N° RG 20/03067 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KSDO
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL EUROPA AVOCATS
Me Renaud RICQUART
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 23 MARS 2023
Appel d'un jugement (N° RG 2019J00219)
rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 25 septembre 2020
suivant déclaration d'appel du 06 octobre 2020
APPELANT :
M. [W] [Z] [N]
né le 31 Juillet 1960 à [Localité 5] (38)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me SPINELLA, avocat au barreau de CHAMBERY
INTIMÉES :
S.A.R.L. PALM D OR au capital de 64.000 €, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 499 541 449, , représentée par son gérant en exercice domicilié audit siège
RCS GRENOBLE 499 541 449,
[Adresse 1]
[Localité 2]
S.A.S. [Z] [N] au capital de 39.000 €, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 377 726 377, représentée par ses co-gérants en exercice domiciliés audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentées par Me Renaud RICQUART, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 janvier 2023, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure:
1. Le 24 juillet 2007, [W] [Z]-[N] a cédé à la Sarl Palm d'Or, tant en son nom qu'agissant pour le compte de ses enfants, les actions de la Sas [Z]-[N], exploitant une entreprise de plomberie-chauffage, qu'il détenait, au prix de 1.109.119 euros. Il est resté président de cette société jusqu'au 25 septembre 2014. La Sarl Palm d'Or et la Sas [Z]-[N] lui ont reproché une distribution de dividendes antérieure à la cession, qui n'aurait pas été portée à leur connaissance. Le 17 mai 2016, ces deux sociétés ont ainsi assigné [W] [Z]-[N], afin qu'il soit condamné à régler la somme de 242.021 euros à la société Palm d'Or. Par jugement du 5 juillet 2019, le tribunal de commerce de Grenoble a constaté la péremption de cette instance. Cependant, par assignation délivrée le 4 juin 2019, la Sarl Palm d'Or et la Sas [Z]-[N] ont saisi le tribunal de commerce des mêmes demandes.
2. Par jugement du 25 septembre 2020, le tribunal de commerce de Grenoble a':
- dit que l'action des sociétés Palm d'Or et [Z]-[N] introduite le 4 juin 2019 n'est pas prescrite';
- condamné [W] [Z]-[N] à régler à la société Palm d'Or la somme de 242.021 euros, outre intérêts capitalisés à compter du 24 juillet 2007 en remboursement partiel du prix de cession';
- débouté [W] [Z]-[N] de ses demandes reconventionnelles';
- condamné [W] [Z]-[N] à payer la somme arbitrée à 1.000 euros à chacune des sociétés Palm d'Or et [Z]-[N], au titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné [W] [Z]-[N] aux dépens de l'instance.
3. [W] [Z]-[N] a interjeté appel de cette décision le 6 octobre 2020 en toutes ses dispositions, reprises dans sa déclaration d'appel. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 8 décembre 2022.
Prétentions et moyens de [W] [Z]-[N]':
4. Selon ses conclusions remises le 22 juin 2022, il demande à la cour, au visa des articles 1304 et 2224 du code civil':
- de déclarer son appel recevable et bien fondé';
- de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions';
- statuant à nouveau, à titre principal, de déclarer les intimées irrecevables en leurs demandes car prescrites';
- à titre subsidiaire, de dire que le concluant ne s'est pas rendu coupable de man'uvres et réticences dolosives dans l'intention de tromper la société Palm d'Or';
- de dire que le concluant ne s'est pas clandestinement attribué les dividendes';
- par conséquent, de débouter la société Palm d'Or de sa demande de condamnation de la somme de 242.021 euros';
- à titre très subsidiaire, de dire que la société Palm d'Or ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait de la distribution des dividendes concernant la valeur des actions acquises';
- de dire que la société Palm d'Or n'a pas subi de perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses';
- ainsi, de débouter la société Palm d'Or de sa demande de condamnation de la somme de 242.021 euros';
- de condamner chacune des sociétés intimées à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, non fondée et vexatoire';
- de condamner chacune des sociétés intimées à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il soutient':
5. - concernant la recevabilité de l'action des intimées, que l'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'; qu'en l'espèce, la famille [Z]-[N] a proposé la cession de ses actions à trois salariés de la société, à savoir monsieur [A], madame [X], comptable de la société et monsieur [S], plombier'; que la société Palm d'Or a été constituée à cette fin par ces derniers et le concluant'; que tant la société Palm d'Or que ses associés, tous opérationnels dans l'activité du groupe contrôlant la société [Z]-[N], étaient parfaitement informés de la distribution de dividendes, dès la réunion du 1er juin 2007 tenue chez maître [L], Notaire, lors de laquelle ont été arrêtées les conditions de l'opération, dont la distribution de dividendes au concluant'; que ces dividendes ont été réglées postérieurement à la prise de contrôle de la société par la société Palm d'Or, sur une période de trois ans entre 2007 et 2009, par virements opérés par la comptable, madame [X], également associée'; qu'ainsi, la société Palm d'Or et ses associés ont eu connaissance de cette distribution dès l'année 2007'; que le tribunal a considéré à tort, dans son jugement, que les demandeurs ne pouvaient pas avoir connaissance des faits reprochés avant le 25 septembre 2014, date de la démission du concluant de ses fonctions de gérant; que l'action intentée le 4 juin 2019 est ainsi prescrite';
6. - que si cette distribution ne figure ni sur le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire annuelle du 18 septembre 2007 de la société [Z]-[N], ni sur celui du 30 septembre 2008, ni sur le bilan de l'exercice clos au 31 mars 2018, cela ne prouve ni une dissimulation intentionnelle de la part du concluant, ni l'absence de connaissance par la société Palm d'Or de cette distribution'; que cette distribution doit apparaître dans les comptes de la société, que l'associée unique, la société Palm d'Or, a approuvés ; qu'il appartient ainsi à cette dernière de produire ces documents'; que lorsque cette société a pris la présidence de la société [Z]-[N], elle a expressément approuvé l'évaluation de l'actif et a constaté qu'aucun avantage particulier n'avait été consenti, sur le rapport du commissaire aux comptes'; que les intimées ne procèdent ainsi que par voie d'affirmation en soutenant qu'elles n'auraient eu connaissance de la situation que suite au départ du concluant'; que la preuve de man'uvres dolosives n'est pas rapportée, le concluant n'étant pas le gérant de la société Palm d'Or, associée unique de la société [Z]-[N], la société Palm d'Or ayant pour gérant monsieur [A];
7. - que la preuve de la connaissance de la distribution de dividendes est confirmée par le courrier de maître [L] du 1er juin 2007 concernant la rédaction de l'acte de cession des actions, et précisant que lors d'une réunion tenue le même jour, il a été décidé d'une distribution des dividendes du résultat 2006 au concluant, ainsi que la constitution de la société Palm d'Or; qu'il a été décidé lors de cette réunion l'apport par le concluant de 160.000 euros au capital de la société Palm d'Or, somme provenant de la distribution des dividendes'; que la rédaction du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 20 juillet 2007 a constaté cette distribution, de même que le protocole de cession d'action du 24 juillet 2007': que cette connaissance est également confirmée par divers mails et courriers du commissaire aux comptes ;
8. - que le tribunal n'a pas pris en compte le fait que trois associés composant la société Palm d'Or sont des salariés de la société [Z]-[N], alors que le gérant de la première est l'un d'eux'; que madame [X], comptable de la société [Z]-[N], est l'une des associés de la société Palm d'Or, de sorte qu'elle connaissait la distribution de dividendes, ayant procédé aux
virements entre 2007 et 2009 ; que la société Palm d'Or ne pouvait ainsi ignorer cette distribution'; que le virement de 44.000 euros à ce titre a été effectué le 19 septembre 2007 par la société Palm d'Or';
9. - qu'une fois devenue l'associée de la société [Z]-[N], la société Palm d'Or a eu nécessairement accès aux comptes et au procès-verbal de l'assemblée générale du 20 juillet 2007; qu'elle devait vérifier la situation financière de sa filiale'; qu'elle ne peut se prévaloir de son éventuelle négligence';
10. - que s'il est retenu que la société Palm d'Or n'a pu découvrir cette distribution qu'après le départ du concluant, elle ne rapporte pas la preuve de man'uvres dolosives ou de réticences du concluant ayant reporté le point de départ de la prescription ;
11. - subsidiairement, sur le fond, que le tribunal a retenu l'existence d'un dol, alors que la société Palm d'Or ne rapporte pas la preuve ni d'une réticence dolosive, ni de man'uvres, ce que confirme les éléments développés ci-dessus; qu'il n'existe aucune volonté de tromper le cessionnaire, puisque la distribution de dividendes a permis au concluant de les reverser sur le compte de la société Palm d'Or afin de permettre le rachat des actions ;
12. - très subsidiairement, si la preuve d'une réticence dolosive est retenue, que le préjudice de la société Palm d'Or correspond uniquement à la perte d'une chance'; qu'il lui appartient ainsi de démontrer que la distribution avant l'acte de cession a eu des conséquences sur la valeur des actions, point sur lequel le tribunal n'a pas statué'; qu'il appartient ainsi à cette société d'établir qu'elle aurait contracté à des conditions plus avantageuses si elle avait su que le concluant avait décidé de la distribution des dividendes avant la cession';
13. - s'agissant de la demande reconventionnelle du concluant, que les intimées ont saisi avec légèreté blâmable le tribunal, et tiennent des propos mensongers et vexatoires, sans preuve.
Prétentions et moyens de la société Palm d'Or et de la société [Z]-[N]':
14. Selon leurs conclusions remises le 24 janvier 2022, elles demandent à la cour':
- de confirmer la décision de première instance en toutes ses dispositions';
- de débouter l'appelant de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et demande de condamnation aux frais irrépétibles';
- de condamner l'appelant à payer à chacune des concluantes la somme de 7.000 euros en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elles exposent':
15. - concernant la recevabilité de leur action, que la fraude, le dol incident, la dissimulation ou le silence gardé sur un fait ou un acte emporte suspension de la prescription du droit pour agir en application des dispositions de l'article 2232 du code civil'; qu'en l'espèce, l'appelant a clandestinement élaboré un procès-verbal d'assemblée générale ordinaire en date du 20 juillet 2007, manifestement antidaté, soit 3 jours avant la cession de la totalité des titres de la société [Z]-[N], lui allouant une distribution de dividendes d'un montant de 242.021 euros, dont l'existence a été dissimulée au cessionnaire'; qu'il n'est ainsi justifié ni de la convocation des associés, soit les enfants de l'appelant, ni du commissaire aux comptes 15 jours au moins avant la tenue de l'assemblée générale, ni d'une répartition des dividendes au prorata des droits
réels de chacun des associés, soit 52'% pour l'appelant et 16'% pour chacun de ses trois enfants'; que le comptes de l'exercice clos le 31 mars 2007 n'étaient pas encore approuvés par l'assemblée générale';
16. - que le protocole de cession du 24 juillet 2007 ne mentionne pas l'existence de l'assemblée générale du 20 juillet 2007, alors qu'elle aurait emporté une distribution de dividendes significative, correspondant à la totalité du bénéfice de l'exercice clos le 31 mars 2007, bien qu'il mentionne une telle distribution concernant la société Archangeli, filiale à 100'% de la société [Z]-[N]; qu'au titre de la détermination du prix, il est indiqué qu'il a été arrêté au vu du bilan des deux sociétés arrêté au 31 mars 2007, c'est à dire sur des capitaux propres incluant la distribution frauduleuse ;
17. - que si l'appelant soutient qu'il aurait été convenu qu'il apporte à la société Palm d'Or la somme de 150.000 euros en compte courant, il ne produit qu'un courrier émanant de son notaire, et à lui personnellement adressé'; que cette somme provient en réalité d'une distribution de dividendes opérée l'année précédente, sur l'exercice clos au 31 mars 2006, qui a bien été intégrée dans les comptes 2007';
18. - que postérieurement à la cession des titres, les comptes de l'exercice clos le 31 mars 2007 devaient être approuvés dans un délai de six mois, soit au plus tard le 30 septembre 2007, alors que la cession est intervenue le 24 juillet 2007, sur la base de comptes non encore approuvés par l'assemblée générale, et alors que l'appelant était encore le président de la société [Z]-[N] ;
19. - que si l'appelant a convoqué la société Palm d'Or, en sa qualité de nouvelle associée, pour l'assemblée générale afin d'approuver les comptes clos en mars 2007, le texte des résolutions joints à la convocation a mentionné la distribution de dividendes pour seulement 44.000 euros, au profit de la société Palm d'Or, le surplus de la somme de 242.021 euros étant affecté aux réserves'; que l'assemblée du 18 septembre 2007 approuvant les comptes de l'exercice a approuvé ces affectations conformément au projet de résolution'; qu'au titre de l'obligation prévue par l'article 243 bis du code général des impôt de rappeler les distributions effectuées sur les trois années précédentes, aucune mention n'a été faite concernant une distribution de dividendes le 20 juillet 2007, seules celles effectuées en 2005 et 2006 étant rappelées'; que l'annexe des comptes de synthèse ne prévoit aucune distribution'; que le procès-verbal de l'assemblée du 18 septembre 2007 a ainsi occulté cette distribution';
