N° RG 20/04135 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KVLB
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la SELARL AEGIS
la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 09 MARS 2023
Appel d'un jugement (N° RG 2019J98)
rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE
en date du 12 novembre 2020
suivant déclaration d'appel du 18 décembre 2020
APPELANTS :
Mme [N] [E] [M]
[Adresse 3]
[Localité 7]
M. [O] [W] [M]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentés par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
Mme [B] [F] épouse [P]
née le 15 Décembre 1957 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 7]
M. [L] [P]
né le 12 Août 1956 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentés par Me Sandrine CUVIER de la SELARL AEGIS, avocat au barreau de VALENCE
S.A.R.L. ARPEGE CONSEIL
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Géraldine CAVAILLES de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTERVENANTES VOLONTAIRES :
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES société d'assurances mutuelles
à cotisation fixe immatriculée au RCS de LE MANS sous le n° 775 652 126
[Adresse 2]
[Adresse 2]
MMA IARD, SA immatriculée au RCS de LE MANS sous le n° 440 048 882, assureur de la Société ARPEGE CONSEIL, SARL anciennement immatriculée au RCS de ROMANS SUR ISERE sous le n° 538 836 297, dont le siège social est [Adresse 1], radiée ensuite d'une liquidation amiable,
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentées par Me Géraldine CAVAILLES de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Roxane DIMIER de la SELARL DPG & Associés, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 décembre 2022, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. La société Arpège Conseil, qui a pour activité la transaction immobilière, a mis en relation les époux [M] et les époux [P] lors de la cession d'un fonds de commerce de vente de pizzas, avec 3 points de vente à [Localité 6], [Localité 7] et [Localité 5]. Un compromis a été établi le 9 décembre 2015. La cession du fonds de commerce a eu lieu le 21 janvier 2016 pour une somme de 40.000 euros. Elle a inclus le mobilier commercial, les agencements et le matériel professionnel servant à son exploitation, avec un inventaire daté du 9 décembre 2015 descriptif et estimatif, certifié sincère et véritable par les parties, lequel a été joint au compromis.
2. Cette cession a également inclus un véhicule automobile aménagé de marque Renault, type Master, mis en circulation le 13 janvier 1982, immatriculé 8152 TK 26, avec les copies de la carte grise, de l'attestation du cédant certifiant que ce véhicule n'a pas subi depuis son immatriculation de transformations susceptibles de modifier les indications figurant sur cette carte grise et de l'attestation certifiant de l'accomplissement du contrôle technique obligatoire, annexées au compromis.
3. La société Arpège Conseil a perçu une rémunération de 2.500 euros des acquéreurs et des époux [M], à l'occasion de cette vente. Les époux [M] ont exploité le fonds de commerce pendant plus de 3 ans.
4. Les époux [M] invoquant que le véhicule et son équipement, c'est-à -dire les éléments corporels composant le fonds de commerce, n'étaient pas homologués pour l'exercice de l'activité envisagée ont assigné les époux [P] et la société Arpège Conseil devant le tribunal de commerce de Romans sur Isère le 21 mars 2019.
5. Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal de commerce a':
- dit que l'action des époux [M] n'est pas prescrite';
- dit que les époux [M] ne rapportent pas la preuve d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil';
- dit que les époux [M] n'ont subi aucun préjudice';
- en conséquence, débouté les époux [M] de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre des époux [P] et de la société Arpège Conseil';
- débouté la société Arpège Conseil de sa demande en paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive';
- condamné [O] [W] [M] et [N] [E] [M], née [A], à payer à [L] [P] et [B] [P], née [F], la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné [O] [W] [M] et [N] [E] [M], née [A], à payer à la société Arpège Conseil, la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires';
- liquidé les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile à la somme de 113,82 euros HT et de 22,76 euros de TVA soit la somme de 136,58 euros TTC pour être mis à la charge des époux [M].
6. Les époux [M] ont interjeté appel de cette décision le 18 décembre 2020, en ce qu'elle a':
- dit que les époux [M] ne rapportent pas la preuve d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil';
- dit que les époux [M] n'ont subi aucun préjudice';
- en conséquence, débouté les époux [M] de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre des époux [P] et de la société Arpège Conseil';
- condamné [O] [W] [M] et [N] [E] [M] née [A] à payer à la société Arpège Conseil la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires';
- liquidé les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile à la somme de 113,82 euros HT et de 22,76 euros de TVA soit la somme de 136,58 euros TTC pour être mis à la charge des époux [M].
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 10 novembre 2022.
7. Par arrêt du 31 mars 2022, la présente cour a constaté que la société Arpège Conseil a été liquidée et radiée du registre du commerce le 12 août 2020, et qu'elle ne dispose plus ni de la personnalité juridique, ni d'un représentant légal. Elle a indiqué que si les compagnies assurant cette société font état de l'absence de désignation d'un administrateur ad'hoc permettant à cette société d'ester en justice, elles n'en ont tiré aucune conséquence procédurale, alors que l'intervention de l'assureur pour défendre à l'action directe n'est pas susceptible de régulariser la procédure. En conséquence, la cour a rouvert les débats, afin que les parties puissent conclure sur la capacité de la société Arpège Conseil à ester en justice, et sur la recevabilité de l'appel formé à son encontre.
Prétentions et moyens de [N] et [O] [M]':
8. Selon leurs conclusions remises à la cour le 18 mars 2021, ils demandent à la cour, au visa des articles 1641 et suivants, 1382 et suivants du code civil':
- de réformer le jugement déféré';
- par conséquent, d'ordonner la résolution de la vente du fonds de commerce ambulant de vente de pizzas passée par acte de cession de maître [X], notaire à [Localité 7] le 21 janvier 2016';.
- de condamner les époux [P] à payer aux concluants les sommes suivantes:
* 40.000 euros au titre de la restitution du prix de cession du fonds de commerce en cause,
* 4.437,62 euros au titre des frais directement occasionnés par l'acte de vente,
* 3.000 euros à titre de dommages et intérêts';
- de condamner la société Arpège Conseil à payer aux concluants la somme de 2.000 euros en réparation du préjudice pour manquement à son devoir de conseil et de loyauté';
- de condamner solidairement les époux [P] et la société Arpège Conseil à payer aux concluants la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- de condamner solidairement les époux [P] et la société Arpège Conseil aux entiers dépens de l'instance.
9. En outre, selon leurs conclusions remises le 27 mai 2022, ils demandent à la cour':
- de déclarer leur appel formé à l'encontre de la société Arpège recevable';
- de dire n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- de surseoir à statuer sur les dépens.
Les appelants exposent':
10. - concernant la recevabilité de leur appel formé contre la société Arpège Conseil, que la somme réclamée étant de 2.000 euros, aucune démarche n'a été engagée afin de voir désigner un administrateur ad hoc'; que les compagnies d'assurances sont intervenues volontairement, ont conclu sur le fond et ne soulèvent pas l'irrecevabilité de l'appel'; qu'elle sont intervenues pour le compte de leur assurée, et ont pris des prétentions en leur nom';
11. - sur le fond, que l'absence d'homologation du véhicule et de son équipement cédés lors de l'acquisition du fonds de commerce, constitue un vice caché, rendant ces biens impropres à l'usage auquel ils étaient destinés'; que les vendeurs, professionnels, ont caché ce vice rendant l'exploitation du fonds impossible'; que la société Arpège Conseil a manqué à son devoir de conseil et de loyauté, en n'ayant pas exécuté son obligation de vérifier, au-delà des apparences, le descriptif de l'annonce publiée';
12. - ainsi, qu'il résulte de l'article 13 de l'arrêté du 22 juin 2016 (note': il s'agit en réalité de l'arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles, dont l'article 13 a été modifié par l'article 3 de l'arrêté du 22 juin 2016 modifiant l'arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles) que constitue une transformation notable, au sens de l'article R321-16 du code de la route, nécessitant une réception à titre isolé, toute transformation du châssis d'un véhicule déjà en circulation, susceptible de modifier sa situation au regard des articles R. 312-1 à R. 312-18, R. 314-1 à R. 316-10 et R. 318-1 à R. 318-8 du code de la route'; qu'il en est de même concernant toute modification des indications d'ordre technique figurant sur la carte grise, à l'exception de la carrosserie (à condition qu'il soit présenté un certificat tel que prévu à l'annexe VII de cet arrêté), du couple genre/ carrosserie (à condition qu'il soit présenté un certificat tel que prévu à l'annexe VII bis de l'arrêté), du poids à vide, ou bien du poids total autorisé en charge, ou du couple poids total autorisé en charge poids total roulant autorisé dans le cadre des dispositions de l'arrêté du 7 octobre 1982 relatif aux modalités d'application des articles R.321-20 et R. 317-9 du code de la route';
13. - qu'en l'espèce, les concluants ont acquis un fonds de commerce ambulant de vente de pizzas, avec ainsi les droits et moyens d'exercer l'activité du cédant dans un véhicule aménagé'; que cela nécessitait que le certificat d'immatriculation comporte la mention VTSU (véhicule utilitaire/société) ou VASP Magasin pour les véhicules récents, ce qui n'a pas été le cas, la carte grise comportant seulement la mention CTTE (Véhicule utilitaire / société Uniquement pour transport de marchandises)';
14. - que lorsque les concluants ont sollicité des services compétents une homologation à titre isolé, un certificat de contrôle technique satisfaisant n'a pu être produit, en raison de l'état du véhicule'; que la demande d'homologation a ainsi été rejetée le 20 novembre 2018';
15. - que ce vice est d'une exceptionnelle gravité, antérieur à la cession du fonds de commerce, et n'était pas apparent lors de cette cession'; que les cédants professionnels ne pouvaient ignorer ce vice, alors que ce véhicule n'était pas homologué pour cette activité; que compte tenu de la gravité de ce vice, les concluants n'auraient pas acquis le fonds de commerce s'ils en avaient eu connaissance';
16. - que cela justifie la résolution de la cession du fonds de commerce, et la restitution du prix de 40.000 euros, outre les frais versés à la société Arpège Conseil ainsi que les frais notariés, pour un total de 4.437,62 euros'; qu'en raison de la mauvaise foi des cédants, qui connaissaient cette absence d'homologation, les concluants sont fondés à demander l'octroi de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts';
17. - que la société Arpège Conseil a manqué à son devoir de conseil et de loyauté, puisque le mandataire était tenu de vérifier au-delà des apparences le descriptif des annonces qu'il publie'; qu'étant un tiers à la cession, sa responsabilité peut être engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil'; qu'en l'espèce, cette intimée n'a pas attiré l'attention des concluants sur la nécessité d'une homologation du véhicule'; qu'elle n'a fait aucun cas de la question du certificat d'immatriculation permettant l'exercice de l'activité cédée.
Prétentions et moyens de [B] et [D] [P]':
18. Selon leurs conclusions remises le 18 juin 2021, ils demandent à la cour, au visa des articles 1648, 1642 et 1641 du code civil, 122 du code de procédure civile':
- de rejeter toutes fins et conclusions contraires';
- de confirmer le jugement du 12 novembre 2020 en ce qu'il a dit que les époux [M] ne rapportent pas la preuve d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil'; en ce qu'il a dit que les époux [M] n'ont subi aucun préjudice'; en ce qu'il a débouté les époux [M] de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre des concluants ainsi qu'à l'encontre de la société Arpège Conseil'; en ce qu'il a débouté la société Arpège Conseil de sa demande en paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive'; en ce qu'il a condamné les appelants à payer aux concluants la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile'; en ce qu'il a condamné les appelants à payer à la société Arpège Conseil, la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- de juger recevable et bien fondé leur appel incident et y faire droit';
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'action des époux [M] n'est pas prescrite, et en ce qu'il a rejeté toutes autres demandes';
- statuant à nouveau, de juger que l'action des appelants est prescrite';
- de condamner les appelants à payer aux concluants la somme de 5.000 euros à titre de préjudice moral';
- de débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes';
- de condamner les appelants à payer aux concluants la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de maître Sandrine Cuvier.
Ils opposent':
19. - qu'ayant acquis le fonds de commerce en 2006, ils ont souhaité le céder, et ont conclu avec la société Arpège Conseil un mandat de vente sans exclusivité le 9 juillet 2015'; qu'au titre de l'article 1648 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice'; que le véhicule a été acquis le 21 janvier 2016, avec sa carte grise et le procès-verbal de contrôle technique obligatoire'; que les appelants ont exploité ce véhicule pendant trois ans, jusqu'à la fin de l'année 2018'; que leur action est ainsi prescrite contrairement à l'appréciation du tribunal';
20. - subsidiairement, sur le fond, que l'absence de la mention VTSU sur le certificat d'immatriculation n'a pas empêché les appelants d'exploiter ce véhicule pendant trois ans'; qu'ils sont eux-mêmes des commerçants, et donc des professionnels'; que lors de l'acquisition, ils ont reconnu être informés de l'obligation leur incombant de se soumettre aux règles d'hygiène et de sécurité, et en faire leur affaire personnelle sans recours contre le cédant'; qu'ils ont également reconnu s'être personnellement informés des potentialité du fonds cédé, et des éléments le composant, ainsi que mentionné dans l'acte notarié'; que s'ils prétendent que la mention VTSU est obligatoire, ils ne s'appuient sur aucun texte légal'; que comme relevé par le tribunal, il n'a été fait aucune interdiction d'utiliser ce véhicule, alors que leur demande d' homologation a été classée sans suite en raison d'un certificat de contrôle technique non satisfaisant, alors que tel n'était pas le cas lors de la vente du fonds'; que le tribunal a ainsi retenu qu'il n'est pas démontré l'impossibilité d'obtenir l'apposition de cette mention avec un contrôle technique satisfaisant, alors qu'aucun élément n'est apporté pour démontrer que le bien acquis est impropre à son usage, le véhicule ayant été exploité, sans la mention sur la carte grise, par les concluants pendant dix ans et par les époux [M] pendant 3 ans'; que la preuve de l'existence d'un vice caché lors de la cession n'est pas rapportée';
21. - que les appelants ne justifient d'aucun préjudice résultant du vice allégué, puisqu'ils ont pu exploiter le fonds sans problème';
22. - que les appelants tentent, par la présente procédure, de récupérer indûment de l'argent sur les concluants'; que cette action est abusive et justifient leur condamnation au paiement de dommages et intérêts.
Prétentions et moyens de la société Arpège Conseil, de la société MMA Iard Assurances Mutuelles et de la société MMA Iard':
23. Selon leurs conclusions remises le 18 juin 2021, elles demandent à la cour, au visa des articles 554 du code de procédure civile et 1382 et suivants du code civil':
- de prendre acte de l'intervention volontaire des compagnies MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard, assureurs de la société Arpège, du fait de la cessation de son activité le 31 décembre 2019 et de sa radiation en date du 18 août 2020';
- de confirmer le jugement rendu le 12 novembre 2020 par le tribunal de commerce en toute ses dispositions';
- en conséquence, de débouter [O] [W] [M] et [N] [E] [M], née [A], de leurs demandes comme étant injustifiées';
- de condamner les appelants à verser aux compagnies MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard, une indemnité de 3.000 euros pour recours abusif';
- de condamner les appelants à verser aux compagnies MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard, une indemnité de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- de condamner les appelants aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Ces compagnies indiquent':
24. - que les appelants ne rapportent pas la preuve d'une faute, d'un préjudice actuel et d'un lien de causalité, puisque les époux [P] n'ont pas fait état d'une difficultés portant notamment sur le véhicule lorsqu'ils ont confié à la société Arpège Conseil le mandat de vente'; que les anciens propriétaires n'en avaient pas plus rencontrées, alors que le véhicule a été exploité pendant 19 ans; que les époux [M] ont eux-mêmes exploité ce véhicule pendant deux ans sans problème'; que si une difficulté est survenue en 2018, c'est en raison d'un changement de législation concernant le contrôle technique'; qu'il appartenait ainsi aux appelants de s'adapter en présence d'un véhicule en service depuis 36 ans et acquis comme tel';
25. - qu'il n'est justifié d'aucun vice caché, puisque toutes les informations relatives au véhicule ont été fournies, d'autant que l'acte de vente a été régularisé devant notaire;
26. - que la société Arpège n'était pas un expert des véhicules de ce type, et n'était pas informée des réformes à venir'; que rien n'indique qu'elle ait manqué à son devoir de conseil et de loyauté, alors qu'elle a délivré les informations en sa possession; qu'en qualité de mandataire du vendeur, elle n'est pas tenue de conseiller l'acquéreur et de mener des investigations étendues pour son compte';
27. - que les appelants ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un préjudice à hauteur de 2.000 euros, en plus du remboursement de ce qu'ils ont réglé';
28. - que si le tribunal a définitivement rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Arpège Conseil pour procédure abusive, l'appel des époux [M] est abusif, justifiant leur condamnation à des dommages et intérêts.
29. Selon leurs conclusions remises le 31 mai 2022, les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard demandent en outre, suite à la radiation de la société Arpège Conseil à la suite de sa liquidation, de déclarer l'appel interjeté contre cette dernière irrecevable, soutenant':
30. - qu'en raison de la radiation de la société Arpège, son assureur est intervenu volontairement à l'instance pour répondre des demandes indemnitaires présentées à l'encontre de son assurée'; que cette radiation est intervenue avant le rendu du jugement ayant rejeté l'intégralité des demandes présentées à son encontre'; que la société Arpège Conseil ne s'en est pas ouverte auprès de son assureur, auquel elle avait toutefois dûment déclaré le sinistre lors de sa mise en cause'; qu'aucune demande de désignation d'un mandataire ad hoc n'ayant été présentée pour régulariser l'appel et la procédure, les compagnies MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard ont décidé d'intervenir volontairement à l'instance pour pouvoir opposer des moyens de défense';
31. - que l'assureur Responsabilité Civile Professionnelle est donc intervenu volontairement pour s'assurer d'une défense effective, mais que cela ne peut permettre de considérer l'appel interjeté à l'encontre de la société Arpège comme recevable.
*****
32. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION':
1) Concernant la recevabilité de l'appel formé contre la société Arpège Conseil, et ses effets à l'encontre des compagnies MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard':
33. Il est constant que la société Arpège Conseil a été liquidée volontairement, et radiée du registre du commerce le 12 août 2020, soit avant que le jugement déféré n'intervienne. L'effet de cette liquidation et de cette radiation est la perte de la personnalité morale de cette société à responsabilité limitée selon les articles 1844-7 et suivants du code civil. En conséquence, l'appel devait être porté non contre cette société, juridiquement devenue inexistante, mais contre un administrateur ad hoc spécialement désigné. Il appartenait aux appelants de diligenter la procédure nécessaire à cette désignation, éventuellement pendant la procédure pendante devant la cour. Faute d'y avoir procédé, les appelants sont ainsi irrecevables en leur recours formé à l'encontre de cette société, et le jugement déféré est ainsi définitif en ce qu'il a':
- débouté les époux [M] de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre de la société Arpège Conseil';
- débouté la société Arpège Conseil de sa demande en paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive';
- condamné les époux [M] à payer à la société Arpège Conseil la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
34. Concernant l'intervention volontaire des assureurs de la société Arpège Conseil devant la cour, il n'est pas contesté qu'elle est recevable, suite à la déclaration de sinistre présentée par cette société. Ces assureurs ne sont pas intervenus pour le compte de la société Arpège Conseil, société devenue inexistante, et cette intervention n'a pas eu pour effet de régulariser les vices affectant la déclaration d'appel. Sur le fond, les dispositions du jugement déféré sont définitives concernant la société Arpège Conseil, alors que les appelants n'ont formé aucune prétention à l'encontre des assureurs.
2) Sur le fond':
35. Selon le jugement déféré, concernant la responsabilité des vendeurs au titre de vices cachés, le tribunal a retenu que les époux [M] reprochent aux époux [P], auxquels ils ont acquis le véhicule de vente ambulante de pizzas Renault Master, et à la société Arpège Conseil, d'avoir omis de les alerter sur l'absence de la mention « V.T.S.U. '' sur la carte grise du véhicule, ce qui est avéré et qui constituerait un vice caché. Si les époux [M] soutiennent que cette absence de mention rend le bien acquis impropre à l'usage auquel il est destiné, au sens de l'article 1641 du code civil, le tribunal a relevé que bien qu'ils aient eu communication de la carte grise le jour de la vente, il n'est pas établi le fait ou la date qui leur a fait découvrir ce manquement.
36. Le tribunal a noté que l'impérieuse nécessité invoquée n'est pas démontrée en l'absence de documents officiels le précisant et en l'absence de procès-verbal adressé aux consorts [M] leur interdisant l'exploitation du fonds de commerce du fait de l'absence de cette mention sur la carte grise. Il a constaté que la demande d'homologation du camion à la DRIRE par les époux
[M] a été classée sans suite du fait de l'absence d'un certificat de contrôle
technique satisfaisant alors que le camion a été vendu en 2016 avec un contrôle technique satisfaisant, mettant en évidence un défaut d'entretien de la part des époux [M].
37. Le tribunal en a déduit qu'il n'est donc pas démontré l'impossibilité d'obtenir l'apposition de cette mention avec un contrôle technique satisfaisant, et qu'aucun élément n'est apporté pour démontrer que le bien acquis est impropre à son usage, celui-ci ayant été exploité, sans la mention sur la carte grise, par les époux [P] pendant dix ans et par les époux [M] pendant 3 ans. En conséquence, le tribunal a dit que l'action n'est pas prescrite, et que les époux [M] ne rapportent pas la preuve d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil et qu'ils n'ont donc subi aucun préjudice. Il a ainsi débouté les époux [M] de leurs demandes formées à l'égard des époux [P].
38. S'agissant de la recevabilité de l'action dirigée contre les époux [P] au regard de la prescription biennale prévue par l'article 1648 du code civil, le point de départ de l'action se situe au jour de la découverte du vice. Le certificat de cession du véhicule a été signé par les parties le 21 janvier 2016, et le 13 novembre 2018, le véhicule a fait l'objet d'un refus de réception par la DRIRE, en raison de l'absence d'un procès-verbal de contrôle technique satisfaisant, de l'obligation de supprimer une ceinture de sécurité et un éclairage non prévu dans la notice, de la nécessité de fournir l'autorisation du constructeur pour monter des pneus en 195/75 R16C, et de la nécessité de retrouver le numéro de série frappé à froid sur le véhicule. Cette date est ainsi celle du jour de la découverte du vice invoqué par les appelants. Leur action engagée le 21 mars 2019 est ainsi recevable et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que l'action des époux [M] n'est pas prescrite.
39. Sur le fond, l'offre d'achat du fonds de commerce appartenant aux époux [P] a concerné un fonds ambulant de vente de pizzas. Le véhicule Renault Master a ainsi fait partie des éléments corporels cédés, ainsi que rappelé dans le compromis de vente expressément. Un contrôle technique a été remis aux appelants à cette occasion, et le compromis a stipulé que les acquéreurs reconnaissent être informés de l'obligation qui leur incombe de se soumettre à la réglementation relative à l'hygiène, à la salubrité et aux injonctions de la commission de sécurité, déclarant vouloir en faire leur affaire personnelle sans recours contre les vendeurs. L'acte authentique constatant la réitération de la cession a repris ces éléments, et a ajouté que les cessionnaires prendront le fonds avec tous ses éléments corporels dans l'état où le tout se trouve, sans recours contre les cédants pour quelque cause que ce soit.
40. Le certificat d'immatriculation du véhicule au nom des cédants, tel que produit par les appelants, indique que cet engin est de type camionnette (CTTE), avec une première mise en circulation le 13 janvier 1982. Le certificat de cession du 21 janvier 2016 et la carte grise délivrée aux cessionnaires le 28 janvier 2016 reprennent les mêmes éléments. Le procès-verbal de contrôle technique réalisé le 15 septembre 2016 n'a énoncé aucun défaut ou anomalie. Celui réalisé le 2 novembre 2015 a relevé des défauts ne nécessitant pas de contre-visite (frein à main déséquilibré, jeu mineur dans le volant de direction, feux mal réglés, défaut d'étanchéité sur le moteur, impossibilité de contrôler les passages de roues et les soubassements).
41. Ce véhicule a été utilisé par les époux [M] sans incident pendant pratiquement trois ans, jusqu'à la réalisation du contrôle technique du 20 novembre 2018, le véhicule totalisant 217.427 km parcourus. Ce document a relevé des défaillances critiques (corrosion excessive du châssis, affectant sa rigidité), ainsi que des défaillances majeures (notamment problèmes concernant les feux, problèmes de roulements, manquement d'une ceinture de sécurité, fuite de liquide susceptible de porter atteinte à l'environnement), et des défaillances mineures (numéro de série inhabituel, problèmes sur les tambours de frein, les amortisseurs, l'absence d'un siège). En conséquence, le centre de contrôle a prescrit une contre-visite.
42. Ce véhicule a été présenté à la DRIRE le 13 novembre 2018, et la réception a été estimée non satisfaisante, selon les raisons indiquées plus haut, avec nécessité d'une contre-visite. En l'absence de la production d'un certificat de contrôle technique satisfaisant, la DRIRE a notifié aux époux [M] le 20 novembre 2018 le classement sans suite de la demande d'homologation.
43. Il résulte de ces éléments, ainsi que retenu par le tribunal de commerce, que l'impossibilité d'obtenir la mention VTSU ne résulte en rien d'un vice caché, mais que le refus d'homologation du véhicule par la DRIRE en 2018 résulte d'un défaut d'entretien imputable aux appelants, alors que lors de la cession du fonds de commerce, ce véhicule ne présentait pas de défaut nécessitant une contre-visite. Aucun élément n'indique que ce véhicule devait recevoir la mention VTSU, correspondant à «'véhicule transformé sortie usine'» ou VASP, correspondant à «'véhicule automobile spécialisé'», afin de pouvoir exercer une activité de vente ambulante de pizzas à la date de la signature de l'acte authentique réitérant la cession du fonds de commerce. Aucun élément ne confirme enfin que ce véhicule a été transformé par ses différents propriétaires, et qu'il se trouve en contravention avec l'arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles, la DRIRE n'ayant pas classé le dossier d'homologation de ce chef.
44. En outre, ainsi que développé plus haut, l'acte authentique de cession du fonds de commerce a stipulé que les cessionnaires reconnaissent être informés de l'obligation qui leur incombe de se soumettre à la réglementation relative à l'hygiène, à la salubrité et aux injonctions de la commission de sécurité, déclarant vouloir en faire leur affaire personnelle sans recours contre les vendeurs et qu'ils prendront le fonds avec tous ses éléments corporels dans l'état où le tout se trouve, sans recours contre les cédants pour quelque cause que ce soit. Or, les appelants n'ont pas conclu à la nullité ou à l'inopposabilité de cette clause, alors que la cession est intervenue entre des parties ayant toute la qualité de commerçantes, ainsi que précisé dans le compromis de cession et l'acte authentique. Il en résulte que leur action est également mal fondée de ce chef.
45. Les premiers juges ont ainsi exactement conclu que les époux [M] ne rapportent pas la preuve d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté les époux [M] de leurs demandes dirigées contre les époux [P].
46. Concernant la demande reconventionnelle des époux [P] pour appel abusif, il résulte des éléments détaillés plus haut que les cessionnaires ont acquis en connaissance de cause un fonds de commerce, constitué notamment par un véhicule ne présentant pas, lors de la vente, de vice caché, véhicule qu'ils ont utilisé pendant près de trois ans, alors que le refus de son homologation résulte d'un défaut d'entretien manifeste, et non d'un problème de transformation imputable aux cédants. Cette action est ainsi abusive. En conséquence, les appelants seront condamnés à payer à ces intimés la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant des inconvénients occasionnés par cet appel. Succombant en leur recours, les époux [M] seront également condamnés à leur payer la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
47. S'agissant de la demande reconventionnelle des compagnies d'assurances MMA, la cour ne peut également que relever l'impéritie des appelants dans l'exercice de leur recours. La preuve d'un préjudice n'est cependant pas établie par ces compagnies. Leur demande d'indemnisation sera ainsi rejetée. Succombant néanmoins en leur appel, d'autant qu'ils n'ont pas estimé utile de solliciter la désignation d'un administrateur ad hoc afin de
régulariser leur recours contre la société Arpège Conseil, les époux [M] seront condamnés à payer aux assureurs de cette société la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1641 et suivants, 1844-7 et suivants du code civil, l'arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles ;
Déclare l'appel formé par les époux [M] à l'encontre de la société Arpège Conseil irrecevable';
Constate en conséquence que le jugement déféré est définitif en ce qu'il a':
- débouté les époux [M] de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre de la société Arpège Conseil';
- débouté la société Arpège Conseil de sa demande en paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive';
- condamné les époux [M] à payer à la société Arpège Conseil la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
Déclare l'intervention volontaire des compagnies MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard recevable';
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour;
y ajoutant':
Condamne monsieur et madame [M] à payer à monsieur et madame [P] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif';
Condamne monsieur et madame [M] à payer à monsieur et madame [P] la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile';
Déboute les compagnies MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts dirigées contre les époux [M] pour procédure abusive ;
Condamne monsieur et madame [M] à payer aux compagnies MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne monsieur et madame [M] aux dépens, dont distraction au profit de maître Cuvier, avocate;
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente