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01/10/2020 | FRANCE | N°18/01202

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 01 octobre 2020, 18/01202


N° RG 18/01202 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JODH



MPB



Minute :









































































Copie exécutoire

délivrée le :







Me Emmanuelle PHILIPPOT



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE



la SELARL DENIAU AVOCATS



AU NOM DU PEUPLE FRAN

ÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 01 OCTOBRE 2020





Appel d'une décision (N° RG 2015J2452)

rendue par le Tribunal de Commerce de GAP

en date du 19 janvier 2018

suivant déclaration d'appel du 12 Mars 2018



APPELANTE :

SAS OVINALP FERTILISATION

SAS au capital social de 1.001.241 € immatriculée au RCS de GAP sous le...

N° RG 18/01202 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JODH

MPB

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Emmanuelle PHILIPPOT

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

la SELARL DENIAU AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 01 OCTOBRE 2020

Appel d'une décision (N° RG 2015J2452)

rendue par le Tribunal de Commerce de GAP

en date du 19 janvier 2018

suivant déclaration d'appel du 12 Mars 2018

APPELANTE :

SAS OVINALP FERTILISATION

SAS au capital social de 1.001.241 € immatriculée au RCS de GAP sous le n° 344 725 312, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Emmanuelle PHILIPPOT, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Corinne PELLEGRIN de la SELARL BGLM, avocat au barreau de GAP

INTIMEES :

SA ENEDIS

anciennement dénommée ERDF, SA à directoire et conseil de surveillance au capital de 270.037.000 €, inscrite au RCS de NANTERRE sous le n° 444 608 442, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et Me Martine RUBIN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant par Me Alexis GRIMAUD

SA EDF-ELECTRICITE DE FRANCE

SA au capital de 1 551 810 543 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 552 081 317, prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Mylène ROBERT de la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Sabine LEONETTI-PASTACALDI, avocat au barreau de MARSEILLE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Patricia GONZALEZ, Président de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Juin 2020, Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffier, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 910 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

FAITS ET PROCEDURE :

Suivant contrat signé le 5 août 1999, et avenant du 11 juin 2002, la société Ovinalp Fertilisation (Ovinalp) est fournie en électricité par la Sas Electricité de France (société Edf).

Le 27 juillet 2010, la société Erdf, devenue ultérieurement la Sa Enedis, a procédé au changement du compteur.

Par courrier du 24 juin 2013, la société Erdf a informé la société Ovinalp avoir relevé une anomalie dans le paramétrage du dispositif de comptage entraînant un enregistrement erroné de sa consommation et avoir procédé au redressement des volumes d'énergie livrés. Sur cette base, la société Edf a établi trois factures rectificatives pour un montant total de 190.761,15 € Ttc dont elle a réclamé le paiement à la société Ovinalp.

Cette dernière a contesté ce redressement et saisi le médiateur du groupe Edf qui a estimé que le redressement était bien fondé et a recommandé l'application d'une nouvelle décote de 10 % sur les volumes rattrapés.

Appliquant ces préconisations, la société Edf a établi une nouvelle facture le 3 juillet 2014 et à défaut de paiement, a obtenu du président du tribunal de commerce de Gap le 11 mars 2015, une ordonnance portant injonction de payer à l'encontre de la société Ovinalp.

Sur l'opposition formée par cette dernière le 16 juillet 2015 et par jugement du 19 janvier 2018, le tribunal de commerce de Gap a :

- déclaré recevable bien-fondé Edf en ses demandes ;

- accueilli l'intervention volontaire de la société Erdf ;

- condamné la société Ovinalp à payer à Edf la somme de 171.685,04 € Ttc, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- débouté les parties de toutes autres chefs de demande ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- ordonné le partage des dépens entre les parties.

Suivant déclaration au greffe du 12 mars 2018, la société Ovinalp Fertilisation a relevé appel de cette décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 juin 2018, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société Ovinalp Fertilisation (Ovinalp) demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré recevable et bien fondée Edf en ses demandes ;

- constaté le bien fondé de la régularisation effectuée par Erdf (Enedis) ;

- jugé que la facturation du redressement d'Edf était bien fondée ;

- condamné la société Ovinalp à payer à Edf la somme de 171.685,04€ Ttc correspondant aux trois factures de régularisation, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation';

- à titre principal';

- dire et juger l'action de la société Edf irrecevable';

- à titre subsidiaire';

- débouter les sociétés requérantes de leurs demandes, fins et prétentions';

- à titre très subsidiaire et reconventionnel';

- condamner in solidum la société Erdf (Enedis) et la société Edf à payer à la société Ovinalp Fertilisation la somme de 571.500 € à titre de dommages et intérêts';

- après compensation entre les deux créances';

- condamner la société Erdf (Enedis) à payer à la société Ovinalp Fertilisation la somme de 371.738, 85 €';

- en toutes hypothèses';

- condamner in solidum la société EDF et la société Erdf (Enedis) à payer à la société Ovinalp Fertilisation la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Ovinalp soulève l'irrecevabilité de la demande en paiement de la société Edf au motif qu'elle relève d'une contestation relative à l'exécution du contrat et que les conditions particulières de ce dernier imposent le recours préalable à une mesure d'expertise amiable que la société Edf n'a pas mise en 'uvre.

Elle fait valoir que le dysfonctionnement du compteur invoqué par le fournisseur d'énergie pour procéder au recalcul de sa consommation n'a pas fait l'objet d'un constat contradictoire'; qu'il ne peut être déduit d'une corrélation entre sa consommation d'électricité et son chiffre d'affaires'; qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat et qu'elle n'est pas à l'origine du mauvais paramétrage du compteur lors de son installation par Erdf'; que pendant trois ans, les relevés réguliers de sa consommation n'ont pas permis de déceler d'anomalies.

Elle conteste les calculs de consommation présentés par la société Edf aux motifs qu'elle a réalisé une production moins importante entre 2010 et 2013'; qu'elle a procédé à des investissements pour améliorer son bilan énergétique et réduire sa consommation d'énergie'; que sa consommation d'électricité ne peut donc être reconstituée à partir de la facturation des années antérieures à la période litigieuse et que le calcul réalisé par la sociéét Edf est arbitraire.

A titre subsidiaire, elle estime que l'erreur de paramétage du compteur commise par la société Erdf lui a causé préjudice puisqu'elle n'a pas pu prendre en compte la charge d'exploitation constituée par le surcoût de sa consommation dans la fixation du prix de vente de sa production.

Au terme de ses écritures n°2 notifiées par voie électronique le 17 juin 2020, la société Edf entend voir':

- débouter la société Ovinalp de l'ensemble de ses demandes';

- confirmer le jugement sauf en ce qui concerne le montant des sommes mises à la charge de la société Ovinalp';

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté le bien fondé de la facturation du redressement d'Edf et en ce qu'il a condamné la société Ovinalp à procéder au paiement des trois factures de régularisation, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- recevoir Edf en son appel incident,

- réformer le jugement en ce qu'il a appliqué un abattement de 10% proposé par le médiateur, cet abattement ayant déjà été effectué dans le cadre de la facturation établie par Edf';

- dire et juger que la société Edf n'a commis aucune faute et que sa responsabilité ne saurait être engagée du fait du mauvais paramétrage du compteur';

- débouter la société Ovinalp de toutes ses demandes comme étant infondées';

- à titre subsidiaire';

- si par extraordinaire, la Cour estimait devoir condamner Edf au paiement d'une quelconque somme au profit de la société Ovinalp';

- condamner Enedis à relever et garantir Edf de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre';

- condamner la société Ovinalp au paiement de la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamner la société Ovinalp aux entiers dépens.

La société Edf soutient qu'elle n'avait pas à recourir au préalable d'une expertise, le litige ne portant pas sur le coût de distribution de l'électricité, mais sur le volume d'énergie consommée et que les stipulations de l'article X de conditions générales du contrat ne sont pas applicables.

Elle relève qu'il appartenait à la société Ovinalp contestant la facturation de provoquer ladite expertise, qu'à défaut, elle ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et de ces dispositions à son encontre et qu'en toutes hypothèses, la phase amiable préalable à l'instance a bien eu lieu, le médiateur du groupe Edf ayant été saisi par ses soins.

Elle fait valoir qu'elle s'est contentée de facturer la consommation réelle de la société Ovinalp sur la base du volume communiqué par la société Enedis'; que la comparaison des consommations fait ressortir un écart significatif après remise en conformité du compteur; que la société Ovinalp a commis une faute contractuelle en ne s'acquittant pas du paiement de l'énergie électrique qui lui a été livrée et qu'elle a consommée.

Elle conteste toute responsabilité dans la défaillance du système de comptage qui relève depuis le 1er janvier 2008, de la compétence du seul distributeur, Enedis, entité juridique distincte, ce que reconnaît la société Ovinalp.

Suivant ses écritures notifiées par voie électronique le 18 août 2018, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société Enedis demande à la cour de':

- sur l'appel forme par la société Ovinalp Fertilisation :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a'accueilli l'intervention volontaire de la société Enedis, prononcé le bien fondé et la recevabilité de l'action de la société Edf et constaté le bien fondé de la régularisation effectuée par Enedis';

- sur l'appel incident :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que la société Enedis avait engagé sa responsabilité';

- en conséquence :

- dire et juger que la société Enedis, n'a pas engagé sa responsabilité à l'égard de la société Ovinalp Fertilisation en raison de l'absence de faute';

- subsidiairement, si la cour considérait que la société Enedis avait engagé sa responsabilité :

- dire et juger que la société Ovinalp Fertilisation a déjà perçu une indemnisation juste et préalable à tout contentieux';

- en tout état de cause :

- débouter la société Ovinalp Fertilisation de ses demandes a l'encontre de la société Enedis';

- condamner la société Ovinalp Fertilisation au paiement de la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Enedis considère que la fin de non recevoir tirée du défaut d'expertise amiable ne peut être valablement opposée, l'article X des conditions générales imposant un préalable d'expertise amiable ne concernant que les difficultés énoncées au paragraphe intitulé «'exécution du contrat'» qui n'envisage pas les dysfonctionnements de compteur.

Elle fait valoir que':

- le redressement des consommations est justifié même si le dysfonctionnement affectant le système de comptage n'est pas imputable à la société Ovinalp';

- le compteur mal paramétré n'a enregistré que la moitié de la consommation d'énergie';

- à titre commercial, elle a accordé un abattement de 10 % sur les volumes redressés et qu'une nouvelle décôte de 10 % a été appliquée sur les recommandations du médiateur';

- le mode de calcul appliqué est conforme aux prescriptions du cahier des charges de concession du service public de la distribution d'énergie électrique';

- les agents en charge du relevé des compteurs n'ont ni le pouvoir, ni les compétences pour détecter d'éventuelles anomalies dans le fonctionnement des appareils de mesure';

- le redressement opéré est sans lien avec une quelconque responsabilité de la cliente, mais découle des dispositions contractuelles.

Elle soutient que la société Ovinalp a été informé de la découverte du mauvais fonctionnement de son compteur'; que le redressement est cohérent avec les consommations antérieures et postérieures au dysfonctionnement'; que la société Ovinalp ne justifie d'aucun élément permettant de le remettre en cause.

Elle rappelle que la société Ovinalp a bénéficié d'une décôte de 10'% et qu'en application des recommandations du médiateur, une seconde décôte de 10'% lui a été déduite.

La société Erdf considère que la société Ovinalp a commis une négligence en ne décelant pas la diminution particulièrement importante de sa consommation après le changement du compteur et ne rapporte pas la preuve des préjudices financiers qu'elle invoque.

Elle conteste enfin avoir engagé sa responsabilité.

La clôture de la procédure est intervenue le 18 juin 2020.

MOTIFS DE LA DECISION':

1°) sur la fin de non recevoir':

Les conditions générales du contrat Emeraude souscrit par la société Ovinalp auprès de la société Edf en définissent l'objet dans leur article 1er, comme la fourniture de l'énergie électrique nécessaire à l'alimentation de ses installations. Il s'agit donc d'un contrat de vente d'énergie dont le paiement, par le client, du volume qui lui a été livré constitue la contrepartie.

La présente instance constitue une action en paiement du fournisseur d'énergie à l'encontre de sa cliente dont cette dernière conteste le bien fondé.

L'article X de ces conditions générales du contrat Emeraude souscrit par la société Ovinalp auprès de la société Edf prévoit que': « les contestations relatives à l'exécution ou l'interprétation du présent contrat sont, avant toute demande en justice, soumise à une expertise amiable'» et décrit les modalités du déroulement de cette expertise, dont il confie l'initiative à chacune des parties.

Cette stipulation fait suite à un paragraphe intitulé «'L'exécution du contrat'» dont les articles VI à VIII traitent de l'obligation de continuité de fourniture à la charge de la société Edf, du devoir de coopération des parties, de l'obligation de prudence du client ainsi que du régime de responsabilité du fournisseur d'énergie et d'indemnisation des dommages subis par le client, l'article IX envisageant quant à lui la durée du contrat.

Pour autant, la généralité de sa formulation qui vise d'une part l'exécution du contrat lequel ne se limite pas aux obligations énoncées par les articles VI à IX, ni même aux seules conditions générales, mais englobe les conditions particulières, d'autre part son interprétation, ne permet pas de considérer, à l'instar des sociétés Edf et Erdf, que le préalable de l'expertise amiable décrit par l'article X serait limité aux seules contestations d'exécution des obligations décrites par les articles VI à IX.

Il n'est pas contesté que jusqu'au mois de juin 2013, la société Edf a établi la facturation de ses livraisons d'énergie électrique à la société Ovinalp sur la base des volumes enregistrés par le compteur équipant le point de livraison.

Le présent litige porte sur le paiement de factures rectificatives établies pour la période du 27 juillet 2010 au 4 juin 2013 au titre du redressement du volume de la consommation d'électricité de la société Ovinalp, après constat d'un fonctionnement défectueux du compteur.

Ainsi, la société Edf a remis en cause la fiabilité de l'enregistrement des consommations réalisé par le système de comptage et de son côté, la société Ovinalp conteste la possibilité pour Edf de recalculer sa consommation.

Il s'agit bien de contestations relatives à l'exécution du contrat de fourniture d'énergie.

La société Ovinalp en a saisi le médiateur d'Edf par courrier du 13 décembre 2013 et la cour relèvera qu'en conclusion de son avis du 27 mai 2014, le médiateur a précisé que sa recommandation «'clôt le processus de règlement à l'amiable des litiges au sein du Groupe Edf'».

Il résulte des éléments du litige que la société Edf a accepté tant ce recours au médiateur que les recommandations qui en ont émané.

Les stipulations de l'article X des conditions générales visant à instituer un préalable amiable de règlement des litiges, le terme d'expertise employé doit être compris au sens large de recours à un tiers «'sachant'» et non limité au seul champ strictement technique.

La cour observera que la société Ovinalp n'a pas fait le choix de saisir un expert technique et ne peut en faire grief à la société Edf.

Compte tenu de la nature des contestations, le recours préalable au médiateur doit être considéré comme satisfaisant aux stipulations contractuelles.

En conséquence, la fin de non recevoir sera rejetée et la société Edf sera déclarée recevable en sa demande de paiement.

2°) sur la demande en paiement':

La société Enedis, à qui incombait la vérification régulière de la conformité des points de livraison, produit une fiche informatique dont l'examen confirme une intervention technique le 31 mai 2013 et une «'validation'» le 5 juin suivant.

Dans son courrier du 24 juin 2013, Enedis précise que l'information relative à l'erreur de paramétrage a été fournie à la société Ovinalp dès le jour de l'intervention par son technicien qui a en outre rencontré le responsable technique de la société.

Si la société Ovinalp soulève cependant dans le cadre de l'instance judiciaire l'absence de constatation contradictoire du mauvais paramétrage du compteur, les échanges de courriers versés aux débats démontrent qu'elle n'avait jusqu'alors pas contesté la réalité du dysfonctionnement invoqué, y compris lorsqu'elle a saisi le médiateur, son opposition au paiement étant fondée sur le fait que ces dysfonctionnements ne pouvaient lui être imputés et que les conditions de règlement qui lui étaient proposées se révélaient insatisfaisantes.

Pour autant, les relevés de consommation produits y compris par la société Ovinalp elle-même ne font que confirmer une réduction particulièrement importante de la consommation enregistrée par le nouveau compteur partir du mois de juin 2010, sans que la société Ovinalp, qui prétend avoir réalisé à cette époque des investissements en matière d'économie d'énergie expliquant cette situation, n'en rapporte la moindre preuve.

Ces mêmes éléments démontrent qu'après reparamétrage du compteur, les consommations enregistrées après juin 2013 sont redevenues cohérentes avec celles antérieures à juin 2010.

La contestation tardive de l'erreur de paramétrage du compteur par la société Ovinalp n'est pas étayée et ne permet pas de remettre en cause sa constatation.

Le redressement des volumes de consommation est prévu par les conditions générales du contrat dans leur article V qui stipule que: «'en cas d'arrêt ou de fonctionnement défectueux des appareils de mesure, la consommation exacte est calculée en prenant comme base la moyenne journalière du mois correspondant de l'année précédente, corrigée pour tenir compte de la nouvelle puissance souscrite si elle a été modifiée entre temps, à moins que des indications plus précises ne permettent de la déterminer sur d'autres bases'».

Au cas particulier, le société Erdf a expliqué que par suite de l'erreur de paramétrage du compteur, l'intensité du courant divisée par 400 par les transformateurs avant son entrée dans le système de comptage était multipliée par 200 par ce dernier, qui n'enregistrait en conséquence que la moitié de la livraison réelle d'énergie.

Ce n'est donc pas sur des moyennes de consommation, méthode au demeurant prévue par le contrat, mais sur la base des relevés des consommations enregistrées entre le 27 juillet 2010 et le 4 juin 2013 que la société Erdf a procédé au redressement des volumes d'électricité livrés à la société Ovinalp pour un total de 2.492.994 kWh avec une répartition identique sur les différentes tranches tarifaires.

Conformément à sa propre méthodologie, la société Erdf a appliqué un abattement de 10'% sur les volumes redressés ramenés à un total de 2.243.696 kWh.

Le redressement opéré a donc respecté les stipulations contractuelles liant la société Ovinalp à la société Edf.

Les trois factures rectificatives en date des 25 septembre et 28 octobre 2013 ont été établies sur la base de ce volume redressé pour un montant total de 190.761,15 € Ttc et la société Edf justifie avoir également émis le 3 juillet 2014, une facture en faveur de sa cliente mettant en 'uvre la nouvelle décôte de 10'% recommandée par le médiateur pour une somme de 13.812,46 € Ttc. Cette dernière facture venant en déduction de la suivante, elle a déjà bénéficié à la société Ovinalp par compensation et ne saurait être déduite une deuxième fois à son profit sans provoquer un enrichissement sans cause.

C'est donc bien la somme de 190.761,15 € Ttc que la société Edf est en droit de réclamer à sa cliente.

Le jugement de première instance sera infirmé et la société Ovinalp sera condamnée à payer à la société Edf la somme de 190.761,15 € Ttc.

3°) sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts':

Il n'est pas discuté que l'erreur de paramétrage du compteur ne résulte pas de l'intervention de la société Ovinalp, mais a été commise lors de son installation par la société Erdf devenue Enedis.

L'article V des conditions générales du contrat de fourniture d'énergie dispose que les appareils de mesure sont fournis et posés aux frais d'Edf, réglés et plombés par celle-ci ; que leur contrôle, entretien et renouvellement sont assurés par Edf.

Depuis le 1er janvier 2008 et conformément aux dispositions du code de l'énergie, la société Enedis est devenue seule responsable de la distribution de l'énergie électrique produite par la société Edf et supporte à ce titre la responsabilité des installations d'acheminement, de branchement et de comptage d'électricité.

La société Enedis, venant aux droits de la société Edf, a donc repris à son compte l'exécution des obligations relatives aux appareils de mesure souscrites par cette dernière à l'égard de sa cliente.

En conséquence, l'erreur de paramétrage du système de mesure de l'énergie lors de son remplacement le 27 juillet 2010, constitue une faute dans l'exécution de ces obligation qui engage sa responsabilité à l'égard de la société Ovinalp.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté la responsabilité d'Enedis dans l'erreur de paramétrage du compteur.

La société Ovinalp se prévaut d'un manque à gagner de 571.500 € résultant du fait qu'elle n'a pu répercuter le coût de l'énergie consommée sur le prix de vente de ces produits. Cette perte de chance alléguée n'est étayée par la production d'aucun justificatif, notamment comptable.

De surcroît, en procédant par un calcul sur 9 années, elle prétend pouvoir répercuter sur des exercices antérieurs (2007 à 2010) la charge de coût énergétique correspondant à la période de juillet 2010 à juin 2013 et omet de prendre en compte les conséquences financières des économies qu'elle a ainsi réalisées pendant 3 années, au cours desquelles elle a consommé de l'énergie à crédit et sans frais.

La demande d'indemnisation ne peut prospérer et la cour confirmera le jugement en ce qu'il a rejeté les prétentions indemnitaires de la société Ovinalp.

PAR CES MOTIFS':

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de gap en date du 19 janvier 2018 sauf en ce qu'il a':

- condamné la société Ovinalp à payer à Edf la somme de 171.685,04 € Ttc, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- ordonné le partage des dépens entre les parties';

Statuant à nouveau';

Condamne la Sas Ovinalp Fertilisation à payer à la Sa Électricité de France la somme de 190'761,15 € Ttc';

Y ajoutant ;

Condamne la Sas Ovinalp Fertilisation à payer à la Sa Électricité de France et à la Sa Enedis la somme complémentaire en cause d'appel de 1500 € chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Sas Ovinalp Fertilisation aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Mme GONZALEZ, Président et par Mme RICHET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18/01202
Date de la décision : 01/10/2020

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°18/01202 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-01;18.01202 ?
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