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07/07/2020 | FRANCE | N°18/02890

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 07 juillet 2020, 18/02890


N° RG 18/02890 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JS3T

HC

N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT



la SELARL LEXAVOUE [Localité 4]



AU NOM DU PEU

PLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 07 JUILLET 2020







Appel d'un Jugement (N° R.G. 16/00295)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP

en date du 16 janvier 2018

suivant déclaration d'appel du 28 Juin 2018





APPELANT :



Me [F] [N]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représenté par...

N° RG 18/02890 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JS3T

HC

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT

la SELARL LEXAVOUE [Localité 4]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 07 JUILLET 2020

Appel d'un Jugement (N° R.G. 16/00295)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP

en date du 16 janvier 2018

suivant déclaration d'appel du 28 Juin 2018

APPELANT :

Me [F] [N]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Catherine GOARANT de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

Mme [V] [X]

ès qualités de Mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire du patrimoine de Monsieur [O] [H] en remplacement de Me [K] désigné par jugement du Tribunal de commerce de GAP du 14.04.2006

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ   :

Mme Hélène COMBES, Président de chambre,

Mme Dominique JACOB, Conseiller,

Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistées lors des débats de M. Frédéric STICKER, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 02 Juin 2020, Madame COMBES a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte authentique du 22 janvier 2014 reçu par Maître [F] [N] notaire à [Localité 5], [O] [H] alors en liquidation judiciaire et [R] [U] ont vendu au prix de 175.000 euros un bien immobilier situé à [Localité 3] dont ils étaient propriétaires indivis à hauteur de 50 % chacun.

Le notaire a versé aux créanciers inscrits la somme de 29.271,54 euros et a remis aux vendeurs la somme de 72.514,23 euros chacun.

Par acte du 3 mars 2016, Maître [V] [X] agissant en qualité de liquidateur de [O] [H], a assigné Maître [F] [N] en responsabilité et paiement de dommages intérêts devant le tribunal de grande instance de Gap.

Elle lui reprochait d'avoir établi l'acte de vente au mépris de la règle de dessaisissement du débiteur.

Par jugement du 16 janvier 2018, le tribunal a condamné Maître [F] [N] à payer à Maître [V] [X] es qualités la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts et celle de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Maître [F] [N] a relevé appel le 28 juin 2018.

Dans ses dernières conclusions du 18 mars 2019, il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter Maître [V] [X] de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir qu'il n'a commis aucune faute pour les motifs suivants :

- [O] [H] a fait des déclarations mensongères en indiquant qu'il n 'y avait aucun empêchement à la vente,

- la responsabilité du notaire ne peut être recherchée si aucun élément ne lui permettait de soupçonner le caractère erroné de l'information donnée par les parties,

- ce n'est qu'en cas de soupçon que le notaire doit procéder à des investigations complémentaires,

- l'inscription hypothécaire du Trésor Public qui concernait une dette du couple n'était pas de nature à éveiller de soupçon sur la situation de [O] [H],

Pour le cas où la cour retiendrait un manquement imputable au notaire, il soutient que Maître [V] [X] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice actuel et certain en lien de causalité avec la faute reprochée pour les raisons suivantes :

- le prix de vente n'aurait pu régler l'intégralité du passif et seule la somme de 72.514 euros aurait pu revenir à la liquidation judiciaire,

- les créanciers inscrits ont été réglés à concurrence de 29.271 euros, somme qui doit être déduite du total du passif,

- Maître [V] [X] ne donne aucun élément sur les réalisations d'actifs pendant 14 ans, et il reste des actifs à réaliser,

- Maître [V] [X] a engagé une procédure contre [O] [H] au terme de laquelle il a été condamné à restituer la somme de 87.500 euros et le liquidateur ne peut obtenir une double indemnisation,

- il ne faut pas confondre la chance perdue avec le bénéfice qui aurait été tiré de l'événement favorable,

- il n'y a aucun lien de causalité entre la faute et le préjudice.

- le liquidateur a fait preuve d'une inertie fautive dans la réalisation des actifs,

Faisant appel incident, Maître [V] [X] demande à la cour dans ses dernières conclusions du 17 décembre 2018, de condamner Maître [F] [N] à lui payer la somme de 146.280,93 euros à titre de dommages intérêts et subsidiairement celle de 87.500 euros.

Elle réclame 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Après avoir rappelé la règle du dessaisissement du débiteur, elle invoque la faute du notaire au regard de l'obligation systématique qu'il a de vérifier la situation du vendeur au regard des procédures collectives.

Elle précise que compte tenu de l'accessibilité de l'information, notamment grâce à la version électronique du bodacc, le notaire ne peut se dispenser de consulter le site et ne peut se réfugier derrière les déclarations du vendeur.

Elle ajoute que l'inscription du Trésor Public aurait dû inciter le notaire à s'interroger sur les raisons d'être d'une telle garantie.

Sur le préjudice subi par la procédure collective, elle fait valoir que la totalité du produit de la vente aurait dû être appréhendée par le liquidateur .

S'agissant du bien immobilier dont [O] [H] est propriétaire à [Localité 6], elle soutient qu'il ne s'agit pas d'une alternative sérieuse compte tenu de la valeur du bien et de la part de [O] [H] (30 %).

Elle conteste toute incidence sur la présente instance, de l'action en inopposabilité de la vente engagée contre [O] [H].

Elle conteste toute inertie fautive de sa part et soutient qu'en toute hypothèse, [F] [N] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice en lien de causalité.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mai 2020.

DISCUSSION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

Il est acquis aux débats que lors de la vente du bien immobilier reçue par Maître [F] [N] le 22 janvier 2014, [O] [H] était en liquidation judiciaire depuis le 10 janvier 2003, ce qui avait fait l'objet d'une publication au Bodacc le 7 février 2003 et d'une mention au Registre du commerce et des sociétés, la qualité de commerçant de [O] [H] n'étant pas discutée.

Selon une jurisprudence constante, le notaire est tenu de vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une publicité légale, les déclarations faites par le vendeur qui conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'il dresse.

Il appartenait dès lors à Maître [F] [N] de vérifier les déclarations de [O] [H] sur sa capacité à disposer librement de ses biens, notamment en procédant à la consultation des publications légales afférentes aux procédures collectives.

C'est par une exacte appréciation des éléments qui lui étaient soumis que le premier juge a retenu la faute de Maître [F] [N] en ce qu'il s'est abstenu de vérifier la capacité de [O] [H] à conclure l'acte de vente.

En revanche c'est à tort que le premier juge a considéré que le préjudice subi par la liquidation judiciaire s'analyse en une perte de chance de réaliser la vente à un prix supérieur, alors que le préjudice directement causé par la faute commise s'établit au montant de la somme qui aurait dû revenir aux créanciers et qui a été directement versée à [O] [H] soit 72.514,23 euros.

C'est à tort que Maître [F] [N] tente de s'exonérer de sa faute en invoquant le délai mis par le liquidateur à réaliser les actifs, question totalement indépendante du litige soumis à la cour.

En outre, l'action en paiement engagée par Maître [V] [X] à l'encontre de [O] [H] n'est pas de nature à faire obstacle à l'action en réparation engagée contre le notaire du fait de la faute commise par lui.

Le jugement sera infirmé et Maître [F] [N] condamné à payer à Maître [V] [X] es qualités la somme de 72.514,23 euros outre intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2018.

Il sera alloué à Maître [V] [X] es qualités la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement

- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu la faute de Maître [F] [N].

- L'infirmant sur le montant des dommages intérêts, condamne Maître [F] [N] à payer à Maître [V] [X] es qualités la somme de 72.514,23 euros outre intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2018.

- Y ajoutant, condamne Maître [F] [N] à payer à Maître [V] [X] es qualités la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.

- Condamne Maître [F] [N] aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 18/02890
Date de la décision : 07/07/2020

Références :

Cour d'appel de Grenoble 01, arrêt n°18/02890 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-07;18.02890 ?
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