N° RG 21/00696 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KXVB
C3
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL JURISTIA - AVOCATS
la SELARL EUROPA AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 14 MARS 2023
Appel d'une décision (N° RG 19/01821)
rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 18 janvier 2021
suivant déclaration d'appel du 05 Février 2021
APPELANTES :
LA SOCIÉTÉ AXYALIS PATRIMOINE prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 2]
LA SOCIÉTÉ MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la société COVEA RISKS, représentée par son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 5]
LA SOCIÉTÉ MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISKS, représentée par son représentant légal en exercice demeurant es qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentées par Me Jean Damien MERMILLOD-BLONDIN de la SELARL JURISTIA - AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me Dounia HARBOUCHE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
Mme [E] [N] épouse [O]
née le 27 avril 1964 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée et plaidant par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 janvier 2023 madame Lamoine, conseiller et madame Blatry, conseiller faisant fonction de présidente, assistées de Caroline Bertolo, greffière, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Axyalis Patrimoine, société de conseil en gestion du patrimoine ayant notamment pour activité le conseil en investissements financiers et le courtage en assurances, est assurée en responsabilité civile professionnelle auprès de la société Covea Risks aux droits de laquelle se trouvent désormais les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles (les sociétés MMA).
M. [B] [O] et Mme [E] [O] née [N], sont entrés en relation avec la société Axyalis Patrimoine par l'intermédiaire d'une de ses conseillères, Mme [W] [V].
Après régularisation d'une lettre de mission le 24 juin 2008, Mme [V] a établi à la même date le profil investisseur de Mme [O] («'stratégie équilibrée'»)en fonction duquel elle a proposé par mention manuscrite la répartition suivante':
20'% BT2 et 20'% BT 7,5'% Adequity
20'% Kalyxia
40'% fonds euros
Par l'intermédiaire de la société Axyalis Patrimoine, Mme [O] a signé le 24 juin 2008, avec effet au 5 mai 2009, deux contrats d'assurance-vie assurés par la société Swisslife Assurance et Patrimoine, à savoir,
un contrat n°59186, sur lequel elle a placé 70.000€ à raison de 70'% en fonds euros et 30'% en unités de compte sur le produit Kairos,
un contrat n°59187, sur lequel elle a placé 100.000€ à raison de 40'% en fonds euros, 40'% en unités de compte et 20'% en produits structurés,
l'ensemble de ces sommes provenant de la vente d'un bien reçu en héritage de ses parents.
Le 1er octobre 2008, Mme [O] a signé une lettre de mission de suivi patrimonial par laquelle la société Ayxalis Patrimoine s'engageait à examiner la situation des investissements réalisés par son intermédaire et son expoistion au risque et à la conseiller sur les arbitrages nécessaires selon son profil de risque.
Par la suite, conformément aux arbitrages conseillés par Mme [V], Mme [O] a investi sur le produit Optimiz 8-14':
au titre du contrat n° 59186, la somme de de 8.000€ le 20 mai 2010, puis celle de 25.000€ le 15 décembre 2010, (portant ainsi la répartition à 40'% en fonds euros et 60'% en unités de compte)
au titre du contrat n°59187, la somme de 16.912€ le 20 mai 2010 et 30.000€ en fonds euros le 15 décembre 2010 (portant ainsi la répartition à 30'% en fonds euros er 70'% en unités de compte).
Mme [O], sur les conseils d'arbitrage de Mme [V], a transféré le 24 janvier 2011 l'intégralité des fonds investis sur un produit en unités de compte structuré dénommé SG Option Axyalis Coupons (instrument financier non garanti en capital indexé sur un panier de 5 actions françaises (dont les actions Carrefour et Vallourec) offrant un objectif de coupons de 7'% chaque semestre et la sécurisation de l'intégralité du capital initialement investi si aucune action du panier n'enregistre une baisse supérieure à ' 40'% à l'échéance) soit une somme de 34.706,91€ pour le contrat n°59186 et celle de 48.968,43€ pour le contrat n°59187. Ce transfert a donné lieu à deux avenants édités le
le 27 janvier 2011.
Elle a ainsi reçu le 6 juillet 2011 un coupon de 2.558,71€ au titre du contrat n°59186, et un coupon de 3.610,11€ au titre du contrat n°59187.
La chute du cours de l'action Vallourec ayant entraîné une perte en capital des fonds investis sur le produit SG Option Axyalis Coupons, Mme [O], sur les conseils d'arbitrage de Mme [V] à l'issue d'un rendez-vous le 26 mars 2014, a transféré le 18 juin 2014 les fonds investis sur le support SG Option Axyalis Coupons vers le support Kairos (soit 15.412,58€ pour le contrat n°59186 et 21.745,29€ pour le contrat n°59187), produit basé sur le même panier d'actions 'que SG Option Axyalis Coupons'mais avec la garantie d'un remboursement à échéance si l'action la moins performante n'a pas baissé de plus de 55'% (au lieu de 40'% pour le produit Axyalis Coupons), ce transfert ayant donné lieu à l'édition de deux avenants le 7 juillet 2014.
Au 30 décembre 2016, la valeur des placements sur le produit Kairos ne s'établissait plus qu'à 3.294,78€ (contrat n°59186) et 4.653,75€ (contrat n°59187).
Par courriers recommandés avec AR des 9 janvier 2017 et 26 février 2018, Mme [O] a reproché à la société Axyalis Patrimoine un manquement à ses obligations de conseil en investissement financier et a demandé un règlement amiable du litige'; cette dernière, a contesté sa responsabilité et s'est opposée à toute solution amiable.
Suivant actes extrajudiciaires des 21 et 28 janvier 2019, Mme [O] a assigné la société Axyalis Patrimoine et les sociétés MMA devant le tribunal de grande instance de Grenoble en responsabilité et indemnisation de ses préjudices.
Par jugement contradictoire du 18 janvier 2021 , le tribunal précité devenu tribunal judiciaire, a':
dit recevables les demandes de Mme [O] à l'encontre de la société Axyalis Patrimoine et des sociétés MMA,
condamné la société Axyalis Patrimoine solidairement avec les sociétés MMA à payer à Mme [O] la somme de 14.000€ à titre de dommages et intérêts au taux légal à compter du jugement (sur la base d'une perte de chance évaluée à 20%),
ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
condamné la société Axyalis Patrimoine solidairement avec les sociétés MMA à payer à Mme [O] la somme de 3.000€ au titre des frais irrépétibles,
condamné la société Axyalis Patrimoine solidairement avec les sociétés MMA aux dépens avec distraction au profit de la SELARL Europa Avocats,
condamné les sociétés MMA à garantir la société Axyalis Patrimoine de l'intégralité des condamnations prononcées contre elle, sauf la déduction de la franchise de 3.000€.
Par déclaration déposée le 5 février 2021, la société Axyalis Patrimoine et les sociétés MMA ont relevé appel.
Dans leurs dernières conclusions n°6 déposées le 12 janvier 2023 sur le fondement des articles 110-4 du code de commerce, 1134 et 1147 anciens, 2224 du code civil, la société Axyalis Patrimoine et les sociétés MMA demandent à la cour':
d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
et à titre infiniment subsidiaire de confirmer ledit jugement en ses dispositions ayant condamné les sociétés MMA à garantir la société Axyalis Patrimoine de l'intégralité des condamnations prononcées contre elle, sauf la déduction de la franchise de 3.000€,
et statuant à nouveau,
à titre principal
déclarer l'action diligentée par Mme [O] à leur encontre, prescrite et par conséquent, la rejeter,
en tout état de cause,
déclarer les demandes formulées à leur encontre sur les conditions des arbitrages des deux contrats en date d'effet du 20 janvier 2011 sur Axyalis Coupons prescrites et par conséquent les rejeter,
déclarer les demandes formulées à leur encontre sur les conditions d'arbitrage du 16 juin 2014 sur Kairos également prescrites et par conséquent les rejeter,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait considérer que les demandes de Mme [O] sont recevables,
débouter Mme [O] de sa demande de voir les voir condamner solidairement à réparer le préjudice qu'elle prétend avoir subi, préjudice incertain insusceptible d'indemnisation lequel en tout état de cause ne pourrait s'analyser qu'en une perte de chance,
débouter Mme [O] de toutes ses demandes,
à titre infiniment subsidaire,
condamner les sociétés MMA à garantir Axyalis Patrimoine de toutes condamnations mises à sa charge, en exécution de la police responsabilité civile professionnelle n°225732, déduction faite de la franchise de 3.000€,
en tout état de cause,
condamner Mme [O] à payer à chacune d'entre elles la somme de 7.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Mermillod Blondin, représentant la SELARL Juristia, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 10 janvier 2023 sur le fondement des articles 2224 du code civil, L.520-1 et L.132-27-1 du code des assurances, L.541-8-1 6° du code monétaire et financier, Mme [O] entend voir la cour':
confirmer le jugement du 18 janvier 2021,
en ce qu'il a déclaré recevables ses demandes à l'encontre de la société Axyalis Patrimoine et des sociétés MMA,
à titre subsidiaire, si la cour devait juger qu'elle est prescrite pour son investissement sur le support SG Option Axyalis Coupons,
condamner la société Axyalis Patrimoine à l'indemniser de la perte subie à la suite de son investissement sur le produit Kairos à hauteur de 23.367,47€ (et à titre infiniment subsidiaire, s'il est fait application du taux de perte de chance de 20%, 5.841,87€),
en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
en ce qu'il a condamné la société Axyalis Patrimoine solidairement avec ses assureurs à lui payer la somme de 3.000€ au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens de première instance,
en ce qu'il a condamné les sociétés MMA à garantir la société Axyalis Patrimoine de l'intégralité des condamnations prononcées contre elle, sauf déduction de la franchise de 3.000€,
réformer le jugement pour le surplus et, statuant de nouveau,
fixer à 80% le taux de la perte de chance qu'elle a subie,
en conséquence, condamner la société Axyalis Patrimoine solidairement avec les sociétés MMA à lui payer la somme de 55.646,39€ à titre de dommages-intérêts, avec intérêts aux taux légal à compter du jugement du 18 janvier 2021,
en tout état de cause,
débouter la société Axyalis Patrimoine et les sociétés MMA de l'intégralité de leurs demandes,
condamner solidairement la société Axyalis Patrimoine et les sociétés MMA à lui payer la somme de 4.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles en cause d'appel et aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 janvier 2023.
MOTIFS
ll est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.
Sur la recevabilité de l'action en responsabilité de Mme [O]
La société Axyalis Patrimoine soutient l'irrecevabilité de cette action comme étant prescrite au motif que le dommage résultant d'un manquement à une obligation d'information et de conseil précontractuelle consiste en une perte de chance de ne pas contracter et se manifeste dès la souscription des arbitrages objets du litige, ajoutant que le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie ne dispose pas de la faculté de fixer le point de départ du délai de prescription au moment qui lui semble le plus opportun.
Mme [O] réplique qu'elle n'a eu connaissance de son dommage qu'à partir du jour où la société Axyalis Patrimoine l'a informée de la perte d'une partie de son capital investi sur le produit SG Option Axyalis Coupons et de la nécessité d'opérer un transfert du capital restant sur le produit Kairos'; elle explique avoir aucune connaissance en matière d'investissements financiers et ignorer que ces deux produits structurés conseillés par la société Ayxalis Patrimoine étaient des instruments d'investissement dangereux qui n'auraient jamais dû lui être proposés en raison de son profil de risque, et ne pas avoir reçu les informations utiles au moment de leur souscription pour pouvoir mesurer le risque réel des arbitrages ainsi effectués.
Il est constant que Mme [O] fonde son action uniquement sur les arbitrages réalisés sur le support SG Option Axyalis Coupons le 24 janvier 2011 selon avenants du 27 janvier 2011 et sur le support Kairos le 18 juin 2014 selon avenants du 7 juillet 2014, les contrats d'assurance vie souscrits les 24 juin 2008 n'étant pas remis en cause en tant que tels.
Ensuite, indépendamment du débat sur le point de départ du délai de prescription quinquennale (jour de signature de l'arbitrage ou date de révélation de la perte en capital), la cour relève que l'action de Mme [O] n'est pas prescrite à l'égard des investissements sur le produit Kairos effectué le 18 juin 2014, pour avoir été initiée par assignations des 21 et 28 janvier 2019.
Le débat sur la recevabilité de l'action en responsabilité / indemnisation de Mme [O] ne concerne donc que les arbitrages effectués sur le produit SG Option Axyalis Coupons à la date du 24 janvier 2011.
Il résulte des pièces communiquées que le produit SG Option Axyalis Coupons se présentait comme un instrument financier non garanti en capital indexé sur un panier de 5 actions françaises «'choisies pour leur solidité financière et leur potentiel de croissance'», (au nombre desquelles les actions Carrefour et Vallourec) l'échéance de cet investissement étant fixée à 8 semestres, soit un paiement des coupons et le remboursement du capital au 1er juillet 2014, étant précisé que dans l'hypothèse où «'à l''échéance des 8 semestres, au moins une action du panier enregistre une performance inférieure à ' 40'% depuis l'origine, l'investisseur ne reçoit donc pas de coupon et reçoit alors la valeur initiale de l'action la moins performante du panier soit 55'%; il subit dans ce scénario une perte en capital'», la brochure d'information sur ce produit énonçant qu'il s'agissait «'d'un instrument financier non garanti en capital indexé sur un panier de 5 actions françaises offrant ' la sécurisation de l'intégralité du capital initialement investi si aucune action du panier n'a enregistré une baisse supérieure à -40'% à l'échéance'».
Ces informations et avertissements renvoient en définitive à la date de l'échéance du placement au 1er juillet 2014 pour vérifier les conditions de sécurisation du capital (à savoir qu'aucune des actions n'ait enregistré à cette date, une baisse de -40% depuis l'origine) implique obligatoirement que le dommage (perte de capital) ne peut être constaté qu'à l'expiration de ce placement, et non pas à la date de souscription de celui-ci, et ce indépendamment des manquements au devoir de conseil reprochés à la société Axyalis Patrimoine à l'époque de la souscription de ce produit par Mme [O].
C'est donc seulement à la date du 1er juillet 2014, que Mme [O] était en mesure d'apprécier la réalisation de son dommage constitué de la perte de son capital'; de fait, elle a été avisée plus tôt de ce dommage par courrier du 16 mai 2014 de la société Ayxalis Patrimoine qui lui indiquait au sujet du placement Axyalis Coupons «'une des valeurs du panier le composant (Vallourec) ne remplit pas les conditions permettant le paiement des coupons et le remboursement du capital à terme prévu le 1er juillet 2014. (')'», celle-ci l'invitant à prendre contact avec son conseiller pour souscrire à un autre produit pour préserver son investissement (de fait, le produit Kairos).
Dès lors, à considérer la date d'échéance de cet investissement (1er juillet 2014) ou seulement la date d'information effective de la perte de capital (courrier du 16 mai 2014), l'action de Mme [O] est dans tous les cas recevable car initiée avant l'expiration du délai de 5 ans par les assignations précitées des 21 et 28 janvier 2019.
Sans plus ample discussion, le jugement déféré est confirmé sur la recevabilité de l'action de Mme [O].
Sur le bien fondé de l'action de Mme [O]
Les moyens soutenus par les parties par référence à d'abondantes jurisprudences qu'elles commentent et reprennent quasi in extenso dans le corps de leurs conclusions (essentiellement celles de la société Axyalis Patrimoine) ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation,
qu'il s'agisse de l'obligation d'information de la société Axyalis Patrimoine que celle-ci a respecté formellement en remettant contre récepissé à Mme [O] toute la documentation sur les produits litigieux SG Option Axyalis Coupons et Kairos faisant état des caractéristiques et des risques attachés à ceux-ci , notamment le risque de perte en capital des fonds investis, sans que ces informations formelles soient en adéquation avec soient toutefois conformes à son profil de risque,
qu'il s'agisse du devoir de conseil de la société Axyalis Patrimoine non respecté à l'égard de Mme [O], dans la mesure où elle lui a proposé des produits d'investissement en totale contradiction et non adaptés à son profil d'investisseur correspondant à un profil de «'stratégie équilibrée».
Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants.
La société Axyalis Patrimoine est intervenue auprès de Mme [O] en sa qualité de conseil en gestion de patrimoine ainsi qu'en atteste la lettre de mission signée le 24 juin 2008, et à ce titre elle s'est engagée envers celui-ci à lui proposer une statégie d'investissement et une stratégie de gestion'; dans la lettre de mission de suivi patrimonial du 1er octobre 2008, elle a rappelé intervenir dans le cadre de son activité de conseiller en investissements financiers, précisant «'lors de cette précédente mission nous avons élaboré une stratégie patrimoniale et l'avons mise en place(') l'objectif de celle nouvelle mission est de vous apporter une assistance patrimoniale dans la durée'», précisant qu'au nombre des prestations ainsi assurées figurait celle de «'actualiser votre situation patrimoniale chaque fois que cela sera nécessaire, évaluer votre politique de placements et d'épargne et mettre en place une stratégie de gestion à moyen et long terme intégrant vos objectifs et critères de gestion personnels, examiner la situation des investissements réalisés par l'intermédiaire de notre société et de votre exposition au risque, vous conseiller sur les arbitrages nécessaires'à cette gestion et répondant aux critères retenus , chaque arbitrage fera l'objet d'un document appelé suivi / client / arbitrages/ additionnels (') Nous vous rappelons que vous restez maître de toute décision d'investissement, d'arbitrage et de désinvestissement'».
La société Axyalis Patrimoine qui souligne ne pas avoir pas reçu mandat de gestion des contrats d'assurance vie de Mme [O], ne peut pas utilement, pour autant s'émanciper du devoir de conseil attaché à ses fonctions ainsi définies en concluant que Mme [O] a sélectionné elle-même les investissements UC Optimiz 8-14'% puis Axyalis Coupons' ou encore qu'elle «'a souhaité déroger à son profil investisseur afin de définir elle-même les allocations d'actifs qu'elle souhaitait mettre en place'» en se référant au profil investisseur établi le 24 juin 2008 dans lequel a été cochée la case «'vous souhaitez définir librement votre allocation d'actifs selon la répartition suivante'» suivie de la mention portée de la main de Mme [V] «20'% BT2 et 20'% BT 7,5'% Adequity , 20'% Kalyxia, 40'% fonds euros '».
En effet, ces mentions s'avèrent ne pas avoir été respectées en tout état de cause dès lors que la société Axyalis Patrimoine a orienté les placements de l'intéressée vers des produits ne respectant plus cette ventilation'; il lui appartenait au regard du profil initial défini le 24 juin 2008, alors même que Mme [O], caissière de profession, n'était pas un investisseur aguerri en matière de produits financiers, et qu'il n'est pas démontré qu'une nouvelle étude de profil d'investisseur a été réalisée après cette date de juin 2008, de lui proposer des supports adaptés et compatibles avec ses besoins, ce à quoi de répondaient pas les investissements Axyalis Coupons et Kairos, produits à haut risque et dangereux pour un épargnant non averti.
En orientant Mme [O] vers de tels produits, et quand bien même celle-ci restait «'maître de toute décision d'investissement, d'arbitrage et de désinvestissement'» , la société Axyalis Patrimoine en ne remplissant pas son obligation de conseil n'a pas permis à l'intéressée d'appréhender avec clairvoyance ses investissements.
De plus fort, elle a en outre omis d'aviser Mme [O] sur le fait qu' à la date de souscription du produit SG Option Axyalis Coupons, l'une des 5 actions françaises composant le panier d'actions servant de support à ce placement, à savoir l'action Carrefour, se situait déjà à un niveau inférieur au niveau de référence, ce qui constituait un risque supplémentaire de non-remboursement du capital investi à l'échéance prévue à 8 semestres.
