N° RG 22/02440 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LNM3 jonction avec le RG 22/2473
C3
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean-Michel COLMANT
la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
la SELARL LEXIMM AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 07 FEVRIER 2023
Appel d'une décision (N° RG 22/00028)
rendue par le Président du Tribunal judiciaire de GAP
en date du 17 mai 2022
suivant déclaration d'appel du 23 Juin 2022
APPELANT et INTIME :
M. [L] [S] entrepreneur individuel exercant sous l'enseigne [S] CHARPENTE
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 3]
représenté et plaidant par Me Jean-Michel COLMANT, avocat au barreau de HAUTES-ALPES
INTIMES et APPELANTS:
Me [R] [C]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 2]
La SARL AFFG NOTAIRES, venant aux droits de la SARLU [R] [C] NOTAIRE ASSOCIÉ prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentés par Me Catherine GOARANT de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT, avocat au barreau de GRENOBLE et plaidant par Me Cyrielle Delbé du même cabinet
INTIMEES:
S.A. ALLIANZ IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE
S.A.S.U. ABELHA IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Gilles RIGOULOT de la SELARL LEXIMM AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 décembre 2022 Mme Clerc président de chambre chargé du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 24 juillet 2019, Me [C], notaire de la SARLU [R] [C] Notaire Associé, a régularisé l'acte de vente par lequel les consorts [F]-[O] ont vendu un bien immobilier sis à [Localité 9] à M. [E] et Mme [U].
Les vendeurs avaient confié à la société Belhal Immobilier un mandat de vente et avaient mandaté la société BCA Environnement pour la réalisaton de diagnostics techniques immobiliers, notamment un diagnostic amiante.
Les acquéreurs ont confié la rénovation de la charpente du bien immobilier à l'EIRL [S] Charpente qui a détecté à cette occasion la présence d'amiante et qui a corrélativement cessé les travaux.
Selon ordonnance de référé du 10 août 2021, les consorts [E]-[U] ont obtenu au contradictoire de la société BCA Environnement et son assureur, la société Allianz IARD, l'organisation d'une expertise judiciaire confiée à M. [Y]
Par acte extrajudiciaire du 28 janvier 2022, la société Allianz Iard a assigné Me [C], la SARLU [R] [C] Notaire Associé, la société Abelha Immobilier, et l'EIRL [S] Charpente devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Gap aux fins de leur rendre opposables les opérations d'expertise.
Par ordonnance de référé du 17 mai 2022, le juge des référés du tribunal précité a':
étendu les opération d'expertise ordonnées par l'ordonnance de référé du 10 août 2021 ayant désigné M. [Y] en qualité d'expert à':
Me [C], la SARLU [R] [C] Notaire Associé,
la société Abelha Immobilier,
l'EIRL [S] Charpente,
dit que la société Allianz IARD communiquera sans délai à l'EIRL [S] Charpente, Me [C], la SARLU [R] [C] Notaire Associé et la société Abelha Immobilier, l'ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l'expert,
dit que l'expert devra convoquer l'EIRL [S] Charpente, Me [C], la SARLU [R] [C] Notaire Associé et la société Abelha Immobilier à la prochaine réunion d'expertise au cours de laquelle ils seront informés des diligences déjà accomplies et invités à formuler toutes observations,
a imparti à l'expert un délai supplémentaire de deux mois pour déposer son rapport, (')
laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens,
dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 23 juin 2022, l'EIRL [S] Charpente a relevé appel (instance RG22/02440)'; par déclaration du 27 juin 2022, Me [C] et sa société notariale ont également relevé appel (instance RG 22/2473).
La jonction de ces deux appels a été prononcée par ordonnance du président de la chambre du 27 septembre 2022, l'instance se poursuivant sous la référence RG 22/02440.
L'affaire a été fixée à bref délai conformément aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.
Dans ses dernières et uniques conclusions déposées le 17 août 2022', l'EIRL [S] Charpente demande à la cour de':
infirmer et réformer intégralement la décision entreprise et notamment,
en ce qu'elle a ordonné une extension d'expertise à son contradictoire donc en fait un complément d'expertise sur des opérations d'expertise déjà achevées et intégralement closes,
en ses dispositions accessoires et subséquentes, quant à la mission de l'expert, délai de consignation et de déroulement de l'extension d'expertise,
statuant à nouveau,
dire qu'il ne peut y avoir lieu et pouvoir, pour le juge des référés, d'ordonner l'extension d'une expertise déjà précédemment close le jour des débats et a fortiori au jour de prononcé de l'ordonnance querellée ,
débouter la compagnie Allianz de sa demande d'extension d'expertise judicaire, notamment à son contradictoire,
condamner la compagnie Allianz à lui payer la somme de 2.000€ à titre d'indemnité de préjudice moral du chef d'abus et déloyauté de procédure et la somme de 2.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile, et en tous les dépens,
dire que les dépens pourront être recouvrés directement par Me Jean-Michel Colmant, sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 21 novembre 2022, Me [C] et la SARL société AFFG Notaires, venant aux droits de la SARLU [R] [C] Notaire Associé, demandent à la cour de':
juger que M. [Y] a procédé au dépôt de son rapport d'expertise judiciaire le 5 février 2022 en indiquant expressément que les appels en cause à l'encontre de Me [C] et la société notariale n'apporteront pas d'éléments supplémentaires à son analyse,
constater que le juge des référés avait été informé de cette situation, sans avoir jugé utile de la prendre en compte aux termes de la décision litigieuse rendue,
juger que la présence aux opérations d'expertise de Me [C] ne présente aucun intérêt sur un plan technique pour permettre à l'expert judiciaire de remplir sa mission,
juger que le résultat des opérations d'expertise ne présente aucun intérêt dans le cadre d'un éventuel procès en responsabilité à l'encontre de Me [C] d'autant que les acquéreurs n'ont jamais jugé utile d'assigner Me [C] dans le cadre de la mesure d'expertise judiciaire sollicitée,
juger qu'il n'appartenait en aucun cas à Me [C] d'exiger l'établissement d'un diagnostic avant travaux lors de la régularisation de l'acte de vente,
juger que si la société BCA Environnement avait correctement réalisé sa mission, la présence d'amiante aurait été révélée dans le rapport de mission de repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante dès lors que ces éléments pouvaient être constatés par un simple examen visuel de la toiture sans travaux destructifs,
juger que le rapport établi par la société BCA Environnement le 19 mars 2019 contenait un avertissement suffisant afin d'alerter les acquéreurs sur la nécessité d'établir un autre diagnostic en cas de réalisation de travaux sur le bien immobilier,
constater que M. [E] et Mme [U] n'ont jamais critiqué l'intervention de Me [C] pour avoir procédé à la régularisation de l'acte de vente,
constater que M. [E] et Mme [U] avaient déjà engagé une procédure judiciaire au fond devant le tribunal judiciaire de Gap à l'encontre de la société BCA Environnement et son assureur, la compagnie Allianz IARD, en vue de faire consacrer leur responsabilité avant même le prononcé de l'ordonnance de référé litigieuse,
juger que la société BCA Environnement et la compagnie Allianz, son assureur, ne peuvent alléguer d'un éventuel manquement du notaire à son obligation de conseil et d'information alors même qu'elles ne sont pas parties à l'acte de vente,
en conséquence, réformer l'ordonnance de référé entreprise en ce qu'elle a':
étendu à Me [C] et la SARLU [R] [C] Notaire Associé les opérations d'expertise ordonnées par l'ordonnance de référé du 10 août 2021 ayant désigné M. [Y] en qualité d'expert,
débouté Me [C] et la société notariale de ses prétentions financières dirigées à l'encontre de la compagnie Allianz IARD,
statuant à nouveau,
débouter la compagnie Allianz IARD de ses prétentions, dès lors qu'il n'est pas justifié d'un intérêt légitime à ce que les opérations d'expertise soient étendues au contradictoire de Me [C] et la société notariale,
condamner la compagnie Allianz IARD à verser à Me [C] et la société [C] Notaire Asssocié une indemnité de 3.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de procédure de première instance, et au titre des frais de procédure en appel (soit deux indemnités de 3.000€ chacune)
condamner la compagnie Allianz IARD aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions déposées le 1er décembre 2022 sur le fondement des articles 145, 282 et 564 du code de procédure civile, la société Abelha Immobilier sollicite que la cour, déclarant recevable et fondé son appel incident à l'encontre de l'ordonnance déférée,
infirme et réforme intégralement l'ordonnance déférée notamment en ce qu'elle a ordonné une extension de la mission de l'expertise à son contradictoire
statuant à nouveau,
déboute la société Allianz IARD de sa demande d'extension de la mission de l'expert judiciaire à son contradictoire,
condamne la société Allianz IARD à lui payer la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de procédure de première instance,
condamne la société Allianz IARD à lui payer la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamne la même aux entiers dépens,
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 13 septembre 2022 sur le fondement des articles 16, 145 et 564 du code de procédure civile, la société Allianz IARD demande à la cour de':
écarter les demandes indemnitaires formulées par l'entreprise [S] Charpente comme irrecevables, pour être présentées pour la première fois en cause d'appel,
débouter l'entreprise [S] Charpente de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à son encontre et contre la société BCA Environnement,
confirmer l'ordonnance entreprise,
ordonner l'extension des opérations d'expertise à Me [R] [C] à l'office notarial « [R] [C] Notaire Associé », à la société Abelha Immobilier et à M. [L] [S], exerçant sous l'enseigne « [S] Charpente »,
ordonner la réouverture des opérations d'expertise confiées à M. [Y], en présence des parties susnommées,
réserver les dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 décembre 2022.
MOTIFS
ll est rappelé que les «'demandes'» tendant à voir «'constater'» ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour , en étant de même des «'demandes'» tendant à voir «'dire et juger'» lorsque celles ci développent en réalité des moyens.
Par ailleurs, la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes
Sur la demande de référé-extension
L'extension des opérations d'expertise à de nouvelles parties ne peut être ordonnée que par le juge des référés et est donc soumise aux conditions prévues par l'article 145 du code de procédure civile ce qui implique qu'un procès au fond ne soit pas en cours concernant le litige à l'occasion duquel est présentée la demande d'extension.
Il apparaît que l'expert judiciaire a d'ores et déjà clôturé ses opérations et a déposé son rapport le 5 février 2022 en exécution de l'ordonnance de référé du 10 août 2021'; il est à relever que dans une réponse au dire n°2 du 13 janvier 2022 de Me [D], conseil de la société Allianz IARD, cet expert a mentionné que l'appel en cause de Me [C] (notaire), de l'agence immobilière (société Abelha Immobilier) et de [S] Charpentier n'apporterait pas d'éléments supplémentaires à son analyse. '
Il est ensuite acquis que Mme [U] et M. [E] ont fait assigner au fond devant le tribunal judiciaire de Gap la société BCA Environnement et son assureur la société Allianz IARD pour l'audience du 18 mai 2022', en fondant leurs demandes notamment sur le rapport d'expertise déposé par M. [Y] le 5 février 2022, sans toutefois mettre en cause Me [C] et sa société notariale ni la société Abelha Immobilier ni l'EIRL [S] Charpente.
De fait, l'instance au fond se poursuit ainsi qu'en atteste l'avis à conclure pour le 21 septembre 2022 délivrée au conseil des demandeurs par le juge de la mise en état le 18 mai 2022.
Il s'évince de ces constatations et considérations que si Me [C] et sa société notariale, la société Abelha Immobilier et l'EIRL [S] Charpente (parties à l'égard desquelles il est demandé d'extension de l'expertise) n'ont pas été mis en cause devant le juge du fond, et que dès lors aucun procès au fond n'est en cours à leur encontre, circonstance de nature à justifier la compétence du juge des référés et à sa suite celle de la cour, il n'en demeure pas moins que la demande de la société Allianz IARD ne peut pas être accueillie, en ce qu'elle tend à obtenir l'extension à de nouvelles parties d'une expertise d'ores et déjà terminée, le dépôt du rapport d'expertise ayant entraîné le dessaississement de l'expert judiciaire, dont il est avéré que celui-ci avait dit inutile l'appel en cause de ces parties, comme n'étant pas de nature à modifier ses analyses (mettant en cause la seule société BCA Environnement).
Dès lors, sans plus ample discussion, la demande d'extension des opérations d'expertise qui doit être appréciée au jour où le juge statue, ne répond pas au motif légitime exigé par l'article 145 du code de procédure civile.
L'ordonnance déférée est en conséquence infirmée, et dès lors que la demande de référé- extension ne satisfait pas aux conditions du texte précité, il y a lieu de dire n'y avoir lieu à référé sur cette demande.
Sur la demande de dommages et intérêts
La demande de dommages-intérêts formée par l'EIRL [S] Charpente au titre d'un préjudice moral corrélé au visa prétendu d'un abus de procédure de la part la société Allianz IARD , qui est recevable en tant que n'étant pas une demande nouvelle, doit être rejetée, l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne constituant pas en soi une faute caractérisant un'abus'du droit d'agir'en justice, l'intimée ne démontrant pas en avoir subi un préjudice spécifique, y compris de nature morale.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie succombante, la société Allianz Iard est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et conserve la charge de ses frais irrépétibles'; elle est condamnée à verser une indemnité de procédure pour la cause d'appel aux autres parties.
L'ordonnance déférée est toutefois confirmée sur le rejet de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme l'ordonnance déférée sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Allianz IARD aux fins d'extension de l'expertise judiciaire à Me [C], la SARLU [R] [C] Notaire Associé (aux droits de laquelle se trouve la SARL société AFFG Notaires), la société Abelha Immobilier, et l'EIRL [S] Charpente,
Déboute l'EIRL [S] Charpente de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne la société Allianz IARD à verser à titre d'indemnité de procédure d'appel':
la somme de 3.000€ à Me [C] et la SARL société AFFG Notaires, venant aux droits de la SARLU [R] [C] Notaire Associé, unis d'intérêt,
la somme de 3.000€ à la société Abelha Immobilier,
la somme de 2.000€ à l'EIRL [S] Charpente,
Déboute la société Allianz IARD de sa demande présentée en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Allianz IARD aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Me Jean-Michel Colmant qui en a fait la demande.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT