N° RG 20/03774 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KUDK
C3
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Eric HATTAB
la SELARL EYDOUX MODELSKI
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 6 DECEMBRE 2022
Appel d'un jugement (N° R.G 16/03907)
rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 28 septembre 2020
suivant déclaration d'appel du 30 novembre 2020
APPELANTS :
M. [C] [O]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Mme [Y] [D] épouse [O]
née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentés par Me Eric HATTAB, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE-ALPES Banque coopérative régie par les articles L 512-85 et suivants du Code Monétaire et Financier, Société Anonyme à Directoire et Conseil d'Orientation et de Surveillance, au capital de 1.150.000.000 €, Intermédiaire d'assurance immatriculée à l'ORIAS sous le n° 07 004 760, immatriculée au RCS de LYON
sous le n° 384 006 029, agissant poursuites et diligences du Président de son Directoire, domicilié en cette qualité audit siège ;
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me VILLECROZE, avocat de la SELARL postulant et plaidant par Me ALLEAUME, avocat de SCP GRAFMEYER BAUDRIER ALLÉAUME JOUSSEMET Avocats au Barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
M. Laurent Desgouis, vice-président placé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 24 octobre 2022 Mme Catherine CLERC, présidente de chambre, chargée du rapport en présence de Mme Joëlle BLATRY, conseiller, assistées de Mme M.C. OLLIEROU, greffière, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 9 juillet 2012, M. [C] [O] et Mme [Y] [D] épouse [O] ont accepté l'offre de prêt immobilier de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône Alpes (la CERA) présentée le 27 juin 2012 relative à un prêt PH Primo Report n° 9056451, d'un montant de 200.000€ remboursable en 180 mensualités de 1.464,39€ (1.527,72€ avec assurance) au taux d'intérêt annuel de 3,85 %, le taux effectif global (TEG) s'élevant à 4,72 %.
Ce prêt a été réitéré par acte notarié du 20 juillet 2012.
Les échéances du prêt n'ont plus été payées à compter de mars 2015.
M. [O] a été placé sous sauvegarde de justice par jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 2 avril 2015 et Me [K] a été désigné mandataire judiciaire.
La CERA a déclaré sa créance à hauteur de 259.712,40€ à titre privilégié dont 258.184,68€ à échoir.
Par ordonnance du 14 juin 2016, le juge-commissaire s'est déclaré incompétent pour statuer sur la contestation élevée par M. [O] sur la créance ainsi déclarée.
Selon acte extrajudiciaire du 15 juillet 2016, M. et Mme [O] ont assigné la CERA devant le tribunal de grande instance de Grenoble pour voir, en substance, annuler le taux d'intérêt conventionnel et le TEG du prêt et y voir substituer le taux d'intérêt légal applicable à la date de conclusion du contrat, et condamner la banque à leur restituer les intérêts conventionnels depuis cette date et à leur communiquer sous astreinte un nouveau tableau d'amortissement.
Par jugement contradictoire du 28 septembre 2020, le tribunal précité, devenu tribunal judiciaire, a :
-débouté M. et Mme [O] de l'intégralité de leurs demandes fondées sur leur action principale « en nullité du contrat de prêt » [ comprendre : nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel] accepté le 9 juillet 2012 et de leur action subsidiaire en déchéance du droit aux intérêts contenus dans l'offre de prêt du 27 juin 2012 de la CERA,
-fixé la créance de la CERA, arrêtée au 2 avril 2015, au passif de la procédure collective de M. [O] à la somme de 259.712,40€ en remboursement du prêt 9056451,
-condamné in solidum M. et Mme [O] à payer à la CERA la somme de 2.500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné in solidum les mêmes aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 30 novembre 2020, M. et Mme [O] ont relevé appel.
Dans leurs conclusions déposées le 4 février 2021, M. et Mme [O] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré en totalité et, statuant à nouveau, de :
'à titre principal,
vu l'absence de mention de la durée de la période,
vu les clauses stipulant un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours,
-annuler le taux d'intérêt conventionnel et le TEG stipulés dans l'acte de prêt PH Primo Report accepté par acte sous seing privé du 9 juillet 2012 puis par acte notarié du 20 juillet 2012 et ses avenants qu'ils ont souscrits auprès de la CERA,
-juger qu'il y a lieu de substituer au taux d'intérêt conventionnel stipulé dans le prêt l'intérêt légal applicable au jour de la conclusion du contrat,
-condamner la CERA à rembourser à M. et Mme [O] l'intégralité des intérêts conventionnels qu'ils ont payés depuis la date de conclusion du prêt ,
avant dire droit plus avant au fond,
-faire injonction à la CERA, sous astreinte de 100 € par jour de retard à produire un nouveau tableau d'amortissement en prenant pour seule base le taux d'intérêt légal applicable au jour de la conclusion du contrat de prêt,
-faire injonction à la CERA d'expurger de la créance déclarée, les intérêts conventionnels nuls et annulés,
'à titre très infiniment subsidiaire,
vu l'article L.312-33 du code de la consommation,
vu l'absence de mention de la durée de la période,
vu les clauses stipulant un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours,
-prononcer la déchéance totale des intérêts,
-condamner la CERA à leur rembourser l'intégralité des intérêts conventionnels payés par eux depuis la date de conclusion du prêt,
avant dire droit plus avant au fond,
-faire injonction à la CERA, sous astreinte de 100 € par jour de retard à produire un nouveau tableau d'amortissement en prenant pour seule base le taux d'intérêt légal applicable au jour de la conclusion du contrat de prêt,
-faire injonction à la CERA d'expurger de la créance déclarée, les intérêts conventionnels pour lesquels la déchéance a été prononcée,
'en tout état de cause,
-condamner la CERA à leur payer une indemnité de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance, et celle de 5.000€ pour les frais exposés en appel,
-condamner la CERA aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions déposées le 18 février 2021 sur le fondement des articles 1907 alinéa 2 du code civil, L.312-8, L.312-33, L.313-1, R.313-1 et suivants du code de la consommation, la CERA demande à la cour de :
'à titre principal
-confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
-y ajoutant, condamner solidairement M. et Mme [O] à lui payer la somme
de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL Eydoux Modelski, avocats, sur leur affirmation de droit,
'à titre subsidiaire
-débouter M. et Mme [O] de leurs contestations en ce qui concerne :
*le caractère prétendument absent de la durée de la période,
* le calcul des intérêts conventionnels,
en conséquence,
-rejeter l'ensemble de leurs demandes à son encontre,
-corrélativement fixer sa créance privilégiée hypothécaire au passif de M. [O] à la somme de 259.712,40€ au 2 avril 2015 au titre de cette créance,
-condamner solidairement M. et Mme [O] à lui payer la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL Eydoux Modelski, avocats, sur leur affirmation de droit,
'à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse de l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels
-fixer s a créance privilégiée hypothécaire au passif de M. [O] à la somme de 207. 849,23 € au 2 avril 2015 au titre de cette créance,
-condamner M. et Mme [O] à lui payer la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la Selarl Eydoux Modelski, avocats, sur leur affirmation de droit.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2022.
MOTIFS
A titre liminaire, il est rappelé en tant que de besoin, que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes et doit statuer sur les seules demandes mentionnées au dispositif des dernières conclusions des parties.
Sur la durée de la période
L'article R. 313-1 II du code de la consommation sa version applicable au litige prévoit la communication à l'emprunteur :
-du taux de période, à savoir le taux d'intérêt pour la durée de la période, un taux de période proportionnel équivalant au taux annuel divisé par le nombre d'échéances par an,
-de la durée de la période ; l'unité de période correspondant à la périodicité des versements, la durée de période doit s'entendre comme étant le délai qui s'écoule entre deux remboursements ; ainsi, en présence de 12 échéances mensuelles par an, la durée de la période est d'un mois.
L'offre de crédit comporte un tableau récapitulatif indiquant notamment le taux débiteur et sa nature (taux fixe), la durée en mois du crédit, la périodicité (mensuelle) et le jour de l'échéance constante (le 5), le nombre d'échéances (36 en préfinancement et 180 en amortissement), leur montant unitaire, le taux de période (0, 39%) étant mentionné à la suite.
Sans plus ample discussion, il doit être admis que ces mentions satisfont à l'exigence de communication de l'article R.313-1 II qui n'impose aucun formalisme quant aux modalités d'exécution de cette obligation d'information.
Le jugement querellé est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [O] de leur prétention fondée sur l'absence de communication de la durée de période.
Sur le calcul des intérêts conventionnels
Le jugement déféré est d'ores et déjà confirmé en ce qu'il a, par de justes et pertinents motifs tirés des dispositions de l'ordonnance n°2019-740 du 17 juillet 2019, qui sont adoptés par la cour, rejeté l'action principale de M. et Mme [O] en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel.
Au soutien de leur demande subsidiaire en déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la CERA, M. et Mme [O] soutiennent que la clause mentionnant un calcul des intérêts sur 360 jours suffit à entraîner son annulation, estimant n'être aucunement tenus de faire la preuve d'une erreur de calcul, l'article R.313-1 du code de la consommation n'ayant jamais accordé aux banques une marge d'erreur d'une décimale.
C'est à bon droit que la CERA s'oppose à cette analyse.
Il résulte de l'annexe d) de l'article R. 313-1 que lorsque les dates d'échéance sont fixées au même jour de chaque mois (en l'espèce le 5) le prêteur peut recourir à la notion de mois normalisé ou plus simplement à une fraction du taux annuel mentionné au contrat correspondant à la période et donc calculer les intérêts sur la base de 1/12ème de l'année civile sans tenir compte du nombre exact de jours ayant couru entre deux échéances et pouvant être de 28,29,30 ou 31 jours, peu important que le prêt soit de nature immobilière, étant de jurisprudence constante que l'annexe d) à l'article R.313-1 du code de la consommation est applicable aux prêts immobiliers.
Le fait que la notion de mois normalisé figure à l'annexe de l'article R. 313-1 concernant le taux annuel effectif global (TAEG) des prêts à la consommation non immobiliers n'interdit pas de prendre en compte pour le calcul des intérêts d'un prêt immobilier des mois d'une durée constante d'un 1/12ème d'année, un tel calcul s'opérant selon la durée exacte de l'année civile qui compte 12 mois, que l'année soit ou pas bissextile ; en tout état de cause, la convention de calcul par mois normalisé en matière de prêt immobilier ne se heurte à aucune disposition législative ou réglementaire contraire.
La charge de la preuve du caractère erroné du TEG incombe à l'emprunteur qui poursuit la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ; à cet égard, il lui appartient de démontrer que les intérêts conventionnels ont été calculés sur la base d'une année de 360 jours et que ce calcul a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R.313-1 II du code de la consommation, soit une différence de taux d'au moins 0,1%.
Les conditions particulières de l'offre de prêt acceptée par M. et Mme [O], consommateurs, prévoient que les intérêts sont calculés sur la base de l'année civile (30/360): « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours » la même clause étant prévue à l'égard des intérêts intercalaires (ceux courant durant la période de préfinancement, du jour du déblocage des fonds au jour de la première mensualité) sauf à dire que les intérêts sont calculés sur le montant des sommes débloquées, et à l'égard de la phase de différé total, les intérêts étant alors calculés sur le montant du capital restant dû.
L'article 14 des conditions générales du contrat de prêt énonce quant à lui que « le TEG est déterminé conformément aux articles L.313-1 et L.313-2 du code de la consommation, en tenant compte notamment des intérêts, des primes d'assurance qui conditionnent l'octroi du crédit, des frais de dossier et de garantie qui figurent aux conditions particulières » (suivent des dispositions applicables en cas de taux d'intérêts variables ou révisables non concernés par le contrat de prêt).
Cette clause de calcul d'intérêts conventionnels basée sur l'année lombarde telle que figurant dans le prêt est insuffisante, à elle seule, à faire la preuve de l'existence concrète d'un TEG erroné, alors même qu'il existe une équivalence mathématique entre le calcul des intérêts conventionnels sur l'année lombarde et sur l'année civile, et ce d'autant que le contrat de prêt renvoie, en toute régularité, aux dispositions des articles L.313-1et L.313-2 code de la consommation pour la détermination du TEG.
En effet, la prise en compte dans le calcul du TEG d'un taux d'intérêt conventionnel calculé sur la base d'une année de 360 jours, n'aboutit pas à un TEG erroné, le mode de calcul fondé sur l'année lombarde conduisant arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile de 365 jours rapportée au mois normalisé ; ainsi, le rapport mensuel d'une année normalisée (0,083333) s'avère être constant entre les rapports 30 /360, 1 /12, (365/12) /365 ou encore 30,41666 / 365.
La CERA démontre pour sa part l'équivalence de calcul selon les calculs ci-après reproduits effectués à partir de l'échéance n°13 d'un montant de 609,43 € du prêt sur la base d'un capital restant dû de 189.951,23€ :
189.951,23€ x 3,85 % x 1/12 = 609,4268629166 66€ arrondis à 609,43€ selon les règles légales
189.951.23 x 3.85% x 30.416 66/ 365 = 609,42€ arrondis à 609,43€
189.951.23 x 3.85% x 30/360 = 609,42€ arrondis à 609,43€
Les critiques de M. et Mme [O] à l'égard du calcul des intérêts mensuels de leur prêt selon la clause 30/360 sont donc infondées et ce d'autant qu'ils ne rapportent pas la preuve, à la faveur d'un recalcul du TEG, qu'ils auraient subi un surcoût d'au moins 0,1% dans le calcul des intérêts opéré par la CERA.
Sans qu'il y ait lieu à statuer plus avant sur les autres prétentions des parties, le jugement querellé est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [O] de l'intégralité de leurs prétentions fondées sur le calcul prétendument irrégulier des intérêts conventionnels et par suite du taux du TEG.
Il est également confirmé en ses dispositions relatives à la fixation de la créance de la CERA au passif de la procédure collective de M. [O] , ce point n'ayant pas été discuté par les appelants.
Sur les frais et dépens
Succombant dans leur recours, M. et Mme [O] sont condamnés aux dépens d'appel et conservent la charge des frais irrépétibles exposés dans l'instance d'appel ; ils sont condamnés in solidum et non pas solidairement, à verser une indemnité de procédure complémentaire d'appel à la CERA.
Le jugement déféré est par ailleurs confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement , par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [C] [O] et Mme [Y] [D] épouse [O] à verser à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône Alpes une indemnité de procédure de 2.500€ pour l'instance d'appel,
Déboute M. [C] [O] et Mme [Y] [D] épouse [O] de leur demande présentée en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [C] [O] et Mme [Y] [D] épouse [O] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame Clerc , président, et par Madame Burel, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT