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21/03/2023 | FRANCE | N°21/01038

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 21 mars 2023, 21/01038


N° RG 21/01038 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KYUT

C1

N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



la SELARL EUROPA AVOCATS



la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT







AU NOM D

U PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 21 MARS 2023





Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/00960)

rendu par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 09 novembre 2020

suivant déclaration d'appel du 25 février 2021





APPELANT :



M. [A] [R]

né le 06 Avril 1989 à [Localité 9] (Brésil)

de nationalité Française

[Adresse ...

N° RG 21/01038 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KYUT

C1

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL EUROPA AVOCATS

la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 21 MARS 2023

Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/00960)

rendu par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 09 novembre 2020

suivant déclaration d'appel du 25 février 2021

APPELANT :

M. [A] [R]

né le 06 Avril 1989 à [Localité 9] (Brésil)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

Mme [K] [M]

née le 03 Novembre 1982 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Sophie DETROYAT de la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR: LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Mme Catherine Clerc, présidente,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

Assistées lors des débats de Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 février 2023, Mme Lamoine en présence de Mme Lucile Granget élève avocate, a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [K] [M] était infirmière au sein d'un cabinet d'infirmiers exerçant en libéral dénommé "Cabinet d'Infirmiers Jour et Nuit" à [Localité 3].

Souhaitant quitter le cadre de cet exercice, elle est entrée en contact avec M. [A] [R], jeune infirmier désireux de s'installer et intéressé par le rachat de sa patientèle.

Suite à ce contact et après discussions, Mme [M] a rédigé un courrier manuscrit en date du 21 juillet 2017, cosigné par M. [R], dans lequel elle indique "avoir trouvé un accord avec M. [R] [A] pour la cession de (sa) patientèle pour un montant de 15'000 €", la somme étant répétée en lettres. Il était encore mentionné "cette cession se fera suite à l'acceptation par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie post commission paritaire du 31 août 2017."

À sa demande, Mme [M] faisait l'objet d'une radiation par la CPAM le 31 août 2017 au titre de son exercice libéral, mais avec la mention de ce qu'elle poursuivrait son activité en tant que remplaçante.

M. [R], quant à lui, se voyait notifier par l'Assurance maladie l'acceptation de son conventionnement à [Localité 3] au plus tôt à compter du 1er septembre 2017, sous réserve de retourner certaines pièces justificatives.

Il a commencé d'exercer au sein du cabinet d'[Localité 3] à compter du 1er septembre 2017, en effectuant les tournées de Mme [M] en vue d'une présentation à la patientèle de cette dernière.

Un contrat sous seing privé de "cession de patientèle indivise" a été établi, et devait être signé entre les parties le 13 septembre 2017.

Or, par courriel du 13 septembre 2017, M. [R] a indiqué à Mme [M] pouvoir accepter l'offre de cession mais pour un nouveau montant de 3 000 €. Puis, par lettre recommandée avec avis de réception datée du 14 septembre 2017, il confirmait à Mme [M] son intention d'acquérir la patientèle pour le prix de 3 000 €, à défaut de quoi il renoncerait au projet. Il expliquait sa décision par une perte de confiance envers Mme [M] qui lui aurait caché sa mésentente avec les autres infirmières du cabinet, et qui aurait fait part à une patiente de sa poursuite d'activité dans une autre commune.

L'acte sous seing privé n'étant, finalement, pas signé entre les parties, M. [R] a cessé d'exercer au sein du cabinet d'Echirolles, et après échanges de courriers infructueux entre leurs conseils, Mme [M] a, par acte du 20 février 2018, assigné M. [R] devant le tribunal de grande instance de Grenoble pour voir dire que la promesse synallagmatique du 21 juillet 2017 valait vente, et voir condamner M. [R], en conséquence de la rupture unilatérale par lui du lien contractuel, à lui payer des dommages-intérêts pour perte de chiffre d'affaires, au titre de divers frais et pour préjudice moral.

Par jugement du 9 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

dit que l'engagement des parties dans le courrier du 21 juillet 2013 vaut vente parfaite,

condamné M. [R] aux dépens et à payer à Mme [M] les sommes de :

8 144 € au titre des gains dont elle a été privée pendant la période du 1er septembre au 24 octobre 2017,

189,64 € au titre des loyers,

118,52 € au titre de la location de logiciels,

3 000 € au titre du préjudice moral subi,

3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire,

débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration au greffe en date du 25 février 2021, M. [R] a interjeté appel de ce

jugement.