Elle a réitéré ce défaut de conseil et d'information lorsqu'elle a orienté Mme [O] vers le produit Kairos'; en effet, si Mme [O] ne pouvait pas ignorer les mauvaises performances de l'action Vallourec qui figurait dans le panier support produit Axyalis Coupons du fait du courrier précité du 16 mai 2014, la société Axyalis Patrimoine lui a toutefois présenté le produit Kairos comme étant le moyen de «'préserver son investissement'» mis en péril par le placement Axyalis Coupons, alors même qu'elle ne pouvait ignorer que la valeur de l'action Vallourec (qui figurait dans le panier des 5 actions de ce nouveau produit) était déjà inférieure au plancher fixé de 55'% ce qui induisait dès la signature de cet arbitrage une perte en capital, information non portée à la connaissance de Mme [O] dans le courrier précité.
Sans plus ample discussion, le jugement déféré est également confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Axyalis Patrimoine dans la réalisation du dommage de Mme [O] pour non respect de son obligation de conseil et d'information.
Sur le préjudice de Mme [O]
Contrairement aux protestations de la société Ayxalis Patrimoine, ce préjudice est certain et réside dans la perte de chance pour Mme [O] de ne pas souscrire aux produits Axyalis Coupons et Kairos qui n'étaient pas adaptés à son profil d'investisseur par suite du défaut de conseil de la société Ayxalis Patrimoine qui est établi, et par suite la perte de chance de ne pas avoir réalisé des arbitrages avec le capital perdu à l'époque de son transfert sur les deux supports litigieux, quand bien même les deux contrats d'assurance vie sont toujours en cours et leur valeur liquidative susceptible d'évoluer à la hausse ou à la baisse, le préjudice à indemniser n'étant pas un préjudice financier sinon une perte de chance.
Les développements de la société Ayxalis Patrimoine sur les moins-values latentes des contrat d'assurance vie à la date du 8 mars 2019 ou du 7 avril 2022 sont inopérants à combattre cette perte de chance qui doit s'apprécier à l'époque de l'investissement du capital sur les deux produits Ayxalis Coupons et Kairos.
Mme [O] qui excipe d'une perte de 80'% sur le capital investi dans ces deux produits (83.675,34€) dont elle déduit la valeur finale de ces placements (7.948,53€) et les coupons perçus (6.168,82€) ne peut pas prétendre à être indemnisée de l'intégralité de cette perte, étant rappelé que la perte de chance indemnisable qui consiste en la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procurée cette chance si elle s'était réalisée.
Considérant que tout investissement financier est affecté d'un aléa, il y a lieu de confirmer le jugement dont appel ayant arrêté cette perte de chance à 20'% au regard du profil d'investisseur de Mme [O] et l'a chiffrée à 14.000€, outre intérêts au taux légal à compter de cette décision et capitalisation de ceux-ci.
Le jugement déféré est confirmé sur la garantie due par les sociétés MMA à la société Axyalis Patrimoine, déduction faite de la franchise contractuelle de 3.000€, ce point n'étant pas contesté en appel.
Sur les mesures accessoires
Succombant dans leur recours, la société Axyalis Patrimoine et les sociétés MMA sont condamnées solidairement aux dépens d'appel et gardent à leur charge leurs frais irrépétibles exposés devant la cour. Elles sont condamnées, sous la même solidarité, à verser à Mme [O] une indemnité de procédure pour l'instance d'appel.
Les dispositions du jugement entrepris sont confirmées sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ,
Condamne solidairement la société Axyalis Patrimoine, la société MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, toutes deux venant aux droits de la société Covea Risks, à verser à Mme [E] [O] née [N] une indemnité de procédure de 4.000€ pour l'instance d'appel,
Déboute la société Axyalis Patrimoine, la société MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, toutes deux venant aux droits de la société Covea Risks, de leur demande présentée en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement la société Axyalis Patrimoine, la société MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, toutes deux venant aux droits de la société Covea Risks, aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT