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22/11/2022 | FRANCE | N°22/00002

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Réparation détention, 22 novembre 2022, 22/00002


N° RG 22/00002 -

N° Portalis DBVM-V-B7G-LGTZ



C1



N° Minute : 15

























































































Notifications faites le

22 NOVEMBRE 2022







copie exécutoire délivrée

le 22 NOVEMBRE 2022

à :

Me CHARLE







AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE





DÉCISION DU 22 NOVEMBRE 2022







ENTRE :



DEMANDEUR suivant requête du 27 Janvier 2022





M. [K] [O]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 7]

Chez [B] [O],

[Adresse 2]

[Localité 3]



comparant en personne, assisté de Me Julien CHARLE, avocat au barreau de LYON substitué par Me FOREST, avo...

N° RG 22/00002 -

N° Portalis DBVM-V-B7G-LGTZ

C1

N° Minute : 15

Notifications faites le

22 NOVEMBRE 2022

copie exécutoire délivrée

le 22 NOVEMBRE 2022 à :

Me CHARLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

DÉCISION DU 22 NOVEMBRE 2022

ENTRE :

DEMANDEUR suivant requête du 27 Janvier 2022

M. [K] [O]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 7]

Chez [B] [O],

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Julien CHARLE, avocat au barreau de LYON substitué par Me FOREST, avocate au barreau de LYON

ET :

DEFENDEUR

M. AGENT JUDICAIRE DE L'ETAT

Direction Affaires juridiques - Sous Direction droit privé

[Adresse 6]

[Localité 5]

représenté par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocats au barreau de GRENOBLE substituée par Me Floris RAHIN, avocat au barreau de GRENOBLE

EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC

pris en la personne de M. MULLER, avocat général

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Octobre 2022,

Nous, Patrick BEGHIN, conseiller délégué par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble par ordonnance du 13 septembre 2021, assisté de Valérie RENOUF, greffier, les formalités prévues par l'article R 37 du code de procédure pénale ayant été respectées,

Avons mis l'affaire en délibéré et renvoyé le prononcé de la décision décision à la date du 22 novembre 2022, ce dont les parties présentes ou représentées ont été avisées.

2

M. [O], né le [Date naissance 1] 1975, a été placé en détention provisoire le 22 mai 2014 après avoir été mis en examen des chefs, notamment, de vol en bande organisée avec arme, et détention ou séquestration arbitraire de plusieurs personnes, en bande organisée.

Par arrêt de la cour d'assises du Rhône du 8 décembre 2017, puis par arrêt de la cour d'assises de la Loire, statuant en appel, du 7 décembre 2018, il a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle.

Par arrêt du 26 février 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé ce dernier arrêt, et par arrêt du 17 septembre 2021, la cour d'assises de l'Isère, juridiction de renvoi, a acquitté M. [O] et ordonné sa remise en liberté.

Par requête reçue au greffe de la cour d'appel le 27 janvier 2022, M. [O] a sollicité la réparation du préjudice que lui a causé sa détention, d'une durée de six ans, dix mois et vingt-huit jours, et demandé :

- 959 120 euros au titre de son préjudice moral,

- 99 366,56 euros au titre du préjudice matériel, soit :

* 13 366,56 euros au titre des frais de route de sa compagne,

* 80 000 euros au titre de la perte de chance de devenir l'aidant familial de son frère, tétraplégique,

* 6 000 euros au titre des frais d'avocat,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir, s'agissant de son préjudice moral, que le choc psychologique, accru par l'importance de la peine encourue, a été attesté par la psychologue qui l'a suivi ; que son état de santé s'est dégradé en détention, une entorse ayant dégénéré en rupture du ligament croisé antérieur ; qu'il n'a eu de cesse de clamer son innocence et a déposé plus d'une cinquantaine de demandes de mise en liberté ; qu'il a régulièrement fait l'objet de fouilles, l'une d'elle lui ayant valu une condamnation à une peine d'un mois d'emprisonnement pour détention d'un téléphone portable, peine qui n'aurait jamais eu lieu sans sa détention provisoire.

Il ajoute qu'il a été incarcéré à 39 ans, alors qu'il bénéficiait d'une vie familiale stable et épanouie ; qu'il avait deux enfants nés en 2006 et 2007 de son union avec Mme [J], ainsi qu'un enfant né en 1995 d'une précédente union, sa compagne ayant elle-même deux autres enfants ; qu'il a été dans l'incapacité de soutenir sa compagne, qui, quelques jours après son interpellation, a été victime d'une fausse couche et, le 15 octobre 2017, a été victime d'une agression ayant entraîné une incapacité totale de travail, puis à partir d'octobre 2018 de difficultés de santé qui auraient nécessité une opération qu'elle a reportée dans l'attente d'une remise en liberté, report qui a été à l'origine d'une dégradation de son état début 2020 ; que malgré les visites très régulières de sa compagne, interrompues ou dont le déroulement a été dégradé par la mise en place d'hygiaphones du fait de la crise sanitaire, la vie familiale a été gravement atteinte, d'autant que les visites de ses enfants, trop éprouvantes pour eux, ont été exceptionnelles ; que sa compagne, qui a eu un accident de voiture à l'occasion d'une visite, a été éprouvée par la séparation causée par la détention ; qu'il en a été de même pour ses enfants, dont il n'a pu s'occuper et à l'entretien et à l'éducation desquels il n'a pu contribuer ; que Mme [J] n'a pu, seule, financer un suivi psychologique pour les enfants ; qu'il a lui-même été très affecté par la situation de sa compagne et celle de chacun de ses enfants, son impossibilité d'être présent auprès de ses enfants à l'occasion de leurs anniversaires, des événements sportifs, des fêtes ou des rentrées des classes.

3

Il souligne également que son incarcération a considérablement affecté le quotidien de son frère tétraplégique qu'il aurait dû accueillir à domicile, s'il n'avait été détenu, et prendre en charge dans une maison adaptée qu'il avait le projet d'acquérir ; que l'état de santé de sa mère s'est dégradé et a nécessité une hospitalisation en 2015; qu'elle est décédée le [Date décès 4] 2017 ; qu'il n'a pu assister sa mère malade et n'a pu se recueillir auprès d'elle que quelques instants, menotté et entouré de policiers cagoulés et armés ; que son père est décédé trois ans plus tard et qu'il a ainsi dû faire le deuil de ses parents seul dans sa cellule.

Il fait valoir enfin qu'en raison de sa longue détention, il ne pourra jamais reprendre le cours normal de sa vie et sera toujours stigmatisé.

S'agissant de son préjudice matériel, il fait valoir, en premier lieu, que Mme [J] a dû faire face à de très lourdes difficultés financières et que ses visites en détention ont généré des frais de trajets importants, en deuxième lieu, qu'il a subi une perte de chance de devenir l'aidant familial, rémunéré, de son frère, en troisième lieu, qu'il a dû engager des frais d'avocat.

Par conclusions déposées le 17 mai 2022, l'agent judiciaire de l'Etat offre la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral de M. [O], et il sollicite le rejet des demandes au titre du préjudice matériel et la réduction de la somme réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la durée de la détention indemnisable, devant être fixée à six ans, dix mois et vingt jours, soit deux mille cinq cent dix jours, il relève que M. [O] a été détenu pour autre cause du 20 juin au 1er décembre 2016, en exécution de deux peines d'emprisonnement prononcées, l'une, par le tribunal de Roanne, l'autre, par le tribunal de Lyon.

S'agissant du préjudice moral, il fait valoir que les préjudices subis par la compagne, les enfants et le frère de M. [O], qui ne lui sont pas personnels, ne peuvent être indemnisés à son bénéfice ; que M. [O] avait antérieurement été détenu à de sept reprises, en exécution de décisions prononcées de 1997 à 2012 ; et qu'il n'a pas justifié de conditions de détention anormales.

S'agissant du préjudice matériel, il fait valoir que les frais de transport exposés par la compagne de M. [O] ne sont établis par aucun justificatif, que le dossier déposé par celui-ci pour devenir aidant familial était incomplet, et que la facture d'honoraires d'avocat produite, du 1er mars 2016, ne précise pas la nature des diligences rémunérées.

Par ses écritures déposées le 2 juin 2022, le ministère public propose d'indemniser le préjudice moral de M. [O] à hauteur de 100 000 euros. Il s'en rapporte sur la somme réclamée au titre des frais d'avocat, et conclut au rejet des autres demandes formées au titre du préjudice matériel. Il propose enfin de faire droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il retient que M. [O] ayant été détenu pour autre cause pendant cent-soixante-six jours, la durée de la détention indemnisable est de deux mille cinq cent dix jours ; que les demandes relatives aux répercussions de la détention sur les membres de la famille du requérant sont des préjudices indirects ; que M. [O] avait déjà été incarcéré à sept reprises et qu'il n'a pas justifié de conditions particulièrement difficiles en détention.

Sur les demandes au titre du préjudice matériel, il fait valoir qu'elles ne sont étayées par aucun élément.

4

Le 20 juin 2022, M. [O] a observé en réponse que son préjudice moral personnel doit être apprécié en tenant compte des répercussions de sa détention sur les membres de sa famille et que les visites qu'il a reçues de sa compagne et de ses enfants ne peuvent justifier une diminution de son préjudice ; que s'il avait déjà été incarcéré, il s'était alors agi de peines correctionnelles ; et qu'il a observé une grève de la faim et de la soif pendant sept jours.

Sur son préjudice matériel, il souligne que, malgré ses demandes faites à l'administration pénitentiaire, il n'a pas été mis en mesure de produire le registre des visites ou son dossier de détention, et que Mme [J] n'est pas en capacité de remettre l'ensemble des tickets de péage et d'achat de carburant sur une période de sept ans. Il ajoute que la facture d'honoraires produite couvre uniquement le contentieux de la liberté et, par ailleurs, qu'il avait déposé en mai 2014 une demande pour être aidant familial de son frère et que, dès sa sortie de détention il a renouvelé sa demande et qu'il perçoit actuellement 1 004,25 euros en qualité d'aidant familial de son frère.

A l'audience, le ministère public a proposé l'accueil de la demande en indemnisation des frais de trajet que l'exercice des visites en détention ont causés.

SUR CE,

Il résulte des articles 149 à 150 du code de procédure pénale qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive. Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté.

Par ces textes, le législateur a instauré le droit pour toute personne d'obtenir de l'État réparation du préjudice subi à raison d'une détention provisoire fondée sur des charges entièrement et définitivement écartées.

Sur la recevabilité de la requête

La requête en réparation a été formée dans les conditions de temps et de forme prescrites par les articles 149-2 et R. 26 du code de procédure pénale et est ainsi recevable.

Sur la liquidation des préjudices

Sur la durée de la détention indemnisable

M. [O] a été écroué le 22 mai 2014 et libéré le 17 septembre 2021, après six ans, quinze mois et vingt-sept jours de détention.

Il résulte cependant de sa fiche pénale qu'en exécution de deux condamnations à six mois et un mois de détention prononcées, la première, par le tribunal correctionnel de Roanne le 8 septembre 2015, la seconde, par le tribunal correctionnel de Lyon le 14 mars 2016, il a été détenu pour autre cause du 20 juin 2016 au 26 octobre 2016, soit pendant quatre mois et sept jours.

5

Contrairement à ce que soutient M. [O], la condamnation du 14 mars 2016, pour recel, doit être considérée comme une détention pour autre cause devant diminuer la durée de la détention indemnisable. En effet, la détention provisoire subie par M. [O] n'a été que l'occasion, le 4 février 2015, des faits pour lesquels il a été condamné, qu'il aurait pu, et dû, ne pas commettre.

En cet état, compte tenu de la demande, la durée indemnisable de la détention sera fixée à six ans, dix mois et vingt-huit jours.

Sur l'indemnisation du préjudice moral

M. [O] a été placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de [8] à l'âge de 39 ans, pour des faits lui faisant encourir une peine de réclusion criminelle. Son incarcération est intervenue alors qu'il avait déjà été détenu, ce qui a minoré le choc carcéral, sauf à tenir compte cependant qu'il avait été auparavant détenu en exécution de peines correctionnelle uniquement et qu'il a été condamné durant sa détention à deux reprises à quinze ans de réclusion criminelle.

La grève de la faim et de la soif observée par M. [O] n'a pas été motivée par ses conditions de détention, mais davantage par le fond de l'affaire pénale et le sentiment d'injustice ressenti, notamment face au rejet de ses multiples demandes de mises en liberté, rejets qu'il n'appartient pas au juge de la réparation d'apprécier. La pénibilité certaine de la détention, est ainsi essentiellement due à sa durée, alors que M. [O] affirmait son innocence. Cette pénibilité a justifié un suivi psychologique très régulier par le service médico-psychologique régional, ce dont il convient de tenir compte.

En revanche, il ne résulte pas des documents médicaux produits que l'aggravation de l'état d'un genou de M. [O] serait dû à la détention. Il est certain qu'il est apparu en octobre 2017 qu'il souffrait d'une rupture du ligament croisé antérieur, et qu'il avait subi antérieurement à sa détention une entorse et foulure du genou. Mais ce traumatisme, décrit comme léger, avait été constaté le 21 novembre 2013, soit plusieurs mois avant le placement en détention provisoire de M. [O], le 22 mai 2014, ce dont il résulte qu'il aurait pu effectuer les actes complémentaires de diagnostics ou thérapeutiques mentionnés comme nécessaires en novembre 2013. La rupture du ligament croisé antérieur n'est donc pas imputable à la détention, et la souffrance ou la pénibilité de la détention due à l'état de son genou, antérieurement et postérieurement à cette rupture, ne peut être prise en compte.

Lors de son placement en détention, il vivait avec Mme [J] et leurs deux enfants nés en 2006 et 2007 et son frère, [B] [O], handicapé dont ils s'occupaient, vivait avec eux. Sa détention l'a ainsi empêché, pendant une période particulièrement longue, de mener une vie familiale normale, spécialement à l'égard de ses deux jeunes enfants, dont il n'a pu s'occuper normalement au quotidien, ce à quoi il convient d'ajouter que les restrictions liées à la pandémie de Covid-19 ont eu des répercussions sur les possibilités et conditions du maintien des liens familiaux en détention, et plus généralement que les visites régulières qu'il a reçues en détention ne sont pas susceptibles de constituer un facteur de minoration du préjudice moral.

6

Les conséquences morales ou matérielles que la détention de M. [O] a eues sur chacun des membres de sa famille ne constituent pas un préjudice qui lui est personnel. Toutefois, leur situation morale et matérielle et les événements qui les ont affectés pendant sa détention, justifiés, ont certainement aggravé la pénibilité de la détention par l'inquiétude et les sentiments qu'ils ont pu générer chez le détenu, éloigné des siens et dans l'incapacité de les assister. A ce titre, il y a lieu de retenir que M. [O] justifie, outre de la situation de son frère handicapé dont sa compagne et lui-même s'occupaient, de difficultés de santé de Mme [J], liées à une agression ou à des états pathologiques, de perturbations manifestées par son fils et sa fille, du décès de sa mère le [Date décès 4] 2017, après de sérieuses difficultés de santé, et de son père le 20 octobre 2020, la détention ayant empêché M. [O] de se recueillir auprès de sa mère dans des conditions normales.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient d'allouer à M. [O] la somme de 250 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur l'indemnisation du préjudice matériel

Sur la perte de chance de devenir l'aidant familial de son frère :

Il ressort de la demande et des pièces produites (n° 28 et n° 32) que l'indemnité sollicitée par M. [O] correspond au montant du dédommagement qu'il aurait dû percevoir selon lui s'il avait pu devenir aidant familial de son frère.

Or il est de jurisprudence constante que l'indemnisation de la perte de chance, qui doit être mesurée à la chance perdue, ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Ceci étant, il est établi que M. [O] est actuellement aidant familial de son frère [B], tétraplégique, qui, selon l'attestation de son tuteur, en date du 13 juin 2022, le dédommage au titre de la prestation de compensation du handicap (PCH) à hauteur de 1 004,25 euros par mois depuis le 7 octobre 2021.

S'agissant de la situation au moment de l'incarcération de M. [O], le 22 mai 2014, il y a lieu de relever, en premier lieu, qu'il ressort de la lettre que celui-ci a adressée au juge des tutelles le 12 mai 2014 que son frère [B] résidait à son domicile et que Mme [J], sa compagne, avait démissionné de son emploi d'agent de service hospitalier pour s'en occuper quotidiennement, en second lieu, que le courrier du 28 juillet 2014 ne permet pas d'établir de manière certaine que le dossier de demande à la Maison départementale des personnes handicapées pour la PCH a été déposé antérieurement à l'incarcération.

Et il y a encore lieu de relever que la décision ou les décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées concernant M. [B] [O] sur la période de la détention de M. [K] [O] n'ont pas été versées aux débats au soutien de la demande.

Il en résulte que si la perte de chance invoquée par celui-ci est établie et que le droit à réparation à ce titre est donc ouvert, l'indemnité réclamée doit être réduite et fixée à la somme de 52 000 euros.

7

Sur les frais de trajets :

Selon la jurisprudence de la commission nationale de réparation des détention, les frais de transport pour les visites en détention peuvent être indemnisés à la personne ayant été détenue :

- en partie, s'ils ont été supportés par son époux ou son épouse, sur le fondement des conventions matrimoniales ou de la contribution aux charges du mariage (29 mai 2006, n° 05CRD072),

- ou s'ils ont été supportés pour permettre les visites d'un enfant mineur à charge du détenu (10 octobre 2011, n° 10CRD079 ; 30 septembre 2013, n° 12CRD045).

En l'espèce, M. [O] et Mme [J] n'étaient pas mariés et, en l'absence de tout élément contraire, les frais de transport qu'elle a exposés pour les visites qu'elle a effectuées en détention constituent un préjudice qui lui est personnel, dont M. [O] ne peut en demander le paiement à son propre bénéfice.

Et si ses deux enfants nés de son union avec Mme [J] lui ont rendu visite en détention avec celle-ci, ces visites ont été, selon lui, très exceptionnelles, et aucun élément ne permet en tout état de cause de déterminer la part, à charge de M. [O], du coût des transports considérés.

Il n'y a donc lieu de faire droit à la demande au titre des frais de trajets.

Sur les frais d'avocat :

Les honoraires versés à un avocat ne sont pris en compte au titre du préjudice causé par la détention que s'ils rémunèrent des prestations directement liées au contentieux de la privation de liberté, ce que demandeur doit justifier.

Or la facture produite, n° 20160532 du 1er mars 2016, d'un montant de 6 000 euros, ne mentionne pas les diligences qu'elle concerne, et aucun compte détaillé d'honoraires n'est versé aux débats.

Si M. [O] a été assisté par son avocat au cours de la procédure pénale lors des débats devant le juge des libertés et de la détention ou devant la chambre de l'instruction, il n'en demeure pas moins que la seule facture précitée ne permet pas de s'assurer qu'elle n'a pas eu en partie pour objet des prestations portant sur le fond de l'affaire pénale, distinctes du contentieux de la privation liberté.

Etant encore observé qu'il n'appartient pas au juge de la réparation de la détention de déterminer la part des honoraires relevant de la privation de liberté, il y a lieu de rejeter la demande formée au titre des frais d'avocat.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il apparaît conforme à l'équité d'allouer à M. [O] une somme de 1 800 euros en remboursement des frais de procédure qu'il a dû exposer pour présenter sa demande en réparation.

8

PAR CES MOTIFS

Nous, Patrick BEGHIN, conseiller délégué par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Allouons à M. [K] [O] :

- la somme de 250 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- la somme de 52 000 euros en réparation de son préjudice matériel, au titre de la perte de chance de devenir l'aidant familial de son frère,

- et celle de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejetons le surplus de sa demande au titre du préjudice matériel,

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Patrick BEGHIN, conseiller délégué par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble et par Valérie RENOUF, greffier.

Le greffier Le conseiller délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Réparation détention
Numéro d'arrêt : 22/00002
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;22.00002 ?
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