Par uniques conclusions notifiées le 25 mai 2021, M. [R] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, et de :

- dire et juger que la promesse de vente conclue entre les parties ne vaut pas vente,

dire et juger qu'il pouvait suspendre l'exécution de son obligation d'acheter au titre de la promesse synallagmatique, au regard du risque grave et manifeste d'inexécution par Mme [M] de ses obligations de non concurrence et de non éviction, et qu'en ce faisant il n'a pas engagé sa responsabilité,

constater la résolution du contrat de promesse synallagmatique de vente conclu entre les parties,

dire et juger qu'il n'y a lieu à aucune restitution entre les parties,

en conséquence débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes,

la condamner à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir :

que la lettre cosignée par les parties le 21 juillet 2017 ne vaut pas vente mais promesse synallagmatique de vente et constitue un avant contrat ayant une existence autonome,

qu'en effet le droit de présentation d'une patientèle est un contrat complexe dont la conclusion nécessite de déterminer un contenu bien plus large que l'objet et le prix,

que c'est d'ailleurs la raison pour laquelle un avocat avait été mandaté pour rédiger un contrat de cession qui devait préciser le contenu des clauses habituelles à ce type d'acte, relatives notamment :

à l'identification précise de la patientèle objet de la cession, qui en l'espèce était une patientèle indivise aux trois infirmières du cabinet, la part indivise cédée représentant le 1/3 des permanences assurées par ce cabinet,

au droit au bail des locaux professionnels,

à une obligation de non-concurrence,

à la garantie d'éviction,

à la résolution des différends pouvant découler de la cession,

qu'en l'espèce la vente n'a jamais été formée en raison de son refus légitime au regard du risque grave et manifeste de non respect par Mme [M] de ses obligations.

Il précise, à cet égard, que la convention qu'il a finalement refusé de signer contenait une clause de non-concurrence de Mme [M] en sa faveur, qui lui interdisait formellement de se rétablir ou d'exercer même comme remplaçante, pour une durée de trois années et ce sur toute l'agglomération grenobloise, ainsi qu'une garantie d'éviction contre toute manoeuvre à type de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle.

Or, à l'occasion de la présentation de la patientèle courant septembre 2017, il aurait appris que Mme [M] :

entendait continuer d'exercer comme infirmière remplaçante dans l'agglomération grenobloise notamment à [Localité 4] et à [Localité 6], Mme [M] ayant d'ailleurs produit, à l'appui de son assignation, un contrat de remplacement conclu avec Mme [L] qui exerce la profession d'infirmière libérale à [Localité 5],

invitait ses patients d'[Localité 3] à faire appel à elle notamment pour les permanences de nuit pour lesquelles la sectorisation CPAM n'est pas applicable.

Il ajoute que, ces agissements remettant en cause l'équilibre du contrat, il était légitime et fondé à ne pas donner suite à la promesse synallagmatique, sinon à un prix réduit.

Il soutient encore que Mme [M] ne justifie d'aucun préjudice, que les honoraires correspondant à sa période de remplacement ont été perçus par le cabinet d'infirmières et non pas par lui, qu'il n'était prévu dans le contrat aucune cession de matériel ni de logiciel, et que la substitution dans le bail existant ne devait être effective qu'à compter du 15 septembre 2017.

Il ajoute que la promesse de cession a désormais perdu tout son objet ce qui justifie que sa résolution soit constatée, Mme [M] ayant, depuis lors, cédé sa patientèle à Mme [N] pour le prix de 12 000 €, et lui-même ayant pu mener à bien son projet d'installation en acquérant une patientèle à [Localité 7].

Mme [M], par conclusions récapitulatives notifiées le 9 janvier 2023, demande la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et la condamnation de M. [R] à lui payer la somme supplémentaire de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

Elle fait valoir que le tribunal a justement jugé qu'en l'espèce, la promesse synallagmatique de vente valait vente ; elle expose à cette fin :

que les parties ont, dans le courrier manuscrit cosigné en date du 21 juillet 2017, clairement exprimé leur accord sur la chose et le prix,

que, pour sa part, elle avait par deux fois présenté la patientèle cédée à M. [R], au cours des mois de juillet et août 2017,

qu'ainsi M. [R] avait parfaitement connaissance des tournées à réaliser et a d'ailleurs débuté ses nouvelles fonctions le 1er septembre 2017 avant de se rétracter,

que M. [R] avait reçu l'agrément de la CPAM, et que l'OPAC 38, bailleur des locaux, avait rédigé un avenant afin d'agréer M. [R] comme nouveau locataire,

qu'en l'espèce, rien ne permet de considérer que les parties aient eu l'intention de reporter le transfert de propriété à la signature de la 'Convention de patientèle indivise', ni fait de la signature de cette dernière un élément constitutif de leur consentement.

Elle soutient encore :

que M. [R] est mal venu à lui reprocher un manquement aux clauses de la convention relatives à la non concurrence, alors même qu'il a refusé de signer la dite convention qui est, dès lors, inapplicable entre eux,

qu'en toute hypothèse, la clause de non concurrence telle qu'elle était rédigée dans le projet de convention ne pouvait être acceptée dès lors qu'elle concernait toute l'agglomération grenobloise ainsi que tout type d'exercice de la profession d'infirmier, que ce soit à titre individuel ou comme associé, salarié, et même comme remplaçant,

que, si M. [R] invoque pour la première fois en appel un moyen nouveau fondé sur la garantie d'éviction prévue à l'article 1626 du code civil, il ne saurait s'en prévaloir dans la mesure où, le contrat de cession n'ayant finalement pas été régularisé, il ne peut se prévaloir d'aucun préjudice,

qu'en toute hypothèse il ne peut être considéré qu'elle aurait pu détourner la patientèle qu'elle entendait céder, dès lors qu'elle exerce son activité actuellement uniquement comme remplaçante, et qu'une remplaçante par définition ne suit que la patientèle des cabinets avec lesquels un contrat de remplacement a été conclu.

Enfin, elle précise que la défection de M. [R] lui a causé un préjudice aux titres :

de la perte du chiffre d'affaires du cabinet d'[Localité 3] qu'elle n'a pu exploiter entre le 1er septembre et le 24 octobre 2017 puisqu'elle avait demandé sa radiation à la CPAM pour son exercice en libéral et que ce n'est qu'à cette dernière date qu'elle a été réinscrite et a pu de nouveau exercer en attendant de revendre sa patientèle suite à l'échec de la première cession,

de sa part du loyer des locaux professionnels pris à bail pour la même période, dont elle a dû assurer la charge sans contrepartie,

de la location du logiciel infirmier nécessaire à l'activité pour la même période,

du trouble moral consécutif à la rupture brutale de ses engagements par M. [R], qui, revenant sur leur accord, lui a proposé un prix dérisoire de 3 000 € pour finalement cesser brutalement d'exercer courant septembre 2017, la plaçant dans une position extrêmement délicate non seulement avec les patients qu'elle suivait, mais aussi avec ses anciennes associées et enfin avec les infirmiers avec lesquels elle avait déjà conclu des contrats de remplacement.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 10 janvier 2023

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale

# sur la nature du contrat et sur les conditions de sa rupture

Le tribunal a justement rappelé qu'aux termes de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties dès que celles-ci ont convenu d'un accord sur la chose et sur le prix, et que l'article 1589 dispose que la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.

En l'espèce, la lettre manuscrite signée des parties en date du 21 juillet 2017 est ainsi libellée   : 'je soussignée Me [M] [K], infirmière libérale (...) à [Localité 3], atteste avoir trouvé un accord avec M. [R] [A] pour la cession de ma patientèle pour un montant de 15'000 €, quinze mille euros. Cette cession se fera suite à l'acceptation par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie post commission paritaire du 31 août 2017."

Il en résulte que, ainsi que l'a considéré le tribunal, les parties avaient, dès la signature de ce document, exprimé leur consentement commun sur les éléments essentiels de la vente c'est-à-dire la chose (la patientèle de Mme [M]) et sur le prix (15 000 €), la simple mention selon laquelle la cession interviendrait 'suite à l'acceptation par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie post commission paritaire du 31 août 2017" devant être comprise, tout au plus, comme une condition résolutoire au cas où l'agrément de M. [R] ne serait pas obtenu de cette commission paritaire, mais ne constituant pas pour autant l'expression de leur commune intention de différer le transfert de propriété à la date de rédaction d'une convention de cession de patientèle non mentionnée dans cet accord, ou encore de faire de la signature de cette dernière un élément constitutif de leur consentement.

Les circonstances que la cession de patientèle en l'espèce présentait un caractère particulier en ce que d'une part la patientèle cédée était indivise s'agissant d'un cabinet commun avec deux autres infirmières assurant des permanences, d'autre part la cession devait s'assortir notamment d'un transfert du droit au bail des locaux professionnels, enfin qu'elle devait s'accompagner de clauses spécifiques de non concurrence et de garantie d'éviction, sont indifférentes au caractère parfait de la vente dès la signature du document en date du 21 juillet 2017, en ce qu'il s'agissait de modalités de la vente ou d'éléments accessoires au contrat dont rien ne permet de considérer que les parties aient entendu leur conférer un caractère essentiel, alors-même que :

dans le projet de cession de patientèle indivise invoqué par l'appelant mais non signé, la part de Mme [M] dans la patientèle indivise objet de la vente était définie comme 'le 1/3 de la patientèle (du cabinet commun) sous réserve du droit du patient de choisir son infirmier libéral, et le 1/3 des permanences téléphoniques pour la ligne du cabinet', ce qui ne relève pas d'une technicité complexe,

M. [R] a, dès le début du mois de septembre 2017 donc après la réunion de la commission mixte paritaire visée au contrat, et alors qu'il avait reçu l'acceptation par cette dernière de son conventionnement à [Localité 3] sous réserve de fournir certaines pièces, commencé à exercer au cabinet d'[Localité 3] en effectuant les tournées de Mme [M] et en étant présenté comme son successeur ainsi qu'il ressort d'une attestation de Mme [X] [W] et de mails de Mme [M] des 29 août et 1er septembre 2017 détaillant à M. [R] sa tournée des matins et soirs, avec toutes précisions sur les horaires et jours, adresses des patients, modalités d'entrée dans les immeubles et soins à prodiguer, ce que, d'ailleurs, M. [R] ne conteste pas,

si l'intention des parties avait été, comme le soutient M. [R] de conditionner leur accord à la signature du projet de convention ou encore de retarder la vente ou le transfert de propriété jusqu'au moment de cette signature qui était prévue le 13 septembre 2017 au vu des pièces produites, M. [R] n'aurait pas exercé dans ces conditions à compter du 1er septembre, et la CPAM de l'Isère ne l'aurait pas conventionné à [Localité 3] à compter de cette dernière date ainsi qu'il ressort de la lettre de cet organisme du 4 septembre 2017,

si M. [R] prétend qu'il aurait exercé à [Localité 3] à compter de début septembre 2017 comme 'remplaçant' de Mme [M], il ne produit aucun justificatif de la réalité de ce statut, aucune convention de remplacement n'ayant été signé avec cette dernière, et cette assertion entrant en contradiction avec les mentions de la lettre de la CPAM du 4 septembre 2017 ci-dessus rappelées.

C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que le contrat était formé et la vente parfaite entre les parties dès la signature commune de la lettre manuscrite du 21 juillet 2017 manifestant la rencontre de leur accord sur la chose et sur le prix.

Il a encore justement considéré que la rupture brutale du contrat par M. [R], telle qu'elle résultait de sa lettre à Mme [M] en date du 14 septembre 2017 confirmée par la lettre de son conseil en date du 3 octobre 2017, ne reposait sur aucun motif sérieux ni aucune preuve d'un quelconque manquement, par Mme [M], à ses obligations.

En effet, si M. [R] prétend que Mme [M] aurait manqué à son obligation de non éviction en signalant à ses patients d'[Localité 3], en particulier Mme [W] qui le lui aurait rapporté, qu'elle allait continuer d'exercer et que ceux-ci pourraient faire appel à elle notamment pour les permanences de nuit au cours desquels la sectorisation CPAM n'est pas applicable, il n'en rapporte aucune preuve en ne fournissant aucune pièce justificative de cette affirmation, alors-même que Mme [W] a, pour sa part, établi une attestation produite par Mme [M] aux termes de laquelle elle indique que cette dernière a bien présenté M. [R] à sa clientèle.

Par ailleurs, M. [R] ne peut valablement faire grief à Mme [M] de n'avoir pas respecté une clause de non concurrence, figurant dans le projet de cession de patientèle non signé entre les parties et n'ayant donc pas valeur contractuelle entre elle, aux termes de laquelle, au surplus, elle se serait interdit tout exercice professionnel comme associé, salarié, collaborateur ou remplaçant dans une structure de quelque nature qu'elle soit ayant une activité qui pourrait lui porter atteinte ou le concurrencer, ce durant trois ans et sur toute l'agglomération grenobloise ce qui constituait un périmètre beaucoup trop étendu pour pouvoir être acceptable.

