N° RG 21/02333 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K4PX
C1
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
la SELARL BALESTAS-GRANDGONNET-MURIDI & ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 22 SEPTEMBRE 2022
Appel d'une décision (N° RG 2020J118)
rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE
en date du 18 mars 2021
suivant déclaration d'appel du 21 mai 2021
APPELANTE :
S.A.S. MAUGIN au capital de 1.071.640 €, inscrite au R.C.S. ST NAZAIRE sous le n° 332 711 662, dont le siège social est [Adresse 4], représentée par ses dirigeants en exercice domiciliés es qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant,
et par Me Yves-Marie GUILLAUD, avocat au Barreau de LYON,
INTIMÉE :
Société BIOTECHABITAT immatriculée au RCS de VIENNE sous le numéro 531 572 568, représentée par ses dirigeants en exercice domiciliés es qualité audit siège,
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Mélanie MURADI de la SELARL BALESTAS-GRANDGONNET- MURIDI & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 mai 2022, Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère ,qui a fait rapport assistée de Mme Sarah DJABLI, greffière, en présence de M PAGES Gabriel, stagiaire, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour, après prorogation du délibéré.
EXPOSE DU LITIGE :
Le 9 janvier 2018, la Sarl Biotechabitat a commandé des pièces de menuiseries auprès de la Sas Maugin sous la référence [S], dont elle a refusé la livraison en se prévalant d'une annulation de sa commande.
La société Maugin a vainement réclamé paiement de ses fournitures avant de faire assigner la société Biotechabitat en paiement devant la juridiction commerciale.
Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal de commerce de Vienne a :
- dit et jugé valables et opposables aux parties les conditions générales de vente de la société Maugin,
- dit et jugé que la société Maugin n'a pas respecté ses propres conditions générales de vente,
- dit et jugé que la société Maugin n'est donc pas fondée à réclamer à la société Biotechabitat le paiement de la facture n° VF201755785 correspondant à la commande n° H29292 [S],
- rejeté l'ensemble des demandes formulées par la société Maugin,
- dit et jugé que la société Biotechabitat n'a subi aucun préjudice en raison du comportement de la société Maugin,
- rejeté la demande indemnitaire de la société Biotechabitat,
- condamné la société Maugin au paiement d'une somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Maugin aux dépens et les a liquidés.
Suivant déclaration au greffe du 21 mai 2021, la société Maugin a relevé appel de cette décision en ce qu'elle l'a déboutée de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Prétentions et moyens de la société Maugin:
Au terme de ses dernières écritures notifiées le 29 septembre 2021, la société Maugin demande à la cour de :
- déclarer bien fondé son appel,
- réformant le jugement en ses dispositions contestées,
- condamner la société Biotechabitat à payer à la concluante la somme en principal de 5.286,65 euros, outre intérêts de retard à compter de l'échéance de chaque facture au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, conformément aux dispositions de l'article L 441-10 du code de commerce,
- dire et juger que les intérêts échus des capitaux produiront des intérêts, pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière,
- condamner la société Biotechabitat à payer à la concluante la somme de 1.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais non compris dans les dépens exposés en première instance, ainsi qu'aux dépens de première instance,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Biotechabitat de sa demande de dommages intérêts,
- y ajoutant :
- condamner la société Biotechabitat à payer à la concluante la somme supplémentaire de 2.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais non compris dans les dépens exposés devant la cour d'appel,
- condamner enfin la société Biotechabitat aux entiers dépens d'appel que la Selarl Lexavoué Grenoble sera autorisée à recouvrer directement à son encontre, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Maugin fait valoir que :
- la commande n'a pas été annulée dans le délai contractuel de 48 h, le courriel du 11 janvier 2018 ne contenant pas d'annulation expresse, claire et précise,
- elle-même n'a jamais accepté de résiliation amiable de la vente résultant de l'accord sur la chose et le prix,
- la société Biotechabitat a continué à gérer cette commande, notamment pour en déterminer la livraison, et ne s'est aperçue de l'existence d'une commande en double que le 20 février 2018,
- en ouvrant son compte le 6 janvier 2017, la société Biotechabitat a expressément accepté les conditions générales de vente,
- il n'appartient pas au fournisseur de supporter la responsabilité des erreurs de commande de ses clients.
Prétentions et moyens de la société Biotechhabitat :
Selon ses dernières conclusions notifiées le 27 octobre 2021, la société Biotechhabitat entend voir :
- confirmer le jugement en ce qu'il a:
. dit et jugé que la société Maugin n'a pas respecté ses propres conditions générales de vente
. dit et jugé que la société Maugin n'est donc pas fondée à réclamer à la société Biotechabitat le paiement de la facture n°VF 201755785 correspondant à la commande n° H29292 [S],
. rejeté l'ensemble des demandes formulées par la société Maugin,
. condamné la societe Maugin au paiement d'une somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné la société Maugin aux dépens prévus à l'article 695 du code de procédure civile et les a liquidés conformément à l'article 701 du code de procédure civile,
- y aioutant,
- condamner la Sas Maugin à verser à la société Biotechabitat la somme de 4.000 euros au titre de dommages et intérêts,
- condamner la Sas Maugin à verser à la société Biotechabitat la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- réformer le jugement en ce qu'il a :
. dit et jugé valables et opposables aux parties les conditions générales de ventes de la société Maugin,
. dit et jugé que la société Biotechabitat n'a subi aucun préjudice en raison du comportement de la société Maugin
. rejeté la demande indemnitaire de la société Biotechabitat sur ce fondement,
- statuant à nouveau,
- débouter la Sas Maugin de l'ensemble de ses demandes,
- dire et juger que la Sas Maugin ne peut valablement prétendre que la commande que la société Biotechabitat refuse de payer n'a jamais été annulée dans les conditions prévues aux conditions générales de vente de la Sas Maugin,
- constater que la Sas Maugin ne rapporte pas la preuve de sa transmission des conditions générales de vente à la société Biotechabitat, puisque la seule mention renvoyant à ses conditions générales de vente sur le bon de commande ne permet pas de considérer que la société Biotechabitat a eu connaissance des conditions générales de vente, nonobstant la clause figurant sur la confirmation de commande qui de surcroît n'a pas été validée par Biotechabitat,
- constater que la société Biotechabitat a annulé sa commande par courriel du 11 janvier 2018 à 09h11, soit bien avant de recevoir l'accusé de réception de sa commande qu'elle aurait dû valider et retourner à la Sas Maugin conformément à ce qui lui avait été demandé de faire par la Sas Maugin elle-même,
- dire et juger que l'annulation de sa commande par la société Biotechabitat est conforme aux conditions prévues par la Sas Maugin en ce qu'elle est intervenue avant même que le délai de 48 heures ne débute,
- en tout état de cause,
- condamner la Sas Maugin à verser à la société Biotechabitat la somme de 4.000 euros au titre de dommages et intérêts,
- condamner la Sas Maugin à verser à la société Biotechabitat la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Biotechabitat soutient que :
- la société Maugin ne justifie pas lui avoir communiqué ses conditions générales de vente, la seule mention y renvoyant dans le bon de commande ne permettant de prouver qu'elle en a bien pris connaissance,
- le 11 janvier 2018 à 9 h 11, elle a informé sa cocontractante de l'annulation de la commande passée par elle, en doublon avec la commande de la société ECPR Consulting, avant même de recevoir la confirmation de sa commande, le même jour à 16 h 26,
- elle n'a ni signé , ni retourné la confirmation de commande,
- elle a agi de bonne foi et ne saurait pâtir des défaillances de communication au sein de la société Maugin.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 avril 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
A l'occasion de l'ouverture de son compte dans les livres de la société Maugin, le 6 janvier 2017, la société Biotechabitat a également signé les conditions générales de vente de sa cocontratante qui ont donc bien été portées à sa connaissance et lui sont en conséquence parfaitement opposables.