20. - qu'il en a été de même concernant les assemblées postérieures, celle de 2008 ne mentionnant la distribution que de 44.000 euros au titre de l'année 2007'; que la liasse fiscale de l'exercice clos au 31 mars 2008 n'a prévu que la distribution de cette somme, le solde du résultant étant affecté aux réserves'; que l'annexe est également taisante sur la distribution de 242.021 euros';
21. - que l'appelant reconnaît dans ses conclusions que le prélèvement en cause n'a pas été porté dans les comptes et assemblées des années 2007 et 2008';
22. - que s'il soutient qu'il avait été convenu d'apporter 150.000 euros en compte courant à la société Palm d'Or, il ne produit à ce sujet que des correspondances échangées avec son notaire, restées confidentielles entre eux'; qu'ainsi que précisé plus haut, cette somme provient de la distribution opérée au cours de l'exercice 2006/2007, constatée dans les assemblées et les liasses fiscales';
23. - que madame [X], simple assistance de gestion, dont le contrat de travail a été transféré à la société Palm d'Or en juillet 2007, ne disposait pas des compétences pour procéder à la révision des comptes, arrêter le bilan et établir les liasses fiscales, dont l'expert-comptable avait la charge'; que son travail se limitait à la saisie de factures'; qu'en outre, les prélèvements ont été soit effectués par l'appelant lui-même, soit sur ses instructions par une autre secrétaire';
24. - que si l'appelant indique que la société Palm d'Or, représentée par monsieur [A], a connu et approuvé les comptes dans lesquels la distribution apparaît, c'est cependant l'assemblée générale qui décide d'une distribution de dividendes, avant tout prélèvement'; qu'elle doit être portée à la connaissance des associés lors de l'assemblée approuvant les comptes, être portée sur le tableau fiscal d'affectation du résultat de l'exercice précédent'; qu'en l'absence de ces informations, il est impossible de connaître l'existence d'un prélèvement pouvant correspondre à une distribution'; que l'état de synthèse établi lors de l'arrêté des comptes et communiqué aux associés ne traduit que des soldes instantanés ne permettant pas de connaître une telle distribution, sans vérification du grand livre;
25. - que si l'appelant produit l'extrait d'une note de synthèse du commissaire aux comptes du 21 septembre 2007, adressée à l'assemblée générale tenue le même jour, il apparaît que le compte courant de l'appelant était constamment débiteur de 97.717,36 euros, et que la régularisation de ce problème n'est intervenue qu'après l'assemblée du 30 septembre 2006, lui accordant une distribution de dividendes pour 150.000 euros'; que cette note prouve que le commissaire aux comptes n'a pas été informé de l'assemblée tenue le 20 juillet 2007 attribuant à titre de dividendes la totalité des bénéfices de l'exercice clos le 31 mars 2007';
26. - que cette dissimulation a persisté jusqu'au départ de l'appelant le 25 septembre 2014, démissionnant de ses fonctions de président de la société [Z]-[N] après avoir cédé ses participations dans la société Palm d'Or'; que ce n'est qu'en 2015 que les cessionnaires ont procédé au changement de l'expert-comptable et de l'avocat, et qu'ils ont pu alors découvrir l'existence d'un procès-verbal d'assemblée du 20 juillet 2007 antidaté ou fictif'; que le délai de prescription a ainsi été suspendu jusqu'au mois de juin 2015, sinon jusqu'au 25 septembre 2014 au plus tôt'; que le tribunal a ainsi valablement jugé que l'action des concluantes n'est pas prescrite';
27. - sur le fond, que le silence gardé par le vendeur constitue des man'uvres dolosives permettant d'allouer des dommages et intérêts à l'acquéreur en réparation de son préjudice, sans avoir à se prononcer expressément sur le caractère intentionnel de la réticence, qui s'analyse aussi en un manquement à l'obligation précontractuelle d'information du vendeur'; que le dol incident est celui sans lequel la partie qui en est victime aurait néanmoins accepté de contracter mais à de meilleures conditions'; que selon l'article 1112-1 du code civil, codifiant la jurisprudence, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant'; que néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation';
28. - qu'en l'espèce, il est établi que le cédant a dissimulé une distribution de dividendes de 242.021 euros intervenue le 20 juillet 2007, au titre des bénéfices de l'exercice clos en mars 2007, avant que les comptes n'aient été approuvés par l'assemblée générale'; qu'il y a eu ainsi dol incident et violation d'une information précontractuelle';
29. - que le protocole de cession du 24 juillet 2007 a prévu que le prix de cession a été déterminé au vu du bilan et des comptes annuels arrêtés au 31 mars 2007, figurant en annexe 3 et 4'; que la société Palm d'Or a acquis l'intégralité des titres sur la base de capitaux propres s'élevant à 560.960,57 euros'; que cependant ce montant a été amputé frauduleusement de 242.021 euros au titre de la distribution occultée'; que le cessionnaire a ainsi droit à des dommages et intérêts équivalents aux capitaux manquants, ce qu'a retenu le tribunal ;
30. - subsidiairement, que l'appelant ayant manqué à son obligation d'information, alors que celle-ci était directement de nature à modifier le consentement de l'acquéreur sur le prix de la cession, il en résulte que la société Palm d'Or aurait conclu sous des conditions différentes';
31. - à titre plus subsidiaire, que la société [Z]-[N] est fondée à solliciter l'inexistence de l'assemblée générale du 20 juillet 2007, sinon son annulation, et ainsi la condamnation de l'appelant à lui restituer la somme de 242.021 euros';
32. - que la demande reconventionnelle de l'appelant est mal fondée, rien ne caractérisant un abus des concluantes dans leur droit d'agir.
*****
33. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION':
1) Concernant la prescription de l'action des intimées':
34. Après avoir rappelé les termes de l'article 2224 du code civil, le tribunal de commerce a retenu que suite à la cession des parts sociales, [W] [Z]-[N] a conservé ses fonctions de gérant de la société [Z]-[N], ce qui n'est pas contesté, alors qu'il apparaît que la distribution contestée n'est pas mentionnée dans le protocole de cession signé par les parties le 24 juillet 2007; que le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire annuelle du 18 septembre 2007 précise en deuxième résolution que le dividende versé sera de 44.000 euros; que le texte des résolutions proposées à l'assemblée générale ordinaire annuelle du 30 septembre 2008, portant sur l'approbation des comptes clos au 31 mars 2008, mentionne un dividende distribué pour l'exercice clos au 31 mars 2007 de 44.000 euros ; que le montant de la distribution de 242.021 euros effectuée en juillet 2007 ne figure pas non plus au tableau ll du bilan de l'exercice clos au 31 mars 2008; qu'aucun document publié ou diffusé ne fait état de la distribution effectuée le 20 juillet 2007.
35. Le tribunal en a retiré que les demandeurs ne pouvaient pas avoir connaissance des faits reprochés avant le 25 septembre 2014, date de la démission de [W] [Z]-[N] de ses fonctions de gérant et qu'ayant assigné [W] [Z]-[N] devant le tribunal pour lui réclamer les sommes qu'ils disent être en droit d'attendre, le 4 juin 2019, soit moins de 5 ans après avoir pu prendre connaissance de la totalité des éléments comptables et juridiques des sociétés acquises, le délai de prescription n'est donc pas atteint.
36. La cour ne peut qu'approuver ces motifs, l'article 2224 du code civil disposant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Le protocole de cession, qui n'a pas fait état de la répartition des dividendes litigieux, a été signé le 28 novembre 2006, et le prix de la cession a été établi sur la base des comptes annuels arrêtés le 31 mars 2006, approuvés par l'assemblée générale du 30 septembre 2006, laquelle n'a fait état que d'une distribution de dividendes pour 150.000 euros, les capitaux propres étant ainsi de 319.939,76 euros. Il est précisé que ce
résultat tient compte d'un dividende de 51.716 euros distribué à la société Arangeli Sarl, filiale, et que [W] [Z]-[N] est titulaire d'un compte courant créditeur pour 9.856,47 euros.
37. L'acte authentique du 24 juillet 2007 constatant la cession des actions de la Sas [Z]-[N] à la Sarl Palm d'Or, constituée par l'appelant ainsi que par madame [X], comptable, par monsieur [A], technicien et monsieur [S], plombier, stipule que le prix de cession est déterminé au vu du bilan arrêté au 31 mars 2007. Ce bilan ne reprend qu'une distribution de dividendes pour 150.000 euros. Selon le document de synthèse après réunion du 21 septembre 2007 produit par l'appelant, cette somme a été destinée pour partie à l'apurement de son compte courant débiteur. Il n'est pas fait état d'une distribution de dividendes à hauteur de 242.021 euros. Ce document infirme la teneur du courrier adressé par maître [L] à [W] [Z]-[N] le 1er juin 2007 concernant l'affectation des 150.000 euros à la constitution de la société Palm d'Or dans le cadre d'un apport en compte courant.
38. Ce document de synthèse produit par l'appelant est en outre en contradiction avec le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 20 juillet 2007, concernant la distribution de 242.021 euros de dividendes, à prélever sur le compte «'autres réserves'». En effet, le document de synthèse du 21 septembre 2007 indique que la distribution des réserves, pour les versements de juillet 2007, devra faire l'objet d'une assemblée générale ordinaire, alors que ce document de l'appelant est postérieur au procès-verbal de l'assemblée générale qui aurait décidé d'allouer le montant des réserves à [W] [Z]-[N]. En outre, cette somme représente exactement le montant du résultat de l'exercice 2007, ainsi qu'il résulte du bilan annexé à l'acte dressé par maître [L]. Le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 18 septembre 2007 n'a fait état, sur 242.021 euros correspondant au bénéfice de l'exercice, que de la distribution de 44.000 euros à titre de dividendes, le reliquat de 198.020,81 euros étant affectée aux réserves. Ainsi que soutenu par les intimées, pour l'année 2008, le texte des résolutions proposées à l'assemblée générale ordinaire du 30 septembre 2008 n'a pas mentionné une distribution de dividendes à hauteur de 242.021 euros en 2007, mais uniquement de 44.000 euros, somme figurant dans la liasse fiscale. La distribution de 150.000 euros en 2006 a été rappelée. Il n'est pas justifié de notes du commissaire aux comptes ou de l'expert-comptable confirmant la distribution de dividendes à hauteur de 242.021 euros.
39. Il en résulte que le procès-verbal de l'assemblée générale ayant mentionné la distribution de dividendes litigieuse ne peut être retenu pour justifier des sommes perçues par l'appelant, en raison des énonciations développées plus haut. Le fait que madame [X] soit salariée de la Sas [Z]-[N] est sans effet, puisque selon sa feuille de paie, elle n'a pas exercé la profession de comptable, mais celle d'assistante de gestion. Il n'est pas établi que les autres salariés associés dans la Sarl Palm d'Or disposaient des compétences leur permettant de détecter la distribution litigieuse, d'autant qu'aucun document ne confirme qu'il a été convenu que les dividendes soient payés sur trois exercices.
40. Il s'ensuit que le tribunal de commerce a exactement retenu que le point de départ de la prescription correspond à la date de la cessation de ses fonctions par [W] [Z]-[N], soit le 25 septembre 2014. En conséquence, l'action engagée le 4 juin 2019 par les intimées est recevable.
2) Sur le fond':
41. Le tribunal, après avoir rappelé les dispositions de l'article 1137 du code civil, a retenu que le protocole de cession d'actions signé entre la Sarl Palm d'Or et monsieur [Z]-[N] le 24 juillet 2007, précise que la cession d'actions a eu lieu moyennant un prix global et forfaitaire de 1.109.119 euros'; qu'il précise que ce prix global et forfaitaire a été déterminé et convenu au vu du bilan des comptes annuels des sociétés [Z]-[N] et Archangelli, arrêtés au 31 mars 2007, et figurant en annexe; que le montant des capitaux propres figurant au bilan du 31 mars 2007 de la Sarl [Z]-[N], élément essentiel dans le calcul de la valorisation de cette société, est de 561.960,57 euros ; que le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire annuelle du 18 septembre 2007 portant sur l'approbation des comptes clos au 31 mars 2007, précise que l'assemblée générale décide d'affecter le bénéfice de l'exercice, soit 242.020,81 euros, de la manière suivante : dividendes pour 44.000 euros et autres réserves: 198.020,81 euros ; que ce n'est qu'après la démission de [W] [Z]-[N] de ses fonctions de président de la société [Z]-[N] que la société Palm d'Or a pu constater l'existence d'une distribution de dividendes réalisée le 20 juillet 2007, antérieure à la date de signature du protocole de cession, d'un montant de 242.021 euros; que le procès-verbal d'assemblée générale ordinaire du 20 juillet 2007, actant la distribution de dividendes de 242.021 euros, n'a jamais été porté à la connaissance de la société Palm d'Or.
42. Le tribunal a également énoncé que les documents fournis préalablement à la cession ne permettent pas d'établir ou de révéler l'existence de la distribution de la totalité des résultats de l'année de cession; que cette distribution de dividendes n'a jamais été reportée sur les procès-verbaux des assemblées générales des mois de septembre 2007 et 2008, ni sur le bilan de l'exercice clos au 31 mars 2008; que cette distribution impacte de manière très significative le montant des capitaux propres de la société acquise, alors que la société Palm d'Or a acquis 100% des titres de la société [Z]-[N] sur la base des capitaux propres portés dans les comptes du 31 mars 2007 s'élevant à 561.960,57 euros; que la dissimulation des informations relatives à la distribution effectuée le 20 juillet 2007 suffit à caractériser le dol alors que si la société Palm d'Or en avait été avisée, elle n'aurait pas contracté au prix arrêté; qu'en conséquence, [W] [Z]-[N] doit régler à la société Palm d'Or la somme de 242.021 euros, outre intérêts capitalisés à compter du 24 juillet 2007, en remboursement partiel du prix de cession.
43. La cour relève qu'il est établi qu'avant la cession des actions de la Sas [Z]-[N], [W] [Z]-[N] s'est approprié le résultat de l'exercice 2007 par le biais de la distribution de dividendes, alors que le prix de cette cession avait été convenu sur la base de la valeur de l'entreprise arrêtée au 31 mars 2007, selon le protocole signé le 24 juillet 2007. Il a été indiqué plus haut que cette distribution a été réalisée sur la base d'un procès-verbal d'assemblée générale totalement discordant avec les autres documents produits par les parties. Le tribunal a ainsi exactement retenu que la dissimulation des informations relatives à cette distribution constitue un dol. En raison du montant de la distribution réalisée, dont le montant n'est pas contesté, il en résulte que la Sarl Palm d'Or n'aurait pas procédé à l'acquisition des parts sociales au prix convenu par les parties, puisqu'en raison de cette distribution, le patrimoine de la Sas [Z]-[N] a été notablement minoré, pour un montant égal à cette distribution. [W] [Z]-[N] est mal fondé à soutenir que la Sarl Palm d'Or a été négligente en ne vérifiant pas la situation de sa filiale, aucun élément produit par l'appelant ne permettant de caractériser ce fait.
44. Il s'ensuit que le tribunal de commerce a justement condamné l'appelant à payer à la Sarl Palm d'Or la somme de 242.021 euros, outre intérêts capitalisés, en remboursement partiel du prix de cession. L'action des intimées n'a pas ainsi été abusive. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
45. [W] [Z]-[N] succombant en son appel sera condamné à payer aux intimées la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1304 et 2224 du code civil ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant';
Condamne [W] [Z]-[N] à payer à la Sarl Palm d'Or et à la Sas [Z]-[N], ensemble, la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne [W] [Z]-[N] aux dépens exposés en cause d'appel';
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente