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27/04/2023 | FRANCE | N°20/03082

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 27 avril 2023, 20/03082


N° RG 20/03082 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KSFE





C1



Minute N°





































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL BEYLE AVOCATS



la SELARL CDMF AVOCATS



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE
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CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 27 AVRIL 2023





Appel d'un jugement (N° RG 18/05196)

rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRENOBLE

en date du 28 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 07 octobre 2020



APPELANTE :

S.A.R.L. BLIBERT au capital de 3.000 euros, enseigne commercial MY FRANGO, inscrite au RCS de Grenoble sous le ...

N° RG 20/03082 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KSFE

C1

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL BEYLE AVOCATS

la SELARL CDMF AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 AVRIL 2023

Appel d'un jugement (N° RG 18/05196)

rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRENOBLE

en date du 28 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 07 octobre 2020

APPELANTE :

S.A.R.L. BLIBERT au capital de 3.000 euros, enseigne commercial MY FRANGO, inscrite au RCS de Grenoble sous le numéro 838.071.801, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 2] / FRANCE

représentée par Me Myriam TIDJANI de la SELARL BEYLE AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

S.C.I. RELAIS DE L'OISANS immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 482 373 131, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 décembre 2022, Mme BLANCHARD, conseillère, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré.

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant acte sous seing privé du 15 février 2018 avec effet au 1er mars suivant, la SCI Relais de l'Oisans a donné à bail commercial à la Sarl Blibert des locaux situés à [Localité 2].

Par acte d'huissier du 15 novembre 2018, la SCI Relais de l'Oisans a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer un arriéré de 9.120,43 euros, visant la clause résolutoire.

La société Blibert a poursuivi la nullité du commandement devant le tribunal judiciaire de Grenoble qui, par jugement en date du 28 septembre 2020, rectifié le 26 avril 2021, a :

- rejeté la demande de la Sarl Blibert visant à voir constater la nullité du commandement de payer avec rappel de la clause résolutoire en date du 15 novembre 2018

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail en date du 15 février 2018 souscrit entre la SCI Relais de l'Oisans et la Sarl Blibert, portant sur un local situé [Adresse 1], à compter du 15 décembre 2018,

- constaté qu'il a été satisfait aux prescriptions édictées par l'article L 143-2 du code de commerce concernant la protection des créanciers inscrits sur un fonds de commerce

- ordonné l'expulsion de la Sarl Blibert, ainsi que de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique,

- condamné la Sarl Blibert à payer à la SCI Relais de l'Oisans les sommes de :

. 12.497 euros ttc au titre des loyers et charges dus entre le 1er août 2018 et le 15 décembre 2018,

. 3.161 euros au titre de l'indemnité d'occupation arrêtée au 31 mai 2019,

- débouté la SCI Relais de l'Oisans de sa demande visant à la condamnation de la Sarl Blibert à produire sous astreinte l'attestation de l'assurance habitation,

- condamné la Sarl Blibert à payer à la SCI Relais de l'Oisans la somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclaration au greffe du 7 octobre 2020, la société Blibert a relevé appel de cette décision sauf en ce qu'elle a débouté la SCI Relais de l'Oisans de sa demande de condamnation de la Sarl Blibert à produire sous astreinte l'attestation d'assurance habitation.

Prétentions et moyens de la société Blibert :

Au terme de ses dernières écritures (n°5) notifiées le 12 octobre 2022, la société Blibert demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- prononcer la nullité du commandement de payer avec rappel de la clause résolutoire en date du 15 novembre 2018,

- constater l'absence de bonne foi dans la délivrance du commandement ;

- dire et juger n'y avoir lieu à dénaturation ou interprétation du contrat,

- débouter la SCI Relais de l'Oisans de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la Sarl Blibert,

- à titre subsidiaire,

- dire irrégulier le commandement visant la clause résolutoire,

- à titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour entendait modifier le montant du loyer,

- octroyer à la société Blibert les plus larges délais pour s'acquitter de sa dette,

- en tout état de cause,

- dire n'y avoir lieu à résiliation et à validation du commandement,

- condamner la société SCI Relais de l'Oisans à payer à la société Blibert la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

La société Blibert soulève la nullité du commandement de payer et à tout le moins son irrégularité aux motifs que :

- le loyer contractuel étant fixé à 2400 euros par an, il existe une contradiction entre les termes du bail et ceux du commandement qui réclame paiement d'un loyer mensuel de 2400 euros,

- le commandement a été délivré de mauvaise foi.

Elle fait valoir que le premier juge ne pouvait fixer un nouveau loyer, constater rétroactivement son défaut de paiement et prononcer la résiliation du bail sans mise en demeure de payer préalable, que le commandement étant dépourvu d'effets, il ne peut entraîner la résiliation du contrat.

Elle considère qu'en présence d'une stipulation contractuelle claire, aucune interprétation n'est possible et que le premier juge ne disposait d'aucun pouvoir de réfaction du contrat, qu'en toute hypothèse, l'interprétation devait se faire en faveur du locataire qui a contracté l'obligation de payer.

Elle soutient qu'elle est à jour du paiement des loyers, qu'elle n'a pas obtenu communication des avis de taxe foncière et n'est locataire que d'une partie du tènement immobilier, qu'elle est régulièrement assurée au titre de son occupation et que les sommes versées en plus du loyer mensuel constituaient des avances sur le prix de la cession envisagée du local.

Elle conteste la valeur probatoire du rapport unilatéral de M. [G] consulté par l'intimée sur la fixation de la valeur locative du local.

Prétentions et moyens de la société Relais de l'Oisans :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 mars 2022, la société Relais de l'Oisans entend voir :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la Sarl Blibert visant à voir constater la nullité du commandement de payer avec rappel de la clause résolutoire en date du 15 novembre 2018,

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail en date du 15 février 2018 à la date du 15 décembre 2018,

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'expulsion de la Sarl Blibert, ainsi que de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique,

- débouter la Sarl Blibert de sa demande de délai qui ne constitue pas une demande de suspension des effets de la clause résolutoire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL Blibert à payer à la SCI Relais de l'Oisans la somme de 12.497 euros ttc au titre des loyers et charges dus entre le 1er août 2018 et le 15 décembre 2018,

- faire droit à l'appel incident,

- condamner la Sarl Blibert à payer au titre de l'indemnité d'occupation à compter du 15 décembre 2018 la somme de 2.400 euros ttc mensuelle, outre les charges qui comprendront les frais liés à l'eau et la taxe foncière soit la somme de 113.760 euros somme arrêtée au 28 février 2022, sauf à parfaire, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation initiale du 11 décembre 2018 avec capitalisation par année entière,

- dans l'hypothèse d'un prix de bail à 166,66 euros mensuels,

- prononcer l'annulation du contrat de bail pour vil prix,

- dire et juger que l'occupant devra régler au propriétaire une indemnité d'occupation égale à la valeur locative du local évalué par le rapport [G],

- condamner le locataire au règlement de cette indemnité d'occupation, soit 22.000 euros annuels hors taxes,

- en tout état de cause,

- condamner la Sarl Blibert à payer à la SCI Relais de l'Oisans la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl Blibert aux entiers dépens.

La SCI Relais de l'Oisans soutient que le contrat doit s'interpréter en fonction de la commune intention des parties laquelle doit être recherchée dès qu'il existe une ambiguité, que tel est le cas, la valeur locative réelle du local loué étant de 22.620 euros par an et le prix du loyer contractuel dérisoire.

Elle relève que la société Blibert a bien réglé 2400 euros par mois en début du bail entre avril et juillet 2018, qu'il s'agit d'un aveu et qu'il est établi que la mention du prix du bail résulte d'une erreur.

Elle considère que le commandement de payer a été régulièrement délivré, qu'il n'est pas contesté que ses causes n'ont pas été acquittées dans le délai d'un mois et qu'il doit en conséquence produire ses effets.

A titre subsidiaire, elle se prévaut de la nullité du contrat compte tenu du prix dérisoire et de la valeur locative retenue par M [G], expert, pour fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Blibert.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) sur la nullité du commandement de payer :

Selon les termes du contrat signé entre les parties le 15 février 2018, le bail a été : «consenti et accepté moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges d'un montant de deux mille euros» payable mensuellement à terme échu.

Cette clause est parfaitement claire et ne nécessite aucune interprétation.

La cour relève qu'à la date de régularisation du bail, les parties étaient convenues d'une promesse de vente du local et que par ailleurs, le bail ne stipulait aucun dépôt de garantie ce qui tend à corroborer le montant particulièrement faible du loyer.

Les simples témoignages de Mme [T] et de M. [L] sont inopérants à rapporter la preuve contraire aux énonciations du bail et le seul historique des loyers, établi par la SCI Relais de l'Oisans elle-même, ne peut faire la preuve de la volonté de la société Blibert de s'acquitter d'un loyer mensuel de 2400 euros.

Le bail prévoyait en outre que le preneur rembourserait au bailleur la taxe foncière.

Le bail comporte enfin en page 7, une clause résolutoire stipulant qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance ou d'exécution d'une seule des conditions du bail, et un mois après un simple commandement de payer rappelant les termes de cette clause et resté sans effet, le bail serait résilié de plein droit.

Le commandement de payer délivré par acte d'huissier du 15 novembre 2018 réclamait paiement de trois échéances de loyer pour les mois d'août, septembre et octobre 2018 ainsi qu'une somme de 1736 euros au titre de la taxe foncière.

La bailleresse indique avoir perçu en quatre versements une somme totale de 9600 euros entre le 1er mars et le 30 octobre 2018.

Selon les termes du bail, elle devait percevoir sur la même période une somme de 1333, 28 euros au titre des loyers (166,66 x 8) et de 1736 euros pour la taxe foncière.

Les réclamations portées par le commandement de payer ne correspondent pas aux stipulations contractuelles et les sommes dues en vertu de ces dernières étaient intégralement acquittées à la date de sa délivrance.

Le commandement porte sur des sommes dont la SCI Relais de l'Oisans ne justifie pas et il doit être déclaré nul.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité et fait droit aux prétentions de la bailleresse.

Cette dernière sera déboutée de ses demandes en constatation de la résiliation du bail, en expulsion de la locataire et en paiement.

2°) sur la nullité du bail :

L'article 1169 du code civil dispose qu'un contrat à titre onéreux est nul lorsqu'au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est dérisoire.

Selon le contrat, la contrepartie à la mise à disposition du local loué a été fixée à 2000 euros par an, soit 166,66 euros par mois.

Le local mis à la disposition de la société le Blibert est situé [Adresse 1] à [Localité 2]. Il est décrit comme représentant une superficie d'environ 100 m² à usage de restaurant et de laverie avec terrasse et trois places de parking, ainsi que 70m² à l'étage à usage de salle de repos.

Si la SCI Relais de l'Oisans produit aux débats le rapport d'une expertise amiable non contradictoire réalisée sur sa demande par M. [G] qui conclut à une valeur locative de 22.620 euros ht par an, et si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et ainsi soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur cette seule expertise en l'absence d'autres éléments de preuve la corroborant.

Cette seule expertise ne permet pas de rapporter la preuve de la vileté alléguée du prix fixé entre les parties, ce qui conduira la cour à rejeter la demande de nullité du contrat de bail.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Grenoble en date du 28 septembre 2020 en ses dispositions soumises à la cour,

statuant à nouveau,

DECLARE nul et de nul effet le commandement de payer du 15 novembre 2018,

DEBOUTE la SCI Relais de l'Oisans de ses demandes en constatation de la résiliation du bail, expulsion de la SARL Blibert et en paiement,

DEBOUTE la SCI Relais de l'Oisans de sa demande de nullité du contrat de bail,

y ajoutant,

REJETTE les demandes réciproques en condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCI Relais de l'Oisans aux dépens de première instance et d'appel.

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/03082
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;20.03082 ?
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