La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2023 | FRANCE | N°21/04700

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 26 janvier 2023, 21/04700


N° RG 21/04700 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LDMU



C8





Minute :









































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SCP ALPAZUR AVOCATS



la SCP TGA-AVOCATS



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOB

LE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 26 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 2020J00001)

rendue par le Tribunal de Commerce de GAP

en date du 01 octobre 2021

suivant déclaration d'appel du 05 novembre 2021



APPELANT :



M. [D] [N] [C]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]



représenté p...

N° RG 21/04700 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LDMU

C8

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SCP ALPAZUR AVOCATS

la SCP TGA-AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 26 JANVIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 2020J00001)

rendue par le Tribunal de Commerce de GAP

en date du 01 octobre 2021

suivant déclaration d'appel du 05 novembre 2021

APPELANT :

M. [D] [N] [C]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Jean-Pierre AOUDIANI de la SCP ALPAZUR AVOCATS, avocat au barreau des HAUTES-ALPES substitué et plaidant par Me BORNICAT, avocat au barreau des HAUTES-ALPES

INTIMÉE :

S.A. LYONNAISE DE BANQUE banque régie par les articles L.511-1 et suivants du code monétaire et financier, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée et plaidant par Me Ludovic TOMASI de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau des HAUTES-ALPES

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 novembre 2022, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assistée de Alice RICHET, Greffière et en présence de [R] [U], Greffière stagiaire, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour, après prorogation du délibéré.

Exposé du litige

La Sas JMF Gap, présidée par Monsieur [D] [C], a ouvert le 2 octobre 2015 un compte courant auprès de la société CIC Lyonnaise de Banque.

Par acte sous seing privé du 27 novembre 2015, la société CIC Lyonnaise de Banque a consenti à la Sas JMF Gap un prêt professionnel d'un montant de 100.000 euros au taux de 2,40% remboursable en 84 mois.

Par le même acte, Monsieur [D] [C] s'est porté caution de la Sas JMF Gap dans la limite de 50.000 euros des sommes dues au titre du prêt.

Par acte sous seing privé du 18 avril 2016, Monsieur [D] [C] s'est porté caution de la Sas JMF Gap dans la limite de 24.000 euros des sommes dues au titre de tous engagements.

Par jugement du 10 novembre 2016, le tribunal de commerce de Gap a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sas JMF Gap.

La société CIC Lyonnaise de Banque a déclaré ses créances au titre du compte courant à la somme de 17.480,58 euros à titre chirographaire et au titre du prêt à la somme de 99.005,82 euros à titre privilégié. Ces créances ont été admises au passif selon avis du 21 novembre 2017.

Par jugement du 14 décembre 2017, le tribunal de commerce de Gap a arrêté le plan de redressement de la Sas JMF Gap.

La Sarl MGM Cuisines, gérée par Monsieur [D] [C], a ouvert auprès de la société CIC Lyonnaise de Banque un compte courant en date du 19 mars 2015.

Par acte du 20 septembre 2016, Monsieur [D] [C] s'est porté caution de la Sarl MGM Cuisines dans la limite de 30.000 euros en garantie de tous engagements de la société.

Par jugement du 26 juillet 2019, le tribunal de commerce de Gap a ouvert le redressement judiciaire de la Sarl MGM Cuisines qui a été converti en liquidation judiciaire le 14 février 2020.

La société CIC Lyonnaise de Banque a déclaré le 21 août 2019 sa créance au titre du compte courant pour un montant de 38.460,40 euros à titre chirographaire.

Par assignations délivrées les 19 décembre 2019 et 8 juin 2020, la société CIC Lyonnaise de Banque a assigné Monsieur [D] [C] en paiement au titre de ses engagements de caution de la Sas JMF Gap et de la Sarl MGM Cuisines.

Par jugement du 1er octobre 2021, le tribunal de commerce de Gap a :

-déclaré recevable et bien fondé la société CIC Lyonnaise de Banque en ses demandes,

S'agissant des créances contre la société JMF Gap :

- jugé que la société CIC Lyonnaise de Banque est fondée à obtenir un titre exécutoire contre Monsieur [D] [C], compte tenu de l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire sur ses biens, pour la totalité des sommes dues au titre du prêt dans la limite de l'engagement de caution,

- condamné Monsieur [D] [C] à payer à la société CIC Lyonnaise de Banque, en vertu de ses engagements de caution des sommes dues par la société JMF Gap, la somme de 64.231,70 euros en principal au 15 octobre 2019, outre intérêts postérieurs se décomposant comme suit :

* sur la somme de 47.100,73 € au taux conventionnel de 2,40 %, au titre du contrat de prêt,

* sur la somme de 17.130,97 € au taux légal, au titre de la convention de compte courant,

- jugé que Monsieur [D] [C] est tenu :

* à la partie de créance admise à titre pur et simple, soit 112,40 €,

* à la partie devenue exigible de la créance à échoir, soit 34.028,73 € au jour des présentes conclusions, outre mémoire au titre des échéances qui deviendront exigibles jusqu'au jour du jugement à intervenir,

- jugé que la société CIC Lyonnaise de Banque pourra reprendre l'exécution forcée de la condamnation qui sera prononcée contre Monsieur [D] [C] pour le tout, en cas de non-respect du plan de redressement par la société JMF Gap,

S'agissant des créances contre la société MGM Cuisines,

- condamné Monsieur [D] [C] à payer à la société CIC Lyonnaise de Banque en vertu de ses engagements de caution des sommes dues par la société MGM Cuisines la somme de 30.000 euros conformément à son engagement de cautionnement, outre intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 20 février 2020,

En toutes mesures,

- débouté Monsieur [D] [C] de l'ensemble de ses demandes,

- ordonné la capitalisation des sommes dues pour une année entière à compter de la date de l'assignation,

- condamné Monsieur [D] [C] à payer à la société CIC Lyonnaise de Banque la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [D] [C] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 5 novembre 2021, Monsieur [D] [C] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions qu'il a énoncées dans son acte d'appel.

Prétentions et moyens de Monsieur [D] [C]

Dans ses conclusions remises le 21 juin 2022, il demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire que la banque ne peut se prévaloir des engagements de caution, à raison de leur disproportion, par application des dispositions de l'article l332-1 du code de la consommation,

- dire à tout le moins que la banque a systématiquement failli à ses obligations au titre de son devoir de conseil,

- débouter en conséquence la société CIC Lyonnaise de Banque de l'ensemble de ses demandes en principal, intérêts, frais et accessoires,

Subsidiairement,

- dire que les sommes dont la banque demande paiement ne sont pas exigibles à l'égard du débiteur principal,

- dire que la banque n'a pas respecté les dispositions de l'article L341-1 du code de la consommation,

- dire en conséquence que la société CIC Lyonnaise de Banque est infondée à réclamer le paiement d'une quelconque indemnité ou pénalité de retard et des intérêts de retard,

- débouter en l'état de ses demandes dirigées à l'encontre de Monsieur [D] [C] sauf à produire des décomptes expurgés desdites pénalités, indemnités et intérêts,

- dire que la société CIC Lyonnaise de Banque n'a pas respecté, au titre des engagements de caution envers la société JMF Gap les dispositions de l'article L313-22 du code monétaire et financier relativement à l'information annuelle de la caution,

- dire en conséquence que la banque ne peut réclamer le paiement d'un quelconque intérêt contractuel au titre des deux engagements de caution concernés,

- dire plus subsidiairement que la banque doit être déchue du droit aux intérêts contractuels eu égard au caractère erroné du TEG mentionné au prêt professionnel,

- débouter en l'état la société CIC Lyonnaise de Banque de ses demandes en condamnation dirigées à l'encontre de Monsieur [D] [C] s'agissant des engagements de caution au titre du prêt JMF Gap du 27 novembre 2015 et au titre de la caution solidaire de tout engagement JMF Gap du 16 avril 2016,

- enjoindre subsidiairement la société CIC Lyonnaise de Banque à produire aux débats des décomptes historiques expurgés de tout intérêt contractuel,

A titre infiniment subsidiaire,

- octroyer des délais de paiement jusqu'à concurrence de 24 mois au bénéfice de Monsieur [D] [C],

En toute hypothèse,

- condamner la société CIC Lyonnaise de Banque au paiement de la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur la disproportion, il expose qu'avant la conclusion du contrat de cautionnement, le prêteur a l'obligation de demander à la caution des renseignements complets sur sa situation financière et patrimoniale, ceux-ci devant être réclamés à l'occasion de chaque nouveau cautionnement sollicité; qu'en l'absence de production de fiche de renseignements au moment de la souscription des actes de cautionnement litigieux, le cautionnement doit être considéré comme disproportionné ; qu'en l'espèce, sur les seules fiches patrimoniales versées, l'une précède de plus d'un an le premier engagement de caution et l'autre est postérieure aux trois engagements de caution; que le tribunal a cru pouvoir examiner les fiches patrimoniales malgré leur caractère non probant, d'autant que la fiche de 2014 est succinte, a été remplie par la banque et ne permet pas de vérifier la proportionnalité des engagements ; que la banque ne peut se prévaloir des engagements de caution souscrits.

Il relève qu'en l'état du caractère incomplet et non concomitant aux engagements de caution des fiches patrimoniales, la caution peut prouver ultérieurement la disproportion de son engagement par tous moyens et qu'il doit être tenu compte de l'endettement global de la caution.

S'agissant de son engagement de caution en date du 27 novembre 2015, il fait valoir qu'il était lié par un pacte civil de solidarité sous le régime de la séparation des biens, qu'il ne pouvait être pris en compte le patrimoine et les ressources de sa compagne, que n'étant propriétaire indivis que de la moitié de sa résidence, sa part doit être évaluée à 167.500 euros, que de même, propriétaire indivis d'une maison reçue par succession, sa part est de 100.000 euros, que son patrimoine pouvait être estimé à 347.500 euros en tenant compte d'un terrain d'une valeur de 80.000 euros dont il est propriétaire, que ce patrimoine était grevé de prêts immobiliers pour un montant de 337.500 euros, qu'il avait en outre déjà conclu 4 engagements de caution à hauteur de 538.125 euros, qu'il a été aussi appelé au titre d'un engagement de caution souscrit le 31 octobre 2014 à concurrence de 153.600 euros en garantie d'un prêt consenti par la société CIC Lyonnaise de Banque ce que cette banque ne pouvait ignorer, que son endettement personnel s'élevait à 1.029.225 euros, qu'en l'état de son endettement et d'un disponible mensuel inexistant, ses charges étant plus importantes que ses ressources, son engagement était manifestement disproportionné.

Il souligne que son engagement du 16 avril 2016 est tout aussi disproportionné au regard des éléments précédents auxquels s'ajoute l'engagement du 27 novembre 2015, qu'il en est de même de l'engagement du 20 septembre 2016.

Sur l'état de son patrimoine au moment des poursuites, il rappelle que c'est à la banque de rapporter la preuve que son patrimoine lui permet de faire face à ses engagements au moment où il est appelé ce qu'elle ne fait pas, qu'au vu des pièces qu'il verse au dossier sa situation ne lui permet pas de faire face à ses engagements, que la banque ne peut donc se prévaloir des engagements de caution.

Sur les manquements de la banque au titre de son devoir de conseil, il indique que contrairement à ce que prétend l'intimée, il a soulevé ce moyen en première instance, que son action n'est pas prescrite puisqu'il la développe par voie de défense au fond, que de toute façon la prescription ne court qu'à compter de l'exigibilité des sommes à laquelle l'emprunteur ne peut faire face, qu'il ne peut être considéré comme une caution avertie, que la banque n'a pas satisfait à son obligation de mise en garde.

Il ajoute qu'il n'a pas été informé sur le mécanisme de la contre-garantie souscrite auprès de la société Bpifrance, que la limite de ses engagements à raison des autres garantie souscrites était une condition déterminante de son consentement d'autant qu'il n'a pas renoncé au bénéfice de discussion, que son engagement de caution doit être annulé dès lors que son engagement a été vicié.

Sur le quantum, il fait remarquer que la déchéance du terme n'a pas été prononcée avant le jugement d'ouverture, que le plan de redressement arrêté suivant jugement du 14 décembre 2017 est toujours en cours, que la banque n'a pas notifié la déchéance du terme au débiteur principal, que le décompte de la banque intègre à tort une partie à échoir et se trouve erroné sur le calcul des intérêts, que la banque doit produire un nouveau décompte.

Il indique aussi que la banque n'a pas respecté son obligation de l'informer de la défaillance du débiteur dès le premier incident de paiement et n'a pas respecté son obligation d'information annuelle de sorte qu'il n'est pas tenu des pénalités et des intérêts de retard et que la banque est déchue des intérêts contractuels.

Il fait enfin observer que la banque ne justifie pas du caractère exact du TEG faute d'indiquer les éléments pris en compte pour le calcul de ce taux.

Prétentions et moyens de la société CIC Lyonnaise de Banque

Dans ses conclusions remises le 21 mars 2022, elle demande à la cour de:

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Gap du 1er octobre 2021, en toutes ses dispositions, sauf sur le quantum des sommes dues par Monsieur [D] [C] au titre du prêt souscrit par la société JMF Gap,

En conséquence,

S'agissant des créances contre la société JMF GAP :

A titre principal :

- juger que la société CIC Lyonnaise de Banque est fondée à obtenir un titre exécutoire contre Monsieur [D] [C], compte tenu de l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire sur ses biens, pour la totalité des sommes dues au titre du prêt dans la limite de l'engagement de caution,

- juger que les créances de la banque ont été rendues immédiatement exigibles par application du contrat de prêt, compte tenu du retard de plus de trente jours dans le paiement des échéances du prêt,

- condamner Monsieur [D] [C] à payer à la société CIC Lyonnaise de Banque en vertu de ses engagements de caution des sommes dues par la société JMF GAP ' la somme de 64.231,70 euros en principal au 15 octobre 2019, outre intérêts postérieurs se décomposant comme suit, sur la somme de 47.100,73 euros au taux conventionnel de 2,40 %, au titre du contrat de prêt et sur la somme de 17.130,97 euros au taux légal, au titre de la convention de compte courant,

- ordonner la capitalisation de tous les intérêts dus pour une année entière,

A titre subsidiaire, s'agissant du prêt :

- juger que Monsieur [D] [C] est tenu à la partie de la créance admise à titre pur et simple, soit 112,40 euros et à la portion devenue exigible de la créance à échoir, soit 43.369,95 euros au jour des présentes conclusions, outre mémoire au titre des échéances qui deviendront exigibles jusqu'au jour du jugement à intervenir,

- ordonner la capitalisation de tous les intérêts dus pour une année entière,

- juger que la société CIC Lyonnaise de Banque pourra reprendre l'exécution forcée de la condamnation qui sera prononcée contre Monsieur [D] [C] pour le tout, en cas de non-respect du plan de redressement par la société JMF Gap,

S'agissant des créances contre la société MGM CUISINES :

- condamner Monsieur [D] [C] à payer à la société CIC Lyonnaise de Banque en vertu de ses engagements de caution des sommes dues par la société MGM Cuisines la somme de 30.000 euros conformément à son engagement de cautionnement, outre intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 20 février 2020,

- ordonner la capitalisation de tous les intérêts dus pour une année entière.

En toutes mesures, et y ajoutant :

- condamner Monsieur [D] [C] à payer à la société CIC Lyonnaise de Banque la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

- condamner Monsieur [D] [C] à payer à la société CIC Lyonnaise de Banque la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner Monsieur [D] [C] à payer à la société CIC Lyonnaise de Banque aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur la disproportion des engagements alléguée par l'appelant, elle fait valoir que la caution est tenue à un devoir de collaboration à l'égard de la banque, que celle-ci n'a pas à vérifier l'exactitude des déclarations de la caution, qu'elle n'a pas à supporter les conséquences de fausses déclarations de la caution, que dans les fiches de renseignements Monsieur [D] [C] n'a pas mentionné les deux engagements souscrits auprès de la Banque

Populaire des Alpes le 5 décembre 2014 à hauteur de 60.000 euros et de la société CGL le 8 septembre 2015 à hauteur de 111.125 euros, qu'il ne peut en conséquence s'en prévaloir, que de même il ne peut modifier la valeur des biens qu'il a déclarée dans les fiches de renseignements, que la disproportion doit s'apprécier au regard des éléments contenus dans les fiches de renseignements, à l'exclusion de tous éléments communiqués par Monsieur [D] [C] uniquement pour les besoins de la cause, qu'au vu de ces fiches, aucune disproportion n'est caractérisée.

Elle ajoute que dès lors que l'engagement de Monsieur [D] [C] était proportionné au jour de sa conclusion, sa capacité à faire face à son obligation au moment où il est appelé n'a pas lieu d'être établie, qu'au demeurant il dispose toujours de revenus et d'un patrimoine immobilier de 650.000 euros et d'un patrimoine financier de 126.265 euros.

Sur l'obligation de mise en garde, elle soulève la prescription de l'action en responsabilité en relevant qu'alors que le délai court à compter des engagements de caution tous antérieurs au 7 février 2017, la demande n'a été formée que par conclusions d'appelant du 7 février 2022. Subsidiairement, elle indique que Monsieur [D] [C] ne démontre pas qu'il est une caution profane, qu'en tout état de cause au regard des mandats qu'il détient dans de nombreuses sociétés dont une holding, il a acquis des compétences en matière de gestion et d'affaires, que le cautionnement n'était pas inadapté à sa situation, que le prêt a été souscrit par la société JMF Gap à une époque où elle ne rencontrait pas de difficultés.

Elle considère avoir rempli son obligation au titre de la défaillance ayant dans le mois avisé la caution des procédures collectives concernant le débiteur et son obligation d'information annuelle par l'envoi de lettre annuelle.

Sur la garantie Bpifrance, elle indique que la jurisprudence n'impose nullement à la banque d'informer la caution quant au fait que cette garantie serait une garantie de dernier rang dès lors que la caution a renoncé aux bénéfices de discussion et de division, que le contrat de prêt comprenant l'engagement de caution prévoit que celle-ci ne pourra se prévaloir de la garantie Bpifrance pour s'opposer à la mise en jeu de son engagement, qu'en outre la caution a expressément renoncé aux bénéfices de discussion et de division contrairement à ce que Monsieur [D] [C] soutient, étant précisé qu'il n'est pas imposé par le code de la consommation que la renonciation au bénéfice de division soit reprise de façon manuscrite, qu'en tout état de cause le cautionnement de Monsieur [D] [C] est intrinsèquement divisé puisqu'il est limité à 50 % du solde dû, à l'instar de la garantie Bpifrance.

Sur l'exigibilité des créances, la banque fait valoir que l'exigibilité immédiate est acquise en cas de retard de plus de 30 jours dans le paiement d'une échéance sans formalité, ni mise en demeure, que l'absence de courrier de déchéance du terme n'empêche pas l'exigibilité immédiate de l'intégralité des sommes dues. Elle ajoute qu'ayant fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens de Monsieur [D] [C], elle avait l'obligation d'engager la présente procédure dans un délai d'un mois et se trouve fondée à obtenir un titre exécutoire contre la caution au titre de toutes les sommes dues au titre du prêt qu'elles soient échues ou à échoir.

Sur la demande formée au titre du Teg, elle souligne que la créance ayant été admise, la caution ne peut plus en contester le principe, ni le montant; que seul le taux doit être fixé par écrit et non toutes ses composantes ; que la preuve d'une erreur du Teg incombe à celui qui s'en prévaut.

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction est intervenue le 13 octobre 2022.

Motifs de la décision

Aux termes de l'article L 341-4 devenu L 332-1 et L 343-4 du code de la consommation applicable au présent litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à cette obligation.

Il incombe à la caution de prouver le caractère disproportionné de son engagement. La disproportion manifeste de l'engagement de la caution s'apprécie par rapport aux revenus et aux biens de celle-ci.

Contrairement à ce que soutient Monsieur [D] [C], la banque n'a pas l'obligation d'établir une fiche de renseignements avant la conclusion du contrat de cautionnement. En conséquence, celui-ci ne peut tirer de la seule absence de production par la banque d'une fiche de renseignements au moment de la conclusion de l'engagement l'existence d'une disproportion manifeste du cautionnement. Il lui incombe de la démontrer.

La fiche de renseignements versée aux débats par la société CIC Lyonnaise de Banque est datée du 20 octobre 2014, soit plus d'un an avant l'engagement de caution du 27 novembre 2015, 18 mois avant l'engagement de caution du 18 avril 2016 et 23 mois avant l'engagement de caution du 20 septembre 2016.

Si la caution ne peut prétendre a postériori que sa situation était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée dans la fiche de renseignements, c'est à la condition que cette fiche ne soit pas trop ancienne, d'autant plus si la situation de la caution a évolué depuis cette fiche. Or, en l'espèce, Monsieur [D] [C] justifie notamment d'engagements de caution souscrits le 5 décembre 2014 au profit de la Banque Populaire des Alpes à hauteur de 60.000 euros et d'un engagement de caution souscrit le 8 septembre 2015 au profit de la Compagnie Générale de Location à hauteur de 111.125 euros.

En l'absence de fiche de renseignement remplie au moment des différents engagements, la banque ne peut reprocher à Monsieur [D] [C] d'avoir dissimulé sa situation. L'ensemble de ses biens et revenus réels doivent donc être pris en compte pour apprécier l'existence d'une éventuelle disproportion manifeste dudit engagement.

Les éléments contenus dans la fiche patrimoniale remplie le 30 juin 2017, soit bien postérieurement aux engagements de caution, ne peuvent pas plus être pris en considération, l'appréciation de la disproportion s'effectuant au moment de la conclusion de l'engagement.

Sur la disproportion manifeste de l'engagement du 27 novembre 2015

A la date du 27 novembre 2015, Monsieur [D] [C] justifie être propriétaire indivis à hauteur de 50% d'une maison d'habitation d'une valeur de 335.000 euros et grevée de 2 emprunts dont le capital restant dû à la date du 27 novembre 2015 est de 267.260 euros soit une valeur nette de 67.740 euros dont 33.870 euros revenant à Monsieur [D] [C]. Il justifie être aussi propriétaire indivis à hauteur de 50 % d'une maison de village d'une valeur de 200.000 euros, soit 100.000 euros lui revenant, ainsi que d'un terrain d'une valeur de 80.000 euros. Son patrimoine immobilier était donc d'une valeur nette de 213.870 euros (33.870 + 100.000 + 80.000). Au vu de l'avis d'imposition, ses revenus annuels y compris fonciers s'élevaient à 36.870 euros.

Comme relevé par Monsieur [D] [C], l'appréciation de la disproportion tient compte de l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'autres engagements de caution pris antérieurement.

En l'espèce, au vu des pièces versées, à la date du 27 novembre 2015, Monsieur [D] [C] s'était déjà porté caution le 5 décembre 2014 au profit de la Banque Populaire des Alpes à hauteur de 60.000 euros et de 208.000 euros, le 1er juillet 2015 au profit de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à hauteur de 159.000 euros et le 8 septembre 2015 au profit de la Compagnie Générale de Location à hauteur de 111.125 euros, soit un total d'engagements de 538.125 euros.

Ses biens et revenus étaient donc déjà totalement absorbés par ses engagements de caution préalables lorsqu'il a souscrit l'engagement du 27 novembre 2015 à hauteur de 50.000 euros.

Cet engagement est donc manifestement disproportionné aux biens et revenus de Monsieur [D] [C].

Sur la disproportion manifeste de l'engagement du 18 avril 2016

A la date du 18 avril 2016, compte tenu d'un capital restant dû sur les prêts grevant la maison d'habitation, la valeur nette du patrimoine immobilier de Monsieur [D] [C] s'élevait à 215.647 euros. Au vu de l'avis d'imposition, ses revenus annuels y compris fonciers s'élevaient à 43.084 euros.

Il était toujours tenu au titre des engagements de caution énoncés plus avant, outre celui de 50.000 euros résultant de l'acte du 27 novembre 2015.

L'engagement du 18 avril 2016 à hauteur de 24.000 euros est donc manifestement disproportionné aux biens et revenus de Monsieur [D] [C] eu égard à ses engagements pré-existants.

Sur la disproportion de l'engagement du 20 septembre 2016

A la date du 20 septembre 2016, compte tenu d'un capital restant dû sur les prêts grevant la maison d'habitation, la valeur nette du patrimoine immobilier de Monsieur [D] [C] s'élevait à 217.149 euros. Au vu de l'avis d'imposition, ses revenus annuels y compris fonciers s'élevaient à 43.084 euros.

Il était toujours tenu au titre des engagements de caution énoncés plus avant, outre celui de 24.000 euros résultant de l'acte du 18 avril 2016.

L'engagement du 20 septembre 2016 à hauteur de 30.000 euros est donc manifestement disproportionné aux biens et revenus de Monsieur [D] [C] eu égard à ses engagements pré-existants.

Sur la capacité de Monsieur [D] [C] à faire face à ses engagements au moment où il est appelé

Il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

La société CIC Lyonnaise de Banque ne peut donc reprocher à Monsieur [D] [C] d'avoir transmis des documents incomplets sur sa situation financière dès lors qu'il lui appartient de prouver que la situation de la caution lui permet de faire face à ses engagement au jour où elle est appelée, étant précisé que les assignations ont été délivrées les 19 décembre 2019 et 8 juin 2020.

En tout état de cause, Monsieur [D] [C] justifie avoir perçu des revenus annuels y compris fonciers de 38.552 euros en 2019 et de 28.609 euros en 2020.

Si compte tenu de la baisse du capital restant dû sur les prêts grevant la maison d'habitation, la valeur nette du patrimoine immobilier est de 232.000 euros, il n'est pas établi que Monsieur [D] [C] soit libéré des engagements de caution énumérés précédemment.

En conséquence, il n'est pas rapporté la preuve que Monsieur [D] [C] pouvait faire face à ses engagements au moment où il a été appelé.

En conséquence, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la banque ne peut se prévaloir des engagements de cautions souscrits par Monsieur [D] [C].

Elle sera en conséquence déboutée de ses demandes en paiement.

La société CIC Lyonnaise de Banque qui succombe à l'instance sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer la somme de 2.500 euros à Monsieur [D] [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la première instance que de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Gap en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la société CIC Lyonnaise de Banque ne peut se prévaloir des engagements de caution du 27 novembre 2015, 18 avril 2016 et 20 septembre 2016.

Déboute la société CIC Lyonnaise de Banque de ses demandes en paiement.

Condamne la société CIC Lyonnaise de Banque aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Condamne la société CIC Lyonnaise de Banque à payer à Monsieur [D] [C] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la première instance que de la procédure d'appel.

Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/04700
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;21.04700 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award