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08/11/2022 | FRANCE | N°21/02473

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 08 novembre 2022, 21/02473


N° RG 21/02473 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K433



C4





N° Minute :



































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



la SELARL EYDOUX MODELSKI



Me Myriam DUCKI

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



PREMIÃ

ˆRE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 08 NOVEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 20/03260)

rendue par le Juge des contentieux de la protection de Grenoble

en date du 29 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 01 juin 2021





APPELANTE :



LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHÔNE ALPES prise en la personne de son représentant légal ...

N° RG 21/02473 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K433

C4

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL EYDOUX MODELSKI

Me Myriam DUCKI

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 08 NOVEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 20/03260)

rendue par le Juge des contentieux de la protection de Grenoble

en date du 29 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 01 juin 2021

APPELANTE :

LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHÔNE ALPES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE et plaidant par Me VILLECROZE avocat au même cabinet

INTIMEES :

Mme [D] [O] épouse [U]

née le [Date naissance 3] 1983 à [Localité 7] (ALLEMAGNE)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Mme [B] [U] épouse [O]

née le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentés et plaidant par Me Myriam DUCKI, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

M. Laurent Desgouis, vice- président placé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 septembre 2022 M. Desgouis vice- président placé chargé du rapport, assisté de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant offre préalable, acceptée le 4 décembre 2013, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuelle Sud-Rhône-Alpes a consenti à Mme [B] [U], aujourd'hui épouse [O], un prêt personnel n°73068444146 (devenu 00001933724) d'un montant de 6.000€, remboursable par 60 mensualités successives de 113, 28 €, dont assurance, au taux effectif global de 3, 990%.

Suivant offre préalable, acceptée le 26 mai 2015, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuelle Sud-Rhône-Alpes a consenti à Mme [B] [U] un prêt personnel n°73077695685 (devenu 00001960169) d'un montant de 15.000€, remboursable par 60 mensualités successives de 274, 75 €, dont assurance, au taux effectif global de 2, 690%.

Suivant offre préalable, acceptée le 14 janvier 2017, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuelle Sud-Rhône-Alpes a consenti à Mme [B] [U] et à Mme [D] [O] un prêt personnel n°73091745171 (devenu 00001960168) d'un montant de 24.700€, remboursable par 60 mensualités successives de 441, 21 €, dont assurance, au taux effectif global de 2, 200%.

Suivant courrier recommandé avec demande d'avis de réception signé le 1er août 2019, Mme [B] [U] et Mme [D] [O] ont été mises en demeure de régler la somme de 11.319, 29 € au titres des échéances non honorées concernant les trois prêts personnels.

Suivant courrier recommandé du 10 septembre 2019, la demande d'avis de réception étant revenu non réclamée, la Caisse régionale de Crédit Agricole a prononcé la déchéance du terme des trois prêts personnels, Mme [B] [U] et Mme [D] [O] étant par ailleurs sommées de régler la somme totale de 30.076, 37 €.

Suivant exploit délivré le 10 août 2020, la Caisse régionale de Crédit Agricole a fait assigner Mme [B] [U] et Mme [D] [O] en paiement devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Grenoble.

Par jugement contradictoire rendu le 29 avril 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Grenoble a :

Dit que l'action intentée par la Caisse régionale de Crédit Agricole à l'encontre de Mme [B] [U] au titre du contrat de prêt n°73068444146 (devenu 00001933724) est irrecevable comme étant forclose ;

Dit que l'action intentée par la Caisse régionale de Crédit Agricole à l'encontre de Mme [B] [U] et Mme [D] [O] au titre du contrat de prêt n°73091745171 (devenu 00001960168) est irrecevable comme étant forclose ;

Débouté la Caisse régionale de Crédit Agricole de son action à l'encontre de Mme [B] [U] au titre du contrat de prêt n°73077695685 (devenu 00001960169) ;

Débouté la Caisse régionale de Crédit Agricole du surplus de ses demandes ;

Rejeté la demande formée par la Caisse régionale de Crédit Agricole au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la Caisse régionale de Crédit Agricole aux dépens.

Suivant déclaration du 1er juin 2021, la Caisse régionale de Crédit Agricole a relevé appel du jugement rendu le 29 avril 2021, intimant Mme [B] [U] et Mme [D] [O].

Dans ses dernières écritures, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, notifiées par voie électronique le 31 août 2022, la Caisse régionale de Crédit Agricole demande à voir :

Réformer le jugement déféré en ce qu'il :

A dit que son action intentée à l'encontre de Mme [B] [U] au titre du contrat de prêt n°73068444146 (devenu n°00001933724) est irrecevable comme étant forclose ;

A dit que son action intentée à l'encontre de Mme [B] [U] et de Mme [D] [O] au titre du contrat de prêt n°73091745171 (devenu n°00001960168) est irrecevable comme étant forclose ;

L'a déboutée de son action à l'encontre de Mme [B] [U] au titre du contrat de prêt n°73077695685 (devenu 00001960169) ;

L'a déboutée du surplus de ses demandes ;

Rejeté sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'a condamnée aux dépens ;

Et par voie de réformation :

Juger recevable son action à l'encontre de Mme [B] [U] et de Mme [D] [O] ;

Débouter Mme [D] [O] de sa demande de retrait de la pièce n°27, sa production étant nécessaire au titre du droit à la preuve du bien fondé de son action ;

Condamner solidairement Mme [B] [U] et Mme [D] [O] à lui payer la somme de :

20 869,24 € au titre du contrat de prêt n°00001960168 (anciennement n°73091745171), outre intérêts au taux contractuel de 2,20 % à compter du 6 décembre 2021, date du dernier décompte ;

Condamner Mme [B] [U] à lui payer la somme de :

866,32€ au titre du contrat de prêt n°00001933724 (anciennement n°73068444146), outre intérêts au taux contractuel de 3,99 % à compter du 6 décembre 2021, date du dernier décompte ;

7.075,63€ au titre du contrat de prêt n°00001960169 (anciennement n°73077695685), outre intérêts au taux contractuel de 2,69 % à compter du 6 décembre 2021, date du dernier décompte ;

Juger que les revenus de Mme [B] [U] et Mme [D] [O] leur permettent de faire face à leurs engagements de crédit ;

Juger qu'elle n'était pas débitrice à l'endroit de Mme [B] [U] et Mme [D] [O] d'un devoir de mise en garde, les créances n'étant pas d'un montant excessif ;

Juger n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts contractuels ;

A titre subsidiaire :

Juger que tout préjudice s'analyserait en une simple perte de chance, et que le préjudice ne pourrait être équivalent à sa créance ;

Débouter Madame [B] Mme [B] [U] et Mme [D] [O] de toutes leurs demandes, fins et prétentions contraires ;

Si des délais de paiement leur étaient accordées, juger que la totalité des sommes dues deviendraient immédiatement exigible pour le cas où l'une des échéances mensuelles ne serait pas réglée à bonne date et/ou de retour à meilleure fortune ;

Condamner solidairement Mme [B] [U] et Mme [D] [O] à lui payer la somme de 3.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner les mêmes aux entiers dépens ;

Ordonner la capitalisation des intérêts.

Dans leurs dernières conclusions, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, notifiées par voie électronique le 19 octobre 2021, Mme [B] [U] et Mme [D] [O] demandent à voir en réplique :

Confirmer la décision attaquée :

Débouter la Caisse régionale de Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens ;

Dire que l'action intentée par la Caisse régionale de Crédit Agricole à l'encontre de Mme [B] [U] au titre du contrat de prêt 73068444146 (devenu n° 00001933724) est irrecevable comme étant forclose ;

Dire que l'action intentée par la Caisse régionale de Crédit Agricole à l'encontre de Mme [B] [U] et de Mme [D] [O] au titre du contrat de prêt 110 73091745171 (devenu 110 00001960168) est irrecevable comme étant forclose ;

Débouter la Caisse régionale de Crédit Agricole de son action à l'encontre de Mme [B] [U] au titre du contrat de prêt 1173077695685 (devenu 00001960169) ;

Dire que l'action intentée par la Caisse régionale de Crédit Agricole à l'encontre de Mme [B] [U] et de Mme [D] [O] au titre du contrat de prêt à la consommation n°73077695685 (dont la référence est devenue n°00001960169) est irrecevable comme étant forclose ;

Subsidiairement

Annuler les prêts personnels consentis par la Caisse régionale de Crédit Agricole à Mme [B] [U] et Mme [D] [O] avec toutes les conséquences de droit de l'annulation ;

Dire et juger la Caisse régionale de Crédit Agricole responsable de manquements graves dans l'exécution de ses obligations envers Mme [D] [O] et Mme [B] [U] ;

Dire et juger que la Caisse régionale de Crédit Agricole a commis un manquement grave au secret bancaire en communiquant aux débats les relevés de comptes bancaires de Mme [D] [O] et Mme [B] [U] ;

Ordonner le retrait des débats des relevés communiqués par manquement au respect du secret bancaire notamment en pièce adverse n°27 ;

Condamner la Caisse régionale de Crédit Agricole à régler à Mme [D] [O] et Mme [B] [U] la somme de 28.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par elles avec intérêts au taux légal capitalisés par année entière ;

-Très subsidiairement, ordonner la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse régionale de Crédit Agricole Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes ;

En tout état de cause et pour l'ensemble des condamnations éventuelles prononcées à l'encontre des intimées :

Ordonner le report de deux années pour le paiement des éventuelles condamnations mises à la charge de Mme [D] [O] et Mme [B] [U] en application de l'article 1343-5 du Code Civil ;

Débouter la Caisse régionale de Crédit Agricole du surplus de ses demandes ;

Rejeter la demande formée par la Caisse régionale de Crédit Agricole au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la Caisse régionale de Crédit Agricole à payer à Mme [D] [O] et Mme [B] [U] la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'instance.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 1er septembre 2022.

A l'audience du 27 septembre 2022, l'affaire a été mise en délibéré au 8 novembre 2022.

MOTIFS

En application des dispositions de l'article 467 du code de procédure civile, la décision sera rendue contradictoirement.

- Sur la forclusion :

Vu les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile ;

Concernant le contrat de prêt n°73068444146 (devenu n° 00001933724) souscrit par Mme [B] [U] :

Le contrat ayant été conclu le 4 décembre 2013, il doit être fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Vu les dispositions de l'article article L. 311-52 du code de la consommation ;

Pour considérer forclose l'action de la Caisse régionale de Crédit Agricole dirigée à l'encontre de Mme [B] [U] au titre du prêt personnel dont question, le juge des contentieux de la protection a considéré que le premier incident de paiement non-régularisé était intervenu le 15 novembre 2017, soit plus de deux ans avant la délivrance de l'assignation du 10 août 2020.

Pour contester cette décision, la Caisse régionale de Crédit Agricole entend faire valoir que le premier incident de paiement non-régularisé remonte au 16 août 2020, de sorte que l'assignation du 10 août 2020 a bien été délivrée dans le délais de deux ans à compter de cet événement.

Elle soutient en outre que la production des relevés bancaires de Mme [B] [U] ne saurait être interprétée comme une violation du secret bancaire, comme invoqué par cette dernière. La Caisse régionale de Crédit Agricole estime au contraire que cette production, qui ne saurait être écartée des débats, reste indispensable à l'exercice de son droit à la preuve et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence. Elle estime à ce titre que les relevés bancaires dont question permettent de voir fixer le premier incident de paiement non-régularisé au 16 août 2020 et non au 15 novembre 2017.

En réplique, Mme [B] [U] retient que c'est à juste titre que le premier juge à fixer la date du premier incident de paiement non-régularisé au 15 novembre 2017, de sorte à considérer forclose l'action entreprise par la Caisse régionale de Crédit Agricole de ce chef.

Elle relève par ailleurs que la production de ses relevés bancaire porte atteinte au secret bancaire, divulguant ainsi le détail des dépenses personnelles de chacune des épouses à l'encontre desquelles la Caisse régionale de Crédit Agricole a entendu agir. Elle sollicite ainsi le rejet de la pièce n°27, portant relevés de comptes.

Mme [B] [U] précise toutefois que même dans l'hypothèse où la pièce n°27 versée par la Caisse régionale de Crédit Agricole serait retenue, seul le document comptable établi par la banque permet de vérifier le détail des mouvements au crédit et au passif du compte de remboursement du prêt.

Partant, la pièce n°27 versée par la Caisse régionale de Crédit Agricole correspond à une synthèse des mouvements intervenus sur le compte chèque Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes n°85016570376, appartenant en propre à Mme [B] [U]. Cette synthèse porte sur la période courant du 16 janvier 2017 au 16 septembre 2019.

L'article 221 du code civil pose le principe de l'autonomie bancaire des époux de sorte qu'en l'absence de compte joint, comme en l'espèce, la banque doit opposer le secret bancaire, émanation du secret professionnel, au conjoint du titulaire du compte.

Pour autant, le secret bancaire ne saurait être absolu : la banque, partie à l'instance, pourra ainsi faire usage de son droit à la preuve en produisant un extrait de compte de l'un des époux, alors même que tous deux sont parties à l'instance, dès lors qu'elle démontre le caractère indispensable et proportionné de cette production au succès de ses prétentions.

En l'espèce, la Caisse régionale de Crédit Agricole produit une pièce n°3 au travers de laquelle sont retracés les mouvements de débits et de crédits inhérents au remboursement du prêt entre le 15 janvier 2014, date de la première échéance, et le 5 mars 2019, étant précisé que la déchéance du terme est intervenue le 10 septembre 2019.Cette pièce comptable est datée du 18 juillet 2019.La Caisse régionale de Crédit Agricole n'explique ainsi pas la raison pour laquelle cette synthèse des mouvements est arrêtée à une date antérieure à la déchéance du terme et peine à justifier cette carence par la production d'une synthèse de compte personnel d'une des deux épouses couvrant une période plus longue.Il sera à ce titre relevé que cette synthèse de compte personnel est, en elle-même, impropre à permettre, comme le soutiennent les défenderesses, la vérification utile du détail des mouvements de crédits et de débits afférents au prêt dont question.

A la lumière de ces éléments, la Caisse régionale de Crédit Agricole ne démontre pas le caractère indispensable de l'atteinte portée au secret bancaire entre époux par la production de sa pièce n°27, qui sera écartée des débats.

Dès lors, et en application des dispositions de l'article 1256 du code civil, il ressort de la pièce n°3 versée par la Caisse régionale de Crédit Agricole que :

Le premier impayé est daté du 15 novembre 2017 (113, 62 €) ;

L'échéance du 15 novembre 2017 a été régularisée le 15 décembre 2017 (113, 62 €) ;

L'échéance du 15 décembre 2017 a été régularisée le 15 janvier 2018 (113, 62 €) ;

L'échéance du 15 janvier 2018 à été régularisée le 15 avril 2018 (114, 35 €) ;

Le règlement intervenu le 19 avril 2018 (276, 95 €) a régularisé les échéances des 15 février 2018 (113, 62 €) et 15 mars 2018 (113, 62 €) ;

L'échéance du 15 avril 2018 (114, 35 €) a été régularisée le 27 juin 2018 (121, 27 €) ;

Aucune échéance n'est fixée au 15 mai 2018, ni dans le tableau d'amortissement afférent audit prêt (pièce n°2 de l'appelant), ni dans la synthèse de ses mouvements (pièce n°3 de l'appelant) ;

L'échéance du 15 juin 2018 (112, 21 €) a été régularisée le 15 juillet 2018 (113, 28 €).

Alors qu'aucune échéance postérieure à cette dernière date n'a été honorée, il convient de fixer la date du premier incident de paiement non-régularisé au 15 juillet 2018. Il sera relevé à ce titre que le règlement de la somme de 91, 95 €, intervenu le 4 avril 2018, en ce qu'il ne correspond pas au montant d'une échéance complète mais à une « émission A.P.T. » n'est pas de nature à modifier le calcul réalisé.

En conséquence, il convient de constater que l'assignation du 10 août 2020 a été délivrée plus deux ans avant le premier incident de paiement non-régularisé de sorte que l'action de la Caisse régionale de Crédit Agricole doit être déclarée irrecevable, car frappée de forclusion.

Le jugement rendu le 29 avril 2021 sera donc confirmé de ce chef.

Concernant le contrat de prêt n°73077695685 (devenu 00001960169) souscrit par Mme [B] [U] :

Le contrat ayant été conclu le 26 mai 2015, il doit être fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Pour débouter la Caisse régionale de Crédit Agricole de son action à l'encontre de Mme [B] [U] de ce chef, le premier juge a considéré qu'en l'absence de production de l'original du contrat de prêt et de l'historique de comptable complet, il était impossible d'exercer un contrôle sur l'éventuelle forclusion de l'action.

En l'espèce, les intimées demandent à ce que l'action de la Caisse régionale de Crédit Agricole soit déclarée irrecevable de chef, soutenant que les pièces produites par cette dernière ne permettent pas de dater le premier incident de paiement non-régularisé.

Pour contester cet argument et la décision du premier juge, l'appelante produit l'original du contrat de prêt. Elle estime que les documents comptables produits en pièce n°5 et 6, ainsi que sa pièce n°27 sont de nature à caractériser la survenance du premier incident de paiement non-régularisé au 6 septembre 2018, soit moins de deux ans avant l'introduction de l'instance.

Partant, il sera rappelé que la Caisse régionale de Crédit Agricole ne peut s'appuyer sur sa pièce n°27, écartée des débats pour les motifs ci-dessus développés.

Dès lors, il convient de constater que la Caisse régionale de Crédit Agricole ne produit aucune synthèse retraçant l'intégralité de l'historique de fonctionnement du prêt dont question, par l'établissement des mouvements de crédits et débits.

A ce titre, il convient de relever avec les intimées que la pièce n°5, versée par la Caisse régionale de Crédit Agricole, vise expressément le prêt contracté le contrat de prêt n°73068444146 (devenu n° 00001933724) et non le contrat de prêt n°73077695685 (devenu 00001960169).

De la même manière, la pièce n°6 de la Caisse régionale de Crédit Agricole ne comprend qu'un décompte selon déchéance du terme acquise pour la période du 10 juillet 2019 au 10 septembre 2019.

En conséquence, la décision du juge des contentieux de la protection sera confirmée en ce qu'elle a débouté la Caisse régionale de Crédit Agricole de son action à l'encontre de Mme [B] [U] au titre du contrat de prêt n°73077695685 (devenu 00001960169).

Concernant le contrat de prêt n°73091745171 (devenu 00001960168) souscrit par Mme [B] [U] et de Mme [D] [O] :

Le contrat ayant été conclu le 14 janvier 2017, il doit être fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Vu les dispositions de l'article article R. 312-35 du code de la consommation ;

Pour considérer forclose l'action de la Caisse régionale de Crédit Agricole dirigée à l'encontre de Mme [B] [U] et Mme [D] [O] au titre du prêt personnel dont question, le juge des contentieux de la protection a considéré que le premier incident de paiement non-régularisé était intervenu le 5 mars 2018, soit plus de deux ans avant la délivrance de l'assignation du 10 août 2020.

Pour contester cette la décision sur ce point, la Caisse régionale de Crédit Agricole fait valoir que le premier incident de paiement non-régularisé est intervenu le 5 septembre 2018, tel que cela résulte de sa pièce n°13 portant situation comptable afférente au prêt, de sorte à ce que l'assignation délivrée le 10 août 2020 est bien intervenue dans le délai de deux ans. La Caisse régionale de Crédit Agricole produit en outre la synthèse du compte joint de Mme [B] [U] et Mme [D] [O] sur la base de laquelle elle entend justifier son argumentation.

Mme [B] [U] soutient en réplique que la pièce n°13 versée par l'appelant reste peu lisible de sorte que le premier incident de paiement non-régularisé doit être fixé au 5 mars 2018 pour que l'action de la Caisse régionale de Crédit Agricole soit déclarée forclose.

Partant, la pièce n°13 produite par la Caisse régionale de Crédit Agricole, dans une qualité rendant plus lisible les mouvements de compte que celle versée devant le premier juge, doit être examinée à la lumière de la pièce n°28 du même organisme préteur, dont les intimées ne sollicitent pas le rejet, dans la mesure où sa simple lecture n'est pas de nature à rendre compte des mouvements dans leur ensemble.

Il ressort ainsi de la comparaison de ces deux pièces que :

L'échéance du 5 mars 2017 était de 461, 94 € et non de 447, 21 €, telle qu'indiquée par la page 3/8 de la pièce n°13 ;

8 échéances successives de 447, 21 € ont été réglées entre le 5 avril 2017 et le 5 novembre 2017 ;

L'échéance du 5 décembre 2017 (447, 21 €) a été rejetée le 6 décembre 2017 et a fait l'objet d'une régularisation le 15 décembre 2017 pour un montant de 482, 98 € ;

L'échéance du 5 janvier 2018 a été bien été honorée à cette date ;

L'échéance du 5 février 2018 (447, 21 €) a été rejetée le 6 février 2018 et a fait l'objet d'une régularisation le 15 février 2018 pour un montant de 483, 72 € ;

L'échéance du 5 mars 2018 a été honorée le même jour pour un montant de 448, 23 € ;

L'échéance du 5 avril 2018 a été honorée le même jour pour un montant de 447, 99 € ;

Aucune échéance pour le 5 mai 2018 n'apparaît sur la page 3/8 de la pièce n°13 ni sur le tableau d'amortissement produit par le prêteur (sa pièce n°12) ;

L'échéance du 5 juin 2018 a bien été honorée pour un montant de 448, 78 € ;

L'échéance du 5 juillet 2018 a bien été honorée pour un montant de 447, 21 € ;

L'échéance du 5 août 2018 a bien été honorée pour un montant de 447, 35 € ;

L'échéance du 5 septembre 2018 a été rejetée le 6 septembre 2018. Elle n'a fait l'objet d'aucune régularisation ultérieure.

A la lumière de l'ensemble de ses éléments, il convient de fixer le premier incident de paiement non-régularisé au 5 septembre 2018.De cette manière, l'action entreprise le 10 août 2020 est bien intervenue dans le délai de deux ans de sorte à ce que l'action ne saurait être frappée d'irrecevabilité pour forclusion.

En conséquence, le jugement rendu le 29 avril 2021 sera infirmé sur ce point.

Sur le manquement au devoir de mise en garde de l'organisme prêteur :

Il s'évince des dispositions de l'article 1147 du code civil, dans leur version applicable à l'espèce, que l'organisme prêteur supporte in fine un devoir de mise en garde à l'égard des emprunteurs.

Ces dispositions ont en effet été interprétées en ce que le banquier est tenu de rechercher si, lors de la conclusion d'un nouveau prêt, et compte tenu du taux d'endettement des débiteurs, ceux-ci ont été informés par la banque des risques de l'endettement né de l'octroi de ce prêt, à raison de leurs capacités financières, et notamment de l'incapacité dans laquelle ils se trouveraient de faire face au moindre imprévu (Cass., 1ère Civ., 31 janvier 2018, pourvoi n°16-28049).

Pour considérer que la Caisse régionale de Crédit Agricole a manqué à son devoir, les intimées soutiennent que celle-ci est responsable de leur situation de surendettement et qu'elle aurait dû les dissuader de contracter le dernier prêt pour un montant de 24.700 € compte tenu du fait qu'elles avaient déjà conclu deux prêts de consommation auparavant et qu'elle ne pouvait ignorer leur situation d'endettement.

Elles sollicitent ainsi la condamnation de l'appelante à leur verser la somme de 28.000€ en réparation du préjudice subi.

Pour contrer cet argument, la Caisse régionale de Crédit Agricole prétend que le prêt était conforme à leur capacité de remboursement, telle que cela ressort de leur déclaration. Elle précise à ce titre que les intimées ne rapportent pas la preuve du montant trop important du remboursement du prêt en considération de leur capacité de remboursement au moment de la souscription du prêt. Elle estime par ailleurs ne pouvoir évaluer leur capacité de remboursement qu'à la lumière des éléments fournis.Elles font enfin valoir que le préjudice né d'un éventuel manquement au devoir de mise en garde de l'organisme prêteur ne peut résulter que d'une perte de chance et sollicite le rejet de toutes prétentions à ce titre.

En l'espèce, les intimées ne produisent aucun élément, ni aucune explication, permettant de considérer qu'au jour de la conclusion du contrat de prêt personnel pour un montant de 24. 700€, leur capacité de remboursement était à tout le moins obérée par un endettement global dont elles ne fixent d'ailleurs pas à cette date le taux.

Dès lors, l'existence de deux prêts antérieurement souscrits (mensualités : 113, 28 € et 274, 75 €) au seul bénéfice de Mme [B] [U], et alors même que le prêt de 24.700€ a été souscrit par les deux épouses (mensualité : 447, 21 €), reste en elle seule insuffisante à caractériser le manquement au devoir de mise en garde opposé à la Caisse régionale de Crédit Agricole, alors que cette dernière décrit dans le corps de ses dernières écritures la situation déclarée de chacune des épouses aux jours de la souscription des différents prêts.

En conséquence, les intimées seront déboutées de leur demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts.

Sur la demande en paiement relative au prêt personnel n°73091745171 (devenu 00001960168) souscrit par Mme [B] [U] et de Mme [D] [O] :

Vu les dispositions de l'article 1147 du Code Civil, dans leur version applicable à l'espèce ;

Le contrat ayant été conclu le 14 janvier 2017, il doit être fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Ainsi, le prêteur peut exiger en cas de défaillance de l'emprunteur, le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus et non payés. Les sommes produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre le prêteur est fondé à demander à l'emprunteur une indemnité.

En l'espèce, la Caisse régionale de Crédit Agricole demande à la cour de condamner solidairement les intimées au paiement de la somme de 20 869, 24 € au titre du contrat de prêt n°00001960168 (anciennement n°73091745171), outre intérêts au taux contractuel de 2,20 % à compter du 6 décembre 2021, date du dernier décompte produit (sa pièce n°31).

Les intimées sollicitent, au dispositif de leurs dernières écritures, l'annulation du contrat de prêt dont question sans développer ni fondement de droit, ni argument de faits à cette fin.

Cette demande ne saurait ainsi valablement prospérer et sera en conséquence rejetée.

Mme [B] [U] et Mme [D] [O] demandent à titre subsidiaire que la Caisse régionale de Crédit Agricole soit déchue de son droit à percevoir des intérêts, celle-ci n'ayant pas procédé à la consultation du FICP avant la souscription du prêt le 14 janvier 2017.

Pour s'opposer à cette demande, l'appelant produit la preuve de l'interrogation du FICP pour chacune des emprunteuses.

Cette interrogation est ainsi intervenue pour chacune d'elles le 13 janvier 2017, soit la veille de l'acceptation de l'offre de crédit (pièce appelant n°26), conformément aux dispositions de l'article L. 312-16 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce.

La demande formée par Mme [B] [U] et Mme [D] [O] de ce chef ne saurait ainsi prospérer et sera rejetée.

Dès lors, la Caisse régionale de Crédit Agricole produit au soutient de sa demande en paiement :

Une offre de prêt acceptée du 14 janvier 2017 ;

L'informations précontractuelles européennes normalisées ;

Un tableau d'amortissement ;

Un historique de prêt ;

Un décompte de créance, arrêté au 6 décembre 2021.

Ces différents éléments sont de nature à fonder la créance de la Caisse régionale de Crédit Agricole.

En conséquence, il convient de condamner solidairement Mme [B] [U] et [S] au paiement de la somme de 20.869, 24 € au titre du contrat de prêt n°00001960168 (anciennement n°73091745171), outre intérêts au taux contractuel de 2,20 % à compter du 6 décembre 2021.

Pour autant, il convient de rejeter la demande formée par la Caisse régionale de Crédit Agricole tendant à la capitalisation des intérêts sur une année entière, fondée sur les dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil.

Sur la demande reconventionnelle tendant à l'octroi de délais de paiement :

Vu les dispositions de l'article 1343-5 du Code Civil ;

En l'espèce, les intimées sollicitent le report de deux années pour le paiement des éventuelles condamnations mises à la charge de Mme [D] [O] et Mme [B] [U] en application des dispositions sus énoncées.

La Caisse régionale de Crédit Agricole conclut quant à elle au rejet de cette demande, estimant que Mme [B] [U] et Mme [D] [O] ont d'ores et déjà bénéficié de large délai pour se libérer de leur dette, depuis la réception des mises en demeure de régler, valant déchéance du terme. Elle précise en outre que les intimées de versent aucun élément susceptible d'apprécier leur situation financière et leur incapacité à s'acquitter immédiatement de leur dette.

Partant, les intimées ne formulent aucune observation de faits venant au soutient de leur demande. Elles ne produisent pas davantage aux débats d'élément permettant à la cour d'apprécier leur situation financière actuelle de sorte que leur demande sera rejetée.

Sur l'exécution provisoire :

En application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, l'exécution provisoire reste un attribut des décisions rendues en première instance.

Aucune demande de ce chef ne saurait ainsi valablement prospérer et celle formée par la Caisse régionale de Crédit Agricole sera déclarée irrecevable.

Sur les frais irrépétibles :

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles.

Toute demande de ce chef sera donc rejetée.

Sur les dépens :

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

ECARTE des débats la pièce n°27 produite par la Caisse régionale de Crédit Agricole « Relevés de compte n°85016570376 » ;

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que l'action intentée par la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuelle Sud-Rhône-Alpes à l'encontre de Mme [B] [U] et Mme [D] [O] au titre du contrat de prêt n°73091745171 (devenu 00001960168) est irrecevable comme étant forclose ;

STATUANT A NOUVEAU sur ce point et ajoutant:

DECLARE recevable et fondée l'action de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuelle Sud-Rhône-Alpes à l'encontre de Mme [B] [U] et Mme [D] [O] au titre du contrat de prêt n°73091745171 (devenu 00001960168) ;

CONDAMNE solidairement Mme [B] [U] et Mme [D] [O] à payer à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuelle Sud-Rhône-Alpes la somme de 20.869, 24 € au titre du contrat de prêt n°00001960168 (anciennement n°73091745171), outre intérêts au taux contractuel de 2,20 % à compter du 6 décembre 2021 ;

DEBOUTE Mme [B] [U] et Mme [D] [O] de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts et de délais de paiement,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

DECLARE irrecevable la demande formée en appel par la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuelle Sud-Rhône-Alpes au titre de l'exécution provisoire ;

LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles et dépens d'appels ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 21/02473
Date de la décision : 08/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-08;21.02473 ?
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