Au surplus, il ressort des pièces produites aux débats par Mme [M], en particulier des courriers échangés par elle avec la CPAM ainsi que d'une attestation de Mme [B], que Mme [M] entendait, suite à la cession de sa patientèle à M. [R], continuer d'exercer uniquement comme remplaçante, ce qui ne pouvait porter atteinte aux droits de ce dernier résultant de la cession de patientèle puisque, par principe et par son statut, un infirmier remplaçant ne prodigue de soins qu'aux patients de l'infirmier qu'il remplace.

# sur l'indemnisation des préjudices de Mme [M]

Mme [M] justifie, par les pièces qu'elle produit, qu'après l'abandon brutal par M. [R] de la patientèle cédée, elle n'a pu reprendre son activité au cabinet d'[Localité 3], à titre provisoire et dans l'attente d'une autre cession qui n'est intervenue qu'en février 2018, qu'à compter du 24 octobre 2017 et elle n'a pas pu honorer les remplacements auxquels elle s'était engagée pour la même période. Au vu d'une attestation de l'expert comptable du cabinet d'[Localité 3], elle a subi une perte de chiffre d'affaires d'un montant total de 8 144 € du 1er septembre 2017 au 24 octobre 2017.

La privation de cette somme est bien un préjudice résultant directement de la défaillance de M. [R] dans la reprise de la patientèle convenue dans l'acte du 21 juillet 2017.

L'appelant ne saurait se retrancher, sur ce point, derrière l'affirmation, qu'il n'étaie au demeurant d'aucune pièce, selon laquelle les gains correspondants auraient été perçus par le cabinet d'infirmiers et non pas par lui, alors-même que :

en tant que nouvel associé du cabinet conventionné par la CPAM à ce titre à compter du 1er septembre 2017, il a dû normalement percevoir sa part proportionnelle des honoraires reçus sauf à ce qu'il les réclame aux autres associées au titre des jours travaillés et des actes pratiqués par lui,

les honoraires perçus par le cabinet à compter de sa défection le 14 septembre 2017 et jusqu'au 24 octobre 2017 date à laquelle Mme [M] a pu reprendre sa collaboration au cabinet l'ont été par les associées de cette dernière en contrepartie du travail fourni par elles puisque Mme [M] ne pouvait exercer, et elle a bel et bien été privée des gains correspondant sans pouvoir les leur réclamer.

C'est donc à bon droit que le tribunal a alloué à Mme [M] la somme de 8 144 € à titre de dommages-intérêts de ce chef.

En revanche les autres demandes formées par l'intimée au titre d'une part de la quote-part du loyer des locaux d'autre part de la location du logiciel infirmier ne sont pas justifiées, en ce que la somme de 8 144 € perdue telle que chiffrée par l'expert-comptable correspond à un chiffre d'affaires et non pas à un bénéfice et que, si Mme [M] l'avait perçue, elle aurait prélevé sur cette somme les charges afférentes à son exercice dont les loyers réclamés.

Dès lors que, dans le cadre de la présente, M. [R] est condamné à lui payer les honoraires non perçus dont elle a été privés, elle ne peut donc, en outre, obtenir le remboursement de loyers qui auraient été à sa charge.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Il ressort enfin de l'ensemble des éléments qui vient d'être exposés, ainsi que des pièces produites, que la brutale rupture par M. [R] de ses engagements contractuels a causé à Mme [M] un préjudice moral par la perturbation causée, le besoin de se réorganiser en menant à bien nombre de démarches administratives, enfin une perte d'image auprès de ses confrères et de ses patients, justifiant que lui soit allouée la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts ainsi que l'a décidé le premier juge.

Le jugement sera donc confirmé de ce dernier chef.

Sur les demandes accessoires

M. [R], qui succombe principalement en son appel, devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en sa faveur.

Il est équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [M].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. [R] à payer à Mme [M] les sommes de :

189,64 € au titre des loyers,

118,52 € au titre de la location de logiciels.

L'infirme sur ces deux points et, statuant de nouveau et y ajoutant :

Déboute Mme [M] de ses demandes au titre des loyers des locaux professionnels et de la location de logiciels.

Condamne M. [R] à payer à Mme [M] la somme supplémentaire de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne M. [R] aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 21/01038
Date de la décision : 21/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-21;21.01038 ?
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