N° RG 21/00813 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KX7K
C2
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Jean-Baptiste DURAUD
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 07 MARS 2023
Appel d'une décision (N° RG 11-20-000081)
rendue par le Juge des contentieux de la protection de GAP
en date du 19 janvier 2021
suivant déclaration d'appel du 12 Février 2021
APPELANTS :
M. [D] [A]
né le 18 mai 1957 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Mme [N] [H] épouse [A]
née le 27 septembre 1968 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentés et plaidant par Me Jean-Baptiste DURAUD, avocat au barreau de HAUTES-ALPES
INTIMEES :
S.A. COFIDIS Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 10]
[Localité 3]
représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE
S.E.L.A.R.L. ME [U] [P] Es qualité d'Administrateur judiciaire de Me [J] [W] dont le siège social est sis [Adresse 1] lui même mandataire liquidateur de la SAS RHONE TECHNICAL SERVICES dont le siège social est sis [Adresse 5], immatriculée au RCS LYON sous le numéro 535 271 480.
[Adresse 7]
[Localité 4]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, présidente,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 janvier 2023 Madame Blatry conseiller faisant fonction de président et Madame Lamoine, conseiller, assistées de Caroline Bertolo, greffière, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Dans le cadre d'une vente hors domicile et suivant 2 bons de commande successifs des 8 et 21 novembre 2016, M. [D] [A] a conclu avec la SAS Rhône Technical Services (RTS) un contrat de fourniture et pose d'une unique centrale photovoltaïque moyennant le prix de 28.900,00€.
Pour le financement de ce bien, la société Cofidis a consenti, le 8 novembre 2016, à M. [A] et à son épouse, Mme [N] [H], un crédit accessoire d'un montant en capital de 28.900,00€.
Les époux [A] ont obtenu, suivant ordonnance de référé du 18 septembre 2018, l'instauration d'une mesure d'expertise.
L'expert, M. [S] [V] a déposé son rapport le 17 décembre 2019.
Il conclut, notamment, à une installation non conforme sur le plan électrique présentant des points de dangerosité à l'origine d'un dégât des eaux, à un défaut de fixation correcte de deux panneaux photovoltaïques et à un raccordement insuffisant des échangeurs placés au dos des capteurs.
L'expert estime que l'installation est affectée de vices cachés et de malfaçons dangereuses.
Suivant exploits d'huissier des 8 avril et 12 mai 2020, M. et Mme [A] ont fait citer la société RTS prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la SELARL [U] [P], et la société Cofidis en résolution des contrats de vente et de crédit.
Par jugement du 19 janvier 2021 assorti de l'exécution provisoire de droit, le tribunal judiciaire de Gap a :
prononcé la résolution du contrat de vente conclu entre la SAS RTS et M. [A],
octroyé la somme de 3.000€ à M. [A] en réparation de son préjudice,
fixé son préjudice à la somme de 4.000€ entre les mains du liquidateur judiciaire de la société RTS, Maître [U] [P],
prononcé la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté au financement de cette installation consenti à M. [A] par la société Cofidis,
dit que la société Cofidis n'a pas commis de faute et ne peut être privée de son droit à restitution,
condamné M. [A] à exécuter son obligation du solde du capital emprunté de 28.900€ à la société Cofidis,
condamné la société RTS prise en la personne de son liquidateur à payer à M. [A] une indemnité de procédure de 800€ et à supporter les dépens de l'instance.
Suivant déclaration du 12 février 2021, M. et Mme [A] ont relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 9 décembre 2022, M. et Mme [A] demandent à la cour d'infirmer partiellement le jugement déféré et de :
dire que la société Cofidis a commis une faute en débloquant les fonds,
statuer ce que de droit sur les éventuelles restitutions dues par la société RTS à la société Cofidis en conséquence de' «' l'annulation'» ou de la résolution du bon de commande du 8 novembre 2016,
condamner la société Cofidis à leur restituer la somme de 5.213,34€ acquittée par eux au titre de l'emprunt souscrit et ce avec intérêts au taux légal, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,
priver la société Cofidis de son droit au remboursement du capital emprunté,
dire, à tout le moins, que la société Cofidis les garantira solidairement avec la société RTS du paiement de toute somme due par la société RTS en l'état de la mise en liquidation du vendeur,
en temps que de besoin, fixer au passif de la SAS RTS la somme de 28.900,00€ au titre de «'l'annulation » du contrat de vente,
condamner la société Cofidis à leur payer, à chacun, la somme de 3.000€ au titre de leur préjudice moral, outre une indemnité de procédure de 3.000€.
Ils exposent que :
la société Cofidis a commis diverses fautes la privant de son droit à restitution du capital emprunté,
elle a libéré les fonds alors que le contrat de vente était entaché de nombreuses et grossières violations du code de la consommation,
la cour de cassation retient que commet une faute la banque qui s'abstient, avant de verser les fonds empruntés de vérifier la régularité du contrat principal,
en s'abstenant de vérifier les nombreuses irrégularités présentes sur le bon de livraison et d'en déduire le manque de sérieux de la société RTS, la banque a manqué à ses obligations professionnelles.
Au dernier état de ses écritures en date du 7 décembre 2022, la société Cofidis demande de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dispensé Mme [A] du remboursement du capital et de condamner solidairement M. et Mme [A] à lui payer la somme de 29.9000€ avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, déduction des sommes déjà réglées, outre une indemnité de procédure de 2.000€.
Elle fait valoir que :
elle n'a commis aucune faute dans le déblocage des fonds,
n'étant pas graphologue, elle n'a pas à apprécier l'authenticité des signatures,
s'il est vrai que depuis quelques années, la cour de cassation met à la charge des organismes bancaires l'obligation de contrôler la régularité formelle des bons de commandes, il convient de s'interroger sur l'étendue d'une telle obligation,
il y a une véritable discordance de jurisprudence sur le territoire et elle ne commet aucune faute lorsque le bon de commande à l'apparence de la régularité,
il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice.
La SELARL [P] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société RTS, citée le 10 juin 2021 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
La décision sera réputée contradictoire.
La clôture de la procédure est intervenue le 13 décembre 2022.
MOTIFS
En l'absence d'appel sur la résolution des contrats de vente et de crédit, ces points sont définitivement tranchés et le litige porte uniquement sur la question de la restitution par les époux [A] du capital emprunté à la société Cofidis et sur les demandes des époux [A] en restitution des sommes acquittées par eux et en réparation d'un préjudice moral.
1/ sur la demande en paiement de la société Cofidis
La résolution d'un contrat de prêt emporte l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté.
Toutefois, par application des articles L311-31 devenu L312-48 et L311-32 devenu L312-55 du code de la consommation, le prêteur, qui a débloqué fautivement les fonds, est privé de son droit à la restitution du capital emprunté.
Le prêteur ne peut débloquer les fonds que lorsque l'installation photovoltaïque est raccordée et mise en service.
Pour justifier le déblocage des fonds, la banque verse un certificat de livraison du 21
décembre 2016 selon lequel l'emprunteur, en reprenant de façon manuscrite la mention pré-imprimée, a indiqué «'je confirme avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises. Je constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés et que les démarches de raccordement au réseau ont bien été engagées ».
En l'espèce, si les marchandises ont été livrées, si la centrale photovoltaïque a été installée et si les démarches en vue du raccordement ont été effectuées, ledit raccordement n'était nullement effectif lorsque la banque a procédé au déblocage des fonds, ainsi que cela ressort du courrier de mise en demeure du 20 février 2017 selon lequel le raccordement n'était toujours pas effectif à cette date alors que les fonds avaient déjà été débloqués.
En outre, si le prêteur justifie d'une offre de crédit précise, communique le formulaire d'adhésion à l'assurance facultative, la notice d'assurance, la fiche de dialogue et la fiche d'informations pré-contractuelles, il ne rapporte pas la preuve de la délivrance d'explications pertinentes et personnalisées visée à l'article L 312-14 ni la preuve de la consultation du FICP imposée par l'article L312-6 dans des délais raisonnables puisque les consultations sont des 23 novembre et 23 décembre 2016 alors que le contrat de crédit est du 8 novembre 2016.
Enfin, la banque, en s'abstenant de procéder aux vérifications nécessaires auprès du vendeur et des emprunteurs sur la régularité du bon de commande lequel ne visait pas les caractéristiques essentielles de l'installation, étant relevé, de surcroît, qu'il y a eu deux bons datés des 8 et 21 novembre 2016 concernant une seule installation ce qui aurait dû attirer son attention, a commis une autre faute.
Ainsi, la banque a commis de multiples fautes de nature à la priver du remboursement du capital emprunté.
Enfin, les époux [A] se retrouvent avec une installation non conforme et dangereuse dont la vente a été résolue juridiquement, sans qu'ils puissent se retourner contre le vendeur mis en liquidation judiciaire.
La banque, leur ayant accordé un financement sur 15 années avec des intérêts d'un montant ruineux de 17.041,33€, soit près de 59% du prix de vente, a recherché en s'associant avec un partenaire peu fiable le plus grand profit.
Par voie de conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré et de débouter la société Cofidis de sa demande en restitution du capital emprunté, ce qui justifie de la condamner à restituer aux époux [A] la somme de 5.213,34€ au titre des échéances du prêt acquittées par eux.
2/ sur la demande en dommages-intérêts de M. et Mme [A]
En l'absence de démonstration d'un préjudice moral distinct de ceux réparés par la résolution des contrats de vente et de crédit ainsi que par le rejet de la demande de la banque en restitution du capital emprunté et de sa condamnation à la restitution des mensualités acquittées, il convient de débouter les époux [A] de leurs demandes à ce titre.
3/ sur les mesures accessoires
L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice des époux [A].
Enfin, les dépens de la procédure d'appel seront supportés par la société Cofidis.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement déféré uniquement en ce qu'il a :
dit que la société Cofidis n'a pas commis de faute et ne peut être privée de son droit à restitution,
condamné M. [A] à exécuter son obligation du solde du capital emprunté de 28.900€ à la société Cofidis,
Statuant à nouveau sur ces points,
Déboute la société Cofidis de sa demande en restitution du capital emprunté,
Condamne la société Cofidis à restituer à M. [D] [A] et à Mme [N] [H] épouse [A] la somme de 5.213,34€ au titre des échéances du prêt acquittées par eux,
Déboute M. [D] [A] et Mme [N] [H] épouse [A] de leurs demandes au titre d'un préjudice moral,
Y ajoutant,
Condamne la société Cofidis à payer à M. [D] [A] et à Mme [N] [H] épouse [A], unis d'intérêt, la somme de 2.000,00€ par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Cofidis aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame Clerc , président, et par Madame Burel, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT