N° RG 20/03130 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KSIR
C2
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SCP ALPAZUR AVOCATS
la SELARL BGLM
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 13 DECEMBRE 2022
Appel d'une décision (N° RG 17/00328)
rendue par le Tribunal judiciaire de GAP
en date du 22 septembre 2020
suivant déclaration d'appel du 09 octobre 2020
APPELANTS :
M. [Z] [B]
né le 24 septembre 1944 à [Localité 15]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 13]
Mme [J] [N] épouse [B]
née le 30 juin 1941 à [Localité 16]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 13]
représentés par Me Jean-Pierre AOUDIANI de la SCP ALPAZUR AVOCATS, avocat au barreau de HAUTES-ALPES et plaidant par Me Paola ROBOTTI, avocat au barreau de HAUTES-ALPES
INTIMES :
M. [M] [K]
né le 05 août 1946 à [Localité 13]
de nationalité française
[Adresse 6]
[Localité 13]
Mme [S] [HO]- [A] épouse [K]
née le 05 décembre 1943 à [Localité 13]
de nationalité française
[Adresse 6]
[Localité 13]
M. [T] [K]
né le 19 juin 1984 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 5]
représentés et plaidant par Me Christophe GUY de la SELARL BGLM, avocat au barreau de HAUTES-ALPES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
M. Laurent Desgouis, vice-président placé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 novembre 2022 Mme Blatry, conseiller chargé du rapport en présence de Mme Clerc, président de chambre, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Se prévalant de leur titre de propriété du 1er octobre 1970, les époux [J] [N]/ [Z] [B] ont, suivant exploit d'huissier du 31 mars 2017, fait citer les consorts [S] [HO]-[A] épouse [K], [M] et [T] [K], en revendication d'un droit de propriété indivis sur une parcelle de terrain non bâtie sise sur la commune de [Localité 13], cadastrée section C n° [Cadastre 9].
Les consorts [K] leur ont opposé leur titre de propriété du 3 avril 1987.
Par jugement du 22 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Gap a débouté les époux [B] de leurs demandes, rejeté la demande reconventionnelle des consorts [K] et condamné in solidum les époux [B] à payer aux consorts [K] une indemnité de procédure de 2.500€ et à supporter les dépens.
Suivant déclaration du 9 octobre 2020, les époux [B] ont relevé appel de cette décision.
Au dernier état de leurs écritures en date du 7 octobre 2022, les époux [B] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :
constater qu'ils sont propriétaires indivis de la parcelle anciennement [Cadastre 2] et à ce jour cadastrée C [Cadastre 9] sur la commune de [Localité 13],
dire qu'ils peuvent disposer sur ladite parcelle de tous les droits attachés à cette propriété indivise par application des articles 815-8 et suivants du code civil,
ordonner que les consorts [K] respectent ainsi leurs droits indivis en leur laissant le libre accès afin qu'ils puissent en user et jouir conformément à la désignation de la parcelle et dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et, à défaut, sous astreinte de 100€ par jour à compter de la signification du «'jugement à intervenir'»,
condamner les consorts [K] à leur payer des dommages-intérêts à chacun de 2.000€ pour procédure abusive, outre une indemnité de procédure de 3.500€.
Ils font valoir que :
il ressort des deux titres de propriétés, le leur du 1er octobre 1970 et celui des consorts [K] du 3 avril 1987, que les parties détiennent des droits indivis sur la parcelle C [Cadastre 9] étant relevé que la mention «'p'» portée après la numérotation indique qu'il s'agit d'une parcelle affectée à la propriété indivise,
les époux [K] ont fait donation à leur fils [T] de la nue-propriété de la parcelle litigieuse et les consorts [K] se comportent comme s'ils en étaient les seuls propriétaires alors qu'elle est indiscutablement leur propriété indivise,
leur titre fait foi jusqu'à inscription de faux et leur titre est le plus ancien,
en outre, il ressort d'une attestation notariale que Mme [E] [HO]-[A], mère de Mme [K] avec Mme [U] [W] ne se sont trouvées indivisaires que de 0a91ca de la parcelle [Cadastre 2],
dès lors, les époux [K] ne peuvent s'être trouvés propriétaires de la parcelle litigieuse pour 1a49ca,
ils produisent l'acte de notoriété du 11 juin 1941 attestant que Mme [H] [O] est bien héritière de Mme [P] [O] et M. [L] [O],
ils produisent également la copie du plan napoléonien incluant le cadastre rénové,
ainsi, il y a une parfaite cohérence dans leur chaîne de propriété,
les époux [K], ayant donné la nue-propriété à leur fils, ne se sont pas comportés comme pleinement propriétaires et M. [T] [K] ne peut invoquer la prescription acquisitive, sa bonne foi ne pouvant se présumer.
Par conclusions récapitulatives du 8 août 2022, les consorts [K] demandent à la cour de confirmer le jugement déféré sauf sur le rejet de leur demande en dommages-intérêts qu'ils forment à la somme de 2.500€, pour chacun d'eux, pour procédure abusive et à leur payer une indemnité de procédure de 4.500€.
Ils exposent que :
la parcelle litigieuse appartenait à l'origine à Mme [V] [O] qui l'a donnée par testament à Mme [C] [OV],
au décès de celle-ci, la parcelle a été transmise en indivision à ses deux filles, [R] [OV] épouse [HO] et [G] [OV] épouse [W],
ils produisent le relevé de parcelles du 28 avril 1971,
M. [B], qui se prétend propriétaire depuis 1970, ne s'est jamais manifesté auprès des services du cadastre,
le 3 avril 1987, Mme [W] leur a vendu sa part indivise de la maison et du jardin,
au décès de Mme [HO]-[A] le 19 novembre 2005, sa fille Mme [K] a hérité de l'intégralité de sa succession de sa mère, dont la moitié indivise de la parcelle litigieuse,
ils ont donc réunis en une seule main l'intégralité de la parcelle C [Cadastre 9], à l'origine détenue par les deux enfants de Mme [OV],
en 2013, la nue- propriété a été donnée à [T] [K],
les appelants tentent de tromper la religion de la cour car, en réalité, la parcelle à laquelle les époux [B] font référence correspond à un agrandissement de leur maison,
cet élément apparaît de façon flagrante quant on compare l'ancien et le nouveau plan cadastral,
en outre, M. [B] a, dans un courrier du 29 juin 2012, expressément indiqué que M. [K] possède une propriété proche de la sienne sous le numéro [Cadastre 9] sis n° 9 à [Adresse 14] et ce depuis des années,
les époux [B] sont donc de parfaite mauvaise foi et ont manifesté clairement leur intention de nuire,
à défaut, il sera retenu qu'ils ont acquis par prescription depuis plus de 10 ans puisqu'ils détiennent un juste titre,
au regard de ses considérations, il convient de sanctionner le comportement abusif des appelants.
La clôture de la procédure est intervenue le 18 octobre 2022.'
MOTIFS
1/ sur la demande en revendication de propriété indivise des époux [B]
Les modes de preuve de la propriété immobilière sont libres. Le juge de la revendication dispose d'un pouvoir souverain pour dégager les présomptions de propriété les meilleures et les plus caractérisées. Il convient d'analyser les titres produits par les parties ainsi que les divers indices alléguées par elles.
A titre liminaire, il sera observé que les époux [B], qui ont acquis leur fonds le 1er octobre 1970, ont attendu 43 années pour revendiquer la propriété indivise de la parcelle C [Cadastre 9] sise sur la commune de [Localité 13].
Aux termes de ce titre, les époux [B] sont propriétaires d'une maison d'habitation avec terrain attenant figurant au cadastre ancien sous les n° C [Cadastre 12] pour 104 m et [Cadastre 1] pour 90m2 ainsi qu'un petit jardin attenant séparé par un passage paraissant communal sous les anciens n° [Cadastre 1] pour 91 m2 et [Cadastre 4] pour 48m2.
Les superficies sont exprimées en mètres carrés et non ares et centiares.
Sur le titre dactylographié communiqué en copie, il apparaît le rajout manuscrit de la lettre «'p'» après la numérotation [Cadastre 1] de l'ancien cadastre.
Il sera observé que, contrairement à ce que prétendent les époux [B], la mention «'p'» accolée à la numérotation cadastrale signifie «'partie de la parcelle'» et non «'parcelle en indivision'».
La maison d'habitation des époux [B] figure au cadastre rénové sous le numéro C [Cadastre 10].
Le titre de propriété des époux [B] mentionne comme venderesse, Mme [H] [O] veuve [I], et, comme origine de propriété, uniquement les parents de celle-ci, [L] [Y] et [P] [D] [O] sans mention à un acte de vente précédent ou à de quelconques éléments permettant de remonter davantage la chaîne de propriété, l'identité précise de Mme [P] [D] [O] étant omise.
Les époux [K] ont acquis le 3 avril 1987 de Mme [G] [F] [OV] épouse [W] la moitié indivise d'une maison cadastrée sur la commune de [Localité 13] section C n° [Cadastre 11] anciennement [Cadastre 3] et d'un petit jardin situé en face de leur maison C [Cadastre 9] pour une contenance d'un are et 19 centiares (149m2) anciennement cadastré [Cadastre 2].
Mme [K] justifie également selon attestation immobilière établie par Me [X] qu'elle a hérité, en propre, de la seconde moitié indivise de ces mêmes biens ensuite de la succession de sa mère, Mme [R] [E] [OV] veuve [HO]-[A], dont elle était la fille unique.
Les origines de propriété des deux parts indivises des biens permettent de remonter à Mme [C] [O] veuve [OV] qui avait acquis la propriété de la maison et du jardin par voie de legs particulier consenti par sa tante, Mme [V] [O], suivant testament du 9 mai 1909.
Ainsi, contrairement aux époux [B], les consorts [K] peuvent justifier d'une origine de propriété remontant au début du siècle dernier.
En outre, ainsi que les époux [B] le reconnaissent expressément dans leurs écritures, les consorts [K] sont comportés comme les propriétaires exclusifs de la parcelle litigieuse, ce qui est confirmé par le courrier qu'a envoyé le 29 juin 2012 M. [B] mettant en demeure M. [K] d'entretenir la parcelle litigieuse.
Ainsi, les consorts [K], dont la bonne foi est caractérisée, peuvent se prévaloir d'un titre légitime mais, encore de façon surabondante, d'actes de possession conformes aux dispositions de l'article 2261 depuis plus de 10 ans conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 2272 du code civil, à savoir au plus tard en 2005, date de la réunion des deux parts indivises, et jusqu'en 2013 par les époux [K] puis ultérieurement par M. [T] [K], étant relevé que l'acte introductif d'instance est du 31 mars 2017 et que le nue-propriétaire actuel peut se prévaloir des actes de possession de ses auteurs.
Par voie de conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré, qui déboute les époux [B] de l'ensemble de leurs demandes, y compris leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive alors qu'ils ont introduit l'instance, ont formé appel de la décision entreprise et succombent en toutes leurs prétentions.
2/ sur la demande des consorts [K] en dommages-intérêts
Ainsi que l'a justement retenu le tribunal, en l'absence de démonstration d'un abus des époux [B] à agir en justice, il n'y a pas lieu de les condamner à payer à leurs adversaires des dommages-intérêts.
3/ sur les mesures accessoires
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice des consorts [K].
Les époux [B], succombant, seront condamnés in solidum aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne in solidum M. [Z] [B] et Mme [J] [N] épouse [B] à payer à M. [M] [K], à Mme [S] [HO]-[A] épouse [K] et à M. [T] [K], unis d'intérêts, la somme de 4.000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [Z] [B] et Mme [J] [N] épouse [B] aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT