N° RG 21/01150 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KY5H
C8
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL CDMF AVOCATS
Me Géraldine PALOMARES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 03 NOVEMBRE 2022
Appel d'une décision (N° RG 2019J307)
rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 29 janvier 2021
suivant déclaration d'appel du 05 mars 2021
APPELANTE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHONE-ALPES, société coopérative à capital social variable, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le numéro 402 121 958, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège ;
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me BANDOSZ, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
M. [W] [Z]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 6]
M. [C] [I]
né le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentés par Me Géraldine PALOMARES, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 01 septembre 2022, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assistée de M.C. OLLIEROU, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
Exposé du litige
Par acte authentique reçu le 21 janvier 2013, la société Caisse agricole Sud Rhône Alpes a consenti à la société Foncière AUREA une ouverture de crédit d'un montant de 703.000 euros au taux de 2,2260 % l'an résultant du taux Euribor 3 mois majoré de 2 point variant donc en même temps que le taux de référence pour une durée totale de 24 mois pour la réalisation d'un lotissement à [Localité 12], garantie par une inscription hypothécaire.
Il est constant que par acte du 18 janvier 2013, Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I], gérants de la société Foncière AUREA, se sont portés cautions solidaires dans la limite de 703.0000 euros.
Par acte sous seing privé du 4 décembre 2013, la société Caisse agricole Sud Rhône Alpes a consenti à la société Foncière AUREA exerçant une activité de promotion immobilière une ouverture de crédit d'un montant de 185.000 euros pour la réalisation d'une opération immobilière située à [Localité 13] garanti par le cautionnement solidaire de Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] dans la limite de 240.500 euros.
Suivant avenant du 12 avril 2016, les parties ont convenu de modifier l'acte du 21 janvier 2013 en réduisant l'ouverture de crédit à la somme de 375.000 euros, en prorogeant l'ouverture de crédit jusqu'au 30 septembre 2016 et l'inscription hypothécaire jusqu'au 30 septembre 2017. Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] se sont portées cautions solidaires à hauteur de 487.500 euros pour une durée de 29 mois.
Par avenant du même jour, les parties ont convenu de modifier l'acte du 4 décembre 2013 en prorogeant l'ouverture de crédit jusqu'au 6 décembre 2016, en ramenant cette ouverture de crédit à la somme de 20.000 euros et en ramenant l'engagement de caution de Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] à 26.000 euros chacun.
Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date du 12 janvier 2017, la société Caisse agricole Sud Rhône Alpes a informé la société Foncière AUREA qu'elle entendait résilier les plafonds de découvert accordés à hauteur de 375.000 euros et de 20.000 euros avec un délai de 60 jours. Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] ont été informés de cette résiliation à intervenir.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 20 mars 2017, la société Caisse agricole Sud Rhône Alpes a acté la résiliation et a mis en demeure la société Foncière AUREA de lui payer, sous huitaine, la somme de 291.444 euros au titre du prêt professionnel d'un montant de 375.000,00 euros.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 17 janvier 2019, la société Caisse agricole Sud Rhône Alpes a mis en demeure la société Foncière AUREA de lui payer, sous huitaine les sommes de 364.702,36 euros et 24.451,60 euros, soit la somme totale de 389.153,36 euros.
Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date du 8 janvier 2019, la société Caisse agricole Sud Rhône Alpes a mis en demeure Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] de lui payer, sous huitaine les sommes de 364.702,36 euros et 24.451,60 euros, soit la somme totale de 389.153,36 euros.
Par jugement du 22 septembre 2020, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé le redressement judiciaire de la société Foncière AUREA converti en liquidation judiciaire le 26 novembre 2020.
Le juge commissaire a prononcé l'admission des créances de la société Caisse agricole Sud Rhône Alpes à hauteur de 233.344,18 euros à titre privilégié et hypothécaire et à hauteur de 19.768,66 euros à titre chirographaire par ordonnances du 8 mars 2022.
Par acte d'huissier du 18 juillet 2019, la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes a assigné Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] devant le tribunal de commerce de Grenoble en paiement.
Par jugement du 29 janvier 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a:
- dit que les engagements de cautionnement signés par Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] sont manifestement disproportionnés,
- débouté la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes de ses demandes,
- condamné la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes à payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes aux entiers dépens.
Par déclaration du 5 mars 2021, la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes a interjeté appel de ce jugement en l'intégralité de ses dispositions qu'elle a énoncées dans son acte d'appel.
