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21/01/2021 | FRANCE | N°19/00899

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 21 janvier 2021, 19/00899


N° RG 19/00899 - N° Portalis DBVM-V-B7D-J4XF





LB



Minute N°





































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL BILLEAU & PANTEL



la SELARL FAYOL & ASSOCIES



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE





CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 21 JANVIER 2021





Appel d'un Jugement (N° RG 2017J328)

rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 07 janvier 2019

suivant déclaration d'appel du 21 Février 2019



APPELANTES :



La société XPO TRANSPORTS SOLUTIONS RHONE-ALPES FRANCE venant aux droits de la société Transports Norbert DEN...

N° RG 19/00899 - N° Portalis DBVM-V-B7D-J4XF

LB

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL BILLEAU & PANTEL

la SELARL FAYOL & ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 21 JANVIER 2021

Appel d'un Jugement (N° RG 2017J328)

rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 07 janvier 2019

suivant déclaration d'appel du 21 Février 2019

APPELANTES :

La société XPO TRANSPORTS SOLUTIONS RHONE-ALPES FRANCE venant aux droits de la société Transports Norbert DENTRESSANGLE, par suite d'un changement de dénomination,

SAS inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de ROMANS sous le numéro 332 588 995, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9],

La société XPO TRANSPORT LOCATION FRANCE

venant aux droits de la société ND LOCATION, par suite d'un changement de dénomination,

Société en Nom Collectif inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de TOURS sous le numéro 329 414 858, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 8],

[Adresse 8]

[Adresse 8],

La société XPO MAINTENANCE FRANCE

venant aux droits de la société ND MAINTENANCE, par suite d'un changement de dénomination,

Société en Nom Collectif inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de ROMANS sous le numéro 378 619 209, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9],

La société XPO HOLDING TRANSPORT SOLUTIONS EUROPE

venant aux droits de DISTRIBUTION NORBERT DENTRESSANGLE, par suite d'une fusion,

SAS inscrite au Registre du Commerce de ROMANS sous le numéro 429 660 822, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9],

La société XPO TRANSPORT SOLUTIONS ROMANIA SRL,

venant aux droits de la société TRANSCONDOR par changement de dénomination

société de droit roumain, SIREN J 112 861 998, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 6]

[Adresse 6] (Roumanie)

La société XPO TRANSPORT SOLUTIONS SUD OUEST FRANCE

société qui a fait l'objet d'un transfert universel de patrimoine avec XPO TRANSPORT SOLUTIONS CENTRE FRANCE,

SAS inscrite au Registre du Commerce de ROMANS sous le numéro 692 720 477, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9],

La société XPO TRANSPORT SOLUTIONS SUD FRANCE

nouvelle dénomination de la société TND SUD EST, par suite d'une fusion,

SAS inscrite au Registre du Commerce de ROMANS sous le numéro 327 861 506, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9],

La société XPO TRANSPORTS SOLUTIONS CENTRE FRANCE

venant aux droits de la société TND OUEST, par suite d'un changement de dénomination,

SAS inscrite au Registre du Commerce de ROMANS sous le numéro 414 642 272, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9]

La société XPO TRANSPORT SOLUTIONS OUEST FRANCE

venant aux droits de la société TND NORMANDIE BRETAGNE, par suite d'un changement de dénomination, SAS inscrite au Registre du Commerce de ROMANS sous le numéro 311 686 703,

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9]

La société XPO TRANSPORT SOLUTIONS NORD FRANCE,

venant aux droits de la société TND NORD, par suite d'un changement de dénomination,

SAS inscrite au Registre du Commerce de ROMANS sous le numéro 380 631 929, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9],

La société XPO TRANSPORT SOLUTIONS ILE DE FRANCE,

venant aux droits de la société TND ILE DE FRANCE, par suite d'un changement de dénomination,

SAS inscrite au Registre du Commerce de ROMANS sous le numéro  425 090 966, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9],

La société XPO TRANSPORTS SOLUTION EST FRANCE,

venant aux droits de la société TRANSPORTS FRIGORIFIQUES NORBERT DENTRESSANGLE,

SAS inscrite au Registre du Commerce de ROMANS sous le numéro 352 621 064, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9],

La société XPO TRANSPORT SOLUTIONS AUVERGNE FRANCE, venant aux droits de la société SNM CLERMONT, par suite d'un changement de dénomination,

SAS inscrite au Registre du Commerce de ROMANS sous le numéro 484 829 262, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9],

La société XPO TRANSPORT SOLUTIONS LUXEMBURG SA,

venant aux droits de la société SAVAM LUX, par suite d'un changement de dénomination,

société de droit luxembourgeois, inscrite sous le numéro B63 946, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 3]

[Adresse 3] (Luxembourg)

La société CENTRALE DES FRANCHISES,

société en commandite par actions inscrite au Registre du Commerce de SOISSONS sous le numéro 483 490 348, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 13]

[Adresse 13]

La société XPO TRANSPORT SOLUTIONS UK LIMITED

venant aux droits de la société NORBERT DENTRESSANGLE TRANSPORT UK LIMITED, par suite d'un changement de dénomination, société de droit anglais,

LTD inscrite sous le numéro 2640971, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 7]

[Adresse 7] (Grande-Bretagne)

La société XPO TRANSPORT SOLUTIONS PORTUGAL L.D.A.,

venant aux droits de la société ND PORTUGAL TRANSPORTES L.D.A., par suite d'un changement de dénomination,

LDA inscrite sous le numéro 11250/990326, société de droit portugal, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 11]

[Adresse 11] (Portugal)

La société XPO TRANSPORT SOLUTIONS POLAND Sp. z o.o,

venant aux droits de la société ND POLSKA, par suite d'un changement de dénomination,

société de droit polonais, inscrite sous le numéro KRS/0000009295, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 12]

[Adresse 12] (Pologne)

La socité XPO SUPPLY CHAIN FRANCE

venant aux droits de la société XPO SUPPLY CHAIN FRANCE,

SAS inscrite au Registre du Commerce de TOULOUSE sous le numéro 378 992 895, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 4]

[Adresse 4],

La société XPO TRANSPORT SOLUTIONS HOLDING SPAIN S.L., venant aux droits de la société NORBERT DENTRESSANGLE IBERICA S.L. par suite d'un changement de dénomination,

société de droit espagnol, SL inscrite au Registre du Commerce de BARCELONE sous le numéro 58408519, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5] (Espagne)

La société XPO VOLUME France REGIONAL exerçant sous l'enseigne XPO VOLUME NORD FRANCE

venant aux droits de la société UNITED SAVAM, par suite d'un changement de dénomination,

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de SOISSONS sous le numéro B 716 280 433, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

dont le siège social est sis rue des

[Adresse 10],

La société XPO VOLUME FRANCE NATIONAL

venant aux droits de la société TND VOLUME, par suite d'un changement de dénomination,

SAS inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de ROMANS sous le numéro 341 152 833, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9]

La société XPO VRAC France

venant aux droits de XPO VRAC CHIMIE FRANCE à la suite d'une transmission universelle de patrimoine, venant aux droits de la société NORBERT DENTRESSANGLE CHIMIE, par suite d'un changement de dénomination,

inscrite au Registre du Commerce de ROMANS sous le numéro 352 621 601, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés à cette adresse,

[Adresse 9]

[Adresse 9],

représentées tous par Me Simon PANTEL de la SELARL BILLEAU & PANTEL, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Christophe RAMBAUD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

SA MMA IARD

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentées par Me Elodie BORONAD de la SELARL FAYOL & ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Patricia GONZALEZ, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Alice RICHET, Greffier.

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Novembre 2020, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et Me RAMBAUD en sa plaidoirie,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

Faits et procédure :

Les différentes sociétés du Groupe Xpo Europe', ci-après dénommées «'les sociétés du groupe Xpo'», qui viennent aux droits de diverses sociétés constituant le groupe Norbert Dentressangle, exploitent un grand nombre d'ensembles routiers composés de semi-remorques, dont certaines ont été construites par la société Seg Samro.

La société Seg Samro a notamment livré le 7 avril 2003 à la société Transports Norbert Dentressangle une semi-remorque trois essieux portant le numéro de châssis VK1ST39 MHPA 200332, initialement immatriculée [Immatriculation 1], qui portera ensuite l'immatriculation 663 WR 37. Les essieux ont été fabriqués par la société Fontenax.

Cette semi-remorque a pris feu le 6 octobre 2004 alors qu'elle était en circulation sur l'autoroute A7. Suite à cet incendie, la société Transports Norbert Dentressangle a saisi le tribunal de commerce de Romans sur Isère d'une demande en paiement à l'encontre des sociétés Seg Samro, Mutuelles du Mans Assurances et Fontenax, et par jugement du 11 octobre 2006, le tribunal de commerce a, avant dire droit, désigné en qualité d'expert Monsieur [T].

Ultérieurement, les sociétés Transports Norbert Dentressangle, United Savam, Tnd Volume, Nd Location et Nd Maintenance, ont assigné les sociétés Seg Samro, Fontenax, Mutuelles du Mans Assurances et Sae en demandant au juge des référés d'étendre les opérations d'expertise confiées à Monsieur [T] à d'autres incendies, survenus le 6 août 2005 à la semi-remorque 5718 WT 37 appartenant à la société United Savam, et le 6 avril 2006 à la semi-remorque 2209 WR 37 appartenant à la société Tnd Volume. Par ordonnance du 26 mars 2007 le juge des référés a fait droit à cette demande d'extension de mission.

Monsieur [T] a déposé son rapport le 26 novembre 2008, et le tribunal de commerce a rendu un premier jugement le 8 décembre 2010, déclarant les sociétés Seg Samro, Fontenax et Sae solidairement responsables des dommages consécutifs au défaut d'étanchéité affectant les essieux. Il a condamné solidairement les sociétés Fontenax et Sae à payer diverses sommes aux sociétés devenues ultérieurement celles du groupe Xpo, sommes également fixées au passif de la société Seg Samro en redressement judiciaire.

Le tribunal de commerce a également condamné la société Mma Assurances à relever et garantir ses assurées, les sociétés Seg Samro et Fontenax. Si ce jugement a constaté, dans l'exposé des prétentions des parties, que les sociétés de transport ont également formé des demandes de condamnation directement contre les Mma Assurances, le tribunal n'a cependant pas statué sur ce point.

Les sociétés Seg Samro, Fontenax et Me [I], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Seg Samro, ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 15 juin 2011, le conseiller de la mise en état a donné acte aux appelants de leur désistement d'appel, et a notamment constaté l'extinction de l'instance à l'encontre des Mma.

Par ordonnance du 6 novembre 2014, le conseiller de la mise en état a en outre déclaré irrecevables les appels incident et provoqué formé par les sociétés du groupe devenu Xpo contre les Mutuelles du Mans.

Par arrêt du 3 décembre 2015, la Cour d'appel de Grenoble a infirmé le jugement du 8 décembre 2010 dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Sae et a mis hors de cause les sociétés Seg Samro et Fontenax. Cet arrêt a été cassé le 11 janvier 2017, seulement en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés Seg Samro et Fontenax. L'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de Lyon.

Parallèlement, les sociétés du groupe Xpo ont saisi le 15 janvier 2015 le tribunal de commerce de Romans sur Isère d'une requête en omission de statuer, lui faisant grief de ne pas avoir statué sur leur demande de condamnation directe à l'encontre des Mutuelles du Mans.

Par jugement du 10 août 2016, le tribunal de commerce a débouté les sociétés du groupe Xpo en considérant que le délai prévu par l'article 463 du code de procédure civile était expiré. Ce jugement a été confirmé par la cour d'appel de Grenoble le 30 mars 2017.

Par exploit du 6 octobre 2017, les sociétés du Groupe Xpo ont assigné la société Mutuelles du Mans Iard Assurances Mutuelles venant aux droits des sociétés Mutuelles du Mans Assurances Iard et Mutuelles du Mans, pour avoir paiement, au titre de l'indemnisation des véhicules incendiés:

- pour la société Xpo Transports Solutions Rhône-Alpes France, venant aux droits de la société Transports Norbert Dentressangle': 87.565,03 euros HT,

- pour la société Xpo Volume Sud France, venant aux droits de la société Tnd Volume': 16.596,12 euros HT,

- pour la société Xpo Volume Nord France, venant aux droits de la société United Savam': 13.541,41 euros HT,

- pour la société Xpo Maintenance France, venant aux droits de la société Nd Maintenance': 78.347,24 euros.

Elles ont également demandé le paiement d'indemnités d'immobilisation':

- pour la société Xpo Holding Transport Solutions Europe venant aux droits de la société Distribution Norbert Dentressangle': 3.375 euros;

- pour la société Xpo Volume Nord France, venant aux droits de la société United Savam': 3.431,80 euros,

- pour la société Transcondor, devenue Xpo Transport Solution Romania Srl': 750 euros,

- pour la société Xpo Volume Sud France, venant aux droits de la société Tnd Volume': 3.688 euros

- pour la société Xpo Transport Solutions Sud Ouest France, venant aux droits de la société Tnd Sud Ouest': 450 euros,

- pour la société Xpo Transport Solutions Sud France, venant aux droits de la société Tnd Sud Est': 1.725 euros,

- pour la société Xpo Transport Solutions Rhône-Alpes France, venant aux droits de la société Transports Norbert Dentressangle': 1.821 euros,

- pour la société Xpo Transport Solutions Centre France, venant aux droits de la société Tnd Ouest': 4.820,40 euros,

- pour la société Xpo Transport Solutions Ouest France, venant aux droits de la société Tnd Normandie Bretagne': 2.708 euros,

- pour la société Xpo Transport Solutions Nord France, venant aux droits de la société Tnd Nord': 6.008 euros,

- pour la société Xpo Transport Solutions Île de France, venant aux droits de la société Tnd Île de France': 4.070,80 euros,

- pour la société Xpo Transports Solution Est France, venant aux droits de la société Transports Frigorifiques Norbert Dentressangle': 924 euros,

- pour la société Xpo Transport Solutions Auvergne France, venant aux droits de la société Snc Clermont': 150 euros,

- pour la société Xpo Transport Solutions Luxembourg Sa, venant aux droits de la société Savam Lux Sa': 1.650 euros,

- pour La Centrale des Franchises': 825 euros,

- pour la société Xpo Transport Solutions Uk Limited, venant aux droits de la société Norbert Dentressangle Uk': 225 euros,

- pour la société Xpo Transport Solutions Portugal Lda, venant aux droits Nd Portugal Transportes Lda': 1.575 euros,

- pour la société Xpo Transport Solutions Poland, venant aux droits de la société Nd Polska Zoo': 150 euros,

- pour la société Nd Logistics': 4.273,80 euros,

- pour la société Xpo Transport Solutions Holding Spain, venant aux droits de la société Norbert Dentressangle Iberica Este': 150 euros,

- pour la société Xpo Vrac Chimie France, devenue Xpo Vrac France à la suite d'une transmission universelle de patrimoine, venant aux droits de la société Norbert Dentressangle Chimie': 375 euros,

- pour la société Mutuelles du Mans Entreprise venant aux droits de la société Covea Fleet': 13.500 euros.

Par jugement du 7 janvier 2019, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a':

- déclaré l'action des sociétés du groupe Xpo et de la compagnie Mutuelles du Mans Entreprises venant aux droits de la compagnie Covea Fleet, formée à l'encontre de la compagnie Mutuelles du Mans Iard Assurances Mutuelles recevable, mais prescrite';

- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile';

- liquidé les dépens pour être mis à la charge commune des sociétés du groupe Xpo et de la compagnie Mutuelles du Mans Entreprises venant aux droits de la compagnie Covea Fleet.

Les sociétés du groupe Xpo ont interjeté appel de cette décision le 21 février 2019.

Par arrêt du 28 mai 2020, la cour d'appel de Lyon, statuant sur renvoi après cassation, a infirmé le jugement du tribunal de commerce du 8 décembre 2010, et a dit que les sociétés Seg Samro et Fontenax sont tenues d'indemniser les sociétés Xpo Transports Solutions Rhône-Alpes France, Xpo Volume Sud France et Xpo Volume Nord France, des préjudices subis en raison de la vente de véhicules affectés d'un vice caché. Il a fixé les créances de ces sociétés au passif des sociétés Seg Samro et Fontenax, a dit que la société Sae doit garantir les sociétés Samro et Fontenax, et a débouté diverses sociétés appartenant au groupe Xpo, ainsi que Mma Entreprises, de leurs demande d'indemnisation des frais de contrôle et du préjudice d'immobilisation.

L'instruction de cette procédure a été clôturée le 5 novembre 2020.

Prétentions et moyens des sociétés du groupe Xpo':

Selon leurs dernières conclusions n°4 remises par voie électronique le 29 octobre 2020, elles demandent, au visa des articles L 124-3 du code des assurances, 2231 et 2242 du code civil, 26 alinéa III de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008':

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré les sociétés du Groupe Xpo recevables en leurs actions directes à l'encontre des Mutuelles du Mans';

- de débouter les Mutuelles du Mans de leur appel incident sur la recevabilité de l'action et de toutes leurs demandes';

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrites les actions directes des sociétés du Groupe Xpo à l'encontre des Mutuelles du Mans';

- statuant à nouveau, de juger qu'en vertu de l'article 2242 du code civil, l'interruption résultant des actions engagées en 2005 se poursuit puisque l'instance est encore pendante devant la cour d'appel de Lyon ;

- subsidiairement, de dire qu'en vertu de l'article 2231 du code civil, le délai de prescription qui a recommencé à courir le 8 décembre 2010 est un délai de prescription décennale, de sorte que les actions des appelantes ne sont pas prescrites.

Elles demandent en conséquence de condamner la société Mutuelles du Mans Iard Assurances Mutuelles venant aux droits des Mutuelles du Mans Assurances Iard et des Mutuelles du Mans, au paiement des montants énoncés plus haut.

Elles sollicitent en outre':

- de donner acte aux Mutuelles du Mans de l'opposabilité de leur franchise contractuelle de 7.622 euros';

- de constater que les montants des garanties souscrites par les sociétés Seg Samro et Fontenax sont supérieurs au montant total des réclamations des requérantes';

- de débouter pour le surplus les Mutuelles du Mans de toutes leurs demandes';

- de condamner les Mutuelles du Mans Iard Assurances Mutuelles venant aux droits des Mutuelles du Mans Assurances Iard et des Mutuelles du Mans, au paiement d'une indemnité de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- de condamner les Mutuelles du Mans Iard Assurances Mutuelles en tous les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Billeau, selarl Billeau-Pantel, avocate.

Elles exposent':

- que suite au dépôt du rapport d'expertise [T], le tribunal de commerce, par jugement du 8 décembre 2010, a dit que les sociétés Seg Samro, Fontenax et Sae, sont conjointement et solidairement responsables des dommages consécutifs au défaut d'étanchéité sur les essieux équipant les semi-remorques fournis par la société Samro'; qu'il a condamné conjointement et solidairement les sociétés Fontenax et Sae à payer aux sociétés demanderesses et, en ce qui concerne la société Seg Samro, a constaté et fixé le montant de leurs créances au passif chirographaire, au titre de l'indemnisation des véhicules incendiés :

* à la société Transports Norbert Dentressangle': 87.565,03 euros HT,

* à la société Tnd Volume': 16.596,19 euros HT,

* à la société United Savam': 13.541,41 euros HT,

* à la société Nd Maintenance': 78.347,94 euros HT';

- que le tribunal a également alloué, au titre des indemnités d'immobilisation :

* à la société Distribution Norbert Dentressangle': 3.375 euros,

* à la société United Savam': 3.431,80 euros,

* à la société Transcondor': 750 euros,

* à la société Tnd Volume': 3.688 euros,

* à la société Tnd Sud Ouest': 450 euros,

* à la société Tnd Sud Est': 1.725 euros,

* à la société Transports Norbert Dentressangle': 1.821 euros,

* à la société Tnd Ouest': 4.820,40 euros,

* à la société Tnd Normandie Bretagne': 2.708 euros,

* à la société Tnd Nord': 6.008 euros,

* à la société Tnd Île de France': 4.070,80 euros,

* à la société Transports Frigorifiques Norbert Dentressangle': 924 euros,

* à la société Snc Clermont': 150 euros,

* à la société Savam Lux Sa': 1.650 euros,

* à la société Centrale des Franchises': 825 euros,

* à la société Norbert Dentressangle Uk': 225 euros,

* à la société Nd Portugal Transportes Lda': 1.575 euros,

* à la société Nd Polska Zoo': 150 euros,

* à la société Nd Logistics': 4.273,80 euros,

* à la société Norbert Dentressangle Iberica Este': 150 euros,

* à la société Norbert Dentressangle Chimie': 375 euros,

* à la société Covea Fleet': 13.500 euros';

- qu'il a également condamné la société Mutuelles du Mans Assurances, en sa qualité d'assureur de la société Seg Samro, à relever et garantir son assurée dans la limite de ses garanties contractuelles, de même que concernant la société Fontenax';

- que suite à l'arrêt partiellement infirmatif de la cour d'appel de Grenoble du 3 décembre 2015 et à l'arrêt de la Cour de Cassation du 11 janvier 2017, la cour d'appel de Lyon a, le 28 mai 2020, dit que les sociétés Seg Samro et Fontenax sont tenues d'indemniser les sociétés Xpo Transports Solutions Rhône-Alpes France, Xpo Volume Sud France et Xpo Volume Nord France, des préjudices subis en raison de la vente de véhicules affectés d'un vice caché'; qu'elle a ainsi fixé les créances au passif de la société Seg Samro comme suit:

* Xpo Transports Solutions Rhône-Alpes ALPES France : 87.565,03 euros

* Xpo Volume Sud France : 16.596,19 euros,

* Xpo Volume Nord France : 13.541,41 euros';

- que dans son jugement du 8 décembre 2010, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a définitivement condamné la société Mutuelles du Mans Assurances Iard, devenues Mutuelles du Mans Iard Assurances Mutuelles et Mutuelles du Mans Iard, à relever et garantir ses assurés les sociétés Seg Samro et Fontenax dans la limite de ses garanties contractuelles, tout en omettant de statuer sur l'action directe exercée par les sociétés du groupe Xpo et Covea Fleet à l'encontre de cet assureur';

- que si la requête en omission de statuer a été rejetée comme tardive, l'article 463 du code de procédure civile n'exclut pas que, passé le délai d'un an pour introduire une requête en omission de statuer, soit exercée selon la procédure de droit commun une action tendant à ce qu'il soit statué sur la demande précédemment omise'; que les sociétés Xpo ont donc engagé une instance nouvelle devant le même tribunal de commerce';

- que leur action est recevable puisque le tribunal de commerce a définitivement condamné les Mutuelles du Mans Assurances à relever et garantir les sociétés Seg Samro et Fontenax des condamnations prononcées à leur encontre'; qu'il n'a pas tranché la question de l'action en garantie des sociétés Seg Samro et Fontenax à l'encontre des Mutuelles du Mans, ni celle de l'action directe des sociétés du groupe Xpo et de Covea Fleet contre les Mutuelles du Mans'; que le jugement déféré a justement déclaré recevable leur action';

- que si les Mutuelles du Mans forment appel incident sur la recevabilité de l'action et font valoir que par son jugement du 8 décembre 2010, le tribunal de commerce n'aurait pas omis de statuer sur l'action directe des requérantes, leurs conclusions établissent qu'elles ont sollicité la condamnation directe des Mutuelles du Mans alors que le dispositif de ce jugement n'a pas statué sur ce point';

- que leur action directe n'est pas prescrite, contrairement à ce qu'a énoncé le jugement déféré, puisque les assignations délivrées en avril et mai 2005 ont interrompu la prescription des actions des sociétés du Groupe Xpo à l'encontre des Mutuelles du Mans'; que dans le cadre de la procédure initiale, elles ont déposé des conclusions sur ce point dès le 19 décembre 2005'; que l'interruption de la prescription résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, selon l'article 2242 du code civil, close par une décision devenue définitive pour toutes les parties'; que cette interruption a produit ses effets jusqu'à l'arrêt rendu le 28 mai 2020 par la cour d'appel de Lyon';

- subsidiairement, s'il doit être retenu que la prescription a recommencé à courir à l'égard des Mutuelles du Mans le 8 décembre 2010, que le délai de prescription n'est pas de cinq ans, mais de dix ans, puisque selon l'article 2231 du code civil, l'interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien'; qu'ainsi, si ce nouveau délai a recommencé à courir le 8 décembre 2010 ou le 15 juin 2011, l'action soumise à la prescription décennale n'était pas prescrite à la date du 6 octobre 2017, jour de délivrance de l'assignation'; qu'à la date de l'introduction de l'instance initiale en 2005, c'est la prescription décennale et non pas la prescription quinquennale qui était applicable, ce que n'a pas modifié la réforme de la prescription résultant de la loi du 17 juin 2008, l'instance ayant été introduite avant son entrée en vigueur de sorte que, selon l'article 26 de cette loi, lorsqu'une instance a été introduite avant son entrée en vigueur, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne';

- sur le fond, que son action est bien fondée au regard de l'article L124-3 du code des assurances'; que si les Mutuelles du Mans font valoir à titre subsidiaire qu'elles ne garantiraient pas la société Fontenax pour les frais de réparation ou de remplacement des produits défectueux et que la garantie de la société Samro serait limitée à 152.450 euros sous réserves d'une franchise de 7.622 euros, la première est garantie par les Mutuelles du Mans au titre des dommages matériels et immatériels, lesquels constituent une grande partie des réclamations, de sorte que l'assureur peut exclure uniquement de sa garantie la condamnation de 78.347,94 euros HT prononcée au profit de la société Nd Maintenance, devenue Xpo Maintenance France';

- que concernant la société Seg Samro, il est pris acte de la limite du montant de la garantie, ce montant étant toutefois supérieur aux demandes des requérantes en la matière'; que seule la franchise de 7.622 euros apparaît effectivement opposable.

Prétentions et moyens des compagnies Mutuelles du Mans Iard Assurances Mutuelles et Mutuelles du Mans Iard':

Selon leurs conclusions remises par voie électronique le 1er août 2019, elles demandent, au visa des articles 2224 du code civil, L124-3 du code des Assurances':

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé l'action recevable';

- de dire que l'éventuelle omission de statuer a été purgée par la procédure d'appel';

- en conséquence, de dire que les demandes formulées au titre de l'action directe ont reçu une réponse définitive dans le cadre de la première procédure intentée et que les demandes actuelles se heurtent à l'autorité de la chose jugée telle qu'elle ressort de la décision du 8 décembre 2010 complétée par les ordonnances des 15 juin 2011 et 6 novembre 2014';

- de juger les demandes des appelantes irrecevables';

- subsidiairement, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé prescrites les demandes présentées';

- à titre infiniment subsidiaire et au fond, de dire qu'aucun fondement n'est avancé pour établir la mobilisation de l'action directe';

- de rejeter en conséquence toutes demandes adverses';

- à défaut, de juger que le préjudice réclamé, s'il est retenu, est à partager entre les sociétés Sae, Seg Samro et Fontenax';

- de dire les Mutuelles du Mans Iard Assurances Mutuelles ne peuvent être tenues que dans la limite de leur garantie acquise à la société Seg Samro dossier 04 1715 03570 P, dans la limite de 152.450 euros, assortie d'une franchise de 7.622 euros, non acquise à la société Fontenax, les frais nécessaires pour réparer ou remplacer les produits fournis par l'assuré demeurant exclus';

- en tout état de cause, de condamner in solidum les appelantes à leur payer la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elles soutiennent':

- à titre principal, que l'action des société Xpo est irrecevable puisque le jugement du 8 décembre 2010 a fait l'objet d'un appel, de sorte qu'il n'y avait plus de recours en omission du fait de l'effet dévolutif et qu'il appartenait à la cour de trancher l'entier litige et de statuer sur ce qui avait été omis'; que les appelantes n'ont pas formulé de demandes à l'encontre des Mutuelles du Mans dans les délais impartis de sorte que leurs appels incidents puis provoqués ont tous deux été déclarés irrecevables'; qu'ainsi, les demandes formulées au titre de l'action directe ont reçu une réponse définitive dans le cadre de la première procédure';

- subsidiairement, que l'action est prescrite, ainsi que retenu par le tribunal de commerce, puisqu'elle a été engagée le 6 octobre 2017 soit postérieurement à la loi 2008-561 du 17 juin 2008, l'action initiale entreprise en 2005 ayant pris fin pour les Mutuelles du Mans avec l'ordonnance du 15 juin 2011 constatant le désistement d'appel à leur encontre';

- que la procédure engagée en 2005 n'a pu interrompre le délai de prescription jusqu'à ce jour'; que l'action directe formée contre l'assureur se prescrit dans le même délai que l'action formée contre le responsable, ledit délai pouvant être toutefois étendu tant que l'assureur du responsable reste exposé au recours de son assuré en application de la prescription biennale de l'article L 114-1, alinéa 2, du code des assurances'; que la prescription de l'action directe de la victime contre l'assureur du responsable n'est pas interrompue par l'action introduite contre ledit responsable';

- qu'en l'espèce, les incendies datent de 2004, 2005 et 2006, ce qui constitue le point de départ du délai de prescription de l'action'; que ce délai a recommencé à courir au plus tard le 15 juin 2011 de sorte que l'action directe aurait du être engagée au plus tard le 15 juin 2016';

- que si les appelantes soutiennent que l'effet interruptif de la prescription d'une action se prolonge jusqu'à ce que le litige ait trouvé sa solution à l'égard de toutes les parties à l'instance, se prévalant ainsi de l'instance pendante devant la cour d'appel de Lyon, l'action directe est une action propre, indépendante de l'action contre l'assuré'; que les Mutuelles du Mans ne sont plus parties depuis 2011 à l'instance pendante devant la cour d'appel de Lyon'; que l'action est bien prescrite ainsi qu'en a décidé le tribunal';

- à titre infiniment subsidiaire, sur le fond, il incombe encore de façon préalable que la responsabilité de l'assuré soit reconnue à l'égard de la victime pour justifier son droit à réparation'; que la responsabilité des sociétés Samro et Fontenax n'est pas établie, puisque dans son arrêt de 2015, la cour d'appel de Grenoble a mis ces dernières hors de cause, alors que la cassation a été prononcée aux seuls motifs que la cour d'appel n'a pas recherché si les assurés n'avaient pas engagé leur responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés'; que les appelantes ne s'expliquent pas sur le fondement justifiant leur recours et la mise en jeu de l'action directe';

- qu'en outre, le préjudice réclamé par les sociétés Xpo, s'il est retenu, serait à partager en trois et non en deux comme il en est fait état dans l'assignation, puisque la société Sae, fournisseur des composants, a été condamnée solidairement avec les sociétés Seg Samro et Fontenax en première instance et est ainsi également concernée, alors que les Mutuelles du Mans n'assurent que les sociétés Seg Samro et Fontenax et en aucun cas la société Sae';

- qu'au titre du contrat Seg Samro, la garantie des Mutuelles du Mans est limitée à 152.450 euros, avec une franchise de 7.622 euros'; qu'au titre du contrat Fontenax, la garantie n'est pas acquise puisque les frais nécessaires pour réparer ou remplacer les produits fournis par l'assuré sont exclus.

*****

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

Motifs':

Selon l'article L124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. Cette action permet à la victime de mettre en oeuvre un droit propre sur l'indemnité d'assurance, qui ne peut s'exercer que dans les limites du contrat d'assurance mais trouve son fondement dans le droit à réparation du préjudice causé par l'accident dont l'assuré est responsable. Elle est ainsi autonome à celle appartenant à la victime des faits dommageables.

Le délai de prescription de l'action directe est celui de l'action en responsabilité à l'encontre de l'assuré, le fondement de l'action directe et du droit propre de la victime étant le droit à réparation du préjudice causé par l'accident dont l'assuré est responsable. Il est allongé par le délai de prescription biennal tant que l'assuré peut exercer son action en garantie contre son assureur. Cependant, en raison de son autonomie par rapport à l'action exercée par la victime contre le tiers responsable, l'interruption de la prescription de l'action directe est sans effet sur celle de l'action en responsabilité de la victime contre l'assuré. De même, l'interruption de la prescription de l'action en responsabilité est sans effet sur la prescription de l'action directe.

Concernant en premier lieu la recevabilité de l'action directe des sociétés du groupe Xpo, le jugement du tribunal de commerce du 8 décembre 2010, rendu notamment entre le groupe Norbert Dentressangle et les sociétés devenues ensuite celles du groupe Xpo, et les Mutuelles du Mans Assurances, n'a pas statué sur la demande de condamnation de l'assureur, au titre de l'action directement intentée par les sociétés victimes des sinistres, demandant une condamnation solidaire des responsables et de leur assureur.

Suite à l'appel formé contre ce jugement par les sociétés Seg Samro et Fontenax, les sociétés devenues celles du groupe Xpo ont formé appel incident et provoqué contre les Mutuelles du Mans. En raison de l'effet dévolutif résultant de cet appel, il appartenait en conséquence aux sociétés victimes des incendies de demander à la cour d'appel de Grenoble de statuer sur leur action directe, omise par le tribunal de commerce. Il résulte en effet de l'article 462 du code de procédure civile que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

Or, par ordonnance du 15 juin 2011, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de la société Seg Samro et de Maître [I] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de cette société, ainsi que celui de la société Fontenax, de leur appel dirigé contre l'agent général des Mutuelles du Mans Iard et cette compagnie d'assurances.

Par ordonnance du 6 novembre 2014, le conseiller de la mise en état a énoncé que la compagnie MMA lui a demandé de déclarer irrecevables l'appel incident et provoqué formalisé par les sociétés du groupe Norbert Dentressangle, au motif que leurs demandes dirigées contre l'assureur ont été formées postérieurement au désistement d'appel des sociétés Seg Samro, Fontenax et de Maître [I], alors que les sociétés du groupe Norbert Dentressangle n'ont pas régularisés leur appel incident et provoqué dans les deux mois des conclusions des appelantes.

Après avoir relevé que l'appel incident et provoqué n'est recevable que si au jour où il est formé, le juge est encore saisi de l'appel principal, et qu'en l'espèce, au jour de l'appel incident et provoqué du groupe Norbert Dentressangle, la compagnie MMA n'était plus partie à l'instance suite au désistement constaté le 15 juin 2011, alors que l'appel incident et provoqué n'a été régularisé que le 31 octobre 2012, après l'expiration du délai prévu par l'article 909 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état a déclaré cet appel incident et provoqué irrecevable.

Il résulte de ces deux ordonnances qu'à l'égard de l'assureur, le jugement du tribunal de commerce du 8 décembre 2010 est devenu définitif, sans cependant qu'il ait été statué sur l'action directe formée par les sociétés du groupe Norbert Dentressangle, devenues les sociétés du groupe Xpo. Les décisions intervenues ultérieurement au fond, jusqu'à l'arrêt de la Cour de Cassation du 11 janvier 2017 et l'arrêt de la cour d'appel de renvoi du 28 mai 2020, n'ont pas concerné l'assureur.

Au sens de l'article 463 du code civil, une requête en omission de statuer ne peut être déposée plus d'un an après que la décision soit passée en force de chose jugée. Il en résulte que la requête déposée ultérieurement par les appelantes et ayant donné lieu au jugement du 10 août 2016 et à l'arrêt confirmatif du 30 mars 2017, ne pouvait qu'être rejetée comme étant tardive.

Il s'ensuit qu'aucune décision n'est jamais intervenue au fond sur l'action directe dirigée par les appelantes contre l'intimée. Ainsi que l'a justement relevé le jugement déféré, le jugement du 8 décembre 2010 n'a autorité de la chose jugée, à l'égard de l'assureur, qu'en ce qu'il a tranché la garantie par lui due aux sociétés Seg Samro et Fontenax. En conséquence, les premiers juges ont exactement déclaré l'action directe des sociétés du groupe Xpo recevable sur ce point.

Concernant ensuite la recevabilité de l'action directe au regard de la prescription, les dommages subis par les sociétés du groupe Xpo résultent des incendies survenus entre le 6 octobre 2004 et le 6 avril 2006. L'action directe devait ainsi être exercée dans l'ancien délai de 10 ans existant antérieurement à la loi du 17 juin 2008.

Le jugement du 08 décembre 2010 est devenu rétroactivement définitif concernant l'action engagée contre les Mutuelles du Mans, en raison du désistement d'appel constaté par l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 juin 2011, puis de l'irrecevabilité de l'appel incident et provoqué des sociétés du groupe Xpo prononcé par le conseiller de la mise en état le 6 novembre 2014.

Il s'ensuit que le délai de la prescription de l'action directe a recommencé à courir à partir du jugement du 8 décembre 2010, marquant la fin de l'instance concernant les Mutuelles du Mans. Les différentes procédures suivies ultérieurement n'ont pas eu d'effet concernant une interruption ou une suspension de ce délai au regard de l'action directe, les Mutuelles du Mans n'y étant pas parties, alors qu'il a été dit plus haut que cette action est distincte et autonome de l'action dirigée contre l'assuré responsable du dommage.

Selon l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, ses dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur (soit le lendemain de sa publication du Journal Officiel du 18 juin 2008), sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation.

Selon l'article 1er du code de procédure civile, seules les parties introduisent l'instance, hors les cas où la loi en dispose autrement. Elles ont la liberté d'y mettre fin avant qu'elle ne s'éteigne par l'effet du jugement ou en vertu de la loi. En conséquence, l'instance est le lien procédural opposant les parties. Elle s'éteint soit par la volonté des parties d'y mettre fin, soit par la loi ou le jugement.

En l'espèce, l'instance concernant les Mutuelles du Mans a été éteinte par le jugement du 8 décembre 2010. S'agissant d'un lien procédural, peu importe que le tribunal de commerce ait alors omis de statuer sur l'action directe formée contre Les Mutuelles du Mans.

La présente action engagée le 6 octobre 2017 a créé un nouveau lien d'instance. Elle a ainsi été engagée postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008. En conséquence, l'action directe ne pouvait plus être engagée conformément à la loi ancienne concernant la prescription, ainsi qu'énoncé à l'article 26 de cette loi.

Le délai pour agir ayant été ramené à cinq ans, il s'ensuit que cette action était prescrite au jour de l'assignation saisissant le tribunal de commerce. Ainsi que constaté dans le jugement déféré, la requête en omission de statuer du 15 janvier 2015 n'a pas eu d'effet interruptif. Il s'agit en effet simplement de revenir devant le même juge pour parfaire la décision entachée d'omission, sans création d'une nouvelle instance.

Par ces motifs, rajoutés à ceux non contraires des premiers juges, la décision entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

Les appelantes succombant en leurs prétentions seront condamnées in solidum à payer aux intimées la somme complémentaire de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens exposés exposés en cause d'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 2224 du code civil, L124-3 du code des assurances, 26 de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, 1er, 462 et 463 du code de procédure civile';

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions';

Y ajoutant';

Condamne in solidum les appelantes à payer aux intimées la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne les appelantes in solidum aux dépens exposés en cause d'appel';

SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par Mme RICHET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19/00899
Date de la décision : 21/01/2021

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°19/00899 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-21;19.00899 ?
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