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06/12/2022 | FRANCE | N°20/03696

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 06 décembre 2022, 20/03696


N° RG 20/03696 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KT4N

C2

N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE



la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT







AU NOM

DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 6 DECEMBRE 2022







Appel d'un jugement (N° R.G. 17/04925)

rendu par la cour d'appel de Grenoble

en date du 12 novembre 2020

suivant déclaration d'appel du 24 novembre 2020



APPELANT :



M. [U] [J]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse ...

N° RG 20/03696 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KT4N

C2

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE

la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 6 DECEMBRE 2022

Appel d'un jugement (N° R.G. 17/04925)

rendu par la cour d'appel de Grenoble

en date du 12 novembre 2020

suivant déclaration d'appel du 24 novembre 2020

APPELANT :

M. [U] [J]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 3]

représenté par Me Ronald LOCATELLI de la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE, avocat au barreau de Grenoble postulant et plaidant par Me Patrick de FONTBRESSIN Avocat au Barreau de Paris

INTIMÉE :

LA COMMUNE DE [Localité 7] Prise en la personne de son Maire en exercice, domicilié en cette qualité audit [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Gaëlle LE MAT de la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et par Me Thibaut GEIB, avocat de la SELAS FIDAL avocats au barreau des Hauts de Seine substitué et plaidant par Me Joséphine ADDA avocat au barreau des Hauts de Seine

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, présidente,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

M. Laurent Desgouis, vice-président placé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 octobre 2022 Mme Joëlle BLATRY, conseiller chargée du rapport en présence de Mme Catherine CLERC Présidente de chambre, assistées de Mme M.C. OLLIEROU, Greffière, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Dans un litige opposant, notamment, la commune de [Localité 7] (26) aux époux [X] [D]/[C] qui exploitaient une station service comportant diverses cuves s'étant avérées à l'usage fuyardes, M. [U] [J] a été désigné en qualité d'expert, suivant ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Valence du 16 janvier 2008, avec pour mission de constater l'existence des pollutions alléguées ainsi que leur origine.

M. [J] s'est adjoint un sapiteur, M. [H] [M], pour vérifier l'état des cuves.

Par dire du 11 février 2010, M. [J] a été informé que M. [M] avait, en 1995, procédé à la stratification de la cuve n° 5 qu'il était chargé d'expertiser.

L'expert a déposé son rapport le 3 juin 2010 et, par jugement du 13 juin 2013, les époux [E] ont été condamnés à réparer les préjudices subis par la commune de [Localité 7] en lien avec la pollution des sols et de la nappe phréatique par hydrocarbures.

Par arrêt du 19 janvier 2016, la présente cour d'appel a, notamment, annulé le jugement déféré ainsi que le rapport d'expertise de M. [J] et ordonné une nouvelle mesure d'expertise.

Alléguant la responsabilité de M. [J] pour les fautes qu'il aurait commises dans l'exercice de sa mission d'expert, la commune de [Localité 7] l'a, suivant exploit d'huissier du 20 novembre 2017, fait citer devant le tribunal de grande instance de Grenoble, à l'effet d'obtenir sa condamnation à lui payer diverses sommes.

Par jugement du 12 novembre 2020 assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction, devenue tribunal judiciaire de Grenoble, a condamné M. [J] à payer à la commune de [Localité 7] la somme de 104.317,18€ en réparation de son préjudice financier, outre une indemnité de procédure de 2.000€, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Suivant déclaration en date du 24 novembre 2020, M. [J] a relevé appel de cette décision.

Au dernier état de ses écritures en date du 26 août 2022, M. [J] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter la commune de [Localité 7] de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui payer une indemnité de procédure de 10.000€.

Il fait valoir que :

la chronologie des opérations d'expertise exclut qu'une faute relative à la partialité du sapiteur puisse lui être reprochée,

il n'avait pas connaissance d'un risque de manquement à l'objectivité lorsqu'il s'est adjoint M. [M] en qualité de sapiteur,

la société SAVAC a attendu le dépôt de son pré-rapport le 6 octobre 2009 pour invoquer pour la première fois dans un dire à expert du 11 février 2010 des griefs de nature à mettre en cause l'impartialité du sapiteur sans pour autant en demander le remplacement,

le sapiteur aurait dû s'ouvrir de cette difficulté, ce dont il s'est abstenu,

il s'est donc trouvé victime d'une rétention d'information de la part du sapiteur,

en l'absence de demande de remplacement de celui-ci, il a pu légitimement penser qu'il ne lui appartenait pas de procéder de son propre chef à son remplacement,

il a toujours eu le souci de veiller au respect du principe du contradictoire,

les interventions de M. [M] sur site sans convocation préalable des parties par celui-ci les 13 et 14 novembre 2008 pour inversion de produits et modifications de canalisations et des 19 et 20 novembre 2008 pour pose de plaques d'identification, avaient trait à de simples remises en état postérieures à des sondages destructifs,

cela ne relevaient pas d'investigations contradictoires,

enfin, les opérations de désembouage des cuves ont été explicitement portées à la connaissance des parties,

contrairement à ce qu'elle prétend, la commune de [Localité 7] n'a cessé de souligner le respect du principe du contradictoire et n'est donc pas de bonne foi en introduisant la présente action à son encontre.

Par conclusions récapitulatives du 19 septembre 2022, la commune de [Localité 7] sollicite de la cour la confirmation du jugement déféré et, y ajoutant, la condamnation de M. [J] à lui payer une indemnité de procédure de 10.000€.

