N° RG 18/01562 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JPGE
FD
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SCP SCHREIBER- FABBIAN - VOLPATO
la SELARL EUROPA AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 20 OCTOBRE 2020
Appel d'un Jugement (N° R.G. 15/01138)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de gap
en date du 13 novembre 2017
suivant déclaration d'appel du 04 Avril 2018
APPELANTS :
Mme [Z] [D]
née le [Date naissance 2] 1928 à [Localité 20]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 7]
Mme [K] [O] épouse [G]
née le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 15]
de nationalité Française
46. [Adresse 18]
[Localité 8]
M. [C] [O]
né le [Date naissance 6] 1951 à [Localité 15]
de nationalité Française
39. [Adresse 19]
[Localité 14]
M. [T] [S]
né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 20]
Représentés par Me Aurélie FABBIAN de la SCP SCHREIBER- FABBIAN - VOLPATO, avocat au barreau de HAUTES-ALPES postulant et plaidant par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
LA SOCIÉTÉ ROUNY FRERES représentée par ses gérants en exercice domiciliés es qualités audit siège
[Adresse 16]
[Localité 20]
représentée par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Monika MAHY MA SOMGA, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE-EN-PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Hélène COMBES, Président de chambre,
Madame Véronique LAMOINE, Conseiller,
Monsieur Frédéric DUMAS, Vice-président placé suivant ordonnance de délégation de la première présidente de la Cour d'appel de Grenoble en date du 17 juillet 2020
Assistés lors des débats de Mme Anne BUREL, Greffier
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Septembre 2020, Monsieur [Y] a été entendu en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
* * * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La S.C.I. ROUNY FRERES est propriétaire à [Localité 20] de locaux commerciaux situés sur les parcelles AN [Cadastre 9] et [Cadastre 10], dans lesquels la S.A. ETABLISSEMENTS ROUNY exploitait une activité d'achat, vente et courtage de primeurs jusqu'à la dénonciation du bail par le preneur le 10 novembre 1992.
Suivant exploit des 29 octobre, 4 et 12 novembre 2015 la S.C.I. ROUNY FRERES a fait assigner Madame [Z] [D] veuve [H], propriétaire de la parcelle AN [Cadastre 11], Monsieur [C] [O] et son épouse, Madame [K] [G], propriétaires de la parcelle AN [Cadastre 12], et Monsieur [T] [S], propriétaire de la parcelle AN [Cadastre 13], devant le Tribunal de grande instance de Gap aux fins de voir reconnaître son fonds enclavé et d'obtenir une expertise permettant de déterminer le chemin de désenclavement.
Par jugement du 13 novembre 2017 le tribunal a constaté l'état d'enclave des parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10] appartenant à la S.C.I. ROUNY FRERES et, avant dire droit au fond, ordonné une expertise conviée à Monsieur [N].
Les consorts [L]-[S] ont interjeté appel de la décision le 4 avril 2018.
Dans leurs dernières conclusions du 23 octobre 2019 les appelants demandent à la Cour principalement d'infirmer le jugement et de débouter la S.C.I. ROUNY FRERES de l'intégralité de ses demandes et subsidiairement que la mesure d'expertise soit effectuée aux frais avancés de l'intimée avec comme premier chef de mission de vérifier l'état d'enclave des parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10], outre l'allocation à chacun d'eux d'une indemnité de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Ils contestent l'état d'enclave des parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10], faisant remarquer que celles-ci disposent d'un accès direct sur la voie publique s'agissant de l'impasse des Fleurs puis de l'avenue des Martyrs. En outre faire droit à la demande de la S.C.I. ROUNY FRERES engendrerait un conflit avec le plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 20] qui a supprimé la zone réservée pour élargir la voie publique.
Les appelants soutiennent subsidiairement que si les locaux de la S.C.I. ROUNY FRERES sont enclavés cela résulte du seul fait des divisions parcellaires auxquelles la famille ROUNY a procédé, et que le désenclavement devrait, en application de l'article 684 du code civil, se faire par les fonds cédés par la S.C.I. ROUNY FRERES.
Dans ses dernières conclusions du 27 décembre 2019 la S.C.I. ROUNY FRERES demande à la Cour de confirmer le jugement déféré et de condamner les intimés à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
- elle se trouve dans l'impossibilité de louer ses entrepôts en raison de l'étroitesse du chemin d'accès qui ne permet pas la manoeuvre des camions selon un constat d'huissier du 27 mars 2015, ainsi qu'en témoigne le départ de la société ÉTABLISSEMENTS ROUNY,
- l'insuffisance d'accès tient aux besoins de l'exploitation actuelles des parcelles et n'est pas la conséquence de la division des fonds.
L'instruction a été clôturée suivant ordonnance du 14 janvier 2020.
L'affaire, initialement fixée à l'audience du 24 février 2020, a été renvoyée au 21 septembre 2020 à la demande des parties en raison d'un mouvement de grève des avocats.
DISCUSSION
L'article 682 du code civil dispose que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.
En l'espèce il ressort de l'examen des pièces versées au dossier, notamment des plans et du procès-verbal de constat d'huissier établi le 27 mars 2015 à la demande de la S.C.I. ROUNY FRERES, que la parcelle [Cadastre 10] lui appartenant est bordée au Nord et à l'Est par l'impasse des Fleurs qui est une voie publique.
Il résulte en outre des conclusions des parties qu'il existait un projet communal d'élargissement de l'impasse des Fleurs depuis 2002 se traduisant tout d'abord par la création d'un espace réservé sur les parcelles riveraines de cette impasse jusqu'à l'intersection avec l'avenue des Martyrs. Cependant ce projet d'élargissement n'a pas été réalisé.
Ainsi il apparaît qu'en attrayant devant le juge judiciaire les propriétaires des seuls fonds délimitant l'impasse des Fleurs jusqu'à l'avenue des Martyrs, et non l'ensemble des propriétaires des parcelles contiguës aux siennes, la S.C.I. ROUNY FRERES entend bénéficier par la voie civile de ce qu'elle n'a pu obtenir de la puissance publique.
C'est donc à tort que le premier juge a dit que l'accès à la voie publique depuis les parcelles de la S.C.I. ROUNY FRERES était insuffisant car c'est la voie publique elle-même, en l'occurrence l'impasse des Fleurs, qui est trop étroite au regard de son activité.
Il convient par conséquent d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de débouter la S.C.I. ROUNY FRERES de l'intégralité de ses demandes.
Il sera alloué aux consorts [L]-[S], contraints de se défendre en première instance et devant la cour, des indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Déboute la S.C.I. ROUNY FRERES de l'intégralité de ses demandes,
- Condamne la S.C.I. ROUNY FRERES à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile les sommes suivantes :
1.200 euros (mille deux cents euros) à Madame [Z] [D] veuve [H],
1.200 euros (mille deux cents euros) à Monsieur [C] [O] et son épouse, Madame [K] [G],
1.200 euros (mille deux cents euros) à Monsieur [T] [S],
- Condamne la S.C.I. ROUNY FRERES aux dépens d'instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT