N° RG 19/02936 - N° Portalis DBVM-V-B7D-KCWS
C2
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Virginie FOURNIER
Me Delphine COMBES
La SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 17 MAI 2022
Appel d'une décision (N° RG 18/000285)
rendue par le Tribunal d'Instance de Gap
en date du 07 mai 2019
suivant déclaration d'appel du 08 juillet 2019
APPELANTS :
M. [J] [X] [O]
de nationalité française
19 avenue Roger Salzmann
13012 MARSEILLE
représenté par Me Virginie FOURNIER, avocat au barreau de GRENOBLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/013393 du 07/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
M. [J] [U] [O]
né le 1er septembre 1991 à Marseille
de nationalité française
19 avenue Roger Salzmann
13012 MARSEILLE
représenté par Me Delphine COMBES, avocat au barreau de GRENOBLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/013392 du 07/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
INTIMEES :
Mme [D] [A]
née le 9 mars 1974 à EMBRUN
de nationalité française
Maison Borelly - 16, promenade du Tour des Portes
05200 EMBRUN
représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE et par Me Marie-Laurence CAPRILI, avocat au barreau de LYON
Mme [R] [W] épouse [O]
de nationalité française
Impasse Dou Bastian
04230 SAINT ETIENNE LES ORGUES
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Hélène COMBES Président de chambre,
Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,
M. Laurent GRAVA, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 avril 2022 Madame BLATRY ,Conseiller chargé du rapport, assistée de Mme Anne BUREL, Greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Suivant exploit d'huissier du 24 juillet 2018, Madame [D] [A], propriétaire de la parcelle située sur la commune de Châteauroux les Alpes (05), lieudit Saint Etienne cadastrée section B n°1160, a fait citer Madame [R] [W] épouse [O], propriétaire de la parcelle contiguë B 1159, en bornage.
A l'audience du 18 septembre 2018, Monsieur [J] [X] [O], époux de Madame [W], et Monsieur [J] [U] [O], son fils, ont demandé à être reçus en leur intervention volontaire.
Par jugement du 7 mai 2019, le tribunal d'instance de Gap a déclaré irrecevables les interventions volontaires de Monsieur [J] [X] [O] et de Monsieur [J] [U] [O], a ordonné le bornage et, avant dire droit, une mesure d'expertise judiciaire avec désignation de Monsieur [V] [G].
Par déclaration du 8 juillet 2019, Monsieur [J] [X] [O] a interjeté appel de cette décision sans intimer Monsieur [J] [U] [O] ni Madame [W].
Le 16 juillet 2019, Monsieur [J] [U] [O] a également relevé appel du jugement.
Les procédures ont été jointes le 30 mars 2021.
Par ordonnance juridictionnelle du 18 janvier 2022, la caducité de l'appel de Monsieur [J] [X] [O] a été prononcée à l'égard de Madame [W].
Au dernier état de ses écritures en date du 7 octobre 2019, Monsieur [J] [X] [O] demande à la cour de :
déclarer son intervention volontaire recevable,
constater que Madame [A] n'est pas propriétaire de la parcelle B 1160,
constater qu'il établit une acquisition par prescription de la dite parcelle,
rejeter l'action en bornage,
condamner Madame [A] à lui payer une indemnité de procédure de 2.500,00€.
Il revendique la propriété de la parcelle B 1160 et s'oppose au bornage de la dite parcelle au motif qu'il l'a exploité en même temps que la parcelle contiguë B 1159 de son épouse.
Par conclusions récapitulatives du 11 juin 2021, Monsieur [J] [U] [O] demande à la cour de :
1) à titre liminaire, annuler le jugement déféré,
2) au fond :
déclarer recevable son intervention volontaire,
rejeter la demande en bornage,
condamner Madame [A] à verser à Maître [S] la somme de 2.000,00€ par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du code de procédure civile sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondante à la part contributive de l'Etat.
Il expose que :
son droit d'être assisté d'un avocat et d'un huissier a été méconnu,
il n'a pas eu droit à un procès équitable,
le principe du contradictoire n'a pas davantage été respecté,
il justifie, qu'en tant qu'héritier de Monsieur [F] [W], il est propriétaire de la parcelle B 1160,
en tant que propriétaire, il s'oppose au bornage.
Par dernières conclusions du 31 janvier 2022, Madame [A] demande à la cour de :
1) à titre liminaire,
écarter des débats les pièces 36 à 51 produites par Monsieur [J] [U] [O],
rejeter la demande en nullité du jugement déféré,
2) à titre principal :
déclarer irrecevables les interventions volontaires de Monsieur [J] [X] [O] et de Monsieur [J] [U] [O],
confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné le bornage,
3) en tout état de cause, condamner Monsieur [J] [U] [O], Monsieur [J] [U] [O] et Madame [W] épouse [O], chacun, à lui payer une indemnité de procédure de 5.000,00€.
Elle expose que :
Monsieur [J] [U] [O] a produit des pièces totalement illisibles sur lesquelles aucun débat n'est possible,
Monsieur [J] [X] [O], qui se prétend propriétaire par prescription de la parcelle B 1160, soutient être exploitant agricole,
il ne démontre aucune exploitation personnelle,
il ressort des arguments évoqués par Monsieur [J] [X] [O] que ce serait son épouse qui pourrait revendiquer la propriété de la parcelle litigieuse,
Monsieur [J] [X] [O] n'a donc aucun intérêt à agir,
Monsieur [J] [U] [O] est de parfaite mauvaise foi en invoquant une atteinte à ses droits de défense,
l'affaire a fait l'objet d'un renvoi en première instance sans qu'il ne contacte l'avocat qui lui a été désigné alors qu'il disposait de la communication de l'ensemble des pièces versées aux débats,
Monsieur [J] [U] [O] a un comportement dilatoire,
Monsieur [J] [U] [O] se prétend également propriétaire alors qu'elle dispose d'un titre parfaitement clair.
Madame [W] épouse [O], citée en étude d'huissier le 31 octobre 2019 par Monsieur [J] [U] [O], n'a pas constitué avocat.
La décision sera rendue par défaut.
La clôture de la procédure est intervenue le 5 avril 2022.
SUR CE
Monsieur [J] [U] [O] a régulièrement produit ses pièces 36 à 51.
La cour tirera toutes conséquences de la lisibilité des dites pièces.
Dès lors, la demande de Madame [A] de les voir écarter des débats sera rejetée.
1/ sur la demande de Monsieur [J] [U] [O] en nullité du jugement déféré
Au soutien de sa demande en annulation du jugement déféré, Monsieur [J] [U] [O] prétend ne pas avoir eu droit à un procès équitable au motif que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté.
La cour observe qu'en première instance, l'affaire, initialement appelée le 18 septembre 2018, a été renvoyée au 20 novembre 2018 dans l'attente de l'obtention par les consorts [O] de l'aide juridictionnelle, puis au 18 décembre 2018 sur demande des consorts [O], lesquels bien que s'étant vus désigner Maître [K], expliquaient qu'ils n'avaient soit pas reçu la décision d'aide juridictionnelle soit pas rencontré l'avocat.
Par jugement du 8 janvier 2019, le tribunal, constatant que Madame [A] avait d'ores et déjà transmis ses pièces à ses adversaires, a intimé aux consorts [O] d'adresser avant le 28 février 2019 leurs pièces et conclusions et a renvoyé l'affaire pour plaidoiries au 19 mars 2019.
A cette audience, Monsieur [J] [U] [O] a demandé un nouveau renvoi.
Le tribunal, constatant que les consorts [O] n'avaient pas pris contact avec leur avocat, qu'un huissier leur avait été désigné et qu'ils n'avaient adressé à Madame [A] ni pièces ni conclusions, a retenu l'affaire.
Au regard de cette chronologie ainsi que de la désignation d'un avocat et d'un huissier, il est démontré que le principe du contradictoire et les droits de la défense de Monsieur [J] [U] [O] ont été parfaitement respectés.
Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu à annulation du jugement déféré.
2/ sur les demandes en intervention volontaire des consorts [O]
Monsieur [J] [X] [O] prétend avoir acquis par prescription la propriété de la parcelle B 1160 alors que Monsieur [J] [U] [O] soutient avoir hérité ladite parcelle de Monsieur [F] [W].
Par application de l'article 329 du code civil, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.
Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention. Son auteur doit avoir intérêt et qualité relativement à une prétention personnelle.
Aux termes de l'article 330 du même code, l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.
Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.
En l'espèce, tant Monsieur [J] [X] [O] que Monsieur [J] [U] [O] n'appuient pas les prétentions de Madame [W] qui en l'espèce, n'intervient pas à l'instance.
Ils élèvent chacun une prétention de sorte que leur intervention doit être qualifiée de principale.
Monsieur [J] [X] [O], pour démontrer avoir acquis par prescription la propriété de la parcelle B 1160, doit rapporter la preuve de l'écoulement du délai trentenaire de l'alinéa 1er de l'article 2272 du code civil et, par application de l'article 2261 de ce code, une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.
En l'espèce, Monsieur [J] [X] [O], dont la cour relève qu'il n'habite pas sur les lieux mais à Marseille, ne justifie d'aucun acte d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire et encore moins de l'écoulement d'un délai de 30 ans.
Dès lors, Monsieur [J] [X] [O] n'a ni qualité, ni intérêt à agir dans la présente instance.
Monsieur [J] [U] [O], héritier de Monsieur [F] [W], ne peut avoir plus de droits que son auteur.
En l'espèce, non seulement Madame [A] justifie d'un titre régulier aux termes d'un acte de donation-partage du 6 mars 2002 passé par Maître [I] [P], notaire à Embrun, corroboré par un relevé de propriété établi par les services de la publicité foncière mais Monsieur [J] [U] ne démontre pas que son auteur, Monsieur [F] [W], était propriétaire de la parcelle B 1160.
Par voie de conséquence, Monsieur [J] [U] [O] n'a ni qualité, ni intérêt à agir dans la présente instance.
Ainsi, le tribunal a pu, à bon droit , déclarer irrecevables les demandes en interventions volontaires de Monsieur [J] [X] [O] et de Monsieur [J] [U] [O].
3/ sur le bornage
Par application de l'article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contigües.
Par voie de conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a ordonné le bornage des parcelles B 1159 ([W]) et B 1160 ([A]).
Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
4/ sur les mesures accessoires
Aux termes de l'article 65 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle, lorsque la procédure engagée par le bénéficiaire de l'aide a été jugée dilatoire, abusive ou manifestement irrecevable, le retrait de l'aide juridictionnelle est prononcée par la juridiction saisie qui en avise le bâtonnier et le bureau d'aide juridictionnelle.
En l'espèce, l'affaire a été initialement appelée à l'audience du 21 juin 2021 puis renvoyée, sur demandes des consorts [O] pour motif de conflit avec leurs avocats, Maître [S] et Maître [B], aux 8 novembre 2021 et 15 février 2022.
Malgré une nouvelle demande de renvoi de Monsieur [J] [U] [O] reçue le 8 avril 2022 non communiquée à Madame [A] et après courrier du barreau de Grenoble estimant qu'il n'y avait pas lieu à désignation d'un nouvel avocat, l'affaire a finalement été retenue le 12 avril 2022.
Il est établi que les consorts [O] ont multiplié les contestations de dernière minute, parfois sous des prétextes curieux comme l'homonymie entre les patronymes de l'un des avocats et de l'un des magistrats de la cour, sans pour autant poursuivre une éventuelle procédure de récusation.
Il est également constant que depuis la procédure de première instance, Messieurs [O] sont en conflit avec les conseils qui leur sont désignés et motivent leur demande de renvoi par le respect de leurs droits sans jamais prendre en considération ceux de leur adversaire.
Ils ont constamment manifesté un comportement dilatoire et abusif ce qui justifie de prononcer à leur encontre le retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de Madame [A].
Enfin, les dépens de la procédure d'appel seront supportés par Monsieur [J] [X] [O] et Monsieur [J] [U] [O].
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,
Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement déféré,
Rejette la demande de Madame [D] [A] tendant à voir écarter les pièces 36 à 51 de Monsieur [J] [U] [O],
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Supprime le bénéfice de l'aide juridictionnelle à Monsieur [J] [X] [O] et Monsieur [J] [U] [O],
Dit que la présente décision sera adressée à Monsieur le bâtonnier du barreau de l'ordre des avocats de Grenoble et au bureau d'aide juridictionnelle,
Condamne Monsieur [J] [X] [O] et Monsieur [J] [U] [O] à payer, chacun, à Madame [D] [A] la somme de 1.500,00€ par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Monsieur [J] [X] [O] et Monsieur [J] [U] [O] aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT