N° RG 21/00907 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KYIT
C2
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Eric ARDITTI
Me Bernard BOULLOUD
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 14 MARS 2023
Appel d'une décision (N° RG 11-20-204)
rendue par le Tribunal de proximité de ROMANS SUR ISERE
en date du 14 janvier 2021
suivant déclaration d'appel du 18 février 2021
APPELANTS :
M. [Z] [U]
né le 26 Juillet 1961 à Romans sur Isère
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Mme [W] [D] épouse [U]
née le 25 Mars 1970 à Saint-Vallier-Sur-Rhône
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentés par Me Eric ARDITTI, avocat au barreau de HAUTES-ALPES
INTIMEES :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Bernard BOULLOUD, avocat au barreau de GRENOBLE
Mme [R] [G] ès qualités de « Mandataire liquidateur » de la «S.A.R.L. THERMALIA, dont le siège social est Chaufalys, [Adresse 7] RCS NANTERRE 508086048 »
de nationalité française
[Adresse 4]
[Localité 6]
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 30 Janvier 2023 Madame Blatry, Conseiller chargé du rapport, en présence de Madame Clerc, Président de chambre, assistées de Anne Burel, greffier, en présence de Catherine Silvan, greffier Silvan, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Dans le cadre d'un démarchage à domicile par un représentant de la société Thermalia, M, [Z] [U] a, suivant bon de commande du 2 septembre 2015, contracté avec cette société pour la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque, moyennant le prix de 28.900€.
Le même jour, M. [U] et son épouse, Mme [W] [D], ont accepté une offre préalable de crédit affecté pour le même montant de la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance.
La société Thermalia a été mise en liquidation judiciaire à une date non précisée avec désignation de Me [R] [G] en qualité de liquidateur judiciaire.
Suivant exploits d'huissier du 24 août 2020, les époux [U] ont fait citer la société BNP Paribas Personal Finance et Maître [G] ès qualités en annulation des contrats de vente et de crédit.
Par jugement du 14 janvier 2021 assorti de l'exécution provisoire de droit, le tribunal de proximité de Romans sur Isère a, notamment :
prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre la société Thermalia et M. [U] le 5 septembre 2015,
prononcé la nullité subséquente du contrat de crédit,
condamné solidairement les époux [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 16.163€ avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
condamné solidairement les époux [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance une indemnité de procédure de 600€ ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Suivant déclaration du 18 février 2021, les époux [U] ont relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 15 décembre 2022, M. et Mme [U] demandent à la cour de confirmer sur le jugement déféré sauf sur leur condamnation à paiement et de :
1) à titre principal, condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur rembourser l'intégralité des sommes versées par eux, soit la somme de 21.818,40€, outre les mensualités postérieurement acquittées par eux,
2) subsidiairement, condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer la somme de 22.000€ à titre de dommages-intérêts au tire de la négligence fautive de la banque,
3) plus subsidiairement, prononcer la déchéance du préteur de son droit aux intérêts,
4) encore plus subsidiairement, dire qu'ils reprendront le paiement mensuel des échéances de leur prêt,
5) tout état de cause, condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer les sommes de :
4.554€ en réparation de leur préjudice financier à parfaire,
4.000€ en réparation de leur préjudice économique et de jouissance,
3.000€ au titre de leur préjudice moral,
3.000€ d'indemnité de procédure.
Ils exposent que :
la banque a commis diverses fautes en octroyant un contrat accessoire à un contrat nul et en libérant les fonds avant l'achèvement des travaux,
la banque a également commis des fautes en manquant à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde, ce qui justifie de la déchoir de son droit aux intérêts,
leur préjudice résulte des nombreuses irrégularités affectant le bon de commande ce qui démontre le peu de sérieux de la société Thermalia,
c'est grâce au concours de la banque que la conclusion du contrat de vente a été possible,
ils se trouvent enfermés dans une opération contractuelle dont ils ne peuvent se sortir et ce sans avoir pu bénéficier de la protection de l'organisme bancaire,
ils subissent également un préjudice du fait de la liquidation judiciaire de la société Thermalia,
ils doivent rembourser le capital d'un emprunt qu'ils n'ont matériellement pas touché.
Par uniques conclusions du 14 juillet 2021, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [U] à lui payer la somme de 16.163,50€, outre une indemnité de 600€, d'infirmer le jugement déféré sur l'annulation des contrats de vente et de crédit et de :
1) à titre principal, débouter les époux [U] de leurs demandes sauf en ce qui concerne la reprise du règlement des mensualités du prêt,
2) subsidiairement si le contrat de crédit était annulé :
condamner solidairement les époux [U] à lui rembourser le capital emprunté avec intérêts au taux légal à compter des déblocage des fonds, déduction faite des versements ayant pu intervenir,
ordonner la capitalisation des intérêts,
3) en tout état de cause, condamner les époux [U] solidairement à lui payer une indemnité de procédure de 3.000€.
Elle fait valoir que :
il n'y a aucune nullité du contrat de vente ni du contrat de crédit
elle n'a commis aucune faute dans la libération des fonds et dans la conclusion du contrat.
Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Thermalia, citée le 9 avril 2021 à la personne de sa secrétaire, n'a pas constitué avocat.
Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
La clôture de la procédure est intervenue le 10 janvier 2023.
SUR CE
En l'absence d'appel de la part du liquidateur judiciaire de la société Thermalia, l'annulation des contrats de vente et de crédit est définitivement acquise.
1/ sur la demande en paiement de la société BNP Paribas Personal Finance
L'annulation d'un contrat de prêt emporte l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté.
Toutefois, par application des articles L.311-31 devenu L.312-48 et L.311-32 devenu L.312-55 du code de la consommation, le prêteur, qui a débloqué fautivement les fonds, est privé de son droit à la restitution du capital emprunté.
Le prêteur ne peut débloquer les fonds que lorsque l'installation photovoltaïque est raccordée et mise en service.
Selon une motivation pertinente que la cour adopte, le tribunal a, à bon droit, retenu un déblocage prématuré des fonds sur la base d'une attestation de livraison du 18 septembre 2015 peu précise et dans le délai peu vraisemblable de 15 jours après la conclusion du contrat de vente pour démontrer un fonctionnement effectif de la centrale photovoltaïque.
Toutefois, la faute de la banque ne suffit pas à la priver de la restitution du capital emprunté, les acquéreurs devant également justifier de l'existence d'un préjudice.
En l'espèce, les époux [U] ont attendu cinq années après la conclusion des contrats, sans jamais justifier de réclamation sur un dysfonctionnement de l'installation.
Ils ont conclu le 20 septembre 2016 un contrat d'achat d'énergie électrique avec EDF et perçoivent chaque année des revenus, étant relevé qu'un rendement minimum n'est jamais entré dans le champs contractuel.
Il sera également souligné que du fait de l'annulation des contrats de vente et de crédit, les époux [U] sont dispensés du paiement des intérêts.
En outre, la banque a satisfait à ses obligations au titre de la délivrance d'informations pré-contractuelles et en vérification de la solvabilité des emprunteurs ainsi que cela ressort des éléments qu'elle communique relatifs à l'avis d'imposition et à la fiche de dialogue mentionnant leurs revenus et charges.
Dès lors, les époux [U] ne rapportent la preuve d'aucun préjudice justifiant de priver la banque de son droit à restitution du capital et de la condamner à leur restituer les sommes déjà acquittées au titre du remboursement du prêt.
L'annulation du contrat de prêt a entraîné sa disparition, de sorte que ni les époux [U] ni la société BNP Paribas Personal Finance ne peuvent prétendre à reprendre le cours d'un crédit qui n'existe plus.
Enfin, le tribunal n'a pas statué sur la demande de capitalisation des intérêts formée par la banque, qui sera donc ordonnée à compter du 12 novembre 2020, date de la première demande.
2/ sur la demande en dommages-intérêts de M. et Mme [U]
Au regard des considérations précédentes sur l'absence de démonstration par les appelants d'un préjudice en lien de causalité avec une faute de la banque, il convient également de les débouter de leurs demandes en dommages-intérêts pour négligence fautive de la banque et concernant un préjudice économique, de jouissance, financier ou moral.
Par voie de conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
3/ sur les mesures accessoires
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, les dépens de la procédure d'appel seront supportés par les époux [U].
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à reprise du paiement des mensualités du prêt,
Déboute M. [Z] [U] et Mme [W] [D] épouse [U] de l'ensemble de leurs demandes en dommages-intérêts,
Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 12 novembre 2020,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [Z] [U] et Mme [W] [D] épouse [U] aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT