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24/01/2023 | FRANCE | N°20/01555

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 24 janvier 2023, 20/01555


N° RG 20/01555 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KNPI

C4

N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



la SELARL BSV



Me Caroline PARAYRE



la SELARL FAYOL ET ASSOCIES



AU NOM DU PE

UPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 24 JANVIER 2023





Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/01524)

rendu par le Tribunal judiciaire de VALENCE

en date du 12 mars 2020

suivant déclaration d'appel du 15 mai 2020





APPELANTE:



La commune [Localité 25] agissant poursuites et diligences de son maire en exercice

[Adresse 34]

[L...

N° RG 20/01555 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KNPI

C4

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL BSV

Me Caroline PARAYRE

la SELARL FAYOL ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 24 JANVIER 2023

Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/01524)

rendu par le Tribunal judiciaire de VALENCE

en date du 12 mars 2020

suivant déclaration d'appel du 15 mai 2020

APPELANTE:

La commune [Localité 25] agissant poursuites et diligences de son maire en exercice

[Adresse 34]

[Localité 25]

représentée par Me Elodie BORONAD de la SELARL FAYOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉS :

M. [I] [B]

né le 24 Octobre 1953 à [Localité 40]

de nationalité Française

[Adresse 33]

[Localité 29]

Mme [K] [E] épouse [B]

née le 18 Octobre 1957 à [Localité 25]

de nationalité Française

[Adresse 33]

[Localité 29]

représentés par Me Caroline PARAYRE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTERVENANTS VOLONTAIRES

M. [F] [R] [Z] [J]

né le 19 Mai 1949 à [Localité 37]

de nationalité Française

[Adresse 30]

[Localité 32]

M. [S] [G]-[J]

né le 21 Février 1966 à [Localité 39] (POLOGNE)

de nationalité Française

[Adresse 19]

[Localité 32]

M. [D] [U] [G]-[J]

né le 19 Janvier 1986 à [Localité 38]

de nationalité Française

[Adresse 31]

[Localité 32]

représentés par Me Laure BELLIN de la SELARL BSV, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Bruno WECXSTEEN, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ   

Mme Joëlle Blatry, conseiller faisant fonction de président de chambre

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

M. Laurent Desgouis, vice président placé

Assistés lors des débats de Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 décembre 2022, Monsieur [T] a été entendu en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

*****

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [K] [E], épouse [B], est propriétaire sur la commune de [Localité 25] d'une parcelle de terrain, cadastrée section E, n°[Cadastre 9], lieudit « [Adresse 36] ».

M. [I] [B] est propriétaire des parcelles cadastrées section E, n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2].

Propriétaire de parcelles voisines de celle de Mme [K] [E], M. [F] [J] a implanté une barrière cadenassée sur la portion de chemin dite « [Adresse 35] », située entre le chemin rural n°11 et le chemin rural n°12, en vue d'empêcher le passage sur la parcelle cadastrée E n°[Cadastre 13].

Le 21 septembre 2010, Mme [K] [E] s'est vue refuser la délivrance d'un permis de construire sur la parcelle de terre cadastrée E n°[Cadastre 9].

Par jugement du 29 janvier 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le recours formé par cette dernière contre l'arrêté municipal considérant notamment :

Qu'elle ne justifiait pas que le terrain d'assiette du projet bénéficiait d'un accès ouvert sur la voie publique ;

Que le projet de construction se situait dans un secteur très boisé soumis à des risques d'incendie ; qu'il n'y avait pas de poteau incendie à moins de 150 mètres du projet de construction, que le terrain n'était accessible aux engins de secours que par un chemin fermé et cadenassé.

Le 15 décembre 2010, Mme [K] [E] s'est, en outre, vue refuser par la Préfecture de la Drôme l'autorisation de défricher sa parcelle aux motifs notamment que l'unique accès se faisait par un chemin privé fermé par une chaîne et un cadenas, ce qui ne permettait pas l'accès en tout temps des engins du SDIS.

Suivant exploit délivré le 18 mai 2018, Mme [K] [E] et M. [I] [B] ont fait assigner la commune de [Localité 25] devant le tribunal de grande instance de Valence, devenu tribunal judiciaire, qui, par jugement contradictoire rendu le 12 mars 2020, notamment :

A déclaré la commune de [Localité 25] irrecevable à soulever l'incompétence matérielle du tribunal judiciaire et la nullité de l'exploit introductif d'instance ;

S'est déclaré d'office incompétent matériellement au profit de la juridiction administrative pour connaître de la demande d'enjoindre à la commune de [Localité 25] de prendre les actes nécessaires pour constater la propriété du chemin par la commune et faire enlever la barrière apposée sur le chemin par un riverain ;

A renvoyé Mme [K] [E] et M. [I] [B] à mieux se pourvoir ;

Déclaré irrecevables et écarté des débats les pièces n°10, 11, 13, 14, 15, 18, 19 et 20 des demandeurs ;

Dit que la portion de chemin appelée [Adresse 35] entre le chemin rural n°11 et le chemin rural n°12 sur la commune de [Localité 25] fait partie intégrante du chemin rural n°11 ;

Dit que la portion de chemin appelée [Adresse 35] entre le chemin rural n°11 et le chemin rural n°12 appartient donc au domaine privé de la commune de [Localité 25] ;

Condamné la commune de [Localité 25] à verser à Mme [K] [E] et M. [I] [B] une indemnité de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté toute prétention plus ample ou contraire des parties ;

- Condamné la commune de [Localité 25] aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 15 mai 2020, la commune de [Localité 25] a relevé appel du jugement rendu le 12 mars 2020.

MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J] sont intervenus volontairement à la procédure d'appel suivant conclusions notifiées par voie électroniques le 22 novembre 2021.

Par ordonnance jurictionnelle du 5 avril 2022, la conseillère de la mise en état de la 1ère chambre civile de la cour d'appel de Grenoble a:

Déclaré M. [I] [B] et Mme [K] [E] recevables en leur demande relative à la nature du chemin de [Adresse 35] ;

Condamné MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J] à payer à M. [I] [B] et Mme [K] [E] la somme de 800€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens de la procédure en incident.

Sur déféré de MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J], la cour a, suivant arrêt du 15 novembre 2022 :

Déclaré recevable l'action introduite par MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J], en application des dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile ;

Confirmé l'ordonnance rendue le 5 avril 2022 par la conseillère de la mise en état de la 1ère chambre civile de la cour d'appel de Grenoble en ce qu'elle a déclaré Mme [K] [E] et M. [I] [B] recevables en leur demande sur la nature du chemin dit « [Adresse 35] » ;

Débouté Mme [K] [E] et M. [I] [B] de leur demande tendant à la condamnation de MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J] à amende civile ;

Condamné MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J] à verser à Mme [K] [E] et M. [I] [B] la somme de 2.000€ au fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J] aux dépens.

Dans ses dernières écritures, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, notifiées par voie électronique le 11 août 2020, la commune de [Localité 25] demande à voir infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

Dit que la portion de chemin appelée [Adresse 35] entre le chemin rural n°11 et le chemin rural n°12 sur la commune de [Localité 25] fait partie intégrante du chemin rural n°11 ;

Dit que la portion de chemin appelée [Adresse 35] entre le chemin rural n°11 et le chemin rural n°12 appartient au domaine privé de la commune de [Localité 25] et de:

Dire et juger que la portion de chemin appelée [Adresse 35] entre le chemin rural n°11 et le chemin rural n°12 sur la commune de [Localité 25] ne constitue pas un chemin rural, ne faisant partie intégrante ni du chemin rural n°11, ni du chemin rural n°12, et n'appartient pas à la commune de [Localité 25] ;

Condamner Mme [K] [E] et M. [I] [B] à verser à la commune de [Localité 25] la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens.

Dans leurs dernières écritures, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, notifiées par voie électronique le 24 novembre 2022, MM. [F] [J], [S] [G]- [J] et [D] [G]-[J] demandent à voir :

Ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture du 18 octobre 2022 ;

Déclarer recevable l'intervention volontaire de MM. [F] [J], [S] [G]- [J] et [D] [G]-[J] ;

A titre principal :

Réformer le jugement rendu le 12 mars 2020 ;

Constater que les limites de propriété de la parcelle E[Cadastre 9] de Mme [E] ont été définitivement fixées par le bornage amiable du 28 janvier 2011 incluant le chemin « [Adresse 35] » dans sa propriété ;

Déclarer irrecevable en cause d'appel la demande de constatation de la nullité du bornage amiable du 28 janvier 2011 formée par M. et Mme [B] ;

Déclarer prescrite la demande de constatation de la nullité du bornage amiable du 28 janvier 2011 formée par M. et Mme [B] ;

Débouter en tout état de cause M. et Mme [B] de cette demande de nullité du bornage ;

Constater que le chemin dit « [Adresse 35] », dont le tracé se situe entre le chemin rural n°11 et le chemin rural n°12, appartient en partie à Mme [K] [E] pour la portion qui se trouve sur la parcelle cadastrée section E n°[Cadastre 9], et en partie aux consorts [J] pour la portion qui se trouve sur les parcelles cadastrées section E n°[Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] ;

A titre subsidiaire, constater ou juger que les consorts [J] sont propriétaires de la portion du chemin qui traverse les parcelles cadastrées section E n°[Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] par l'effet de la prescription acquisitive abrégée ;

Constater ou juger en conséquence que le chemin dit « [Adresse 35] » n'appartient pas à la commune de [Localité 25] et ne peut pas être qualifié de chemin rural, dont il ne remplit pas les conditions légales ;

Débouter M. [I] [B] et Mme [K] [E] de toutes leurs demandes ;

Condamner M. [I] [B] et Mme [K] [E] à payer à MM. [F] [J], [S] [G]- [J] et [D] [G]-[J] la somme de 10 000, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamner aux entiers frais et dépens ;

A titre subsidiaire, si la cour venait à confirmer le jugement ayant qualifié ce chemin de chemin rural :

Constater ou juger que le chemin dit « [Adresse 35] » appartient aux consorts [J] pour la portion située sur les parcelles cadastrées n°[Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] par l'effet de la prescription acquisitive abrégée ;

Constater en conséquence que ce chemin ne peut plus être qualifié de chemin rural, n'appartenant plus à la commune ;

Condamner M. [I] [B] et Mme [K] [E] à payer à MM. [F] [J], [S] [G]- [J] et [D] [G]-[J] la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamner aux entiers frais et dépens ;

Dans leurs dernières écritures, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, notifiées par voie électronique le 18 novembre 2022, M. [I] [B] et Mme [K] [E] demandent à voir :

- Confirmer le jugement du 12 mars 2020 dans son intégralité ;

- Y ajoutant :

Débouter les consorts [J] de l'ensemble de leurs demandes, fin et conclusions ;

Subsidiairement, si la cour devait statuer sur le bornage, constater la nullité du bornage du 28 janvier 2011 pour erreur sur l'assiette de propriété ;

En tout état de cause :

Condamner in solidum la commune de [Localité 25], M. [F] [J], M. [S] [G]-[J] et M. [D] [G]-[J] à verser à M. et Mme [B] la somme de 10.000 € à titre d'indemnisation pour les préjudices subis ;

Condamner la commune de [Localité 25], M. [F] [J], M. [S] [G]-[J] et M. [D] [G]-[J] à verser à Mme et M. [B] la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 1er décembre 2022.

A l'audience du 5 décembre 2022, l'affaire a été mise en délibéré au 24 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 467 du code de procédure civile, la décision sera rendue de manière contradictoire.

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 18 octobre 2022 :

L'ordonnance de clôture, rendue 18 octobre 2022, a fait l'objet d'une révocation préalable à l'audience de plaidoirie. La clôture de l'affaire a ainsi été fixée au 1er novembre 2022.

La demande formée par M. [F] [J], M. [S] [G]-[J] et M. [D] [G]-[J] sera en conséquence déclarée sans objet.

Sur l'intervention volontaire de M. [S] [G]-[J] et M. [D] [G]-[J] :

Vu les dispositions des articles 66 et 330 du code de procédure civile ;

En l'espèce, M. [F] [J], M. [S] [G]-[J] et M. [D] [G]-[J] sont propriétaires indivis des parcelles cadastrées E n°[Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15].

Or il revient à la cour de statuer sur la nature juridique du chemin contiguë à ces trois parcelles.

Par ailleurs, leur intervention volontaire n'a fait l'objet d'aucune contestation ou opposition, ni de la part de la commune appelante ni de celle des intimés.

En conséquence, leur intervention volontaire à l'instance d'appel sera déclarée recevable.

Sur la propriété du chemin dit « [Adresse 35] » :

Vu les dispositions des articles L. 161-1, L. 161-2 et L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime ;

Il s'évince de ces dispositions, comme l'a justement noté le premier juge, que la juridiction saisie dispose de toute liberté dans le choix des indices susceptibles de déterminer la nature juridique des chemins.

Partant, il convient de relever que les motivations, réelles ou supposées, des intimées restent indifférentes à la détermination de l'affectation, avérée ou non, à l'usage du public du chemin dont question.

Les argumentaires respectivement développés de ce chef par l'appelante et les intervenants volontaires ne sauraient ainsi prospérer.

Dès lors et pour dire que la portion du chemin appelée « [Adresse 35] », située entre le chemin rural n°11 et le chemin rural n°12 sur la commune de Dieulefit, fait partie intégrante du chemin rural n°11 et appartient en conséquence au domaine privé de ladite commune, le tribunal a, dans un premier temps, rappelé qu'il ne saurait déduire l'absence de caractère rural du chemin dont question de la seule reconnaissance d'un droit de passage pour cause d'enclave et qu'il lui appartient de déterminer si le chemin est, le cas échéant, affecté à l'usage du public.

Dans un second temps, le tribunal a considéré qu'au vu de l'affectation jusqu'à une période récente du chemin litigieux à la circulation générale et à l'usage du public, la qualification de chemin rural devait être retenue.

Dans un premier temps, la commune appelante conteste la décision déférée et soutient ne pas être propriétaire du chemin dit « [Adresse 35] », laquelle qualité résulte de titres privés détenus par les intimés sur la parcelle n°[Cadastre 9], d'une part, et les intervenants volontaires sur les parcelles n°[Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15], d'autre part.

L'appelante fait en outre valoir qu'une situation d'enclave, judiciairement reconnue, s'oppose au caractère communal privé, admis par le premier juge, sous peine de contradiction avec les décisions de justice antérieures.

Les intervenants volontaires entendent soutenir cet argumentaire.

Ils s'appuient ainsi sur l'origine de leur propriété et celle des intimés, déterminée par les titres produits aux débats, pour dire que le chemin dont question est inclu dans chacune des parcelles délimitées.

Ils soutiennent en outre avoir, sur la portion du chemin dont question leur appartenant, consentis des servitudes de passage ou des conventions d'utilisation, aux riverains en ayant fait la demande.

Ils font en outre valoir qu'un procès verbal de bornage a été signé le 28 janvier 2011, aux termes duquel des bornes ont été déposées le long du chemin « [Adresse 35] » entre les parcelles n°[Cadastre 9], appartenant à Mme [E], et la parcelle n°[Cadastre 10], appartenant aux consorts [O]. Ils estiment à ce titre que Mme [E] a reconnu à l'occasion de ce bornage amiable que sa propriété privée s'étendait au chemin dont question.

Ils prétendent encore que plusieurs décisions antérieures et définitives sont venues consacrer le caractère privé du chemin en ce qu'elles considérent l'état d'enclave des parcelles riveraines n° [Cadastre 10], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] et octroyer des servitudes de passage à leurs propriétaires, respectivement les consorts [O] et [P], sur le terrain des intervenants volontaires.

Les intimés prétendent, quant à eux, qu'aucun document issu des archives consultées et produites ne fait état d'une quelconque propriété des consorts [J] sur la partie du chemin en litige.

Ils contestent enfin le bornage réalisé le 28 janvier 2011, dont ils sollicitent à titre principal l'inopposabilité, pour dire que la parcelle E n°[Cadastre 9] exclut le chemin litigieux.

Partant, il ressort des éléments produits devant la cour que Mme [E] tient son droit de propriété sur la parcelle cadastrée E n°[Cadastre 9] de l'acte de partage, établi le 22 décembre 2008, relatif à la succession de sa mère, Mme [N] [A].

Les mêmes éléments montrent que cette dernière avait acquis, par licitation, les parcelles cadastrées E n°[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 18], [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 26] et [Cadastre 28], de la succession de son père, M. [F] [A].

Ces éléments démontrent encore que M. [F] [J] et Mme [W] [H], son épouse défunte, ont acquis la propriété des parcelles cadastrées E n° [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 20] des consorts [A], suivant acte authentique reçu le 22 juin 2002.

Ces parcelles provenaient de la succession de M. [F] [A] et de Mme [X] [L], son épouse, qui les avaient eux-mêmes acquis suivant acte authentique dressé le 13 mars 1937.

L'existence du chemin « [Adresse 35] » est ainsi antérieure à l'acquisition de ses parcelles riveraines par M. [F] [A], tel que cela résulte de la donation-partage [V] de 1850 (pièce n°18 intimés) comme du plan [E], réalisé de 1840 (pièce n°16 intimés).

De plus, aucun élément versé aux débats ne vient établir que M. [F] [A] aurait détenu des droits sur la parcelle cadastrée E n°[Cadastre 10], contiguë au chemin « [Adresse 35] », aujourd'hui propriété des consorts [O].

De cette manière, il n'est pas possible de considérer que toutes les parcelles, situées de part et d'autre du chemin litigieux, constituaient un ensemble plus vaste dont la propriété aurait été transmise à l'occasion des différentes acquisitions relevées plus haut.

De la même manière, la commune appelante et les intervenants volontaires ne sauraient valablement exciper des décisions, aujourd'hui définitives, ayant reconnu des situations d'enclave et accordé des droits de passage sur une partie du chemin litigieux pour fonder leur demande.

Il sera relevé à ce titre que l'objet du litige, soumis à la décision de la cour d'appel de Chambéry rendue le 9 janvier 2020 après renvoi de la Cour de cassation, ne portait pas sur la reconnaissance du caractère public ou privé de l'affectation du chemin « [Adresse 35] ».

Les éventuelles contradictions pouvant naître d'une décision venant reconnaître audit chemin la qualification de domaine privé de la commune de [Localité 25], ne sont pas, en elles seules, de nature à altérer son effet relatif.

L'analyse du premier juge ne saurait ainsi être remise en cause.

Concernant le procès-verbal de bornage signé le 28 janvier 2011, celui-ci mentionne bien qu'une borne séparative a été posée au droit des parcelles cadastrées E n°[Cadastre 10], appartenant aux consorts [O], d'une part, et E n°[Cadastre 9], appartenant à Mme [E], d'autre part (pièce n°50 intervenants volontaires).

Pour autant, il doit être rappelé qu'un procès-verbal de bornage ne saurait constituer un acte de propriété ou un acte translatif de propriété (3e Civ., 10 juin 2015, n° 14-14311et 14-20428 ; 3e Civ., 27 avril 2011, n°10-16420 ; 3e Civ., 10 novembre 2009, n°08-20951 ; 3e Civ., 8 décembre 2004, n° 03-17241), de sorte que ce document, contesté par les intimés, apparaît impropre à fonder la prétention des intervenants volontaires.

La validité du procès-verbal de bornage, dont l'interrogation reste indifférente à la solution du litige, n'a dès lors pas à être examinée.

Enfin, comme l'a justement retenu le premier juge, la propriété du chemin ne saurait résulter du cadastre, document de nature fiscal.

La circonstance que le plan cadastral, édité en 2012, laisse apparaître le chemin litigieux comme partie intégrante des parcelles cadastrées E n° [Cadastre 9], [Cadastre 14], [Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 27] est dépourvue de valeur probante.

Il résulte dès lors de l'ensemble des éléments discutés plus haut qu'aucun titre, ou qu'aucun autre document produit aux débats ne permet d'identifier les propriétaires privés du chemin dont question.

Son caractère privé n'est donc pas établi de ce chef.

Dans un second temps, la commune appelante et les appelants volontaires critiquent la décision déférée en ce qu'elle a reconnu que le chemin « [Adresse 35] » était, jusqu'à une période récente, affecté à la circulation générale et à l'usage du public.

La commune excipe ainsi de la délimitation du chemin rural n°11, telle que définie par la délibération du conseil municipal du 8 décembre 2010, excluant de son étendue « [Adresse 35] ».

Elle conteste enfin le caractère d'affectation au public reconnue par le tribunal en ce que les attestations sur lesquelles il se fonde restent anciennes, voire imprécises, et ne déterminent en aucun cas l'usage actuel du chemin. Elle conteste à ce titre les conclusions émises dans le rapport de géomètre établi en 2012, contraires aux titres de propriété par ailleurs produits. Elle prétend enfin que « [Adresse 35] » ne fait aucunement partie des itinéraires de promenades et de randonnées identifiées officiellement sur le territoire de la commune.

Les intervenants volontaires concluent également à l'absence de caractère rural du chemin dit « [Adresse 35] », précisant que l'affectation au public ne peut ressortir de l'emprunt, passé, du chemin par les randonneurs.

Ils rappellent ainsi que le chemin ne figure pas sur le plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnées et qu'en toute hypothèse, des randonneurs peuvent traverser des propriétés privées. Ils expliquent enfin que la commune n'a jamais procédé à l'entretien de « [Adresse 35] » et n'y a jamais accompli d'acte de surveillance ou de voirie.

Les intimés expliquent, quant à eux, avoir entrepris des recherches approfondies desquelles il ressort que le chemin « [Adresse 35] » est public depuis le XIXe siècle. A ce titre la carte de la voirie communale établie en 1975 classe l'intégralité du CR n°11 et CR n°12, y compris la portion les reliant (« [Adresse 35] »), en chemin rural communal. Ce classement se déduit également du tableau de recensement des chemins ruraux établi en 1998. Ils s'appuient encore sur le rapport des géomètres-experts dressé en septembre 2012 et font encore valoir plusieurs attestations desquelles ressort le caractère public du chemin.

Partant, il ressort des éléments versés aux débats devant la cour que le tracé du chemin « [Adresse 35] » figure sur le plan [E], réalisé en 1840 à l'occasion de l'agrandissement de la voie de grande communication n°12 par Dieu Grâce.

Le tableau d'assemblage édité en 1975 fait en outre apparaître ledit chemin comme le prolongement du chemin rural n°12 (pièce n°24 intimés).

Le tableau de recensement des chemins ruraux de la commune de [Localité 25], établi par la Direction départementale de la Drôme en 1998, retient encore que le chemin rural n°11 est d'une longueur de 780 mètres, trouve son origine dans la voie communale n°7 et son extrémité dans le ravin de Dieu Grâce CR12.

Ce tableau note également que le chemin rural n°12, d'une longueur de 2 500 mètres, trouve son origine dans la voie communale n°7 et a pour extrémité la commune de Beconne (pièce n°25 intimés).

Rapporté à l'analyse de l'état parcellaire dressé par la société l'Atelier Foncier SARL, géomètres-experts, au mois de septembre 2012 sur commande de la commune de [Localité 25] (sa pièce n°14), que la longueur de 780 mètres attribuée au chemin rural n°11 ne saurait être obtenue sans y inclure le chemin litigieux dans l'assiette de calcul.

En outre, le tableau de novembre 2007, édité à l'occasion de la remise en ordre de la voirie de la commune, mentionne bien que le chemin rural n°11 a pour extrémité le chemin rural n°12, sa longueur étant toujours définie à 780 mètres (pièce n°26 intimés).

Dès lors, si le plan n°22 annexé au classement administratif de la voirie communale (pièce n°10 appelante), issu de l'enquête publique réalisée au cours du mois d'octobre 2010, ne fait plus apparaître le chemin litigieux comme prolongement du chemin rural n°11, la longueur assignée à celui-ci est toujours de 780 mètres, son origine restant toujours trouvée dans la voie communale n°7 des bas Ubacs et son extrémité dans le chemin rural n°12.

La délibération municipale du 8 décembre 2010 (pièce n°13 appelante), définitive et tendant à la redéfinition des voies publiques communales, ne saurait dès lors s'imposer en l'espèce, au soutien des prétentions de la commune appelante.

Elle ne saurait en effet valablement exclure le chemin litigieux du domaine privé de la commune, au motif que l'opération d'enquête publique sur laquelle elle repose n'a donné lieu à aucune observation sur le caractère privatif et non communal du chemin dont question.

De plus, le rapport rédigé par la société l'Atelier Foncier SARL révèle que le chemin rural n°12 n'a pas fait l'objet de travaux structurels tendant à le rendre carrossable, contrairement à l'itinéraire « CR 11 ' « [Adresse 35] » - CR 12 », sur lequel des travaux ont été entrepris pour moderniser la communication avec la commune de [Localité 41].

Le même rapport mentionne encore que le chemin litigieux n'entre pas dans la catégorie des chemins et sentiers d'exploitation, exclusivement dédiés à la communication entre plusieurs fonds, d'une part, ou à leur exploitation, d'autre part.

De cette manière, il résulte des attestations concordantes et circonstanciées, produites par les intimés, qu'avant sa fermeture à l'aide d'une barrière posée par les consorts [J] en 2006, le chemin dont question assurait la liaison entre les chemins ruraux n°11 et 12.

Ce chemin représentait ainsi la seule voie de communication carrossable à la montagne de Dieu Grâce Les Ubacs, régulièrement empruntée par les riverains, par les agriculteurs pour l'exploitation de leur fonds, les sapeurs-pompiers pour effectuer des man'uvres ainsi que par des randonneurs (pièces n°49 à 60 intimés).

Contrairement à ce qu'avance la commune appelante et les intervenant volontaires, l'ancienneté de ces attestations n'est pas de nature à en altérer la description, ni même à concourir à la caractérisation d'une affectation différente de celle exposée.

De même, s'il doit être admis avec la commune et les intervenants volontaires que les randonneurs peuvent être amenés à emprunter des voies privées, de sorte que cette seule circonstance ne saurait fonder l'affectation à l'usage du public dudit chemin, il doit être remarqué que « [Adresse 35] » était inscrite, encore en 2012, au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée comme composante du GR9.

Les attestations discutées plus haut montrent en outre que ce chemin n'était pas uniquement destiné aux randonneurs.

Il doit aussi être relevé avec le premier juge que la fréquentation massive de ce chemin par des engins et véhicules à moteurs avait conduit les consorts [J] à en barrer l'accès au public. Cet élément tend à caractériser l'affectation antérieure du chemin à l'usage du public, entravée dès 2005 par la barrière et la signalétique apposées par les intervenants volontaires.

A la lumière de l'ensemble de ces éléments, il convient de relever qu'il existe plusieurs indices concordants et convergents tendant à caractériser, jusqu'à une période récente, l'affectation du chemin « [Adresse 35] » à la circulation générale et à l'usage du public, que l'appelante et les intervenants volontaires peinent ensemble à contredire.

En conséquence, les demandes, formées par la commune de [Localité 25] et MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J], seront rejetées et le jugement rendu le 12 mars 2020 sera confirmé de ce chef.

Sur l'acquisition par prescription décennale de la portion du chemin « [Adresse 35] », contiguë aux parcelles cadastrées E n°[Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] :

Vu les dispositions de l'article 2272 du Code Civil ;

A titre subsidiaire, les intervenants volontaires sollicitent que leur soit reconnu la propriété de la partie du chemin « [Adresse 35] », contiguë aux trois parcelles dont ils sont propriétaires, par l'effet de la prescription décennale abrégée.

Ils s'appuient ainsi sur le titre de propriété qu'ils détiennent sur les parcelles cadastrées E n°[Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15], d'une part, et sur le procès-verbal de bornage établi le 28 janvier 2011, d'autre part.

Si la recevabilité d'une telle demande n'a pas été contestée devant la cour, les intervenants volontaires échouent à caractériser la bonne foi visée par les dispositions ci-dessus rappelées, en ce qu'ils ont apposé barrière et signalétique dès 2005, soit trois ans après la régularisation de l'acte d'acquisition de propriété des parcelles, intervenu en 2002.

Cette entrave à la circulation du public, telle que dénoncée par les intimés, s'oppose à ce que la prescription décennale leur soit acquise, étant précisé qu'il a été considéré que l'acte de vente du 22 juin 2002 était insuffisant à caractériser leur propriété du chemin litigieux, d'une part, et que le bornage dont question, ne valait pas titre de propriété, d'autre part.

En conséquence, les intervenants volontaires seront déboutés de ce chef de demande.

Sur la demande reconventionnelle tendant à l'octroi de dommages-intérêts :

Vu les dispositions de l'article 1240 du Code Civil ;

En l'espèce, les intimés sollicitent la condamnation de la commune et de MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J] à leur payer, in solidum, la somme de 10.000€ à titre de dommages-intérêts.

Ils estiment qu'en dépit de leurs recherches et sollicitation amiables, aucune forme de conciliation n'a pu être trouvée avec l'ensemble des parties prenantes, les amenant à devoir engager une procédure judiciaire.

Il doit être rappelé à ce titre que le fait de faire valoir ses droits n'est jamais constitutif, en soi seul, d'un préjudice indemnisable, distinct de l'indemnité pouvant être allouée au titre des frais irrépétibles engagés.

De cette manière, les intimés échouent à caractériser le préjudice dont ils se prétendent victimes.

Leur demande sera en conséquence rejetée.

Sur les frais irrépétibles :

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il n'apparaît pas inéquitable de condamner in solidum la commune de [Localité 25], d'une part, et MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J], d'autre part, qui succombent en leurs prétentions, à payer aux intimés la somme de 5 000, 00 € au titre des frais irrépétibles engagés par eux.

Le sort des frais irrépétibles de première instance restera scellé par la décision déférée.

Sur les dépens :

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner in solidum la commune de [Localité 25], d'une part, et MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J], d'autre part, aux dépens d'appel, le sort des dépens de première instance étant scellé par la décision déférée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

DECLARE sans objet la demande tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 18 octobre 2022 ;

DECLARE recevable l'intervention volontaire de MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J] ;

CONFIRME le jugement rendu le 12 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Valence en toutes ses dispositions frappées d'appel ;

Y AJOUTANT :

DEBOUTE MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J] de leur demande tendant à voir dire que le chemin dit « [Adresse 35] » leur appartient pour la portion située sur les parcelles cadastrées E n°[Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] par l'effet de la prescription acquisitive abrégée ;

DEBOUTE Mme [K] [E] et M. [I] [B] de leur demande tendant à l'allocation de dommages-intérêts ;

CONDAMNE in solidum la commune de [Localité 25], d'une part, et MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J], d'autre part, qui succombent en leurs prétentions, à payer à Mme [K] [E] et M. [I] [B] la somme de 5. 000€ au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE in solidum la commune de [Localité 25], d'une part, et MM. [F] [J], [S] [G]-[J] et [D] [G]-[J], d'autre part, aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Blatry faisant fonction de président, et par Madame Burel, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 20/01555
Date de la décision : 24/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-24;20.01555 ?
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