Elle expose que :

compte tenu des antécédents professionnels de M. [M], il existe un manque évident d'impartialité puisque le sapiteur a été amené à donner son avis sur l'étanchéification de la cuve n°5 sur laquelle il a réalisé en 1995 une opération de stratification,

M. [M] travaille depuis 1997 pour la société SOCOMEX qui s'est vu retirer depuis le 9 décembre 2009 son agrément qui l'autorisait à effectuer le contrôle périodique de certaines installations classées soumises à déclarations délivrées par arrêté du 5 novembre 2008 et par l'arrêté du 31 juillet 2009,

ainsi les compétences du sapiteur sont discréditées,

contrairement à ce que soutient M. [J], la société SRA SAVAC l'a averti par dire du 11 février 2010 et a soulevé ce point à plusieurs reprises,

en tout état de cause, quelque soit la tardiveté de la révélation de ces éléments, M. [J] aurait dû réagir et revenir sur la désignation de M. [M] en tant que sapiteur,

ainsi, M. [J] a commis plusieurs fautes en désignant un sapiteur douteux sans se renseigner sur son parcours professionnel et en ne le remplaçant pas dès qu'il avait été informé de son intervention sur la cuve qu'il expertisait,

l'expert a également manqué au respect du contradictoire en s'abstenant de convoquer les parties à certaines interventions du sapiteur, soit celles des 8 octobre, 13, 14, 19 et 20 novembre 2008,

la Cour de cassation rappelle que le principe du contradictoire n'est pas respecté en l'absence de convocation des parties aux opérations d'expertise,

c'est de façon tout à fait péremptoire que M. [J] estime que certaines opérations de remise en état ne justifiaient pas de convocations des parties,

il n'appartient pas à l'expert d'apprécier les opérations devant faire l'objet d'une information des parties mais de veiller à celles-ci soient averties des déplacements du sapiteur afin qu'elles puissent décider par elles-même de l'opportunité d'y assister,

les parties n'ont pas été informées des modalités de désembouage,

les dires déposés par les parties sur ce point n'ont pas reçu de réponses de la part de l'expert,

M. [J] a même défendu le travail de son sapiteur en s'indignant que l'on ait pu le suspecter.

La clôture de la procédure est intervenue le 11 octobre 2022.

MOTIFS

1/ sur la responsabilité de M. [J]

Aux termes de l'article 237 du code de procédure civile, l'expert commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité.

La contradiction, qui est un principe directeur du droit posé par l'article 16 du code de procédure civile, doit également être respectée par l'expert.

Enfin, l'expert est responsable de son sapiteur.

Il est établi que le sapiteur, M. [M], choisi par l'expert [J], a réalisé en 1995 une opération de stratification sur la cuve n° 5 sur laquelle il a du donner son avis au titre de sa bonne étanchéification et, que de surcroit, M. [M] travaille depuis 1997 pour la société SOCOMEX qui s'est vu retirer, depuis le 9 décembre 2009, son agrément l'autorisant à effectuer le contrôle périodique de certaines installations.

Dès lors, le sapiteur de l'expert [J] n'avait ni la compétence nécessaire ni l'impartialité requise pour expertiser la cuve litigieuse.

Ainsi, M. [J] a commis une faute en ne se renseignant pas sur le parcours professionnel de M. [M] et, surtout, en ne procédant pas dans les plus brefs délais à son remplacement dès qu'il a été informé de cette situation par un dire de la société SRA SAVAC du 11 février 2010.

Le fait de savoir que M. [M] lui avait caché ses antécédents et n'avait pas décliné la mission qu'il lui proposait aurait dû l'inciter, de plus fort, à le remplacer pour assurer l'objectivité nécessaire du rapport d'expertise qu'il a finalement déposé sans le moindre changement le 3 juin 2010.

En outre, M. [J] n'a pas veillé à ce que le sapiteur informe les parties de chacune de ses interventions sur place à savoir celles des 8 octobre, 13,14, 19 et 20 novembre 2008.

A cet égard, il n'appartient pas à l'expert d'apprécier les opérations devant faire l'objet d'une information des parties mais de veiller à ce que les parties soient averties de tous déplacements du sapiteur afin qu'elles puissent décider par elles-même de la suite à donner.

Manifestement, M. [J] méconnait ses obligations en estimant de façon péremptoire ce dont les parties doivent être avisées de ce qui ne les concerne pas.

Contrairement à ses allégations, M. [J] ne démontre pas davantage que les parties ont été informées des modalités de desembouage des cuves, ce qui était un point crucial du litige.

Ainsi, il est incontestable que M. [J] a commis diverses fautes qui ont concouru de façon directe et certaine aux dommages subis par la commune de [Localité 7] laquelle a dû supporter, en vain, le coût de l'expertise ultérieurement annulée pour un montant de 67.299,51€, ainsi que les frais d'avocat engagés pour l'assister dans la préparation du dossier, le suivi des opérations d'expertise, le déplacement sur site, la production de dires et de conclusions dont il est justifié par la communication de diverses factures pour un montant global de 37.017,67€.

Par voie de conséquence, le jugement déféré, qui condamne M. [J] à payer à la commune de [Localité 7] la somme de 104.317,18€ en réparation de son préjudice financier, sera confirmé en toutes ses dispositions.

2/ sur les mesures accessoires

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de la commune de [Localité 7] au titre des frais irrépétibles d'appel.

Enfin, M. [J] supportera les dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [U] [J] à payer à la commune de [Localité 7] la somme de 2.000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel,

Condamne M. [U] [J] aux dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 20/03696
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;20.03696 ?
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