Dans leur paragraphe 2, ces conditions générales de vente prévoient d'une part, que les commandes enregistrées par les commerciaux ou adressées directement, ne deviennent valables et définitives qu'après acceptation expresse et confirmation écrite ou informatique ; d'autre part que dès l'envoi de la confirmation de commande, le client dispose d'un délai de 48 heures pour modifier sa commande et qu'à défaut et sans observations de sa part, celle-ci est réputée acceptée et définitive, aucune réclamation, modification ou annulation ne pouvant plus être acceptée.
Il est constant que par courriel du 9 janvier 2018, la société Biotechabitat a adressé une commande à la société Maugin au nom de Mr [S].
Les pièces versés aux débats révèlent que cette commande a fait l'objet le 11 janvier à 16h 26 d'une confirmation mentionnant la société Biotechabitat comme destinataire de la livraison et de la facturation ; que le même jour à 9 h11, la société Biotechabitat a adressé à M [M] de la société Maugin un courriel ainsi rédigé :
«Pour info, concernant cette commande [S], s'agissant de notre autre entité ECPR Consulting, mon père a passé direct avec l'autre société et vu avec [R] donc réglé».
Ce message, à la formulation obscure, ne contient aucune demande d'annulation de commande, ni aucune indication de l'existence d'un doublon, et n'a pu retrouver un sens pour son destinataire qu'à postériori, à la lecture du courriel de la société Biotechabitat du 20 février 2018 dans lequel elle explique : «nous nous apercevons d'une commande saisie en double sur nos deux entités: EPCR Consulting et Biotechabitat».
Il ne peut en conséquence être considéré comme constituant une annulation de commande faite dans les délais imposées par les conditions générales de vente de la société Maugin.
De plus, contrairement aux allégations de la société Biotechabitat, les conditions générales de vente de la société Maugin n'exigent pas que la confirmation de commande de cette dernière soit retournée signée par le client et elle ne peut en conséquence reprocher à son fournisseur une absence de "confirmation" de la confirmation.
Surtout, il doit être relevé que malgré son courriel du 11 janvier 2018, c'est toujours la société Biotechabitat qui, entre les 19 et 20 février 2018, a demandé confirmation de la date de livraison de la commande référencée [S] et y a acquiescé en ces termes : «ok pour semaine 11 livré chez Biotechabitat les 2 portes d'entrée».
Son refus ultérieur de recevoir la livraison des menuiseries commandées et de s'acquitter de leur prix est donc injustifié.
Le jugement sera infirmé et elle sera condamnée au paiement de la facture VF 201755785 de la société Maugin à hauteur de 5.286,65 euros outre intérêts de retard à compter du 19 avril 2018, lendemain du jour de l'échéance figurant sur la facture et dans les conditions de l'article L.441-10 du code de commerce, avec capitalisation.
La demande en paiement de la société Maugin étant accueillie, la demande reconventionnelle de dommages-intérêts présentée par la société Biotechabitat ne peut qu'être rejetée et le jugement sera confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Vienne en date du 18 mars 2021, en ce qu'il a :
- dit et jugé valables et opposables aux parties les conditions générales de vente de la société Maugin,
- rejeté la demande indemnitaire de la société Biotechabitat,
L'INFIRME pour le surplus des dispositions critiquées,
statuant à nouveau,
CONDAMNE la Sarl Biotechabitat à payer à la Sas Maugin la somme de 5.286, 65 euros outre intérêts de retard à compter du 19 avril 2018 au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, en application de l'article L.441-10 du code de commerce,
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,
CONDAMNE la Sarl Biotechabitat à payer à la Sas Maugin la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Sarl Biotechabitat aux dépens de première instance et d'appel, et autorise la Selarl Lexavoué Grenoble à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente