N° RG 21/01216 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KZBG
C1
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
Me Sandrine MONCHO
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 28 FEVRIER 2023
Appel d'un jugement (N° RG 18/03983)
rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 22 février 2021
suivant déclaration d'appel du 09 Mars 2021
APPELANTE :
S.A. CRCAM SUD RHONE ALPES agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège situé
service DCT/RRC [Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
Mme [G] [B] épouse [O]
née le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 10]
M. [D] [O]
né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 10]
représentés par Me Sandrine MONCHO, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et ayant pour avocat plaidant Me Laurent AYGUN, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Janvier 2023 madame Lamoine conseiller chargé du rapport, assistée de Anne Burel, greffier, a entendu seule les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
RAPPEL DES FAITS
Selon offre en date du 28 avril 2006 acceptée le 9 mai 2006, la CRCAM Sud Rhône Alpes a consenti à M. [D] [O] et Mme [G] [B] en qualité de coemprunteurs solidaires un prêt d'une somme de 350 000 € pour une durée de 240 mois, remboursable par mensualités de 2 093,57 € au TEG de 4,3207 % l'an, taux nominal de 3,65 %. Ce prêt, destiné à financer l'acquisition en indivision d'une maison d'habitation, a été annexé à l'acte authentique de vente de ce bien en date du 6 juillet 2006.
En garantie du prêt, le prêteur a fait inscrire une hypothèque sur le bien vendu pour sûreté de la somme de 420'000 € à effet jusqu'au 3 juillet 2027, inscription publiée et enregistrée le 31 août 2006.
M. [O] a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 7 juillet 2009, suivie d'une clôture pour insuffisance d'actif prononcé par jugement du 7 juillet 2015 publié au BODACC le 17 juillet 2015. La CRCAM Sud Rhône Alpes avait déclaré sa créance au passif, celle-ci étant admise à titre hypothécaire et privilégié pour le prêt immobilier à hauteur de 344 505,54 € selon décision du juge-commissaire notifiée à ce créancier par lettre du 12 mars 2010.
Pendant le cours de cette procédure, la CRCAM Sud Rhône Alpes (ci-après "la Banque") avait, par courrier recommandé daté du 19 octobre 2009 dont la destinataire a accusé réception le 21 octobre 2009, notifié à Mme [B] la déchéance du terme à défaut de règlement dans les huit jours de 5 échéances impayées échues depuis le 5 juin 2009.
Le 26 novembre 2014, Mme [B], qui s'était dans l'intervalle mariée avec M. [O], a déposé un dossier de surendettement qui a été déclaré recevable le 30 décembre 2014. Le juge du tribunal d'instance saisi par la commission de surendettement a, par ordonnance du 30 juillet 2015, considéré qu'il n'y avait pas lieu à rétablissement personnel avec liquidation judiciaire et renvoyé le dossier à la commission de surendettement.
Après échec d'une tentative de plan conventionnel de redressement, la commission a, par lettre du 29 décembre 2015, notifié à la Banque les mesures qu'elle recommandait, à savoir un moratoire de 18 mois pour permettre la vente amiable du bien immobilier.
Saisi par la contestation élevée par la Banque contre ces mesures, le juge du tribunal d'instance de Grenoble a, par jugement définitif du 13 octobre 2016, fixé les créances aux montants arrêtés par la commission de surendettement dans son avis du 29 décembre 2015, et donné force exécutoire aux mesures recommandées par la commission, en précisant les modalités selon lesquelles la débitrice devrait mettre son bien en vente dans le délai qui lui était ainsi accordé.
PROCÉDURE
Par acte du 12 octobre 2018, la CRCAM Sud Rhône Alpes a assigné les époux [O] devant le tribunal de grande instance de Grenoble pour voir :
condamner Mme [O] à lui payer la somme principale de 320'111,36 € outre intérêts et frais contractuels à compter du 19 octobre 2009, soit la somme de 510'250,18 € au 8 octobre 2018,
ordonner le partage de l'indivision existante entre les époux [O],
ordonner la vente sur licitation de l'immeuble devant le tribunal de grande instance de Grenoble,
dire que la moitié du prix servira à régler la créance de la banque au titre du prêt immobilier,
ordonner au préalable une mesure d'expertise pour connaître la valeur du bien et le montant de la mise à prix,
commettre la chambre des notaires qui désignera un notaire pour les opérations de partage
condamner solidairement les époux [O] à lui payer une indemnité de procédure de 10 000 €,
dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et vente.
Par jugement du 22 février 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
jugé irrecevable car prescrite l'action en paiement formée par la CRCAM Sud Rhône Alpes contre Mme [O],
débouté la Banque de sa demande de licitation partage sur le bien existant entre M. [O] et Mme [O] ainsi que de ses demandes subséquentes,
condamné la Banque aux dépens et à payer aux époux [O] une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au Greffe en date du 9 mars 2021, la CRCAM Sud Rhône Alpes a interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions n° 3 notifiées le 21 décembre 2022, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, et de :
condamner Mme [O] à lui payer la somme principale de 320'111,36 € outre intérêts et frais contractuels à compter du 19 octobre 2009, soit 557'918,71 € au 27 mai 2021,
débouter les époux [O] de leurs moyens et demande comme étant irrecevables et mal fondés,
ordonner le partage de l'indivision existante entre les époux [O] et portant sur le bien immobilier objet de la vente et du financement,
ordonner la vente sur licitation du dit immeuble devant le tribunal judiciaire de Grenoble sur une mise à prix qui sera à déterminer et aux conditions fixées par le cahier des charges qui sera déposé par son conseil, avec faculté de baisse du tiers puis du quart en cas de carence d'enchères,
dire que la moitié du prix servira à régler la créance de la Banque en vertu du prêt immobilier,
ordonner au préalable une mesure d'expertise pour connaître la valeur du bien et le montant de la mise à prix,
commettre la chambre des notaires qui désignera un notaire pour les opérations de liquidation et partage,
condamner solidairement les époux [O] à lui payer une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et vente, avec distraction au profit de la SELARL LEXAVOUÉ GRENOBLE CHAMBÉRY.
Elle fait valoir :
Sur la prescription :
que son action n'est pas prescrite dès lors qu'elle ne vise pas à obtenir un titre puisqu'elle en détient déjà deux, à savoir d'une part l'acte authentique de prêt, d'autre part l'ordonnance d'admission de sa créance au passif du codébiteur solidaire,
que son action tend, en réalité, à obtenir la licitation partage du bien indivis, en vue de l'exécution du titre authentique et de l'ordonnance d'admission de sa créance, et que cette exécution peut être poursuivie dans un délai de dix ans en application de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution,
qu'en toute hypothèse, le délai pour agir en paiement avait bien été interrompu en l'espèce,
qu'en effet, ce dernier délai avait commencé à courir, s'agissant du capital restant dû, à la déchéance du terme prononcée le 19 octobre 2009,
qu'avant que deux années à compter de cette date se soient écoulées, elle-même avait déclaré sa créance au passif de M. [O], cette déclaration de créance ayant pour effet, selon une jurisprudence constante, d'interrompre la prescription tant contre le débiteur en liquidation que contre le codébiteur solidaire, ce jusqu'à la clôture de la procédure collective, (Cass com 24 septembre 2003, n° 00-19.689),
que l'ordonnance d'admission de sa créance au passif a entraîné la substitution d'un nouveau délai de prescription (Cass com 3 novembre 2008, n° 07-14.329),
que la clôture pour insuffisance d'actif est intervenue le 7 juillet 2015,
que, le 26 novembre 2014, Mme [B] avait déposé un dossier de surendettement qui a été déclaré recevable le 30 décembre 2014,
que cette procédure en surendettement s'est poursuivie jusqu'au jugement du 13 octobre 2016 entérinant le moratoire recommandé par la commission de surendettement, lequel a pris fin le 29 juin 2017 sans que Mme [B] reprenne pour autant les règlements,
qu'en application des articles L. 733-1 et R. 312-35 du code de la consommation dans leur version applicable en mars 2016, le point de départ du délai de prescription a été reporté à l'issue de ce moratoire,
que dès lors son action engagée le 12 octobre 2018 n'est pas prescrite,
que les moyens invoqués par les intimés pour contester le caractère authentique de l'acte de prêt ne sont pas pertinents, la Cour de cassation ayant déjà jugé à plusieurs reprises que l'absence d'annexion du pouvoir pour représenter une partie à l'acte était sanctionnée par une nullité relative et ne faisait pas perdre à l'acte son caractère authentique et donc exécutoire,
Sur sa créance :
que Mme [O] n'est pas recevable à contester sa créance dès lors que, au titre de la représentation mutuelle des coobligés, la décision d'admission de sa créance au passif de M. [O] a autorité de la chose jugée à son égard,
qu'en toute hypothèse, le moyen tiré de la nullité de la stipulation du taux d'intérêts en raison du taux de période est irrecevable comme prescrit, dès lors que les emprunteurs disposaient d'un délai de cinq ans à compter de la signature de l'acte pour l'invoquer,
qu'en outre ce moyen est mal fondé,
que Mme [O] invoque une irrégularité du TEG sans l'établir,
qu'à la supposer fondée, cette irrégularité n'entraîne pas la nullité de la stipulation du taux d'intérêts et sa substitution par le taux légal, mais une déchéance du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge,
Sur sa demande de licitation-partage :
que l'incompétence du tribunal judiciaire invoquée par les intimés est irrecevable comme exception de procédure pour n'avoir pas été soulevée in limine litis,
que cette exception relève en toute hypothèse de la compétence du conseiller de la mise en état qui n'en a pas été saisi,
qu'enfin la cour étant aussi juridiction d'appel de la juridiction qui aurait prétendument être saisie, elle doit statuer sur le fond,
sur le bien-fondé de cette demande, que ce droit lui est ouvert par l'article 815-7 du code civil dès lors qu'elle est créancière de Mme [O].
Les époux [O], par dernières conclusions n° 2 notifiées le 10 décembre 2022, demandent à titre principal la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, de déclarer irrecevable l'action en partage comme prescrite, de déclarer que l'appelante ne dispose pas de titre exécutoire lui permettant d'agir en partage, et de la débouter de toutes ses demandes, fins et prétentions.
A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de dire et juger que l'offre de prêt ne comporte pas la mention du taux de période, et par conséquent de :
prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenus dans l'offre de prêt du 28 avril 2006,
dire et juger que le taux d'intérêt légal en vigueur au 9 mai 2006 sera substitué depuis ce jour jusqu'au terme du contrat,
dire et juger que la demanderesse devra produire un nouveau calcul de sa créance en substituant au taux conventionnel le taux légal de 2,11 % en vigueur au cours de l'année de conclusion du contrat de prêt,
condamner le cas échéant la banque à leur rembourser la différence au titre des intérêts déjà perçus entre le taux conventionnel et le taux légal.
Plus subsidiairement, ils font valoir que la banque n'a pas retenu une année de 365 jours dans le calcul du taux d'intérêt contractuel, et que le calcul du TEG est erroné.
Ils demandent par conséquent qu'il soit dit que le taux d'intérêt légal en vigueur au 9 mai 2006 sera substitué depuis ce jour jusqu'au terme du contrat.
Ils demandent encore qu'il soit dit et jugé que la banque est déchue du droit aux intérêts pour ne pas avoir vérifié la solvabilité des débiteurs.
Ils réclament enfin condamnation de la CRCAM Sud Rhône Alpes à leur payer la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Ils font valoir :
que l'acte notarié en l'espèce n'est pas un titre exécutoire comme ne portant pas sur une somme suffisamment déterminée,
que dès lors le délai de 10 ans pour l'exécuter de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution ne trouve pas à s'appliquer,
qu'ainsi que l'a considéré le tribunal, l'action de la Banque était bien, en l'espèce, enfermée dans le délai de deux ans de l'article L. 218-2 du code de la consommation,
que le point de départ de ce délai était en l'espèce, selon une jurisprudence constante, le jour du prononcé de la déchéance du terme rendant la dette exigible soit le 19 octobre 2019,
que le tribunal a justement jugé que l'interruption de la prescription jusqu'au jugement de la clôture de la liquidation judiciaire n'était pas applicable à Mme [O] comme codébitrice solidaire, et que dès lors la banque pouvait agir contre cette dernière dès le prononcé de la liquidation judiciaire de M. [O],
qu'aucune reconnaissance effective de la dette de nature à interrompre la prescription n'est établie,
que la demande de Mme [O] du 20 novembre 2015 aux fins de mesures imposées dans le cadre du surendettement n'a pas pu interrompre la prescription, le délai pour agir étant déjà expiré,
que la demande de licitation partage se heurte à l'incompétence du tribunal judiciaire, seul le juge des affaires familiales ayant qualité pour l'ordonner,
à titre subsidiaire, que l'offre de prêt présente des irrégularités relatives au taux de période, à l'application de l'année lombarde, au caractère erroné du TEG, moyen pour le détail desquels il est renvoyé à leurs conclusions,
qu'en outre la Banque ne justifie pas avoir consulté le FICP conformément aux prescriptions de l'article L. 333-5 du code de la consommation, et qu'elle n'établit donc pas avoir vérifié leur solvabilité, ce qui entraîne sa déchéance du droit aux intérêts.
L'instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 10 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action
# sur le délai applicable
La Banque prétend que son action ne tend qu'à voir ordonner la licitation partage du bien immobilier indivis entre les époux [O] et qu'elle est, dès lors, enfermée dans le délai de 10 ans de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, sa demande en paiement dirigée contre Mme [O] n'ayant pour seule vocation, selon elle, que de fixer le montant - contesté - de sa créance contre cette dernière.
Or, la demande de la CRCAM Sud Rhône-Alpes devant le juge de première instance, ainsi que rappelé dans le jugement déféré non discuté sur ce point, de même que celle figurant au dispositif des conclusions devant cette cour tend, s'agissant de la créance invoquée contre Mme [G] [O], non pas à la constatation de l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible et à la fixation de son montant dans le cadre de la demande en partage et licitation, mais bien à la condamnation de la débitrice à paiement, les termes de ces conclusions constituant, selon les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile, l'objet de la demande dont le juge est saisi et sur laquelle il doit statuer.
C'est donc à bon droit que le tribunal a considéré, sur ce point, que la Banque avait renoncé à se prévaloir du titre exécutoire que pouvait constituer l'acte notarié de prêt et que sa demande constituait une action en paiement fondant la demande de licitation partage.
Cette action est enfermée dans le délai de deux ans de l'article L. 137-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016.301 du 14 mars 2016 applicable à l'espèce compte-tenu des dates d'échéance des mensualités impayées (du 5 juin au 5 octobre 2009) et de la déchéance du terme (21 octobre 2009).
Cet article emportant délai abrégé ayant été créé par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, il s'est appliqué de plein droit en vertu de l'article 26, II de cette loi, aucun délai pour agir n'ayant commencé à courir avant son entrée en vigueur puisque les mensualités du prêt étaient régulièrement honorées par les époux [O] jusqu'à celle échue le 5 juin 2009.
# sur l'application du délai en l'espèce et les événements interruptifs
Ainsi que l'a justement rappelé le tribunal, s'agissant d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même, et le délai pour agir court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance.
Dès lors, en l'espèce, le point de départ délai pour agir en paiement des mensualités impayées était la date d'échéance de chacune d'elle, soit successivement les 5 juin, 5 juillet, 5 août, 5 septembre et 5 octobre 2009 inclus, et pour le surplus la date de la déchéance du terme soit le 21 octobre 2009.
Or, le 7 juillet 2009, M. [D] [O] a été placé en liquidation judiciaire, et la CRCAM Sud Rhône-Alpes a déclaré une créance qui a été admise au passif à titre privilégié pour 344 505,54 € et à titre chirographaire pour 1 147,21 € selon la notification qui lui en a été faite12 mars 2010.
En application combinée des dispositions des articles 2242 et 2245 du code civil, la déclaration de créance ainsi formée a interrompu la prescription à l'égard de Mme [G] [O] codébitrice solidaire, et l'effet interruptif s'est prolongé jusqu'au jugement prononçant la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif contrairement à ce qu'à considéré le premier juge, cet effet résultant de l'application de l'alinéa 1er de l'article 2245 repris de l'ancien article 2249 et de la notion de représentation mutuelle des coobligés, indépendamment des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce, cité à tort sur ce point par le tribunal dès lors qu'il ne concerne pas l'interruption de la prescription mais la suspension du droit d'agir du créancier contre la personne coobligée.
En l'espèce, le délai de deux ans pour agir de la CRCAM Sud Rhône-Alpes a donc été interrompu par la déclaration de créance de la Banque, dont la date n'a pas été précisée mais qui doit être réputée avoir été faite dans les deux mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire au BODACC faute de quoi elle n'aurait pas été admise par le juge- commissaire selon notification du 12 mars 2010. Il en résulte qu'à la date de cette déclaration, le délai de deux ans pour agir n'était pas expiré ; l'interruption de ce délai a donc pu produire tous ses effets, ce jusqu'au 7 juillet 2015 date de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif à partir de laquelle un nouveau délai de deux ans a commencé de courir.
Dans l'intervalle, Mme [G] [O] avait, en novembre 2014, saisi la commission de surendettement des particuliers de l'Isère, qui a orienté la procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire puis, après contestation de la débitrice, vers des mesures recommandées . Dans ce cadre, la Banque a déclaré une créance par lettre du 30 janvier 2015, cette déclaration, équivalant à une demande en justice, ayant produit, elle aussi, une interruption de la prescription se chevauchant avec la précédente. Cette interruption s'est poursuivie jusqu'à ce que soit irrévocable la décision ayant statué sur la vérification de cette créance, à savoir en l'espèce, le jugement du juge chargé du surendettement du 13 octobre 2016.
En outre, ce même jugement du 13 octobre 2016 a entériné le moratoire de 18 mois recommandé par la Commission de surendettement le 29 décembre 2015, ce délai, imposé notamment au Crédit Agricole créancier et l'empêchant donc d'agir jusqu'à son expiration, ayant suspendu, en application de l'article 2234 du code civil, la prescription jusqu'à l'achèvement des 18 mois soit le 29 juin 2017.
Il en résulte que, lorsque la Banque a assigné les époux [O] le 12 octobre 2018, il ne s'était pas écoulé plus de deux années depuis le 29 juin 2017 et son action était donc recevable.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable.
Sur le fond
# sur la demande de condamnation de Mme [G] [O] à paiement
C'est à bon droit que la CRCAM Sud Rhône-Alpes oppose aux contestations élevées par Mme [G] [O] la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée de la décision d'admission de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de M. [D] [O], en application des dispositions des articles 1208 et 1351 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 compte-tenu de la date de conclusion du contrat de prêt, chaque codébiteur solidaire devant être considéré comme le représentant nécessaire de ses coobligés, sauf à invoquer un moyen purement personnel ou encore l'existence d'une fraude ce que Mme [G] [O] ne fait pas. En effet, cette dernière se contente de discuter la régularité de l'acte de prêt quant au taux d'intérêts, ainsi que le manquement de la Banque à ses obligations résultant de l'article L. 333-5 du code de la consommation, tous moyens qui sont communs aux coemprunteurs solidaires.
Dès lors et en application du principe qui vient d'être rappelé, il y a lieu de condamner Mme [G] [O] au paiement de la somme totale de 344 505,54 €, montant de la créance de la CRCAM Sud Rhône-Alpes admise au passif de M. [D] [O] comprenant l'indemnité forfaitaire et les intérêts échus, outre intérêts au taux égal à celui du prêt (en application de la clause 3-7 du contrat en cas de défaillance de l'emprunteur avec déchéance du terme) soit 3,65 % à compter du 21 octobre 2009 date de déchéance du terme, sur la somme de 320 111,36 € correspondant au principal tel que résultant du décompte produit arrêté au 8 octobre 2018.
# sur la demande de partage et de licitation
La CRCAM Sud Rhône-Alpes entend exercer l'action que lui ouvre l'article 815-17 dernier alinéa du code civil de provoquer le partage de l'indivision existant entre les époux [O] du chef du bien immobilier financé par le prêt en cause, acquis en indivision avant leur mariage, en se prévalant de la créance qu'elle détient envers Mme [G] [O] et de la carence de la débitrice.
Si les époux [O] développent, dans le corps de leurs conclusions, des moyens relatifs à l'incompétence matérielle du tribunal judiciaire au profit du juge aux affaires familiales en application des dispositions de l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, ils ne reprennent pas, dans le dispositif de leurs écritures, de demande tendant à voir déclarer incompétente la juridiction saisie. Or l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Pour les mêmes motifs que développé ci-dessus ci-dessus s'agissant de la demande en paiement, le délai pour exercer l'action du créancier d'un coindivisaire en partage d'un bien indivis, de cinq ans depuis l'entrée en vigueur de la la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, a été interrompu par les mêmes événements que la demande en paiement en application des mêmes textes et la demande est, de ce fait, recevable.
Enfin, l'article 815-17, qui répond aux conditions de l'action oblique régie par les articles actuels 1341-1 et suivants du code civil, n'exige pas que le créancier qui l'exerce détienne un titre exécutoire, mais que sa créance soit certaine, liquide et exigible ce qui est bien le cas en l'espèce ainsi qu'il a été développé au paragraphe précédent conduisant à condamner Mme [G] [O] à paiement.
En l'espèce, la CRCAM Sud Rhône-Alpes établit, par les éléments de la cause et l'historique qui a été rappelé ci-dessus, que la carence de Mme [G] [O] dans l'exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet ses droits.
En effet, après avoir emprunté une somme de 350 000 € en mai 2006 pour acquérir un bien immobilier remboursable en 240 mensualités, les époux [O] ont cessé tout remboursement après 34 mensualités, laissant un capital restant dû impayé de 320 111,36 €.
Puis, alors que M. [D] [O] se voyait placer en liquidation judiciaire, Mme [G] [O] a saisi la commission de surendettement qui, aux termes de plusieurs contestations, a recommandé le 29 décembre 2015 un moratoire de 18 mois pour permettre à la débitrice de vendre le bien immobilier financé, ce à quoi Mme [G] [O] n'a toutefois pas procédé dans le délai fixé puisqu'à ce jour le bien en cause n'est toujours pas vendu.
Enfin, dans le cadre de la présente instance, ainsi qu'il vient d'être développé aux paragraphes précédents, Mme [G] [O] a tenté vainement de se soustraire à ses obligations en invoquant la prescription de l'action, mais aussi divers moyens de fond qui se heurtent à l'autorité de la chose jugée de la décision du juge-commissaire ayant admis la créance de la Banque au passif de M. [D] [O].
Il en résulte que la CRCAM Sud Rhône-Alpes remplit les conditions prévues par l'article 815-7 du code civil, que sa demande tendant au partage de l'indivision est fondée et qu'il y a lieu d'y faire droit.
Aux termes de l'article 1686 du code civil, 'si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte, la vente s'en fait aux enchères, et le prix est partagé (...)..'. L'article 1688 qui le suit renvoie, pour le mode et les formalités, au titre 'Des successions' du code civil, et au code de procédure.
Il est constant que la masse partageable est, en l'espèce, constituée uniquement du bien immobilier bâti indivis entre les parties, cadastré section AP n° [Cadastre 6] et [Cadastre 7] sur le territoire de la commune de [Localité 10] (Isère).
Il n'est dès lors pas possible de procéder à des lots, aucune des parties ne soutenant que ce bien puisse être aisément partagé.
Au vu des éléments qui viennent d'être développés, seule la licitation du bien peut être ordonnée pour parvenir au partage, et il sera fait droit sur ce point à la demande de la CRCAM Sud Rhône-Alpes.
L'article 1377 du code de procédure civile, qui dispose que 'le tribunal ordonne, dans les conditions qu'il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribué', renvoie en son alinéa 2 aux articles 1271 à 1281 du même code pour les règles de la vente d'immeuble.
Aux termes de l'article 1273 de ce code, le tribunal détermine la mise à prix et les conditions essentielles de la vente, et l'article 1274 dispose qu'il fixe aussi les modalités de la publicité.
Or aucun élément n'est fourni sur la valeur actuelle de l'immeuble et les parties ne se sont pas expliquées sur le montant d'une mise à prix.
Il y a lieu, avant dire droit, de rouvrir les débats en invitant les parties à s'expliquer sur ce seul point, sans qu'il y ait lieu d'avoir recours à une expertise s'agissant d'un seul bien immobilier dont la valeur vénale peut être estimée en fonction d'autres moyens à la portée des parties, valeur à partir de laquelle la mise à prix sera fixée.
Dans l'attente, toutes les demandes subsistantes des parties seront réservées ainsi que les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Statuant de nouveau et y ajoutant :
Déclare recevables les actions de la CRCAM Sud Rhône-Alpes d'une part en paiement contre Mme [G] [O] au titre du prêt immobilier, d'autre part aux fins de voir ordonner la licitation partage du bien immobilier indivis entre les époux [O].
Condamne Mme [G] [B] épouse [O] à payer à la CRCAM Sud Rhône-Alpes la somme de 344 505,54 € outre intérêts au taux annuel de 3,65 % sur la somme de 320 111,36 € à compter du 21 octobre 2009 et jusqu'à complet paiement, en exécution du prêt immobilier contracté selon offre du 28 avril 2006 acceptée le 9 mai 2006 et annexé à l'acte authentique de vente du 6 juillet 2006.
Vu l'article 815-17 du code civil :
Ordonne le partage de l'indivision existant entre les époux [O] sur le bien immobilier situé [Adresse 9], cadastré section AP numéros [Cadastre 6] et [Cadastre 7] pour une contenance de 41 ares et 17 centiares.
Commet le Président de la Chambre départementale des Notaires de l'Isère, qui désignera tout notaire pour procéder aux opérations de partage.
Dit que les opérations de partage se dérouleront sous la surveillance du juge du tribunal judiciaire de Grenoble chargé des opérations de liquidation et de partage.
Ordonne la vente sur licitation de l'immeuble ci-dessus désigné en un lot, sur le cahier des charges et conditions de la vente qui sera déposé par la Selarl Lexavoué Grenoble Chambéry, avocat, à l'audience des criées du tribunal judiciaire de Grenoble.
Dit qu'il sera procédé aux publicités préalables à la vente seront les modalités fixées aux articles R. 322-31 à R. 322-36 du code des procédures civiles d'exécution.
Avant dire droit sur le montant de la mise à prix :
Vu les articles 12 et 16 du code de procédure civile
Prononce la réouverture des débats sur ce seul point, avec révocation de l'ordonnance de clôture.
Invite les parties à s'expliquer sur la valeur vénale actuelle du bien immobilier en fournissant tous justificatifs qu'elles estimeront utiles, ainsi que sur le montant de la mise à prix dans le cadre de la licitation ordonnée.
Dit que la CRCAM Sud Rhône-Alpes devra conclure sur ce point avant le 15 avril 2023.
Dit que les époux [O] devront conclure en réponse avant le 31 mai 2023.
Renvoie l'affaire à l'audience de plaidoiries du :
lundi 19 juin 2023 à 14 heures,
la notification du présent arrêt tenant lieu de convocation.
Réserve, dans l'attente, toutes les demandes subsistantes des parties ainsi que les dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT