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22/11/2022 | FRANCE | N°22/00005

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Réparation détention, 22 novembre 2022, 22/00005


N° RG 22/00005 -

N° Portalis DBVM-V-B7G-LIR4



C1



N° Minute : 18























































































Notifications faites le

22 NOVEMBRE 2022







copie exécutoire délivrée

le 22 NOVEMBRE 2022 à :




Me DESNOYER







AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE





DÉCISION DU 22 NOVEMBRE 2022







ENTRE :



DEMANDEUR suivant requête du 10 Mars 2022





M. [I] [D]

né le [Date naissance 2] 1996 à [Localité 4] (ROUMANIE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par Me Didier DESNOYER, avocat au barreau de VALENCE







ET :



DEFENDEUR



M. L'AGENT JUDICIAI...

N° RG 22/00005 -

N° Portalis DBVM-V-B7G-LIR4

C1

N° Minute : 18

Notifications faites le

22 NOVEMBRE 2022

copie exécutoire délivrée

le 22 NOVEMBRE 2022 à :

Me DESNOYER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

DÉCISION DU 22 NOVEMBRE 2022

ENTRE :

DEMANDEUR suivant requête du 10 Mars 2022

M. [I] [D]

né le [Date naissance 2] 1996 à [Localité 4] (ROUMANIE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Didier DESNOYER, avocat au barreau de VALENCE

ET :

DEFENDEUR

M. L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par la SCP LEXWAY AVOCATS, avocats au barreau de GRENOBLE, substituée par Me Alexandre SPINELLA, avocat au barreau de GRENOBLE

EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC

pris en la personne de M. MULLER, avocat général

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Octobre 2022,

Nous, Patrick BEGHIN, conseiller délégué par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble par ordonnance du 13 septembre 2021, assisté de Valérie RENOUF, greffier, les formalités prévues par l'article R 37 du code de procédure pénale ayant été respectées,

Avons mis l'affaire en délibéré et renvoyé le prononcé de la décision à la date du 22 novembre 2022, ce dont les parties présentes ou représentées ont été avisées.

2

M. [D], né le [Date naissance 2] 1998, prévenu de complicité de proxénétisme aggravé, a été placé en détention provisoire le 15 octobre 2021 et écroué au centre pénitentiaire de [Localité 5].

Il a été libéré le 19 novembre 2021 à la suite du jugement du tribunal correctionnel de Valence du même jour l'ayant relaxé (certificat de non-appel du 17 décembre 2021).

Par requête reçue au greffe de la cour d'appel le 10 mars 2022, M. [D] a sollicité la réparation du préjudice que lui a causé sa détention et demandé la somme de 6 480 euros au titre de son préjudice, outre celle de 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir, sur le plan moral, qu'il était âgé de 23 ans au moment des faits et père d'une fille de 4 mois, qu'il n'avait jamais été incarcéré auparavant, que son activité professionnelle était de nature agricole, exercée en plein air, et que sa détention l'a séparé de sa famille, et, sur le plan professionnel, qu'il venait, avant sa garde à vue, de terminer un contrat de travail saisonnier à durée déterminée, que sa détention l'a empêché de rechercher un nouveau travail et qu'il n'a trouvé un nouvel emploi que le 10 janvier 2022.

Par conclusions déposées le 25 mai 2022, l'agent judiciaire de l'Etat, relevant que le demandeur avait sollicité une indemnité globale sans chiffrer séparément son préjudice moral et son préjudice matériel, a offert la somme de 6 000 euros en réparation du seul préjudice moral et il a indiqué s'en rapporter sur la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il observe, sur le préjudice moral, que M. [D] n'avait jamais été incarcéré, et que la privation de liberté a duré trente-six jours, mais qu'il n'est pas justifié de conditions de détention anormales.

Par conclusions en réponse du 2 juin 2022, M. [D], ajoutant à ses demandes initiales, a sollicité la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice matériel, ainsi que celle de 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Reprenant ses premières observations sur la situation professionnelle ayant été la sienne, il évalue sa perte de revenu à plus d'un mois de salaire, compte tenu de la durée de sa détention et du délai pour trouver un emploi après sa libération.

Par conclusions déposées le 8 juin 2022, le ministère public propose d'indemniser le préjudice moral de M. [D] à hauteur de 6 000 euros, de rejeter sa demande au titre du préjudice matériel, s'analysant en une perte de chance, et de faire droit à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il observe que par arrêté préfectoral du 13 octobre 2021 M. [D] avait fait l'objet d'une d'obligation de quitter le territoire national, et qu'il ne justifie pas du travail saisonnier qu'il invoque.

M. [D] a déposé des conclusions en réponse le 24 juin 2022, et l'agent judiciaire de l'Etat le 21 juillet 2022.

M. [D] indique que l'arrêté préfectoral du 13 octobre 2021 a fait l'objet d'un recours auquel il a été fait droit par jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2021. Sur son préjudice matériel, il soutient avoir justifié, par ses pièces 11 à 15-3, de son activité antérieure à son incarcération.

L'agent judiciaire de l'Etat réplique sur le préjudice matériel que M. [D] ne justifie pas qu'il occupait un emploi stable avant son incarcération, que les fiches de salaires produites sont au nom de Mme [X] et que les difficultés à retrouver un emploi après la libération ne sont pas en lien caractérisé avec la détention, compte tenu de l'absence de récoltes en période hivernale.

3

SUR CE,

Il résulte des articles 149 à 150 du code de procédure pénale qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive. Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté.

Par ces textes, le législateur a instauré le droit pour toute personne d'obtenir de l'État réparation du préjudice subi à raison d'une détention provisoire fondée sur des charges entièrement et définitivement écartées.

Sur la recevabilité de la requête

La requête en réparation a été formée dans les conditions de temps et de forme prescrites par les articles 149-2 et R. 26 du code de procédure pénale et est ainsi recevable.

Sur la liquidation des préjudices

Sur la durée de la détention indemnisable

M. [D] a été détenu du 15 octobre au 19 novembre 2021, soit pendant trente-six jours.

Sur l'indemnisation du préjudice moral

M. [D] a été placé en détention alors qu'il était âgé de 23 ans et qu'il vivait en concubinage et était père d'une fille de quatre mois. Selon le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 2021, il a travaillé en qualité d'ouvrier agricole en 2018, 2019, 2020 et 2021, et selon l'enquête sociale rapide effectuée dans le cadre de la procédure pénale, il semblait isolé socialement. Son casier judiciaire ne mentionne pas de condamnation et il ne résulte pas du dossier qu'il ait été détenu antérieurement.

Au regard de ces éléments, et en l'absence de facteur de minoration du préjudice, il convient d'allouer à M. [D] une indemnité de 6 400 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur l'indemnisation du préjudice matériel

Le contrat de travail à durée déterminée saisonnier que M. [D] produit, ayant eu pour date d'effet le 23 août 2021 et pour objet les vendanges et la cueillette des fruits d'automne, est au nom de sa compagne et ne le concerne donc pas. Les bulletins de salaires produits (1 259 euros en septembre 2021) sont également au nom de Mme [X].

Néanmoins, le tribunal administratif de Grenoble a retenu que M. [D] avait justifié par des bulletins de salaires qu'il avait exercé régulièrement une activité professionnelle en qualité d'ouvrier agricole, de 2018 à 2021.

Il justifie qu'après sa libération, il a été embauché le 10 janvier 2022 en contrat saisonnier et a travaillé seize jours en janvier et vingt jours en février 2022. Il a perçu 1 321,46 et 1 651,83 euros.

Ainsi que le relève le ministère public, à défaut de preuve d'un travail effectif au jour du placement en détention, il convient d'analyser le préjudice invoqué comme une perte de chance d'occuper un emploi durant la détention et le temps d'en retrouver un après sa libération.

Compte tenu de la nature saisonnière de son activité professionnelle, ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 400 euros.

4

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il apparaît conforme à l'équité d'allouer à M. [D] la somme réclamée de 850 euros au titre des frais d'avocat impliqués pour la présentation de sa demande en réparation.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Allouons à M. [I] [D] :

- la somme de 6 400 euros en réparation de son préjudice moral,

- la somme de 400 euros en réparation de son préjudice matériel,

- et celle de 850 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Patrick BEGHIN, conseiller délégué par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble et par Valérie RENOUF, greffier.

Le greffier Le conseiller délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Réparation détention
Numéro d'arrêt : 22/00005
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;22.00005 ?
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