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10/01/2023 | FRANCE | N°20/00757

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 10 janvier 2023, 20/00757


N° RG 20/00757 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KLM4

C2

N° Minute :













































































Copie exécutoire

délivrée le :







Me Ingrid ALAMPI



la SELARL BOYER-BESSON MANGIONE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE>


PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 10 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 16/02464)

rendue par le Tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 13 janvier 2020

suivant déclaration d'appel du 13 février 2020





APPELANT :



M. [T] [Y]

né le 03 Mai 1965 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]



représenté et ...

N° RG 20/00757 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KLM4

C2

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Ingrid ALAMPI

la SELARL BOYER-BESSON MANGIONE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 10 JANVIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 16/02464)

rendue par le Tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 13 janvier 2020

suivant déclaration d'appel du 13 février 2020

APPELANT :

M. [T] [Y]

né le 03 Mai 1965 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté et plaidant par Me Ingrid ALAMPI, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

Mme [F] [U]

née le 10 avril 1959 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée et plaidant par Me Audrey MANGIONE de la SELARL BOYER-BESSON MANGIONE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

M. Laurent Desgouis, vice-président placé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 novembre 2022 Mme Blatry, conseiller chargé du rapport en présence de Mme Clerc, président de chambre, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

M. [T] [Y] et Mme [F] [U] ont vécu maritalement une quinzaine d'années et ont eu ensemble deux enfants.

La famille a vécu dans un bien propre à M. [Y].

Suite à la séparation du couple, Mme [U] a, suivant exploit d'huissier du 12 mai 2016, fait citer M. [Y], devant le tribunal de grande instance de Grenoble, en paiement de diverses sommes correspondant à l'agrandissement de la maison de ce dernier.

Par jugement du 13 janvier 2020, cette juridiction devenue tribunal judiciaire de Grenoble a :

écarté des débats la pièce n° 45 versée par Mme [U],

condamné M. [Y] à payer à Mme [U] la somme de 99.580,23€ sur le fondement de l'enrichissement sans cause,

débouté Mme [U] de ses plus amples demandes,

rejeté la demande de M. [Y] en condamnation de Mme [U] pour abus de droit et résistance abusive,

condamné M. [Y] à payer à Mme [U] une indemnité de procédure de 1.500,00€ et à supporter les dépens de l'instance.

Par déclaration du 13 février 2020, M. [Y] a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 17 octobre 2022, M. [Y] demande à la cour de prendre acte du retrait par Mme [U] de sa pièce 45, écarter des débats la pièce adverse 59, réformer le jugement déféré, débouter Mme [U] de l'ensemble de ses prétentions en paiement et en expertise, reconventionnellement, la condamner à lui payer des dommages-intérêts de 10.000€ pour abus de droit et résistance abusive, outre une indemnité de procédure de 3.000€ et à supporter les entiers dépens.

Il fait valoir que :

les revenus des parties étaient similaires, soit 2.300€ pour Mme [U] et 3.000€ pour lui,

Mme [U] a toujours perçu l'ensemble des prestations CAF pour les 2 enfants et ne s'est jamais acquitté de l'impôt sur le revenu durant la vie commune,

il a réglé seul les charges de la vie courante,

Mme [U] justifie seulement le règlement d'un abonnement téléphonique et de quelques vêtements,

durant la vie commune, Mme [U] n'a jamais versé le moindre loyer,

les demandes de Mme [U] changent constamment,

Mme [U] ne rapporte pas la preuve de l'existence de sa créance,

c'est Mme [U] qui a perçu sur son compte bancaire la somme de 140.000€ au titre des deux prêts souscrit dont il assure le remboursement,

les travaux financés n'ont pas concerné l'extension du bâtiment mais sa réhabilitation,

Mme [U] produit les factures relatives à la maîtrise d''uvre, au terrassement, à la maçonnerie et à la charpente mais ne justifie pas des certificats de paiement de la banque,

il est donc légitime de savoir ce qu'est devenue la somme de 140.000€ que Mme [U] a perçue sur son compte bancaire,

Mme [U] ne produit pas l'intégralité de ses comptes bancaires,

en l'absence de production de l'ensemble des pièces et donc au regard du défaut de preuve des allégations de Mme [U], le tribunal aurait dû la débouter de ses demandes,

la demande adverse d'expertise doit être rejetée, celle-ci ne devant pas pallier la carence de Mme [U] dans l'administration de la preuve de ses allégations,

le rejet des débats de la pièce 45 de Mme [U] est définitif en l'absence d'appel incident de sa part à ce titre,

il justifie que le prêt bancaire souscrit a fait l'objet de 28 déblocages pour la somme de 120.000€ sur le compte de Mme [U],

le tribunal n'a pas pris en compte ses déblocages mais uniquement ceux du prêt de 20.000€,

Mme [U] entretient sciemment la confusion entre ses deux comptes bancaires,

au regard des virements effectués par Mme [U] sur ses comptes d'un montant inférieur à 100.000€, il n'est pas démontré que Mme [U] a utilisé la somme de 100.000€ pour le financement des travaux de la maison,

la pièce 59 de Mme [U] doit également être écartée,

il conteste la réalité d'un apport de Mme [U] de 100.000€,

Mme [U] ne démontre pas son appauvrissement puisqu'elle a perçue la somme de 140.000€ et ne démontre pas son utilisation,

il n'y a pas d'enrichissement de sa part puisqu'il règle seul les prêts souscrits pour les travaux,

la nouvelle demande en paiement de Mme [U] concernant des travaux de 2002 est atteinte par la prescription,

les travaux ont été initiés à la demande de Mme [U] car elle souhaitait que chacun des enfants ait sa propre chambre,

c'est Mme [U] qui a géré seule les travaux, montrant ainsi son intérêt et son implication,

Mme [U] a profité des travaux pendant 15 ans sans acquitter de loyer,

Mme [U] a manifesté une résistance abusive dans la production des pièces nécessaires pour trancher le litige qui les oppose,

il a été contraint d'entreprendre un lourd travail de recherches pour faire face aux mensonges de Mme [U].

Au dernier état de ses écritures en date du 11 avril 2022, Mme [U] demande à la cour de rejeter l'ensemble des prétentions adverses, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu le principe d'un enrichissement sans cause, de l'infirmer sur le quantum, de condamner M. [Y] à lui payer la somme de 133.648,84€ à ce titre, subsidiairement , d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire et, en tout état de cause, de condamner M. [Y] à lui payer une indemnité de procédure de 4.000€ et à supporter les entiers dépens avec distraction au profit de la SELARL Boyer-Besson-Mangione.

Elle expose que :

au décès de ses parents, elle a hérité de la somme de 166.602,17€ qu'elle a injectée en grande partie dans les travaux de rénovation du bien de M. [Y],

des travaux d'agrandissement de la maison ont été réalisés et ils ont contracté deux prêts d 'un montant global de 140.000€ pour les financer,

elle justifie qu'elle avait sur son compte bancaire LCL la somme de 100.000€ dans le courant du mois de novembre 2010,

elle produit aux débats les factures,

en sus des sommes réglées par elle, les travaux ont été financés par un crédit de 120.000€, elle a réglé seule les deux premières échéances pour la somme de 663€,

ensuite M. [Y] s'est acquitté du règlement de ce premier prêt,

concernant le deuxième prêt de 20.000€, elle a réglé les mensualités jusqu'au 15 avril 2014,

elle a réglé divers travaux ainsi que la réfection de la façade dans le courant de l'année 2002,

c'est donc à tort que M. [Y] soutient que les travaux représentent une dépense limitée au montant de l'emprunt qu'il rembourse,

elle ne conteste pas que M. [Y] ait en très grande partie remboursé l'emprunt,

les fonds utilisés par elle pour financer une grande partie des travaux proviennent de la succession de ses parents ce que M. [Y] ne peut sérieusement pas contester,

M. [Y] conserve à son profit depuis la séparation du couple des sommes provenant des parents de son ex-concubine,

elle produit une pièce 59 qui justifie de la réalité du financement des travaux d'agrandissement,

le bien de M. [Y] a pris de la valeur et ce sans aucune contrepartie de sorte que l'enrichissement de M. [Y] est établi,

la participation personnelle et financière aux travaux d'agrandissement de la maison excédent par leur ampleur la contribution aux dépenses de la vie courante,

elle justifie qu'elle a assumé pendant la vie commune les charges courantes considérables en tenant compte des revenus de chacun des concubins,

le couple n'assumait aucun frais de loyers stricto sensu puisque la maison n'était grevée d'aucun crédit immobilier,

elle n'était pas hébergée à titre gratuit puisqu'elle assumait seule les factures de téléphone, les dépenses de nourriture de la famille, toutes les dépenses relatives aux enfants tels que vêtements, activités sportives, frais de scolarité ou frais de nounou, frais de la voiture du couple Peugeot 206, acquisition du mobilier,

elle a soldé deux crédits voitures soit 3.700€ pour le véhicule Partner et 304,90€ pour le véhicule Mondeo,

M. [Y] réglait la mutuelle pour la famille, les frais d'électricité, les impôts locaux, les charges d'eau, l'assurance de la voiture et l'assurance maison ainsi qu'une grande partie des frais de fuel,

au regard du financement des travaux pour la maison son patrimoine s'est considérablement appauvri.

La clôture de la procédure est intervenue le 18 octobre 2022.

MOTIFS

1/ sur la demande de M. [Y] de voir écarter la pièce 59 de Mme [U]

La dite pièce est une attestation de Mme [M] [G], directrice de l'agence bancaire Le Crédit Lyonnais de Chambéry, sur la position du livret de Mme [U] au 15 juin 2016 et sur le sort de l'apport personnel dans le cadre d'un prêt immobilier.

M. [Y] critique le fond de cette pièce ce qui ne justifie pas de l'écarter.

La demande de M. [Y] sera donc rejetée.

2/ sur la demande de Mme [U] au titre de l'enrichissement sans cause

L'action de in rem verso de l'ancien article 1371 du code civil est admise dans le cas où le patrimoine d'une personne se trouve, sans cause légitime, enrichi au détriment de celui d'une autre personne.

Cette action, subsidiaire, ne peut être invoquée qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur, ce qui est le cas de l'espèce.

A titre liminaire, il sera observé que la cour dispose des éléments nécessaires pour trancher le présent litige sans recourir à une mesure d'expertise judiciaire.

Il est constant que la maison d'habitation de M. [Y] a fait l'objet de divers travaux en 2010 et 2011, 'étant observé que la querelle opposant les parties entre travaux d'amélioration ou d'extension est indifférente dès lors que la réalité des dits travaux est établie.

L'allégation de M. [Y] selon laquelle les travaux ont été réalisés dans l'intérêt de Mme [U] a, également, été justement écartée par le tribunal dans la mesure où l'ensemble de la famille a bénéficié des dits travaux et surtout que les transformations réalisées ont apporté une plus value au bien immobilier de M. [Y].

Il est également justifié que Mme [U] et M. [Y] ont souscrit ensemble deux prêts l'un de 120.000€ et l'autre de 20.000€.

Les parties divergent sur le fait que Mme [U] prétend avoir apporté la somme de 101.660€ provenant d'un héritage qu'elle a perçu alors que M. [Y] conteste cet apport et soutient qu'il n'y a aucun enrichissement sans cause puisqu'il s'est acquitté seul des remboursements des prêts.

Sur ce premier point, il sera relevé que la pièce 5 de Mme [U] portant souscription du prêt du 8 octobre 2010 de 120.000€ pour des travaux d'un montant global de 221.660€ vise expressément un apport personnel de 101.660€.

Mme [U] produit en pièce 39 son relevé de compte au 25 janvier 2010 d'un montant de 133.575,23€ ainsi que sa pièce 59 mentionnant qu'au 15 juin 2010, son livret présentait un solde créditeur de 100.000€, soulignant que le prêt travaux mentionnait un apport de 101.660€ et que dans ce cas, l'apport personnel doit être utilisé en premier.

L'ensemble de ses éléments concordants établit que Mme [U] a apporté la somme de 101.660€ qui a servi à financer des travaux exécutés sur la maison de M.[Y] en sus de ceux financés par les deux prêts d'un montant global de 140.000€.

Le tribunal a listé exhaustivement l'ensemble des factures dont Mme [U] a justifié avoir effectué le règlement par prélèvement sur son compte n° 101366U LCL pour une somme totale de 99.580,23€ qui sera retenue selon les calculs des premiers juges.

Il est établit que Mme [U] disposait d'un revenu mensuel de 2.300€ alors que M. [Y] disposait de ressources mensuelles de 3.000€.

Au regard des pièces communiquées par chacune des parties, tant M.[Y] que Mme [U] ont participé, selon la prise en charge de divers postes du budget, aux frais et dépenses de la vie courante.

Néanmoins, Mme [U] durant toute la vie commune a bénéficié d'un hébergement gratuit, la famille vivant dans le bien immobilier de M. [Y].

Il convient donc de retenir sa part d'hébergement à une somme d'environ 280€ par mois pendant 15 ans.

Cet élément justifie de minorer le montant dû par M. [Y] à Mme [U] au titre de l'enrichissement sans cause à la somme de 50.000€.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur le quantum de la condamnation de M. [Y].

3/ sur la demande en dommages-intérêts de M. [Y]

M. [Y], qui succombe dans ses prétentions, ne saurait alléguer un abus à l'encontre de Mme [U].

Il a été justement débouté de ce chef de demande.

4/ sur les mesures accessoires

L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de Mme [U].

Enfin, les dépens de la procédure d'appel seront supportés par M. [Y] avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.La condamnation aux dépens de première instance est confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déboute M. [T] [Y] de sa demande de rejet de la pièce 59 produite par Mme [F] [U],

Confirme le jugement déféré sauf sur le quantum de la condamnation de M. [T] [Y],

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne M. [T] [Y] à payer à Mme [F] [U] la somme de 50.000€ au titre de l'action en enrichissement sans cause,

Y ajoutant,

Déboute Mme [F] [U] de sa demande subsidiaire d'expertise,

Condamne M. [T] [Y] à payer à Mme [F] [U] la somme de 2.500€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel,

Condamne M. [T] [Y] aux dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 20/00757
Date de la décision : 10/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-10;20.00757 ?
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