Prétentions et moyens de la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes
Dans ses dernières conclusions notifiées le 14 avril 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 2288 et 2292 du code civil applicables à la cause,1343-2, 1343-5 et 2288 du code civil, L. 341-4 et L. 641-6 du code de la consommation applicables à la cause, L. 333-2 du code de la consommation et L. 313-22 du code monétaire et financier, de :
- dire recevable et bien fondée la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes en ses demandes,
- rejeter toutes les demandes de Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I],
- réformer le jugement en date du 29 janvier 2021 du tribunal de commerce de Grenoble,
Statuant à nouveau,
- condamner in solidum Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] à payer à la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes les sommes de :
*25.722,22 euros outre intérêts au taux contractuels à compter des mises en demeure en date du 08 janvier 2019 et jusqu'à parfait paiement, au titre des actes de cautionnements personnels et solidaires en date du 12 avril 2016,
*375.889,20 euros outre intérêts au taux contractuels à compter des mises en demeure en date du 08 janvier 2019 et jusqu'à parfait paiement, au titre des actes de cautionnements personnels et solidaires en date du 12 avril 2016,
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,
En tout état de cause,
- condamner in solidum Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] à payer à la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] conformément à l'article 696 du code de procédure civile aux entiers dépens de l'instance, dont distraction sera faite au profit de la société Selarl CDMF-Avocats, Maître Jean-Luc Médina conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
En réponse à la disproportion manifeste alléguée par Monsieur [W] [Z], elle expose :
- qu'au vu de sa fiche de renseignements, celui-ci disposait d'un patrimoine d'une valeur nette de 667.851 euros et bénéficiait de revenus fonciers nets de 8.850 euros outre ses revenus professionnels,
- que s'il déclare dans la présente procédure qu'il s'était engagé à hauteur de 1.238.900 euros, il s'est volontairement abstenu de mentionner cet engagement dans sa fiche de renseignements et dans le tableau récapitulatif de patrimoine,
- qu'il ne peut s'agir d'une anomalie apparente,
- que Monsieur [W] [Z] dissimule intentionnellement la valeur d'une partie substantielle de son patrimoine et ses revenus professionnels, qu'il est représentant légal et associé de la SNC Bar Tabac de Domarin depuis le 16 juillet 2014,
- qu'en raison de sa mauvaise foi, seule sa fiche patrimoniale lui est opposable.
En réponse à la disproportion manifeste alléguée par Monsieur [C] [I], elle fait remarquer :
- qu'il résulte de sa fiche de renseignements qu'il était propriétaire d'un patrimoine d'une valeur nette de 1.502.103 euros, outre le fait d'être associé dans des sociétés détenant un patrimoine net de 3.712.949 euros avec des revenus nets fonciers de 43.979 euros outre ses revenus professionnels;
- que s'il déclare dans la présente procédure qu'il s'était engagé à hauteur de 1.238.900 euros, il s'est volontairement abstenu de mentionner cet engagement dans sa fiche de renseignements et dans le tableau récapitulatif de patrimoine,
- qu'il ne peut s'agir d'une anomalie apparente,
- que Monsieur [C] [I] dissimule intentionnellement la valeur d'une partie substantielle de son patrimoine et ses revenus professionnels, qu'il est le représentant légal de la société SASU Viamo,
- qu'en raison de sa mauvaise foi, seule sa fiche patrimoniale lui est opposable.
Elle relève par ailleurs qu'il n'y a pas de disproportion manifeste à la date de l'appel en garantie, qu'en effet, les intimés ne peuvent soutenir une telle disproportion pour la somme réclamée à hauteur de 25.722,22 euros et que s'agissant de la somme de 375.889,20 euros, leur patrimoine permet d'y faire face.
Elle indique que s'agissant des sommes réclamées, à compter de la résiliation, c'est le taux d'intérêts contractuels des soldes débiteurs des comptes courants professionnels qui est applicable, soit 13,88 % ou subsidiairement celui de Euribor 3 majoré de 2 points.
Elle ajoute que la décision d'admission des créances devenue irrévocable est opposable au co-débiteur solidaire.
Sur la novation alléguée, elle relève qu'aucun contrat n'est intervenu pour exprimer clairement la volonté expresse des parties pour opérer une novation; que rien ne permet d'établir que la convention de compte courant se serait substituée aux prêts professionnels.
Elle considère avoir rempli son obligation d'information annuelle.
Prétentions et moyens de Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I]
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 27 avril 2022, ils demandent à la cour de :
- constater la novation intervenue entre les contrats de prêt et les conventions de découvert,
- dire et juger qu'en application de l'article 1334 du code civil, l'extinction de l'obligation ancienne s'étend à tous ses accessoires,
- constater l'extinction des engagements de caution de Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I],
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes de toutes ses demandes telles que dirigées à leur encontre,
- dire et juger que la banque se doit de prendre en compte l'intégralité des engagements souscrits par ailleurs afin d'apprécier l'état d'endettement,
- constater qu'aux termes mêmes des pièces versées par la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes, l'état d'endettement de Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] se monte à 2.182.400 euros,
- constater qu'il y a là une grave disproportion entre le patrimoine et les revenus et l'endettement,
- déclarer l'acte de caution inopposable.
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Subsidiairement,
- constater le défaut d'information des cautions,
- dire qu'au regard de la caution, les paiements sont réputés s'imputer sur le principal,
- renvoyer la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes à produire un nouveau décompte compte tenu des paiements intervenus,
Vu les décomptes produits sollicitant la condamnation à un taux de 13,88 % contractuel ainsi que les déclarations de créances produites,
- constater que là n'est pas le taux contractuellement prévu au contrat,
- renvoyer la banque à produire un nouveau décompte en prenant en compte le taux euribor 3 mois contractuellement fixé, négatif depuis de nombreuses années,
- débouter la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Sur le montant des condamnations, ils font remarquer que la banque persiste à demander les sommes de 25.722,22 euros et 375.889,20 euros alors que ses créances ont été admises à hauteur de 19.768 euros et 233.344,18 euros correspondant aux décomptes produits à l'appui de ses créances; qu'il ne peut être réclamé aux cautions une somme supérieure à celle dont le débiteur principal est redevable.
Sur la novation, ils font valoir qu'afin de justifier du taux d'intérêt débiteur pratiqué, la banque a fait valoir qu'il s'agissait du taux débiteur appliqué aux découverts en compte courant en produisant les conventions d'ouverture de compte courant et en expliquant qu'après la résiliation des conventions de crédit, c'était la convention de compte courant qui s'appliquait; que c'est donc en raison de la novation intervenue que la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes a pu argumenter du caractère contractuel
du taux de 13,88 %, déclarer au passif de la liquidation judiciaire de la société Foncière AUREA ses créances au titre du compte courant professionnel et voir admises ses créances par le juge commissaire au titre de la convention de découvert; que la novation étant intervenue à la résiliation en mars 2017, ce sont les nouvelles dispositions du code civil qui sont applicables ; qu'il y a bien eu novation par l'inscription au débit du compte courant des sommes faisant l'objet initial du prêt professionnel; que l'extinction de l'obligation s'étend aux cautions.
Sur la disproportion, ils relèvent que la banque passe volontairement sous silence les nombreux autres engagements qu'elle leur a fait souscrire et dont elle avait une parfaite connaissance, que Monsieur [W] [Z] était engagé le 31 décembre 2012 à hauteur de 1.030.900 pour la Sarl Foncière AURA et à hauteur de 208.000 euros pour la SCI Rambert; que Monsieur [C] [I] était engagé dans les mêmes proportions; qu'en ajoutant les engagements souscrits en 2013, le total s'élevait à 2.182.400 euros ce qui créait une très nette disproportion; que même si les engagements souscrits en 2012 ne figuraient pas sur la fiche de renseignements, la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes qui gérait tous les prêts cautionnés par les cautions en avait une pleine connaissance.
Sur l'information des cautions, ils soulignent que les courriers produits ne concernent pas les prêts litigieux mais d'autres prêts souscrits par la Sarl Foncière AURA et la SCI Saint Rambert ; que dès lors, la banque n'a pas respecté son obligation d'information, au moins au titre du prêt le plus important pour la période 2014 à 2016 ; qu'elle est déchue du droit de réclamer des intérêts et doit produire un nouveau décompte.
Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction de la procédure a été clôturée le 7 juillet 2022.
Motifs de la décision
1) Sur la novation
Il est allégué d'une novation au 20 mars 2017.
En application de l'article 1329 du code civil applicable à cette date, la novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation qu'elle éteint une obligation nouvelle qu'elle crée. Elle peut avoir lieu par substitution d'obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier.
Aux termes de l'article 1330, elle ne se présume pas, la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte.
En l'espèce, le seul fait que la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes revendique l'application du taux d'intérêt du solde débiteur des comptes courants professionnels aux créances résultant des ouvertures de crédit n'est pas suffisant pour considérer qu'il y a eu une substitution d'obligation.
Dans les actes des 21 janvier 2013 et 4 décembre 2013, il est précisé que le crédit est accordé sous forme d'ouverture de crédit et que sa réalisation sera constatée par les inscriptions au compte n°[XXXXXXXXXX08] pour le crédit de 703.000 euros et au compte n°[XXXXXXXXXX09] pour le crédit de 185.000 euros.
Il résulte de la déclaration de créances qu'elle a été effectuée par la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes au titre de l'ouverture de crédit n°848508 sur DAV support n°[XXXXXXXXXX09] d'un montant initial de 185.000 euros et au titre de l'ouverture de crédit n°1028169 sur DAV support n°[XXXXXXXXXX08] d'un montant initial de 703.000 euros.
Dès lors, contrairement à ce que soutiennent Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I], cette déclaration n'a pas été faite au titre d'un solde débiteur de comptes courants.
Le fait que les ordonnances du juge commissaire qui reprennent les montants déclarés par la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes au titre des ouvertures de crédit mentionnent des créances au titre de la convention de découvert n'est pas de nature à opérer une novation de l'obligation.
L'inscription en compte support étant prévu dès l'origine, il ne peut être considéré en l'espèce que l'inscription de la dette cautionnée en compte support constitue une novation de l'obligation.
Il n'est ainsi pas justifié d'une volonté claire d'opérer novation. Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] seront déboutés de leur demande tendant à voir constater l'extinction de leurs engagements de caution.
2) Sur la disproportion manifeste
Aux termes de l'article L 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il incombe à la caution de prouver le caractère manifestement disproportionné de son engagement.
La disproportion est appréciée au regard de l'endettement global de la caution, y compris ceux résultant d'autres engagements de caution contractés antérieurement.
La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit suppose que la caution soit à cette date dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et ses revenus.
a) s'agissant des engagements de Monsieur [W] [Z]
En l'espèce, il résulte de la déclaration patrimoniale remplie par la caution le 20 novembre 2013 incluant un tableau détaillé de ses biens qu'il est marié sous le régime de la séparation des biens, possède une maison individuelle d'une valeur nette de 300.000 euros et 50 % des parts de trois SCI d'une valeur nette de 367.851 euros, soit un patrimoine d'une valeur totale de 667.851 euros.
Il perçoit des revenus fonciers bruts de 42.574 euros et nets de 8.850 euros. Le tableau fait apparaître le montant des prêts restant dû s'agissant des SCI ayant ainsi permis de calculer la valeur nette du patrimoine.
Monsieur [W] [Z] n'a mentionné aucun autre engagement.
Il ressort néanmoins du courrier d'information des cautions adressé le 31 décembre 2012 par la société Caisse agricole Sud Rhône Alpes que Monsieur [W] [Z] s'était déjà porté caution à cette date de la Sarl Foncière AURA à hauteur de 429.000 euros, de 323.700 euros et de 278.200 euros et de la SCI Saint Rambert à hauteur de 208.000, soit un total d'engagements de caution d'un montant de 1.238.900 euros.
Même si ces engagements ne figuraient pas dans la fiche patrimoniale, la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes en connaissait parfaitement l'existence puique ces garanties avaient été contractées à son bénéfice à la suite de prêts qu'elle avait octroyés à la Sarl Foncière AURA et la SCI Saint Rambert. Elle avait donc nécessairement conscience de l'anomalie apparente de la fiche de renseignements s'agissant des engagements. Il convient d'en tenir compte pour apprécier la disproportion manifeste.
Si la banque allègue par ailleurs que la caution dissimule intentionnellement la valeur d'une partie substantielle de son patrimoine et de ses revenus professionnels, elle procède par affirmation. La cour relève que l'évaluation de la valeur nette correspond à 50 % des parts détenus par la caution et n'apparaît pas manifestement sous évaluée.
Le fait que Monsieur [W] [Z] est représentant légal et associé de la SNC Bar Tabac de Domarin depuis le 16 juillet 2014 est inopérant pour apprécier une disproportion en 2013.
Monsieur [W] [Z] disposait donc d'un patrimoine d'une valeur nette de 667.851 euros et de revenus fonciers nets annuels de 8.850 euros et avait des engagements de caution pour 1.238.900 euros lors de la conclusion de son engagement de caution à hauteur de 703.000 euros.
Cet engagement est donc manifestement disproportionné à ses biens et revenus comme l'a justement retenu le tribunal.
L'engagement souscrit le 4 décembre 2013 à hauteur de 240.500 euros qui s'ajoute aux précédents l'est tout autant.
Néanmoins, la banque peut se prévaloir de ces engagements si au moment où la caution est appelée, son patrimoine lui permet de faire face à ses obligations.
Il n'est pas contesté que Monsieur [W] [Z] dispose toujours du patrimoine qu'il a déclaré dans sa fiche patrimoniale qui est d'une valeur d'au moins 667.851 euros, étant relevé qu'au vu de la lettre d'information des cautions du 19 février 2019, l'emprunt contracté par la SCI Les Rambert les lilas n'apparaît plus ce qui augmente en conséquence la valeur du patrimoine.
Les revenus fonciers tirés de ce patrimoine s'élèvent donc au moins à 8.850 euros. En outre, Monsieur [W] [Z] est représentant légal et associé de la SNC Bar Tabac de Domarin depuis le 16 juillet 2014.
S'agissant des prêts pour lesquels il s'est porté caution antérieurement aux engagements litigieux, le capital restant dû s'élève à la somme de 116.660 euros selon la lettre d'information des cautions du 19 février 2019.
Les créances réclamées dans la présente instance par la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes sont de 25.722,22 euros et 375.889,20 euros.
Il en résulte qu'eu égard à son patrimoine, Monsieur [W] [Z] est en mesure de faire face à ses obligations.
La société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes peut donc se prévaloir des engagements de cautions des 18 janvier 2013 et 4 décembre 2013.
b) s'agissant des engagements de Monsieur [C] [I]
En l'espèce, il résulte de la déclaration patrimoniale remplie par la caution le 20 novembre 2013 incluant un tableau détaillé de ses biens qu'il est pacsé, détient des valeurs immobilières d'une valeur de 38.000 euros, possède un appartement à Grenoble et des parts dans dix SCI constituant un patrimoine immobilier d'une valeur nette de 1.582.103 euros et perçoit des revenus fonciers nets de 135.493 euros.
Monsieur [C] [I] n'a mentionné aucun autre engagement.
Néanmoins, il ressort du courrier d'information des cautions adressé le 31 décembre 2012 par la société Caisse agricole Sud Rhône Alpes que Monsieur [C] [I] s'était déjà porté caution à cette date de la Sarl Foncière AURA à hauteur de 429.000 euros, de 323.700 euros et de 278.200 euros et de la SCI Saint Rambert à hauteur de 208.000, soit un total d'engagements de caution d'un montant de 1.238.900 euros
Même si ces engagements ne figuraient pas dans la fiche patrimoniale, la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes en connaissait parfaitement l'existence puisque ces garanties avaient été contractées à son bénéfice à la suite de prêts qu'elle avait octroyés à la Sarl Foncière AURA et la SCI Saint Rambert. Elle avait donc nécessairement conscience de l'anomalie apparente de la fiche de renseignements s'agissant des engagements. Il convient d'en tenir compte pour apprécier la disproportion manifeste.
Si la banque allègue par ailleurs que la caution dissimule intentionnellement la valeur d'une partie substantielle de son patrimoine, elle procède par affirmation.
Le fait que Monsieur [C] [I] est représentant légal et associé de la société SASU VIAMO depuis le 1er janvier 2016 est inopérant pour apprécier une disproportion en 2013.
A la date de sa conclusion, l'engagement de caution de Monsieur [C] [I] à hauteur de 703.000 euros représentait donc la totalité de son patrimoine et plus de 2 années de ses revenus.
Cet engagement est donc manifestement disproportionné à ses biens et revenus comme l'a justement retenu le tribunal.
L'engagement souscrit le 4 décembre 2013 à hauteur de 240.500 euros qui s'ajoute aux précédents l'est tout autant.
Néanmoins, la banque peut se prévaloir de ces engagements si au moment où la caution est appelée, son patrimoine lui permet de faire face à ses obligations.
Il n'est pas contesté que Monsieur [C] [I] dispose toujours du patrimoine qu'il a déclaré dans sa fiche patrimoniale qui est d'une valeur d'au moins 1.582.103 euros, étant relevé qu'au vu de la lettre d'information des cautions de février 2019, l'emprunt contracté par la SCI Les Rambert les lilas n'apparaît plus ce qui augmente en conséquence la valeur du patrimoine.
Il dispose donc toujours de ses revenus fonciers tirés de ce patrimoine. En outre, Monsieur [C] [I] est représentant légal de la société SASU VIAMO depuis le 1er janvier 2016. S'agissant des prêts pour lesquels il s'est porté caution antérieurement aux engagements litigieux, le capital restant dû s'élève à la somme de 116.660 euros selon la lettre d'information des cautions de février 2019.
Les créances réclamées dans la présente instance par la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes sont de 25.722,22 euros et 375.889,20 euros.
Il en résulte qu'eu égard à son patrimoine, Monsieur [C] [I] est en mesure de faire face à ses obligations.
La société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes peut donc se prévaloir des engagements de cautions des 18 janvier 2013 et 4 décembre 2013.
4) Sur le défaut d'information de la caution
Selon les dispositions des anciens articles L332-2 du code de la consommation et L313-22 alinéa 3 du code monétaire et financier, l'établissement financier ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, est tenu, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. Le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
Il ressort de la copie des lettres d'information des cautions dont l'envoi n'est pas contesté que si les informations requises s'agissant des deux concours financiers ont été transmises pour les années courant à compter de 2015, en revanche les lettres d'information pour les années 2013 et 2014 ne contiennent ces informations que pour la seule ouverture de crédit octroyée le 4 décembre 2013.
Il convient en conséquence s'agissant de l'ouverture de crédit consenti le 21 janvier 2013 de prononcer la déchéance du droit aux intérêts depuis la date de conclusion du contrat jusqu'au 31 décembre 2014 et de rouvrir les débats afin que la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes produise un décompte tenant compte de cette déchéance avec imputation des paiements effectués par le débiteur principal prioritairement au règlement du principal de la dette.
5) Sur le montant de la créance et le taux applicable
Les créances de la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes ont été admises par le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Foncière AUREA à la somme de 233.344,18 euros et à celle de 19.768,66 euros telles que la banque les avait arrêtées au 10 novembre 2020 dans sa déclaration de créance. La société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes ne peut venir réclamer aux cautions un montant supérieur à celui qui a été déclaré et retenu dans la procédure collective.
Le taux d'intérêt courant à compter du 10 novembre 2020 ne peut être que celui prévu dans les actes d'ouvertures de crédits en date du 21 janvier 2013 et 4 décembre 2013.
En conséquence, il convient de condamner solidairement Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] à payer à la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes la somme de 19.768,66 euros outre intérêt au taux contractuel visé dans l'acte du 4 décembre 2013 à compter du 10 novembre 2020 au titre de leur engagement de caution et dans la limite de cet engagement.
Les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu le 29 janvier 2021 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] de leur demande tendant à voir constater l'extinction de leurs engagements de caution en raison d'une novation.
Dit que la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes peut se prévaloir des engagements de cautions de Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] en date des 18 janvier 2013 et 4 décembre 2013.
Condamne solidairement Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] à payer à la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes la somme de 19.768,66 euros outre intérêt au taux contractuel visé dans l'acte du 4 décembre 2013 à compter du 10 novembre 2020 au titre de leur engagement de caution et dans la limite de cet engagement.
Ordonne la capitalisation des intérêts.
Constate que s'agissant de l' engagement de caution du 18 janvier 2013, la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes n'a pas satisfait à son obligation d'informer Monsieur [W] [Z] et Monsieur [C] [I] sur le montant de la créance principale et de ses accessoires pour les années 2013 et 2014.
Prononce en conséquence la déchéance de la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes à percevoir les intérêts échus depuis la date de conclusion du contrat en date du 21 janvier 2013 jusqu'au 31 décembre 2014.
Avant dire droit sur le montant de la créance résultant de l'engagement de caution du 18 janvier 2013 :
Rouvre les débats et renvoie la cause et les parties devant le conseiller de la mise en état afin que la société Caisse régionale agricole mutuel Sud Rhône Alpes produise un décompte relatif au contrat du 21 janvier 2013 tenant compte de la déchéance des intérêts échus depuis la date de conclusion du contrat en date du 21 janvier 2013 jusqu'au 31 décembre 2014, avec imputation des paiements effectués par le débiteur principal prioritairement au règlement du principal de la dette.
Réserve les demandes formées par les parties en application de l'article 700 du code de procédure civile, et la charge des dépens.'
Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente