N° RG 21/04931 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LEAT
C3
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET
Me Alain GONDOUIN
la SELARL EYDOUX MODELSKI
Me Bernard BOULLOUD
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 07 JUIN 2022
Appel d'une décision (N° RG 21/01543)
rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 10 novembre 2021
suivant déclaration d'appel du 24 Novembre 2021
APPELANTS :
Mme [P] [Y]
née le 29 Août 1958 à CARMAUX
de nationalité Française
3 rue Vergniaud
38000 GRENOBLE
Mme [J] [M]
née le 12 Septembre 1948 à SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
de nationalité Française
4 bis impasse de la Blanchisserie
38100 GRENOBLE
M. [D] [F]
né le 18 Octobre 1955 à BRUAILLES
de nationalité Française
3 rue Vergniaud
38000 GRENOBLE
Mme [N] [W]
née le 15 Février 1950 à PARIS
de nationalité Française
Les Arnauds
38220 SAINT-JEAN-DE-VAULX
M. [D] [C]
né le 12 Octobre 1944 à VIRIEU
de nationalité Française
12 Allée du Bret
38240 MEYLAN
M. [O] [V]
né le 12 Décembre 1943 à BOURG EN BRESSE
de nationalité Française
10 Rue Saint-Jacques
38000 GRENOBLE
M. [U] [A]
né le 27 Septembre 1952 à GRENOBLE
de nationalité Française
162 bis Avenue de Grenoble
38180 SEYSSINS
Mme [S] [G]
née le 25 Mars 1948 à LA CHAPELLE D'ALIGNE
de nationalité Française
162 bis Avenue de Grenoble
38180 SEYSSINS
Mme [L] [I]
née le 02 Septembre 1949 à TORIGNI SUR VIRE
de nationalité Française
30 rue du Vercors
38600 FONTAINE
L'ASSOCIATION UNION DE QUARTIER BERRIAT SAINT BRUNO EUROPOLE pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
14 Place Saint-Bruno
38000 GRENOBLE
LE SYNDICAT UNION DEPARTEMENTALE CGT DE L'ISERE pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège 32 avenue de l'Europe
38030 GRENOBLE CEDEX 02
LE SYNDICAT UNION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège 21 rue Jules Ferry
93170 BAGNOLET
LA VILLE DE GRENOBLE prise en son maire en exercice
Hôtel de Ville, 11 Bd Jean Pain, CS 91066
38021 GRENOBLE CEDEX 1
LE SYNDICAT FO GHM DE GRENOBLE pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
sis 8/12 rue du Docteur Calmette
38000 GRENOBLE
GRENOBLE ALPES METROPOLE pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Le Forum, 3 rue Malakoff
38031 GRENOBLE CEDEX
L'ASSOCIATION LES AMIS DES CLINIQUES MUTUALISTES DE GRENOBLE pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
12 chemin du petit violet
38700 LA TRONCHE
Tous représentés par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Colas AMBLARD de la SELARL NPS CONSULTING, avocat au barreau de LYON
INTIMEES :
AESIO MUTUELLE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
4 rue du Général Foy
75008 PARIS
LA MUTUELLE FRANCAISE DE L'ISERE SERVICE DE SOINS ET D'ACCOMPAGNEMENT MFI-SSAM
76 avenue Léon Blum
38030 GRENOBLE Cedex 2
LA SOCIÉTÉ MUTUALITE DE L'ISERE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
226 cours de la Libération
38000 GRENOBLE
Toutes les trois représentées par Me Alain GONDOUIN, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Jean-Michel BRIQUET de la SELAS ERNST & YOUNG SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
LA SOCIÉTÉ AVEC précédemment dénommée DOCTEGESTIO, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
105 B Rue de Tolbiac
75013 PARIS
représentée par Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE et plaidant par Me EYDOUX du même cabinet
L'UNION MUTUALISTE POUR LA GESTION DU GROUPE HOSPITALIER MUTUALISTE DE GRENOBLE (UMG-GHM) pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
8 Rue Docteur Calmette
38000 GRENOBLE
représentée par Me Bernard BOULLOUD, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Laurent BUTSTRAEN de la SCP CABINET DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Hélène COMBES, Président de chambre,
Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,
Mme Anne - Laure PLISKINE, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 mai 2022 Madame COMBES Président de chambre chargé du rapport en présence de Madame BLATRY, Conseiller, assistées de Mme Anne BUREL, Greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
*****
EXPOSE DU LITIGE
L'Union mutualiste pour la Gestion du Groupement Hospitalier Mutualiste de Grenoble (UMG-GHM) gère un établissement de santé privé d'intérêt collectif à but non lucratif (ESPIC) participant au service public hospitalier.
Elle offre 436 lits et emploie plus de 1.100 salariés dont 200 médecins.
Les murs étaient la propriété de la SCI de la Mutualité de l'Isère (SCIMI).
Jusqu'au mois d'octobre 2020, l'UMG-GHM était dirigée par la mutuelle Adrea - devenue Aesio Mutuelle et la Mutualité française de l'Isère (MFI).
Le 26 septembre 2019, le conseil d'administration a voté l'engagement d'un processus de réflexion en vue de l'éventuelle cession des activités de l'UMG-GHM.
Le 24 septembre 2020, le conseil d'administration a validé le projet de reprise de l'UMG-GHM présenté par les Mutuelles France du Var et Doctocare cette dernière mutuelle dépendant de la société Doctegestio (devenue Avec).
Une assemblée générale extraordinaire du 9 octobre 2020 a validé le projet de reprise, confirmé la démission des mutuelles Adrea et MFI et décidé la vente des murs par la SCIMI.
[D] [X], dirigeant du groupe Doctegestio a été désigné président de l'UMG-GHM.
Par acte authentique du 22 octobre 2021, la SCIMI a vendu l'actif immobilier à la société Icade Santé.
Estimant l'opération illicite en ce qu'elle contrevient aux dispositions des articles L 110-1 et suivants du code de la mutualité sur le but non lucratif des unions de mutuelles et sur leur fonctionnement démocratique, plusieurs personnes physiques adhérentes de la mutuelle Adrea, trois syndicats, deux associations, l'établissement public Grenoble Alpes Métropole ainsi que la ville de Grenoble, ont par actes des 21 et 26 juillet 2021 saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble aux fins notamment de suspension du projet de reprise, de suspension du compromis de vente et de nomination d'un administrateur provisoire.
Par ordonnance du 10 novembre 2021 le juge des référés a :
Déclaré irrecevables en leur action Monsieur [D] [F], Madame [P] [Y], Monsieur [D] [C], Madame [S] [G], Monsieur [U] [A], Monsieur [O] [V], Madame [L] [I], Madame [J] [M], Madame [N] [W], l'association les Amis des Cliniques Mutualistes de Grenoble, l'association L'Union de Quartier Berriat Saint-Bruno Europole, la ville de Grenoble et l'établissement public Grenoble Alpes Métropole ;
Déclaré recevables l'Union Nationale des Syndicats Autonomes, le syndicat FO-GHM de Grenoble, l'Union départementale CGT de l'Isère ;
Débouté Adrea Mutuelle (aux droits de laquelle se trouve Aesio Mutuelle) et la Mutualité Française de Grenoble (services de soins et d'accompagnement) (MFI-SSAM) de leurs demandes de mise hors de cause ;
Débouté l'Union Nationale des Syndicats Autonomes, le syndicat FO-GHM de Grenoble, l'Union départementale CGT de l'Isère de toutes leurs demandes et les a renvoyés à mieux se pourvoir ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 837 du code de procédure civile à la présente procédure ;
Débouté Monsieur [D] [F], Madame [P] [Y], Monsieur [D] [C], Madame [S] [G], Monsieur [U] [A], Monsieur [O] [V], Madame [L] [I], Madame [J] [M], Madame [N] [W], l'association les Amis des Cliniques Mutualistes de Grenoble, l'association l'Union de Quartier Berriat Saint-Bruno Europole, l'Union Nationale des Syndicats Autonomes, le syndicat FO-GHM de Grenoble, l'Union départementale CGT de l'Isère, Grenoble Alpes Métropole, la ville de Grenoble, l'UMG-GHM, la SCIMI, Adrea Mutuelle (aux droits de laquelle se trouve Aesio Mutuelle) et la Mutualité Française de Grenoble (services de soins et d'accompagnement) (MFI-SSAM), la société Doctegestio/Avec de leurs demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Monsieur [D] [F], Madame [P] [Y], Monsieur [D] [C], Madame [S] [G], Monsieur [U] [A], Monsieur [O] [V], Madame [L] [I], Madame [J] [M], Madame [N] [W], les Amis des Cliniques Mutualistes de Grenoble, L'union de Quartier Berriat Saint-Bruno Europole, l'union Nationale des Syndicats autonomes, le syndicat FO-GHM de Grenoble, l'Union départementale CGT de l'Isère, Grenoble Alpes Métropole et la ville de Grenoble aux dépens.
