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15/09/2022 | FRANCE | N°19/04512

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 15 septembre 2022, 19/04512


N° RG 19/04512 - N° Portalis DBVM-V-B7D-KHM5





C4



Minute N°





































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SCP CABINET 24



Me Eric HATTAB

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMME

RCIALE



ARRÊT DU JEUDI 15 SEPTEMBRE 2022





Appel d'un jugement (N° RG 17/00877)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 09 septembre 2019

suivant déclaration d'appel du 06 novembre 2019



APPELANT :

M. [P] [U]

né le 13 Janvier 1957 à BOUCHEGOUF (Algérie)

[Adresse 2]

[Localité 1]



représenté par Me Philippe GALLIARD de la SCP...

N° RG 19/04512 - N° Portalis DBVM-V-B7D-KHM5

C4

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SCP CABINET 24

Me Eric HATTAB

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 15 SEPTEMBRE 2022

Appel d'un jugement (N° RG 17/00877)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 09 septembre 2019

suivant déclaration d'appel du 06 novembre 2019

APPELANT :

M. [P] [U]

né le 13 Janvier 1957 à BOUCHEGOUF (Algérie)

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Philippe GALLIARD de la SCP CABINET 24, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et la SELURL COCHET, avocat au barreau de CHAMBERY,

INTIMÉE :

SARL EL KITAPENA

Société à responsabilité limitée, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ;

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée et plaidant par Me Eric HATTAB, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Sarah DJABLI, Greffier placé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 mai 2022, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et Me HATTAB en sa plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

FAITS ET PROCÉDURE :

1.Par acte sous seing privé du 10 décembre 2010, monsieur [U] a donné à bail commercial à la société El Kitapena un local commercial avec appartement attenant, situé [Adresse 3]. Le bail comporte une clause mettant à la charge du preneur la réalisation à ses frais de tous travaux de remise à neuf de l'appartement, ce dernier pouvant alors servir d'habitation.

2.Suite à l'assignation délivrée à la requête du bailleur le 12 novembre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Grenoble, par ordonnance du 6 avril 2016, a accordé à titre rétroactif des délais de paiement à la société El Kitapena pour le règlement des taxes d'ordures ménagères 2011 à 2014, jusqu'au 17 novembre 2015, a jugé qu'il existe une contestation sérieuse sur l'obligation pour la société El Kitapena de procéder à des travaux de remise en état de l'appartement attenant au local commercial, a constaté que la société El Kitapena a réglé toutes les sommes dues en sa qualité de locataire, a débouté monsieur [U] de ses demandes tendant au constat de la résiliation du bail, à l'expulsion, au paiement d'arriérés de loyers et d'indemnités d'occupation.

3.Par acte d'huissier signifié le 16 février 2017, monsieur [U] a fait assigner la société El Kitapena devant le tribunal de grande instance de Grenoble, et a demandé notamment de condamner la société El Kitapena à effectuer les travaux de remise en état de l'appartement avant le 31 décembre 2019, de condamner la société El Kitapena à lui payer la somme de 110.000 euros à titre de provision sur les travaux qu'il exécutera, dans le cas où les travaux ne seraient pas réalisés avant le 31 décembre 2019, de l'autoriser à effectuer lui-même les travaux avec l'entreprise de son choix et de condamner la société El Kitapena à lui payer le solde des frais engagés pour les travaux sur présentation des factures.

4.Par jugement du 9 septembre 2019, le tribunal de grande instance a :

- débouté monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes';

- débouté la société El Kitapena de sa demande d'indemnité pour procédure abusive';

- condamné monsieur [U] à payer à la société El Kitapena la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné monsieur [U] aux dépens de l'instance';

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

5.Monsieur [U] a interjeté appel de cette décision le 6 novembre 2019, en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de condamnation de la société El Kitapena à lui payer les travaux de remise en état de l'appartement situé à [Adresse 3], de voir condamner la société El Kitapena à lui payer la somme de 2.162,26 euros au titre du loyer de décembre 2015. Il a précisé que l'objet de l'appel est donc de voir condamner la société El Kitapena à lui payer la somme de 110.000 euros à titre de provision sur le montant des travaux devant être exécutés, de voir la société El Kitapena condamnée à lui payer la somme de 2.162,26 euros au titre du solde de loyer de décembre 2015; de voir condamner la société El Kitapena à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'instruction de cette procédure a été clôturée le 12 mai 2022.

Prétentions et moyens de monsieur [U] :

6.Selon ses conclusions n°2 remises le 27 avril 2022, il demande à la cour, au visa de l'article 1719 du code civil':

- de déclarer son appel recevable, aucune indication n'étant donnée par la société El Kitapena sur la violation éventuelle des dispositions de l'article 960 du code de procédure civile';

- de juger que la clause mettant à la charge du preneur les travaux de remise à neuf est parfaitement licite s'agissant d'un bail commercial';

- de dire que l'article 1719 du code civil est inapplicable ne s'agissant pas d'une habitation principale';

- de dire que la clause imposait à la société El Kitapena d'effectuer les travaux, qu'elle entende ou non habiter les lieux';

- de dire en conséquence que la société El Kitapena sera tenue d'exécuter lesdits travaux qui devaient être réalisés impérativement avant le 13 décembre 2019';

- de condamner en conséquence la société El Kitapena à effectuer les travaux visés par la pièce n°2 de l'appelant dans les deux mois de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt';

- très subsidiairement, au cas où par impossible la cour dira que les travaux ne sont pas suffisamment précisés sans que cela pour autant rende la clause nulle, d'ordonner une expertise technique avec mission pour l'expert désigné telle qu'indiquée aux motifs de ses conclusions';

- de condamner dès à présent la société El Kitapena à effectuer les travaux qui seront considérés par l'expert comme des travaux de remise à neuf dans les deux mois du dépôt du rapport de l'expert, sous peine d'une astreinte définitive de 100 euros par jour de retard';

- de réduire la demande de la société El Kitapena au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à la somme de 1.116 euros';

- de débouter la société El Kitapena de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive';

- de condamner la société El Kitapena à payer au concluant la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il soutient':

7.- que l'intimée soutient à tort que la clause du bail concernant les travaux est nulle car contraire à l'article 1719 du code civil, ce texte prévoyant que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer la chose louée, et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent lorsque les locaux à usage d'habitation sont impropres à cet usage'; qu'en effet, le bail est en l'espèce commercial, concernant une salle au rez-de-chaussée de 100 m², au sous-sol un local de même surface, et un appartement à l'étage d'également 100 m²'; que les locaux sont loués pour l'exploitation d'une activité de salle de jeux, débits de boissons et organisation de soirées à thèmes'; que s'il a été prévu que l'appartement devra servir au logement de l'exploitant et de sa famille, le preneur n'est pas une personne physique, mais une société commerciale représentée par ses deux cogérants, monsieur [Y] et madame [B], qui résident à [Localité 4]'; qu'ainsi, l'article précité n'est pas applicable';

8.- que la clause prévoyant la remise à neuf des locaux ne signifie pas qu'ils étaient inhabitables et que le logement n'était pas décent'; que ces locaux sont ainsi simplement vétustes de sorte que la remise à neuf a été prévue comme une clause essentielle du bail'; que le loyer a été consenti au prix attractif de 1.800 euros par mois'; qu'en outre, le jour de la conclusion du bail, la société Inken, représentée par le concluant, a cédé le fonds de commerce pour un montant faible de 25.000 euros';

9.- que le tribunal a considéré que la clause n'est pas nulle, mais que faute d'être précise, s'agissant de travaux devant être effectués par les preneurs, elle est dès lors nulle'; que cependant, les travaux à réaliser sont ceux destinés à remettre les locaux dans un état permettant une habitation agréable'; que lors de la signature du bail, le concluant a fait établir un devis pour 70.768,33 euros HT'; que si ce montant paraît important, les preneurs pouvaient cependant effectuer eux-mêmes les travaux dans des conditions plus intéressantes, monsieur [Y] connaissant les travaux du bâtiment'; que du matériel avait été laissé par le concluant permettant partiellement leur réalisation'; qu'ainsi cette clause est valable';

10.- subsidiairement, si une difficulté existe sur ce point, qu'un expert doit être désigné afin de visiter les lieux, de donner son avis sur les travaux devant être exécutés par rapport au devis produit, de dire s'il s'agit de travaux de remise à neuf, de les chiffrer';

11.- que si les preneurs invoquent la stipulation selon laquelle il est convenu que si dans les deux ans suivant leur entrée en jouissance, ils n'effectuent pas les travaux de remise à neuf, et qu'ils s'engagent alors à verser au bailleur un dépôt de garantie égal à deux mois de loyers HT, cette clause ne signifie pas qu'ils n'avaient pas impérativement à remettre les lieux en état et qu'ils se trouveraient exonérés de cette obligation par le paiement du dépôt de garantie'; que cette clause est ainsi indépendante de celle prévoyant la remise en état des locaux'; qu'elle signifie seulement que si au bout de deux ans, ils n'ont pas réalisé les travaux, ils doivent alors régler ce dépôt de garantie sans que cela ne les exonère de leur obligation de réaliser les travaux';

12.- que si aucun délai n'a été prévu pour la réalisation des travaux, ceux-ci devaient être exécutés pendant le cours du bail, soit entre le 13 décembre 2010 et le 12 décembre 2019'; que le bail a été reconduit par tacite reconduction, de sorte que les travaux devaient être terminés avant le 12 décembre 2019';

13.- concernant la demande reconventionnelle de l'intimée portant sur la somme de 3.347 euros correspondant à un remboursement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour la période 2011 à 2016, que le concluant a réclamé par erreur cette taxe pour l'ensemble du bâtiment et non pour les seuls locaux donnés à bail.

Prétentions et moyens de la société El Kitapena':

14.Selon ses conclusions remises le 11 mai 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 960 et 961 du code de procédure civile, 1719 du code civil':

- sur la demande au titre des travaux, à titre principal, de déclarer irrecevables toutes les conclusions notifiées par monsieur [U] depuis le début de la procédure d'appel ;

- de débouter en conséquence monsieur [U] de l'intégralité de ses demandes';

- à titre subsidiaire, de dire que la clause relative aux travaux (article VIII, 9° c du bail) ne comporte aucune obligation pour la concluante de remettre à neuf l'appartement';

- de débouter en conséquence monsieur [U] de l'intégralité de ses demandes';

- à titre subsidiaire, si par impossible il est jugé que la clause invoquée par monsieur [U] doit s'interpréter comme mettant à la charge de la concluante une obligation de remise à neuf de l'appartement, de dire que cette clause a pour effet illicite d'exonérer le bailleur de son obligation de délivrance ;

- d'annuler cette clause relative à l'obligation d'effectuer les travaux de remise à neuf de l'appartement';

- de débouter en conséquence le bailleur de l'intégralité de ses demandes ;

- à titre infiniment subsidiaire, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé nulle la clause relative aux travaux (article VIII, 9° c du bail)';

- de dire que cette clause relative aux travaux n'est pas expresse et qu'elle est ambiguë ;

- de débouter en conséquence monsieur [U] de l'intégralité de ses demandes';

- à titre encore plus infiniment subsidiaire, de constater que le bail ne comporte aucun délai pour l'exécution des travaux ;

- de débouter en conséquence monsieur [P] [U] de l'intégralité de ses demandes';

- à titre encore plus infiniment subsidiaire, de dire que le coût des travaux ne saurait résulter d'une évaluation unilatérale faite par monsieur [P] [U]';

- de débouter monsieur [U] de l'intégralité de ses demandes';

- concernant la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, de condamner monsieur [U] à rembourser à la concluante la somme de 3.347 euros';

- en tout état de cause, de condamner l'appelant à lui payer une indemnité de 5.000 euros pour procédure abusive';

- de le condamner à lui payer une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.

L'intimée soutient':

15.- concernant l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant, qu'elles ne comportent pas les mentions prévues par l'article 960 du code de procédure civile';

16.- concernant la clause relative aux travaux, que l'appartement était initialement totalement inhabitable, ainsi que l'a reconnu l'appelant dans son assignation et dans ses conclusions de première instance'; que ce fait est confirmé par les photographies produites et le devis de l'appelant, indiquant que tout est à refaire';

17.- que la clause prévue à l'article VIII 9 c a stipulé que le preneur s'engage à effectuer à ses frais les travaux de remise à neuf de l'appartement et qu'il pourra alors servir d'habitation au preneur ou à son dirigeant'; qu'ainsi, il en résulte que le preneur ne devait réaliser ces travaux que s'il entendait occuper la partie habitation'; qu'en l'espèce, les gérants de la concluante ont fait le choix de rester dans le logement qu'ils occupent à [Localité 4] et n'ont ainsi jamais habité l'appartement en cause'; que la clause ne peut être interprétée comme valant obligation pour le preneur d'avoir à effectuer les travaux';

18.- que cela est confirmé par le fait qu'aucun délai n'a été prévu pour la réalisation de ces travaux, alors que l'article VIII 7° du bail stipule qu'il est convenu que si dans les deux ans à compter de son entrée en jouissance, le preneur n'effectue pas les travaux de remise à neuf, il s'engage à verser au bailleur un dépôt de garantie égal à deux mois de loyers hors taxes'; que la concluante a versé ce dépôt de garantie et n'a pas ainsi à effectuer les travaux';

19- que la concluante n'a jamais reconnu devoir exécuter les travaux, même en fin de bail'; que le prix de vente du fonds de commerce est indifférent, puisque ce n'est pas le bailleur qui a cédé ce fonds, mais l'Eurl Inken, personne morale distincte'; qu'en outre, l'acte de cession du fonds n'indique pas que le prix de vente a été minoré'; que le bailleur ne prouve pas que la concluante a été en possession du devis de 70.768,33 euros HT, alors que ce devis n'est pas daté ni signé et n'est pas annexé au bail';

20.- subsidiairement, que la clause relative aux travaux est illicite au sens de l'article 1719 du code civil, puisque l'appartement était totalement inhabitable comme reconnu par l'appelant en première instance'; que cette clause revient à exonérer le bailleur de son obligation de délivrance'; qu'ainsi le bailleur ne peut s'affranchir de son obligation de délivrance par le biais d'une clause générale d'exécution des travaux par le preneur';

21.- à titre plus subsidiaire, concernant la solution retenue par le tribunal, que la clause est nulle en raison de son absence de précision, puisqu'elle ne précise pas la nature de ces travaux, alors qu'aucun élément ne confirme que le devis, ni daté ni signé, a été effectivement porté à la connaissance du preneur lors de la signature du bail'; qu'elle est également ambiguë en raison de la clause concernant le versement du dépôt de garantie';

22.- à titre infiniment subsidiaire, que cette clause n'a pas prévu de délai pour l'exécution de travaux'; que l'appelant ne justifie donc pas d'un intérêt à agir né et actuel au sens de l'article 31 du code de procédure civile'; qu'il ne peut exiger ce qui est convenu avant l'arrivée du terme au sens de l'article 1186 du code civil'; que l'appelant ne conteste pas ce fait, mais ne peut soutenir que les travaux devaient être réalisés au plus tard le 12 décembre 2019, puisque le bail a été reconduit tacitement et reste en cours'; que son action est ainsi irrecevable';

23.- s'agissant du coût des travaux, portant sur 110.000 euros, qu'aucun état des lieux contradictoire n'a été réalisé lors de l'entrée du preneur'; que le coût des travaux ne peut résulter d'une fixation unilatérale par le bailleur';

24.- concernant la demande reconventionnelle de la concluante portant sur la taxe d'ordures ménagères, que l'appelant est propriétaire de l'intégralité du bâtiment, comportant trois étages'; que seuls le rez-de-chaussée et le premier étage ont été loués à la concluante'; que cependant, depuis l'origine, le bailleur a adressé des demandes de paiement de ces taxes pour la totalité de celles dues au titre du bâtiment'; que la concluante a réglé un total de 3.347 euros que le bailleur doit ainsi lui restituer, demande sur laquelle le tribunal a omis de statuer';

25.- que la présente procédure n'est que le résultat de la volonté du bailleur de se débarrasser de la concluante, et est ainsi abusive.

*****

26.Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS':

1) Concernant la recevabilité des conclusions notifiées par l'appelant :

27.Il résulte des dispositions de l'article 960 du code de procédure civile que la constitution d'avocat par l'intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d'instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats. Cet acte indique, si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance et, s'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

28.En l'espèce, il résulte de la déclaration d'appel qu'elle énonce le nom et l'adresse de l'appelant. Les conclusions remises par l'appelant énoncent également sa date de naissance, et la déclaration d'appel est régularisée sur ce point. Cependant, aucun de ces actes n'indiquent la profession de monsieur [U].

29.Les mentions prévues par l'article 960 du code de procédure civile sont prescrites à peine d'irrecevabilité des actes de procédure, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un grief. Leur omission peut cependant être régularisée à tout moment de la procédure.

30.En l'espèce, monsieur [U] a précisé lors de l'audience se trouver à la retraite, ce que confirme sa date de naissance. En conséquence, l'omission de l'indication de sa profession dans sa déclaration d'appel et ses conclusions a été réparée. Il n'y a pas ainsi lieu de prononcer l'irrecevabilité des actes de procédure.

2) Sur le fond':

a) Concernant la validité de la clause du bail imposant au preneur d'effectuer des travaux de remise en état du logement accessoire au bail commercial':

31.Le tribunal a énoncé que si aux termes des articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent, cependant, en matière de baux commerciaux, il peut être dérogé à l'obligation pour le bailleur d'effectuer les réparations autres que locatives par des conventions particulières, par une clause devant être expresse et précise, toute clause contractuelle ambiguë exonérant le bailleur de ses obligations d'effectuer certains travaux s'interprétant en faveur du locataire. Le tribunal a indiqué que toutefois, le bailleur reste lié, dans tous les cas, par son obligation de délivrance.

32.Il a également précisé que le décret d'application du 3 novembre 2014 de la Loi Pinel du 18 juin 2014 a limité la liberté contractuelle régissant les obligations de réparation entre locataire et bailleur et qu'il est, depuis cette date, illicite pour un bailleur de s'exonérer de sa responsabilité au regard de l'article 606 du code civil en matière de bail commercial, mais que le bail ayant été conclu en 2010, antérieurement à la Loi Pinel, la contractualisation d'une clause mettant à la charge du preneur des travaux de rénovation n'est pas en soi illicite, pourvu qu'elle ne soit pas de nature à exonérer le bailleur de son obligation de délivrance.

33.Le tribunal a retenu qu'en l'espèce, le contrat de bail indique, à l'article VIII ' Conditions particulières, 7°/ Dépôt de garantie: a), que «'de convention expresse entre les parties, il est convenu que si dans les deux ans à compter de son entrée en jouissance, le preneur n'effectue pas les travaux de remise à neuf, il s'engage à verser au bailleur un dépôt de garantie égal à deux mois de loyer hors taxes'»'; que l'article 9°/ c) stipule que «'le preneur s'engage expressément à effectuer à ses frais tous travaux de remise à neuf de l'appartement situé au premier étage, ce dernier pouvant alors servir d'habitation au preneur'».

34.Il a estimé que cette clause mettant à la charge du preneur des travaux doit être expresse et sans ambiguïté, et que si le contrat prévoit expressément que le preneur effectuera « tous travaux de remise à neuf '', aucune précision n'a été apportée concernant le type de travaux à réaliser, alors qu'il ne ressort pas du dossier que le devis présenté par l'appelant, qui n'est ni daté ni signé, a été porté à la connaissance du preneur lors de la signature du bail. Le tribunal en a déduit que cette clause mettant à la charge du preneur les travaux de rénovation n'est pas suffisamment précise. Par ailleurs, il a relevé que la clause prévoyant le versement d'un dépôt de garantie en l'absence de travaux réalisés dans les deux ans après la signature du bail entretient l'ambiguïté concernant les obligations du preneur. Il en a retiré que la clause mettant à la charge du preneur les travaux de rénovation de l'appartement, en l'absence de précision dans sa rédaction, doit être considérée nulle.

35.La cour ne peut qu'approuver les motifs développés par le tribunal concernant la validité de la clause imposant au preneur la réalisation de travaux, au regard de la nature commerciale du bail, conclu le 10 décembre 2010, donc avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, et renouvelé par tacite reconduction, de sorte que le bail initial reste en cours d'exécution. En conséquence, les parties pouvaient déroger aux dispositions prévues par les articles 606 et 1719 du code civil. En raison de son objet, le logement n'étant que l'accessoire du bail commercial, et alors que le preneur est une société commerciale, les dispositions relatives à la délivrance d'un logement décent ne sont pas applicables. En la cause, il n'est pas contesté que les locaux commerciaux objets du bail ont bien été délivrés au preneur, qui les exploitent conformément à leur destination depuis 2010, alors qu'il a été convenu que la partie annexe servant de logement ne soit utilisée à cet effet qu'après une remise à neuf par le preneur. La preuve de l'exécution de l'obligation de délivrance par le bailleur est rapportée. Aucune nullité n'est ainsi encourue en raison de la mise à la charge du preneur de travaux de réfection.

36.Concernant la validité de ces stipulations au regard de leur rédaction, il résulte des dispositions des articles 1156 et suivants du code civil, dans leur rédaction applicable à la date de la conclusion du bail, l'article 1190 cité par le tribunal résultant de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et des obligations, qu'on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes'; que lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun et que les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat. En outre, toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier et dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.

37.En la cause, il résulte des stipulations litigieuses que le preneur s'engage expressément à effectuer à ses frais tous travaux de remise à neuf de l'appartement situé au premier étage, ce dernier pouvant alors servir d'habitation au preneur, et que de convention expresse entre les parties, il est convenu que si dans les deux ans à compter de son entrée en jouissance, le preneur n'effectue pas les travaux de remise à neuf, il s'engage à verser au bailleur un dépôt de garantie égal à deux mois de loyer hors taxes.

38.Il ressort de ces clauses que la société El Kitapena ne s'est pas ainsi engagée irrévocablement à effectuer les travaux de remise à neuf de la partie du local commercial dédiée à une occupation à titre de logement, mais à faire son affaire de cette remise en état dans l'éventualité de l'habitation de cette partie du local. Les seules sanctions, en cas d'absence de réalisation de ces travaux, sont l'impossibilité d'occuper cette partie du local à titre de logement et, passé un délai de deux ans suivant l'entrée en jouissance, le versement d'un dépôt de garantie égal à deux mois de loyers HT, versement dont il est constant qu'il a été effectué. Il n'y a pas ainsi lieu de prononcer la nullité de ces stipulations, s'interprétant l'une au regard de l'autre.

39.En l'espèce, il n'est pas contesté que la société El Kitapena n'a jamais utilisé le local accessoire à titre de logement, ses gérants résidant dans une autre commune. Elle n'a pas ainsi l'obligation de mettre cette partie du local dans un état permettant son usage à titre de logement. En outre, ainsi que soutenu par l'intimée, aucun délai n'a été imparti pour la réalisation des travaux, pouvant ainsi être effectués pendant toute la durée du bail, alors qu'il est constant que celui-ci est toujours en cours. Il en résulte que l'appelant est mal fondé à soutenir que ces travaux devaient être réalisés avant le 12 décembre 2019, date du renouvellement du bail par tacite reconduction, puisqu'il s'agit toujours du même contrat en cours d'exécution.

40.En conséquence, sans qu'il soit nécessaire de plus amplement statuer, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes tendant à la réalisation des travaux de remise en état, sinon à l'organisation d'une expertise.

b) Concernant la taxe d'enlèvement des ordures ménagères':

41.En premier lieu, il ne résulte d'aucune pièce des parties ni du jugement déféré que cette prétention ait été soumise au tribunal et qu'il ait ainsi omis de statuer ce sur point. Sur le fond, l'appelant reconnaît qu'il a réclamé à l'intimée par erreur l'ensemble de cette taxe pour l'ensemble du bâtiment dont il est propriétaire et non pour les seuls locaux donnés à bail, et se reconnaît redevable à ce titre d'un solde de 1.116 euros. La cour constate que si l'intimée soutient être créancière de 3.347 euros au titre de sommes versées à tort entre 2011 et 2017, elle ne produit pas de décompte permettant de vérifier la réalité du montant de la créance qu'elle invoque, alors que la preuve lui en incombe. Il est constant que l'intimée occupe les 2/3 de l'immeuble appartenant à monsieur [U], et ainsi elle ne peut devoir que les 2/3 des taxes en cause. Il en résulte, ainsi que soutenu par l'appelant, que la somme de 1.116 euros a été perçue à tort à ce titre. Le montant de la condamnation à mettre à la charge du bailleur sera ainsi limité à ce montant.

c) Concernant la demande reconventionnelle de la société El Kitapena pour procédure abusive':

42.Afin de débouter l'intimée de cette prétention, le tribunal a retenu que le bail pouvait prêter à interprétation et que le preneur ne rapporte pas d'élément au soutien de sa prétention tendant à prouver que le bailleur a abusé de son droit d'ester en justice. La cour ajoute qu'une discussion a été nécessaire afin de préciser les droits et obligations des parties, et que l'instance n'a pas ainsi été engagée abusivement, de même que l'exercice du droit d'appel. Le jugement entrepris sera ainsi également confirmé en ce qu'il a débouté la société El Kitapena de cette demande.

43.Le jugement déféré sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions, et y ajoutant, la cour fixera la condamnation due par l'appelant au titre du trop perçu lié au paiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Succombant en son appel, monsieur [U] sera condamné à payer à la société El Kitapena la somme complémentaire de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 960 du code de procédure civile, 1156 et suivants (anciens), 1719 du code civil, L145-1 et suivants du code de commerce';

Déboute la société El Kitapena de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les actes de procédure notifiés par monsieur [U]';

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions déférées à la cour';

y ajoutant';

Condamne monsieur [U] à rembourser à la société El Kitapena la somme de 1.116 euros au titre du trop perçu sur le paiement des taxes d'enlèvement des ordures ménagères';

Condamne monsieur [U] à payer à la société El Kitapena la somme complémentaire de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne monsieur [U] aux dépens exposés en cause d'appel';

Signé par Madame FIGUET, Présidente et par Madame RICHET, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19/04512
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;19.04512 ?
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