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03/11/2020 | FRANCE | N°18/02301

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 03 novembre 2020, 18/02301


N° RG 18/02301 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JRHN

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N° Minute :









































































































Copie exécutoire

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la SCP LACHAT MOURONVALLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 03 NOVEMBRE 2020





Appel d'un jugement (N° RG 15/04820)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 05 avril 2018

suivant déclaration d'appel du 24 Mai 2018





APPELANTE :



LA SOCIÉTÉ FESTA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qua...

N° RG 18/02301 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JRHN

VL

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SCP ALPAZUR AVOCATS

la SCP LACHAT MOURONVALLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 03 NOVEMBRE 2020

Appel d'un jugement (N° RG 15/04820)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 05 avril 2018

suivant déclaration d'appel du 24 Mai 2018

APPELANTE :

LA SOCIÉTÉ FESTA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-Pierre AOUDIANI de la SCP ALPAZUR AVOCATS, avocat au barreau des HAUTES-ALPES substitué par Me Nicolas WIERZBINSKI avocat au barreau des HAUTES-ALPES

INTIMÉES :

Maître [F] [C]

de nationalité Française

Le Président [Adresse 1]

[Adresse 1]

LA SELARL BARNEOUD - GUY - LECOYER - MILLIAS - [C] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège - Le Président,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentées par Me Christophe LACHAT de la SCP LACHAT MOURONVALLE, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, plaidant par Me Marie CASSEVILLE substituant Me David FOUCHARD du cabinet CAPA avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Hélène COMBES, Président de chambre,

Madame Véronique LAMOINE, Conseiller,

Monsieur Frédéric DUMAS Vice président placé par ordonnance de madame la première présidente en date du 17 juillet 2020,

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Septembre 2020 Madame LAMOINE , Conseiller chargé du rapport et Madame COMBES, Présidente de chambre, assistées de Mme Anne BUREL, Greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.

Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant acte d'engagement du 16 octobre 2006, un groupement d'entreprise se voyait attribuer le marché de réalisation de travaux de modernisation des ouvrages amont du Canal de [Localité 4] par l'ASA (Association Syndicale Autorisée) du Canal de [Localité 3].

La SAS FESTA, chargée du lot "Génie Civil", était aussi la mandataire du groupement.

Un litige est survenu lors de l'établissement du décompte général définitif du lot de la SAS FESTA suite à des modifications, décidées en cours de réalisation, consistant dans la pose d'ouvrages préfabriqués dans le dessableur à la place des pentes coulées initialement prévues.

A l'issue des travaux ayant fait l'objet d'une réception sans réserve, la SAS FESTA a transmis au maître d'oeuvre la SA Stucky Ingénieurs Conseils le 8 février 2010 son projet de décompte définitif portant sur son lot pour un total de 340 796,57 € HT.

Le 23 février 2010, le président de l'ASA du Canal de [Localité 3] a notifié à la SAS FESTA un décompte modifié établi par le maître d'oeuvre pour un total de 250 801 € HT.

Par lettre en date du 6 avril 2010 la Société FESTA contestait ce décompte en adressant un "mémoire en réclamation".

Par lettre du 22 avril 2010, l'ASA du canal de [Localité 3] rejetait cette contestation en indiquant à la SAS FESTA qu'elle disposait d'un délai de 2 mois pour former un recours contentieux à l'encontre de sa décision de rejet, ce délai étant en réalité de 6 mois en vertu de l'article 50.32 du CCAG.

La SAS FESTA a alors mandaté Maître [F] [C], avocate associé au sein de la SELARL BARNEOUD GUY LECOYER MILLIAS [C] pour l'assister dans ce litige.

Me [C] préparait un projet de requête devant le tribunal administratif qu'elle adressait à la SAS FESTA le 17 juin 2010 pour avis.

Celle-ci lui répondait par courriel du 2 juillet 2010 en annotant le projet de requête.

Me [C] adressait le 12 juillet 2010 un courrier de mise en demeure à l'ASA du Canal de [Localité 3] de payer les sommes dues à la SAS FESTA.

Mais elle ne déposait aucune requête devant le tribunal administratif.

Le tribunal administratif de Marseille a, par jugement du 28 octobre 2014, rejeté la requête finalement déposée le 3 février 2011 par la SAS FESTA qui avait pris un nouveau conseil, au motif qu'elle l'avait été après l'expiration du délai de six mois à compter de la notification de la décision de l'ASA du Canal de Gap ayant rejeté les réclamations de l'entreprise.

Par acte du 20 octobre 2015, la SAS FESTA a assigné Me [C] et la SELARL BARNEOUD GUY LECOYER MILLIAS [C] devant le tribunal de grande instance de Grenoble pour voir reconnaître la responsabilité de Me [C] et la voir condamner solidairement avec la SELARL dont elle est membre, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer la somme principale de 130 410,79 € outre intérêts.

Par jugement du 5 avril 2018, le tribunal de grande instance de Grenoble a :

- rejeté toutes les demandes de la SAS FESTA,

- rejeté les demandes de Me [C] et de la SELARL BARNEOUD GUY LECOYER MILLIAS PELLEGRIN au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS FESTA aux dépens.

Par déclaration au Greffe en date du 24 mai 2018, la SAS FESTA a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions d'appelant n° 2 notifiées le 4 janvier 2019, elle demande la confirmation du jugement seulement en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute commise par Me [C] en ne déposant pas la requête devant le tribunal administratif dans le délai requis, mais son infirmation sur le surplus et la condamnation solidaire de Maître [F] [C] et la SELARL [H]-[D]-[C] aux dépens et à lui payer les sommes de :

- 130 410,79 € en principal augmentée des intérêts moratoires et de la capitalisation de ces intérêts à compter du jour de la demande par application de l'article 1157 du Code civil ;

- 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Elle fait valoir :

- que Me [C] avait bien été informée de ce que l'ASA avait rejeté sa contestation par courrier du 22 avril 2010 ainsi qu'il ressort d'un courrier de l'ASA du 16 juillet 2010 et détenait donc les éléments nécessaires pour calculer le délai pour agir devant le tribunal administratif,

- que c'est bien de son propre fait que la requête n'a pas été déposée dans ce délai ce qu'elle a reconnu dans un courrier du 14 mars 2011 (cf pièce n° 11 de FESTA),

- que cette faute lui a, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, causé un préjudice tenant à l'absence de perte d'une chance raisonnable de succès de son action devant le tribunal administratif, sa requête n'ayant été rejetée par cette juridiction que parce qu'elle avait été déposée hors délai,

- que c'est à tort que le tribunal de grande instance a retenu que sa requête aurait de toutes façons été rejetée pour non respect du délai pour former réclamation,

- qu'en effet, en vertu de l'article 13.44 du CCAG, le délai de réclamation était de 45 jours et non pas de 30 jours la durée totale de réalisation des travaux avait été portée de cinq à huit mois par avenant signé le 31 janvier 2008 et que, dès lors, sa réclamation adressée le 10 avril 2010 était parfaitement recevable,

- qu'elle avait donc de sérieuses chances que sa requête, si elle avait été déposée dans le délai, puisse aboutir,

- qu'en effet, sur le fond, le choix de mettre en 'uvre des éléments préfabriqué au lieu de la pose de béton coulé avait été rendu nécessaire par la modification de l'implantation du dessableur décidée par le maître d'ouvrage, et ce choix, validé par le maître d'oeuvre, a fait l'objet d'un avenant signé par le maître d'ouvrage le 27'mai 2008,

- que sa perte de chance correspond au coût des travaux supplémentaires réalisés soit

130 410,79 € en principal outre intérêts.

Me PELLEGRIN et la SELARL BARNEOUD GUY LECOYER MILLIAS PELLEGRIN, par conclusions notifiées le 7 novembre 2018, concluent au débouté de la SAS FESTA de l'ensemble de ses demandes, et réclament sa condamnation à leur payer la somme de

4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles font valoir :

- que Me [C] n'a jamais été informée par sa cliente la SAS FESTA de l'existence du rejet explicite du 22 avril 2010, aucun élément versé aux débats ne permettant d'attester que ce courrier aurait été porté utilement à sa connaissance afin de lui permettre de calculer le délai pour agir,

- qu'il ne peut donc être lui reproché une erreur de computation d'un délai dont elle ignorait le point de départ,

- qu'en toute hypothèse, le tribunal a justement considéré que la SAS FESTA ne justifiait d'aucun préjudice indemnisable en ce qu'elle n'avait aucune chance raisonnable que son recours aboutisse, dès lors que sa réclamation sur le décompte définitif n'avait pas été faite dans le délai de 30 jours et que ce moyen avait été invoqué par l'ASA dans le cadre de la requête,

- que, sur le fond, la contestation était vouée à l'échec en ce que l'entreprise avait signé un marché public pour un prix ferme et définitif sur appel d'offres ainsi qu'il résulte de l'acte d'engagement versé au débat et que le remplacement du béton coulé sur place par des éléments préfabriqués n'avait donné lieu à aucun ordre de service écrit,

- que, dès lors, seuls le coût des travaux supplémentaires "revêtant un caractère indispensable à la bonne exécution de l'ouvrage selon les règles de l'art" selon la jurisprudence administrative était susceptible d'être réglé, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ainsi que l'ASA l'a souligné dans son mémoire devant le tribunal administratif d'appel, aucune contrainte technique n'étant démontrée et, au contraire, une note technique établie pour le compte du maître d'oeuvre dans le cadre du recours administratif met en évidence qu'il s'est agi d'un choix de l'entreprise de nature à simplifier les méthodes de chantier, sans réelle plus value pour le maître d'ouvrage.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 3 mars 2020.

L'affaire initialement fixée pour être plaidée à l'audience du 14 avril 2020 a été renvoyée à l'audience du 28 septembre 2020 en raison de l'état d'urgence sanitaire et du refus de l'une des parties de la mise en 'uvre de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale

Pour prospérer en sa demande, il appartient à la SAS FESTA de rapporter la preuve d'une faute de Me [C] et d'un préjudice en lien avec la faute commise.

sur la faute

Il ressort des pièces produites qu'après avoir adressé à la SAS FESTA le 17 juin 2010 un projet de requête devant le tribunal administratif en contestation du décompte de l'ASA et en condamnation à paiement de la différence, et alors que sa cliente lui avait répondu par courriel du 2 juillet en annotant le projet, Me [C] n'a finalement jamais déposé de requête devant cette juridiction.

Me [C] fait valoir qu'elle n'a jamais été informée du rejet explicite par l'ASA le 22 avril 2010 de la contestation de la SAS FESTA, faisant courir le délai de six mois du recours contentieux, et qu'il ne peut donc lui être reproché d'avoir laissé courir un délai dont elle ignorait le point de départ.

Or, aux termes d'un courrier du 16 juillet 2010 adressé à Me [C], l'ASA du Canal de [Localité 3] a évoqué l'existence de son courrier du 22 avril 2010 à la SAS FESTA. Dès lors, si ce dernier ne lui avait pas été préalablement communiqué, il appartenait à Me [C], à la lecture de cette lettre, d'interroger sa cliente et d'en solliciter la transmission aux fins d'en apprécier la teneur et de vérifier s'il s'agissait de la décision du maître d'ouvrage sur la contestation, visée au 50.23 du CCAG, faisant courir le délai de six mois prévu au 50.32 du même document.

En ne le faisant pas, elle a manqué à son obligation de diligence et de mise en oeuvre des moyens propres à assurer la défense de sa cliente.

C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu le principe de sa responsabilité.

sur le préjudice

Celui-ci ne peut consister, pour la SAS FESTA, que dans la perte de chance de voir aboutir son recours en obtenant devant le tribunal administratif la condamnation au paiement de la différence entre son décompte et celui retenu par le maître d'ouvrage.

Sur ce point, la SAS FESTA établit que, par avenant du 31 janvier 2008, la durée des travaux de la tranche ferme avait été portée à 8 mois, modifiant ainsi les délais d'engagement. Selon l'article 13.44 du CCAG, le délai de contestation amiable du décompte général était ainsi de 45 jours au lieu de 30 jours, et la SAS FESTA avait de sérieuses chances que, dans ces conditions, sa contestation adressée au maître d'ouvrage le 6 avril 2010 soit jugée recevable.

En revanche, sur le fond, alors que les documents contractuels prévoyaient la mise en oeuvre de béton coulé, la SAS FESTA prétend, sans l'établir, que le choix de mettre en oeuvre des éléments préfabriqués entraînant le surcoût objet du litige serait résulté de contraintes techniques liées à la modification de l'implantation du dessableur par le maître d'ouvrage, et aurait été avalisé par ce dernier par avenant du 27 mai 2008.

En effet :

- la comparaison entre le plan initial et les plans d'exécution ne permet pas d'affirmer que la modification d'implantation serait résultée d'une volonté du maître d'ouvrage, ni que celui-ci aurait accepté cette modification en connaissance de cause,

- aucune des pièces produites n'établit l'existence de contraintes techniques survenues en cours de chantier rendant les modifications indispensable à la bonne exécution de l'ouvrage,

- ni les documents préparatoires invoqués, ni l'avenant du 27 mai 2008 ne permettent d'établir un accord express du maître d'ouvrage sur la solution adoptée générant le surcoût litigieux, dès lors que les documents préparatoires sont trop parcellaires pour permettre de considérer qu'ils concernent bien les éléments préfabriqués en litige, et que l'avenant du 27 mai 2008 porte sur la seule pose d'un tuyau préfabriqué présenté comme représentant une économie de 16 200 € HT au bénéfice du maître d'ouvrage, ce qui ne correspond pas, de toute évidence, aux modifications litigieuses ayant entraîné un surcoût de plus de 100.000 euros.

Dès lors, la SAS FESTA, qui ne démontre pas qu'elle avait de sérieuses chances que son recours administratif aboutisse, a justement été déboutée de ses demandes par les premiers juges.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

La SAS FESTA, qui succombe en son appel, devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en sa faveur. A fortiori, sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive n'est pas justifiée et sera rejetée.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des intimées la totalité de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne la SAS FESTA aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 18/02301
Date de la décision : 03/11/2020

Références :

Cour d'appel de Grenoble 01, arrêt n°18/02301 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-03;18.02301 ?
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