires, le sapiteur a constaté que le chiffre d'affaires Spa et massage suit globalement la tendance du chiffre d'affaire total de l'hôtel, qu'ainsi la tendance à la baisse constatée de juin 2015 à août 2016 de l'activité Spa semble corrélée à la tendance à la baisse du chiffre d'affaires cumulé total et que dès lors, il ne peut être établi une perte de chiffre d'affaires en corrélation avec les nuisances sonores. L'expert a conclu à une absence de préjudice. Cette conclusion établie après une démonstration claire et précise doit être entérinée.

d) sur le préjudice lié à la gestion permanente des dysfonctionnements de l'installation

Le sapiteur a noté que depuis la mise en route des installations de la zone de balnéothérapie, Monsieur Beaume doit intervenir en permanence pour traiter les dysfonctionnements des appareils.

Au regard de l'ampleur des désordres, de la nécessité d'une intervention permanente, de l'obligation de gérer l'intervention de différentes entreprises pour maintenir l'activité du Spa dans l'attente des travaux de réfection, le temps passé par le gérant à hauteur de 2h par jour à un taux horaire de 19,23 euros apparaît comme ayant été correctement apprécié par l'expert.

Contrairement à ce que soutiennent la société Batyss et la société MAF, ce préjudice est parfaitement constitué et doit être retenu à hauteur de 36.000 euros.

e) sur le montant des travaux effectués pour maintenir l'activité en attendant la réfection des désordres

Au vu des factures produites, l'expert a évalué ce préjudice à la somme de 17.241,69 euros. Les factures supplémentaires produites par la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille pour les années 2019 et 2020 correspondent soit à des travaux de réfection pris en compte au titre du préjudice matériel, soit sont insuffisamment précises pour les rattacher au litige.

En conséquence, doit être retenu le montant évalué par l'expert.

f) sur l'atteinte à l'image

Les désordres constatés, à savoir les dégradations des cloisons et des huisserie, la corrosion des équipements, la condensation sur les baies vitrées et l'effondrement d'une structure sous le poids d'un client portent une atteinte indéniable à l'image de l'établissement.

Ce préjudice sera évalué à la somme de 15.000 euros au regard des éléments retenus. Le jugement sera infirmé sur ce point.

g) sur le préjudice moral

Compte tenu des soucis et tracas générés par les désordres et la procédure, la réparation de ce préjudice a correctement évaluée par le premier juge à la somme de 5.000 euros.

5) Sur les appels en garantie

Dans les rapports entre locateurs d'ouvrage, les condamnations se répartissent en fonction de la gravité de leurs fautes respectives.

Il ressort des rapports d'expertise que les désordres constatés proviennent du non-respect de la réglementation et des règles de l'art et d'une exécution défectueuse par la société H2O.

Mais l'expert note aussi que la société Batyss n'a pas réalisé le cahier des clauses techniques particulières concernant la prestation de la société H2O alors qu'elle l'a fait pour les autres lots et qu'ainsi elle n'a pas répondu à ses missions ' Etudes Préliminaires', 'Avant projet sommaire', 'Avant projet définitif', 'Projet de conception générale', 'Mise au point des marchés de travaux' et 'Direction de l'exécution des contrats de travaux'. Il relève qu'elle a pris l'option de laisser une mission globale à la société H2O sans le moindre contrôle ce qui a conduit à une dérive complète de la réalisation, qu'elle ne s'est pas fait assister par un BET Fluide, qu'elle n'a pas analysé le dossier de la société H2O avant la réalisation pour vérifier si la prestation correspondait aux objectifs de la maîtrise d'ouvrage, qu'en outre avant la réception de l'ouvrage, la maîtrise d'oeuvre devait demander à la société H2O l'ensemble des essais et vérifications sur les produits mis en oeuvre.

Dès lors, les désordres relevés proviennent aussi de fautes commises par la société Batyss.

Dès lors que les fautes respectives de la société H20 et de la société H2O ont concouru à l'entier dommage, la société Acte Iard et la société Batyss et son assureur la société MAF seront condamnées in solidum à le réparer.

Dans leur rapport entre eux, les désordres étant principalement la conséquence d'une exécution défectueuse et du non respect des règles de l'art, la société Acte Iard sera relevée et garantie à hauteur de 20% par la société Batyss et la société MAF.

Réciproquement, la société Batyss et la société MAF seront relevées et garanties à hauteur de 80% par la société Acte Iard.

6) Sur les mesures accessoires

La cour rappelle que les frais d'expertise constituent des dépens, sont recouvrés à ce titre et confirme la décision du tribunal sur la charge des dépens et le montant alloué sur les frais irrépétibles au titre de la première instance.

La société Acte Iard et la société Batyss et la société MAF qui succombent seront condamnées in solidum aux dépens d'appel.

Elles devront payer la somme de 5.000 euros à la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille en application de l'article 700 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par défaut, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Batyss, en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société H2O, en ce qu'il a retenu la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral, en ce qu'il a condamné la société Acte Iard aux dépens et à payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 130.000 euros.

L'infirme pour le surplus des dispositions soumises à la cour.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la responsabilité de la société H2O est engagée sur le fondement de la responsabilité décennale.

Dit que la société Batyss est responsable des désordres constatés par l'expert sur le fondement de la responsabilité décennale.

Dit que la société Acte Iard doit sa garantie ' Responsabilité décennale' au titre des désordres constatés par l'expert.

Condamne in solidum la société Acte Iard d'une part et la société Batyss et la société MAF d'autre part à payer à la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille :

- la somme de 169.863,77 euros au titre des travaux de reprise des désordres, outre indexation selon l'indice BT 01 du bâtiment, les indices à prendre en considération étant celui en vigueur à la date du dépôt du rapport d'expertise (5 octobre 2017) et celui en vigueur à la date de l'arrêt,

- la somme de 39.834 euros au titre des pertes d'exploitations concernant les chambres,

- la somme de 36.000 euros au titre du préjudice lié à la gestion des dysfonctionnements de l'installation,

- la somme de 17.241,69 euros au titre des travaux effectués en vue de maintenir l'activité,

- la somme de 15.000 euros au titre du préjudice d'image,

- la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral.

Dit que la Maf peut opposer la franchise contractuelle s'agissant des condamnations prononcées au titre du préjudice immatériel.

Déboute la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille de ses demandes au titre de la perte d'exploitation, au titre des prestations de massage et au titre de l'activité Spa.

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société H2O les sommes mentionnées ci-dessus.

Condamne la société Acte Iard à relever et garantir à hauteur de 80% la société Batyss et la société Maf des condamnations prononcées à leur encontre.

Condamne la société Batyss et la société Maf à relever et garantir à hauteur de 20% la société Acte Iard des condamnations prononcées à son encontre.

Condamne la société Batyss et la société Maf in solidum avec la société Acte Iard aux entiers dépens de première instance comprenant les frais taxés des deux expertises et à payer la somme de 15.000 euros à la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille au titre des frais irrépétibles de première instance.

Condamne in solidum la société Acte Iard, la société Batyss et la société Maf aux dépens d'appel.

Condamne in solidum la société Acte Iard, la société Batyss et la société Maf à payer la somme de 5.000 euros à la société Hôtel Restaurant Beaume du Gai Soleil du Mont Aiguille en application de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de l'instance d'appel.

Déboute les autres parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/03254
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;20.03254 ?
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