Les demandeurs à la procédure ont relevé appel le 24 novembre 2021, intimant la mutuelle Aesio Mutuelle, la société Avec (anciennement Doctegestio), la MFI, la SCIMI et l'UMG-GHM.
L'affaire a reçu fixation à bref délai conformément aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.
Par uniques conclusions du 22 décembre 2021, l'établissement public Grenoble Alpes Métropole demande à la cour de :
Confirmer la recevabilité des demandes formulées par Grenoble Alpes Métropole.
Réformer l'ordonnance de référé rendue le 10 novembre 2021 sur tous les autres points.
Juger l'irrégularité des délibérations n° 4 à 8 prises en assemblée générale extraordinaire de l'UMG-GHM en date du 09 octobre 2020,
Juger la composition du conseil d'administration de l'UMG-GHM étant comme contraire aux articles L 110-1 et suivants du code de la mutualité,
Juger l'irrégularité de la nomination de M. [X] en qualité de président de l'UMG-GHM comme contraire aux articles L 110-1 et suivants du code de la mutualité,
Juger par voie de conséquence la reprise par voie de substitution de l'UMG-GHM par la société Doctegestio (devenue Avec) via des mutuelles qu'il contrôle illicitement, comme contraire aux articles L 110-1 et suivants du code de la mutualité,
Juger l'urgence, le trouble manifestement illicite ainsi que les dommages imminents auxquels est confrontée l'UMG-GHM depuis sa reprise et conformément à l'article 835 du code de procédure civile.
En conséquence :
Suspendre la reprise de l'UMG-GHM par la société Doctegestio (devenue Avec),
Suspendre la convention de fourniture de services supports,
Ordonner la nomination d'un administrateur provisoire (Monsieur [R] [Z] - pièce 66), dont la mission consiste à :
se faire remettre tous documents utiles à l'exercice de sa mission ;
administrer et gérer l'UMG-GHM, au besoin en recrutant le personnel de direction nécessaire à son bon fonctionnement ;
représenter en justice l'UMG-GHM, tant en demande qu'en défense ;
rétablir un fonctionnement normal de l'UMG-GHM, à savoir :
rechercher et agréer de nouveaux membres conformément aux conditions prévues à l'article L111-4-3 du code de la mutualité ;
organiser l'élection d'un nouveau conseil d'administration lors de cette assemblée générale ;
mettre en conformité les statuts de l'UMG-GHM avec l'arrivée de ses nouveaux membres par l'organisation d'une assemblée générale ;
organiser, en tant que de besoin un nouveau processus de reprise de l'UMG-GHM qui devra être validé en assemblée générale ;
déterminer sa rémunération.
Condamner chacun des intimés au paiement de la somme de 1 euro symbolique au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner l'UMG-GHM aux entiers dépens,
Ordonner que la présente décision à intervenir puisse être exécutée sur minute.
Par conclusions du 22 décembre 2021, [D] [F], [P] [Y], [D] [C], [S] [G], [U] [A], [O] [V], [L] [I], [J] [M], [N] [W], l'association Les Amis des Cliniques Mutualistes de Grenoble, L'association Union de Quartier Berriat-Saint-Bruno- Europole, l'union Nationale des Syndicats autonomes (UNSA), le syndicat FO-GHM de Grenoble, l'Union départementale CGT de l'Isère et la ville de Grenoble demandent à la cour de :
Confirmer la recevabilité des demandes formulées par l'union Nationale des Syndicats autonomes (UNSA), le syndicat FO-GHM de Grenoble, l'Union départementale CGT de l'Isère
Réformer l'ordonnance de référé rendue le 10 novembre 2021 sur tous les autres points.
Juger l'irrégularité des délibérations n°4 à 8 prises en assemblée générale extraordinaire de l'UMG-GHM en date du 09 octobre 2020,
Juger la composition du conseil d'administration de l'UMG-GHM comme étant contraire aux articles L 110-1 et suivants du code de la mutualité,
Juger l'irrégularité de la nomination de M. [X] en qualité de président de l'UMG-GHM comme contraire aux articles L 110-1 et suivants du code de la mutualité,
Juger par voie de conséquence la reprise par voie de substitution de l'UMG-GHM par société commerciale SA Doctegestio (devenue Avec) via des mutuelles qu'il contrôle illicitement, comme contraire aux articles L 110-1 et suivants du code de la mutualité,
Juger l'urgence, le trouble manifestement illicite ainsi que les dommages imminents auxquels est confrontée l'UMG-GHM depuis sa reprise et conformément à l'article 835 du code de procédure civile.
En conséquence :
Suspendre la reprise de l'UMG-GHM par la SA Doctegestio (devenue Avec),
Suspendre le compromis de vente ainsi que la convention de fourniture de services supports,
Ordonner la nomination d'un administrateur provisoire (Monsieur [R] [Z] - pièce 66), dont la mission consiste à :
se faire remettre tous documents utiles à l'exercice de sa mission ;
administrer et gérer l'UMG-GHM, au besoin en recrutant le personnel de direction nécessaire à son bon fonctionnement ;
représenter en justice l'UMG-GHM, tant en demande qu'en défense ;
rétablir un fonctionnement normal de l'UMG-GHM, à savoir :
rechercher et agréer de nouveaux membres conformément aux conditions prévues à l'article L111-4-3 du code de la mutualité ;
organiser l'élection d'un nouveau conseil d'administration lors de cette assemblée générale ;
mettre en conformité les statuts de l'UMG-GHM avec l'arrivée de ses nouveaux membres par l'organisation d'une assemblée générale ;
organiser, en tant que de besoin un nouveau processus de reprise de l'UMG-GHM qui devra être validé en assemblée générale ;
déterminer sa rémunération.
Condamner chacun des intimés au paiement de la somme de 1 euro symbolique au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner l'UMG-GHM aux entiers dépens,
Ordonner que la présente décision à intervenir puisse être exécutée sur minute.
Tous les appelants développent l'argumentation suivante au soutien de leur appel :
Sur l'intérêt à agir
Ils soutiennent que c'est à tort que le juge des référés a aconsidéré quà l'exception des syndicats il s n'avaient pas intérêt à agir, alors qu'ils ont tous intérêt à le faire pour des raisons différentes :
la Métropole parce qu'elle a compétence dans la gestion des services d'intérêt collectif et qu'elle a un intérêt direct au maintien d'une offre de santé pour tous à but non lucratif sur son territoire.
les adhérents de la mutuelle ADREA (devenue AESIO) parce que les membres adhérents d'une personne morale sont fondés à engager sa responsabilité lorsque les décisions qu'elle prend sont manifestement illicites,
les deux associations parce qu'elles sont habilitées à défendre les intérêts collectifs,
la ville de Grenoble parce qu'elle a un intérêt direct au maintien d'une offre de santé pour tous à but non lucratif sur son territoire,
les syndicats professionnels en raison des conséquences induites par les modalités de gestion illicite de l'UMG-GHM et leur incidence sur les conditions de travail des salariés.
Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite
Ils invoquent un trouble manifestement illicite au regard des dispositions des articles L 110-1 et suivants du code de la mutualité et soutiennent que le juge des référés pouvait se prononcer même en présence d'une contestation sérieuse. Ils font valoir que :
le code de la mutualité affirme le but non lucratif des unions et le caractère démocratique de leur gouvernance. Une union de mutuelles ne peut être gérée même de façon indirecte par une société commerciale.
plusieurs irrégularités ont été constatées dans le cadre du processus de reprise des activités de l'UMG-GHM par la société Docgestio : le bureau de l'UMG-GHM était incompétent pour sélectionner les candidats repreneurs, les statuts de la mutuelle 'Mutuelles de France du Var' ne prévoient pas la possibilité de s'affilier à une union mutualiste, la création d'un fonds de dotation alimenté à hauteur de 9 millions d'euros par la la société Doctegestio s'apparente à une cession déguisée de clientèle civile,
le mode de gestion actuel de l'UMG-GHM est illégal :
a) en raison des atteintes portées au principe de gouvernance démocratique : les mutuelles Doctocare et Mutuelles France du Var sont directement contrôlées par la société Doctegestio qui est une société commerciale,
l'intégralité des administrateurs appelés à gérer l'UMG-GHM sont soit des salariés de la société Doctegestio, soit des membres de la famille de son dirigeant. Ils sont donc soit en lien de subordination, soit en lien familial.
b) en raison des atteintes portées au principe de but non lucratif qui prohibe tout partage de bénéfices. Ils rappellent que la gestion doit être désintéressée.
Sur les dommages imminents, ils invoquent successivement :
le risque de perte du statut d'ESPIC et des financements publics attachés à ce statut,
le risque de redressement fiscal dès lors que la société Doctegestio peut être considérée comme gestionnaire de fait de l'UMG-GHM,
le risque d'aggravation de la situation financière de l'UMG-GHM, alors que la société Doctegestio fragile financièrement ne pourrait assumer une éventuelle mise en jeu de sa responsabilité,
les dommages graves et imminents auxquels sont exposés les salariés de l'UMG-GHM (non remplacement des salariés qui sont partis, mouvements sociaux, risques psychosociaux en raison d'un management brutal),
les dommages graves et imminents auxquels sont exposés les patients (absence de médecins d'astreinte, factures d'achat de matériels en attente, risques de rupture de stocks, création de situations à risques par la recherche d'économies...)
Par conclusions du 21 janvier 2022, la société Doctegestio conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée sur l'irrecevabilité de certaines parties, à son infirmation pour le surplus et demande à la cour de dire irrecevables en leur action toutes les parties.
Elle conclut subsidiairement la confirmation de l'ordonnance sur le rejet des demandes et réclame 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle observe que les appelants n'ont introduit aucune action au fond à son encontre.
Elle fait valoir que contrairement à ce qui est soutenu, l'UMG-GHM n'est pas une union mutualiste de groupe relevant de l'article L 111-4-2 du code de la mutualité.
Elle développe l'argumenatation suivante :
I - aucun des appelants n'a intérêt à agir
seules les personnes dont les intérêts particuliers sont protégés par l'article L 110-1 du code de la mutualité, peuvent se prévaloir d'un intérêt à agir. Seuls les membres de l'UMG-GHM auraient intérêt à agir, or aucun des demandeurs n'est membre de l'UMG-GHM,
la nomination d'un administrateur provisoire peut être demandée par toute personne ayant un intérêt personnel or aucun des appelants ne justifie de la qualité de membre de l'UMG-GHM ou ne démontre que l'action judiciaire est susceptible de lui procurer un intérêt.,
aucune des personne physiques adhèrent à l'UMG-GHM,
les associations n'ont aucun intérêt à agir contre l'UMG-GHM,
les collectivités territoriales n'ont pas d'intérêt à agir : ni la métropole, ni la commune ne peuvent faire ingérence dans le fonctionnement d'un organisme privé au seul motif qu'il a son siège social dans le ressort de la collectivité,
aucun des trois syndicats n'est membre de l'UMG-GHM,
II - Subsidiairement, il n'est justifié ni d'un trouble manifestement illicite, ni de dommages imminents :
le litige ne relève pas de la compétence du juge des référés :
dès lors qu'il faut examiner les règles de droit et les règles statutaires, seul le juge du fond pourrait apprécier l'irrégularité des délibérations prise par l'assemblée générale dans la désignation du conseil d'administration, la nomination d'un président et les modalités d'une opération de restructuration,
une mesure de suspension ne pourrait être ordonnée qu'autant que l'appréciation des faits ne soit pas requise,
il n'est pas démontré d'urgence particulière, ni un quelconque péril. Elle conteste point par point les griefs articulés par Grenoble Alpes Métropole, répliquant :
qu'aucune irrégularité ne peut être retenue s'agissant des mesures prises par le bureau,
qu'aucune irrégularité ne peut être invoquée sur l'impossibilité des Mutuelles de France du Var de s'affilier à une union mutualiste,
que les principes de gouvernance démocratique sont respectés. Elle conteste tout lien de contrôle entre la société Doctegestio et l'UMG-GHM,
que le caractère non lucratif de l'UMG-GHM n'est pas remis en cause.
Elle invoque le caractère disproportionné de la mesure de suspension dans la mesure où les opérations de cession sont réalisées.
Par conclusions du 21 janvier 2022, l'UMG-GHM conclut dans le même sens que la société Doctegestio ajoutant que compte tenu de l'absence de défaillance ou de carence dans sa gestion, la nomination d'un administrateur provisoire n'est pas justifiée.
Elle réclame 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 20 janvier 2022, la SCIMI, la mutuelle AESIO (anciennement ADREA) et la MFI demandent à la cour de confirmer l'ordonnance déféré, sauf en ce qu'elle a dit recevable l'action des syndicats.
Elles sollicitent subsidiairement sa confirmation sur le rejet des demandes et réclament 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutiennent que les appelants ne justifient pas de leur intérêt personnel à agir aux fins de faire désigner un administrateur provisoire faisant valoir :
qu'aucune des personnes physiques toutes membres d'Aesio Mutuelle n'est membre de l'UMG-GHM,
que ni les associations, ni la ville de Grenoble n'ont de lien avec l'UMG-GHM,
que Grenoble Alpes Métropole a renoncé à l'exercice de son droit de préemption,
Elles contestent l'existence d'un trouble manifestement illicite.
Elles ajoutent que la demande de suspension de la vente est sans objet dès lors que la vente définitive de l'actif immobilier a été réalisée par acte du 22 octobre 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2022.
DISCUSSION
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
Sur la recevabilité des demandes
Les appelants soutiennent qu'ils ont tous intérêt à agir au nom de l'intérêt général et de la préservation d'une offre de santé à but non lucratif, ce que leur contestent les intimées.
Il convient d'examiner la recevabilité des demandes au regard de la nature, du rôle ou du positionnemen de chacun.
[D] [F], [P] [Y], [D] [C], [S] [G], [U] [A] (la non mention du nom de celui-ci dans les conclusions résulte d'une omission matérielle), [O] [V], [L] [I], [J] [M] et [N] [W] sont tous adhérents de la mutuelle Adrea (devenue AESIO) qui gérait avec la MFI l'établissement de santé exploité par l'UMG-GHM.
Ils font valoir que les membres adhérents d'une personne morale sont fondés à engager sa responsabilité lorsque les décisions qu'elle prend sont manifestement illicites et/ou contraires à ses engagements statutaires.
Ils indiquent que ce sont les représentants de la mutuelle Adrea, majoritaires au sein de l'UMG-GHM qui ont délibéré en faveur de la reprise des activités de celle-ci par la société Doctegestio.
Mais contrairement à ce qu'ils soutiennent, ce n'est pas la mutuelle Adrea qui a pris la décision de valider le projet de reprise de l'UMG-GHM par les deux mutuelles Mutuelles de France du Var et Doctocare, mais le conseil d'administration de l'UMG-GHM dans lequel siégeaient des représentants de la mutuelle Adrea et des représentants de la MFI.
Aucune de ces neuf personnes n'est membre de l'UMG-GHM.
Le fait que des représentants de leur mutuelle au conseil d'administration de l'UMG-GHM aient voté pour la validation du projet de reprise ne leur confère aucun intérêt personnel et direct à remettre en cause cette validation.
L'association Union de Quartier Berriat-Saint-Bruno- Europole considère que le but qu'elle a de défendre les intérêts du quartier l'autorise à agir en vue de la préservation d'une offre de santé à but non lucratif.
Elle produit devant la cour ses statuts aux termes desquels elle a pour but la défense des intérêts du quartier, la représentation de ses adhérents vis à vis des administrations publiques et de toutes collectivités publiques ou privées.
En l'absence de lien suffisant entre les intérêts défendus par l'association et la présente procédure, le fait que le siège de l'UMG-GHM se situe dans le quartier Berriat-Saint-Bruno-Europole n'est pas de nature à lui conférer un quelconque intérêt à agir pour contester les décisions de l'UMG-GHM.
L'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevables en leur action [D] [F], [P] [Y], [D] [C], [S] [G], [U] [A], [O] [V], [L] [I], [J] [M] et [N] [W] ainsi que l'association Union de Quartier Berriat-Saint-Bruno- Europole.
Devant la cour, l'association Les Amis des Cliniques Mutualistes de Grenoble produit ses statuts, ce qu'elle ne faisait pas en première instance. Son objet statutaire est de préserver la place du non lucratif des cliniques mutualistes de Grenoble dans le paysage hospitalier du bassin grenoblois et de participer à la représentation et au rayonnement des cliniques mutualistes de Grenoble.
L'action intentée dans le cadre de laquelle elle dénonce le passage du statut non lucratif de l'UMG-GHM au statut lucratif entre précisément dans le cadre de son objet statutaire, objet qui est défini avec suffisamment de précision et n'est pas contraire à la loi.
En outre le territoire d'action de l'association est le bassin grenoblois et elle n'agit pas pour le compte exclusif de l'un de ses membres.
Dès lors, bien qu'elle ne soit pas membre de l'UMG-GHM, il est justifié d'un lien étroit entre les intérêts défendus par l'association Les Amis des Cliniques Mutualistes de Grenoble et la procédure engagée.
L'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a dit l'association Les Amis des Cliniques Mutualistes de Grenoble irrecevable en son action.
L'établissement public Grenoble Alpes Métropole et la ville de Grenoble font valoir qu'ils ont un intérêt direct et personnel dans le maintien d'une offre de santé pour tous à but non lucratif sur leur territoire.
Il n'est pas contesté qu'après le CHU de Grenoble, l'UMG-GHM est un acteur de santé majeur en Isère.
Même s'ils ne sont pas intervenus dans le cadre dela reprise contestée et demeurent étrangers à la gestion de l'établissement, l'établissement public Grenoble Alpes Métropole et la ville de Grenoble ont néanmoins un intérêt à agir au nom de l'intérêt public local, cet intérêt consistant dans le maintien effectif d'une offre de santé pour tous à but non lucratif.
C'est en vain que les intimées leur objectent que le seul fait que le siège social de l'UMG-GHM soit situé sur le territoire de la ville de Grenoble et sur celui de l'établissement public Grenoble Alpes Métropole ne suffit pas à leur conférer un quelconque intérêt à contester la décision du conseil d'administration de l'UMG-GHM.
De même, il est indifférent que Grenoble Alpes Métropole ait renoncé à exercer son droit de préemption sur l'actif immobilier dès lors que la contestation porte sur le remplacement de la mutuelle Adrea et de la MFI par la mutuelle les Mutuelles de France du Var et la mutuelle Doctocare.
L'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a dit irrecevables l'action de l'établissement public Grenoble Alpes Métropole et celle de la ville de Grenoble.
C'est à bon droit que le premier juge a dit recevable l'action de l'union Nationale des Syndicats autonomes (UNSA), du syndicat FO-GHM de Grenoble et de l'Union départementale CGT de l'Isère, syndicats qui assurent la défense des intérêts collectifs des salariés de l'UMG-GHM tous concernés par la reprise de l'activité.
C'est de façon peu convaincante que l'UMG-GHM et la société Avec (anciennement Doctegestio) prétendent que les unions syndicales représentent les syndicats personnes morales qui les composent et non les membres de ces syndicats.
Sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile
Les appelants dont l'action est recevable considèrent que l'irrégularité des conditions de reprise de la gestion de l'UMG-GHM constitue un trouble manifestement illicite au regard des dispositions des articles L 110-1 et suivants du code de la mutualité.
Ils invoquent la remise en cause du but non lucratif des mutuelles, unions et fédérations ainsi que des atteintes au principe de gouvernance démocratique.
Ils sollicitent la suspension de la reprise de l'UMG-GHM par la société Avec (anciennement Doctegestio), la suspension du compromis de vente régularisé depuis lors et la suspension de la convention de fourniture de services support.
Leur action est fondée sur l'affirmation que c'est en réalité la société Avec, société commerciale à but lucratif, qui a repris les activités de l'UMG-GHM et non les mutuelles Doctocare et Mutuelles de France du Var qui se sont substituées à la mutuelle Adrea et à la MFI dans la gestion de l'UMG-GHM.
L'application de l'article 835 du code de procédure civile suppose de rechercher :
si des irrégularités ont été commises dans le processus de reprise : compétence du bureau sur la sélection des candidats, contenu des délibérations, possibilité pour les Mutuelles de France du Var d'adhérer à une union mutualiste, qualification du fonds de dotation mutualiste pour la santé et la solidarité, nomination du président de l'UMG-GHM, absence d'indépendance des membres du conseil d'administration,
si le mode de gestion de l'UMG-GHM est illégal : atteintes au principe de gouvernance démocratique, existence de deux mutuelles fantoches, gestion de fait par [D] [X], atteintes au principe du but non lucratif par des transferts de fonds au profit de la société Avec sous couvert d'une convention de fourniture de services,
si des risques importants sont susceptibles de se réaliser : perte du statut d'Espic, redressement fiscal, aggravation de la situation financière, rupture dans l'exécution de la mission de service public, dommages psychosociaux pour les salariés, dommages pour les patients...
Toutes ces questions nécessitent :
de définir ce que sont les principes mutualistes de but non lucratif, de solidarité et de gouvernance démocratique,
d'analyser les règles statutaires et conventionnelles,
de rechercher l'adéquation du fonctionnement actuel de l'UMG-GHM à ces principes et à ces règles.
Ces questions échappent manifestement à la compétence du juge des référés, juge de l'évidence et relèvent de la seule compétence du juge du fond.
En l'absence de réponse à ces questions au regard des contestations sérieuses qu'elles soulèvent, il ne peut être conclu à ce stade de la procédure ni à l'existence d'un trouble manifestement illicite, ni à celle de dommages imminents.
Dès lors c'est à bon droit que le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé, alors de surcroît qu'au jour où la cour statue, les appelants ont par acte du 19 avril 2022 introduit une action au fond contre les intimées devant le tribunal judiciaire de Grenoble.
L'ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevables en leur action [D] [F], [P] [Y], [D] [C], [S] [G], [U] [A], [O] [V], [L] [I], [J] [M] et [N] [W] ainsi que l'association Union de Quartier Berriat-Saint-Bruno- Europole.
Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit irrecevables en leur action l'association Les Amis des Cliniques Mutualistes de Grenoble, la ville de Grenoble et l'établissement public Grenoble Alpes Métropole.
Statuant à nouveau, dit leur action recevable.
Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré recevables en leur action l'action l'union Nationale des Syndicats autonomes (UNSA), le syndicat FO-GHM de Grenoble et l'Union départementale CGT de l'Isère.
Confirme l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé.
Y ajoutant, dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne les appelants au dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par COMBES, président, et par BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT