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11/06/2020 | FRANCE | N°18/01059

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 11 juin 2020, 18/01059


N° RG 18/01059 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JNZJ



LB



Minute :









































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE



Me Jean francois COPPERE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRE

NOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 11 JUIN 2020







Appel d'une décision (N° RG 2017J29) rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE en date du 24 janvier 2018 suivant déclaration d'appel du 05 Mars 2018





APPELANTE :

SAS SOPRIM, immatriculée au RCS de LYON sous le n° 412 160 509, agissant poursuites et diligences de ses représentant...

N° RG 18/01059 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JNZJ

LB

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

Me Jean francois COPPERE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 11 JUIN 2020

Appel d'une décision (N° RG 2017J29) rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE en date du 24 janvier 2018 suivant déclaration d'appel du 05 Mars 2018

APPELANTE :

SAS SOPRIM, immatriculée au RCS de LYON sous le n° 412 160 509, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué et plaidant par Me Charline VUILLERMOZ, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SARL EXPRESS AUTO, immatriculée au RCS de ROMANS sous le n° 485 108 6700021, prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée et plaidant par Me Jean francois COPPERE, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Patricia GONZALEZ, Président de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Février 2020

M. Lionel BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Anne BUREL, Greffier, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile.

L'affaire a été mise en délibéré au 16 avril 2020, puis le délibéré a été prorogé à la date de ce jour en raison de l'état d'urgence sanitaire.

Faits et procédure:

La SAS SOPRIM exploite l'activité de vente de tous matériaux automobiles et de vente de véhicules automobiles d'occasion.

Dans le cadre de cette activité, la SAS SOPRIM a acquis le 20 mai 2015, auprès de la société EXPRESS AUTO sous l'enseigne AVENIR AUTO PRESTIGE, un véhicule d'occasion de marque PORSCHE, série Cayman, année 2006.

Le 28 mai 2015, ce véhicule a été utilisé sur le circuit de [Localité 5], et un incident mécanique est survenu amenant Monsieur [R], représentant légal de l'acquéreur, à arrêter le véhicule et à le rapatrier. La société EXPRESS AUTO a accepté de prendre en charge la réparation, en présence de Monsieur [R], assisté d'un proche en la personne de Monsieur [C], agréé en expertise automobile. Ce véhicule a été repris le 1er octobre 2015 et Monsieur [R] l'a ramené au siège de la SAS SOPRIM.

Celle-ci a cédé le 27 avril 2016 ce véhicule à la SARL AYGON MECANIC SERVICE, laquelle a constaté le 7 mai 2016 un incident moteur lors de son utilisation sur le circuit du [Localité 6].

La SAS SOPRIM a décidé de rechercher un nouveau bloc moteur, en substitution du moteur initial, et un accord est intervenu le 16 juin 2016 avec la société FLAT 6 pour l'acquisition d'un bloc moteur neuf.

Le 6 octobre 2016, la SAS SOPRIM a adressé à la société EXPRESS AUTO une lettre mettant en exergue sa responsabilité sur la base du rapport établi par Monsieur [C].

Le 26 décembre 2016, la SAS SOPRIM a saisi le tribunal de commerce de Romans sur Isère, afin de voir condamner, en application des dispositions des articles 1641 et suivants, 1147 et suivants du code civil, la société EXPRESS AUTO à lui payer 22.934,24 euros à titre de dommages et intérêts, outre 3.000 € par application de l'Article 700 du Code de Procédure Civile, avec exécution provisoire.

Par jugement du 24 janvier 2018, le tribunal de commerce :

- a déclaré irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir, l'action de la SAS SOPRIM,

--a rejeté ses demandes,

- a dit n'avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- a dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de ce jugement,

- a condamné la société SAS SOPRIM aux dépens.

Cette dernière a frappé d'appel ce jugement le 5 mars 2018.

Prétentions et moyens de la SAS SOPRIM':

Selon ses dernières conclusions remises le 5 avril 2019, elle demande à la cour, au visa des articles 1147 (ancien) et 1641 du Code Civil, 31 du Code de Procédure Civile, de':

- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris';

- de dire qu'elle a été contrainte de prendre à sa charge les frais liés à la réparation du véhicule de marque Porsche à la suite des réclamations formulées par la société AYGON MECANIC SERVICE, acheteur final';

- qu'elle a ainsi subi un préjudice et qu'elle a un intérêt à agir direct et certain à l'encontre de la société EXPRESS AUTO en raison du préjudice qu'elle a subi, de juger son action recevable et bien fondée,

- à titre principal, de dire que le véhicule était affecté, au jour de la vente, d'un vice caché le rendant impropre à sa destination qu'elle ne pouvait déceler';

- de condamner la société EXPRESS AUTO à lui payer la somme de 22.934,24 € à titre de dommages et intérêts';

- subsidiairement, de juger que la société EXPRESS AUTO a failli à ses obligations contractuelles en procédant à des réparations inefficaces sur ledit véhicule au cours de l'année 2015, qu'elle a ainsi commis une faute à son égard';

- de la condamner à lui payer 22.934,24 € à titre de dommages-intérêts';

- de la condamner à lui payer 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens distraits au profit de Maître GRIMAUD, avocat.

Elle expose':

- que le véhicule proposé à la vente sur le site marchand leboncoin.fr, est entré en circulation en 2006 et était destiné au pilotage sur circuit automobile, tout en étant parfaitement adaptable à la conduite sur route, présentant un kilométrage faible de 15.246 km, pour une puissance de 295 chevaux, avec l'indication que le moteur était entièrement révisé'; que la vente a été consentie moyennant 35.000 € TTC payée selon deux factures du 20 mai 2015 pour 28.000 euros, par la reprise d'un véhicule BMW d'une valeur de 7.000 € par la société EXPRESS AUTO';

- que suite à cette acquisition, elle a procédé à l'équilibrage et au montage de pneus de tourisme pour un montant de 607,40 €, au remplacement d'un étrier pour un montant de 350,85 €, puis a fait enlever le véhicule, par camion plateau, le 27 mai 2015, en vue de réaliser des essais sur un circuit dijonnais dédié, mais qu'après 6 kilomètres parcourus, une importante fuite d'huile moteur est apparue, empêchant le véhicule de continuer sa course, ce qui a été constaté par un technicien du circuit [Localité 5] AUTO RACING, Monsieur [O]'; que ce véhicule a été directement ramené dans l'atelier de la société EXPRESS AUTO à l'aide d'une remorque, alors que la concluante s'était inscrite pour participer à une journée au circuit du Laquais organisée par la société PORSCHE';

- que l'intimée a procédé aux travaux de réparation du moteur, reconnaissant sa responsabilité dans la panne intervenue, et qu'un nouvel essai sur un autre circuit a eu lieu le 4 octobre 2015, mais, en raison de conditions climatiques très peu favorables, il n'a pas été significatif quant à la solidité du moteur du véhicule';

- que le 27 avril 2016, elle a cédé le véhicule litigieux à la société AYGON MECANIC SERVICE après 7 mois d'immobilisation totale du véhicule, pour la somme de 31.000 € TTC, le kilométrage atteignant 16.400 km, mais que lors d'un essai réalisé par le nouveau propriétaire sur circuit, le moteur du véhicule a cassé';

- qu'une expertise amiable a été réalisée sous l'égide de Monsieur [C], expert judiciaire, avec une première réunion tenue le 22 juin 2016 en présence de la société EXPRESS AUTO, assistée de son conseil, qui n'a alors émis aucune objection quant à l'intervention de l'expert; qu'à cette occasion, il a été décidé de faire procéder à la dépose du moteur dans le but de réaliser des tests, et qu'afin de ne pas pénaliser la société AYGON, la concluante a fait procéder au remplacement du moteur, acquis auprès de la société FLAT 69 pour une somme de 9.166,67 € HT soit 11.000 € TTC';

- qu'elle a fait dresser un procès-verbal de constat par Maître [M], huissier de justice, duquel il ressort qu'après l'opération, sont extraits avec difficulté les deux coussinets de bielle, visiblement hors d'usage, que les deux coussinets sont aplatis et écrasés, la déformation du métal étant venue épouser la bielle et le chapeau de bielle, qu'après extraction, des résidus métalliques des coussinets sont visibles sur le vilebrequin';

- que l'intimée s'est désintéressée des suites de l'expertise contradictoire, n'adressant aucune réponse à l'expert en dépit des sollicitations qui lui avaient été adressées, de sorte que Monsieur [C] a déposé son rapport le 23 septembre 2016 concluant à la responsabilité de la société EXPRESS AUTO compte tenu des vices affectant le véhicule et qui le rendaient impropre à sa destination'; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 octobre 2016, elle a ainsi mis en demeure la société EXPRESS AUTO, sans effet';

- que si le jugement déféré a retenu que son action est irrecevable en ce qu'elle a cédé le véhicule litigieux, au motif que dans l'hypothèse de ventes successives d'un véhicule d'occasion, l'auteur de l'action récursoire n'a d'intérêt à agir à l'encontre de son propre vendeur qu'autant qu'il est lui-même mis en cause par son propre acquéreur, le fait d'agir à l'encontre du vendeur initial ne fait pas perdre à l'acquéreur son droit à être garanti sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, quand bien même ce dernier aurait cédé dans l'intervalle le bien litigieux';

- qu'au titre de l'article 31 du Code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé; que l'article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'; qu'ainsi, si l'action en garantie se transmet en principe avec la chose vendue au sous-acquéreur, le vendeur intermédiaire ne perd pas la faculté de l'exercer quand elle présente pour lui un intérêt direct et certain contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges';

- que c'est en raison de la prise en charge des réparations que la société AYGON n'a pas fait délivrer d'assignation à l'encontre de la concluante qui a préféré régler amiablement ce litige, ce que la société EXPRESS AUTO reconnaît elle-même dans ses écritures et ne peut, sauf à faire preuve de mauvaise foi, lui reprocher';

- que le véhicule cédé par la société EXPRESS AUTO était affecté d'un vice caché le rendant impropre à sa destination et qui existait au jour de la vente, ainsi qu'il résulte de l'expertise de Monsieur [C], à laquelle a participé la société EXPRESS AUTO, de sorte que le rapport déposé par l'expert est contradictoire et lui est opposable'; qu'elle ne peut demander de l'écarter des débats';

- que selon ce rapport, le démontage a révélé que le moteur du véhicule était affecté d'un vice présent dès l'origine, le rendant impropre à sa destination puisque la bielle du cylindre n°6 rencontrait une insuf'sance de graissage qui a généré la destruction du jeu des coussinets et a donc permis au piston une course plus longue matérialisée par la percussion de la culasse'; que ce défaut est d'autant plus avéré que la partie adverse ne l'a pas décelé lors d'une intervention en 2015, étant seulement intervenue sur le seul piston 4 endommagé à l'époque, sans mener d'autres véri'cations, ce qui l'a amené à indiquer sur le site leboncoin.fr que le moteur de ce véhicule avait été entièrement révisé'; que l'expert a conclu que l'insuf'sance de traçage de la bielle 6 aurait pu être détectée en 2015, si l'intimée n'avait pas adopté une méthodologie incomplète en ne contrôlant pas la bonne lubrification de l'attelage mobile du moteur et alors que la défaillance du piston n°4 permettait à l'huile de s'échapper et donc de créer une insuffisance de graissage'; que l'expert a retenu que ce vice est antérieur à la vente conclue avec la société EXPRESS, le vendeur initial n'ayant pas vérifié, en juin 2015, l'état de la chaîne et alors que le phénomène de destruction du coussinet était nécessairement déjà présent'; que ce vice est d'une certaine gravité en ce qu'il a engendré la destruction postérieure du moteur'; que le véhicule était atteint, ainsi et dès son origine, de vices cachés, l'un des 6 pistons étant endommagé par un segment cassé et rendant le véhicule inutilisable'; qu'il est manifeste que la société EXPRESS AUTO est tenue à son égard de la garantie des vices cachés conformément à l'article 1644 du Code civil':

- que si, pour éluder sa garantie, la société EXPRESS AUTO fait valoir que la vente a été conclue entre deux professionnels et qu'elle ne pouvait donner lieu à la garantie des vices cachés, il n'en est rien, puisque le vice n'a pu être décelé que lors du démontage du moteur'; qu'il ne peut sérieusement être soutenu qu'il s'agissait d'un vice apparent et donc que l'acheteur, en sa qualité de professionnel, pouvait avoir connaissance lors de l'achat dudit véhicule'; qu'en outre, elle réalise uniquement des opérations de négoce de véhicules automobiles d'occasion et n'est en aucun cas un professionnel de la mécanique, ne disposant d'aucun atelier dans le cadre de son activité, ce qui n'est pas le cas de la société EXPRESS AUTO'; qu'elle ne pouvait donc déceler le vice résultant la dégradation du piston n°4 au moment de l'achat du véhicule';

- que si l'intimée soutient pour la première fois en appel que le rapport d'expertise sur lequel elle se base souffre de partialité dès l'instant où l'expert avait préalablement assisté et conseillé la concluante sur la réparation du véhicule, et met en doute le professionnalisme de l'expert, faisant valoir que ce dernier entretenait des relations amicales et professionnelles avec elle, elle produit une attestation de son expert-comptable, aux termes de laquelle il est confirmé qu'elle n'entretient aucun lien commercial, économique ou juridique avec l'expert sur la période du 1er avril 1997 au jour de ses conclusions'; qu'en outre, l'intimée a participé à la première réunion d'expertise qui s'est tenue dans les locaux du sous-acquéreur, assistée de son conseil, et que malgré l'accord intervenu entre toutes les parties, elle a fait le choix de ne pas se présenter à la seconde réunion bien que régulièrement convoquée, les constatations de l'expert ne lui étant pas favorables'; qu'ainsi, le rapport d'expertise amiable établi par Monsieur [C] lui est opposable'; que les conclusions de l'expert sont corroborées par le constat dressé par huissier de justice'; que la société EXPRESS AUTO ne conteste pas les termes du rapport d'expertise ni ne formule la moindre observation quant au procès-verbal de constat dressé par l'huissier de justice lors des opérations de démontage';

- concernant les préjudices subis, qu'il résulte du rapport [C] que le remplacement du moteur était la seule réparation adaptée, afin d'éviter au maximum les frais d'immobilisation et la perte de jouissance du véhicule'; qu'ils résultent de l'achat d'un nouveau moteur, de la moins-value sur la revente, de l'immobilisation entre le 28 mai 2015 et le 1er octobre 2015, au coût du constat dressé par huissier de justice, des honoraires de l'expert, des démarches effectuées, pour un total de 22.934,24 €';

- que s'il doit être considéré qu'elle ne peut bénéficier de la garantie légale des vices cachés, l'intimée a manqué à ses obligations contractuelles en ne procédant pas aux réparations nécessaires à la suite du premier sinistre survenu sur le véhicule, étant soumise à une obligation de résultat au sens de l'article 1147 (ancien) du Code Civil, en procédant à des réparations inef'caces au cours de l'année 2015 et en ne poussant pas ses investigations aux autres pièces du moteur';

- que si l'intimée prétend qu'elle ne serait tenue d'aucune obligation de résultat dès l'instant où le comportement de l'acquéreur n'était pas dépourvu de certains risques, le véhicule était destiné au pilotage sur circuit automobile et adaptable à une conduite sur route, il ne s'agit donc pas d'un simple véhicule de tourisme comme le sous-entend la partie adverse pour échapper à ses obligations contractuelles, d'autant que le kilométrage réalisé était très faible.

Prétentions et moyens de la société EXPRESS AUTO':

Selon ses dernières conclusions remises le 5 décembre 2019, elle demande':

- à titre principal, de déclarer irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir, l'action de la SAS SOPRlM';

- subsidiairement, d'écarter des débats le rapport d'expertise du 23 septembre 2016, de juger que la demande de la SAS SOPRIM, prise sur le fondement des dispositions de l'article 1641 du code civil, est mal fondée en ce qu'elle n'établit pas la preuve d'un vice caché, grave et antérieur à la vente'; en conséquence, de débouter la SAS SOPRIM de sa demande;

- de juger que la demande de la SAS SOPRIM, prise sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du code civil, est mal fondée en ce qu'elle n'établit pas la preuve des prétendus manquements contractuels, et de la débouter de même';

- de la condamner à lui verser 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

Elle oppose':

- à titre principal, sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir, que si malgré le transfert de propriété, le vendeur intermédiaire conserve la faculté d'agir à l'encontre du vendeur initial, c'est à la condition toutefois que celui-ci justifie d'un intérêt personnel, direct et certain, et que tel n'est pas le cas si le vendeur intermédiaire n'a pas été mis en cause par le sous-acquéreur'; qu'en l'espèce, l'action n'est pas consécutive à sa propre mise en cause par le sous-acquéreur, mais fait suite à l'engagement pris par la SAS SOPRIM d'acquérir un nouveau moteur dès le 16 juin 2016, écartant de fait l'option de la responsabilité du sous-acquéreur ou d'une simple réparation moteur, ainsi que le reconnaît Monsieur [C], qui a noté que Monsieur [R], qui avait vendu le véhicule la veille de la défaillance moteur, a décidé de prendre en charge 'nancièrement, un moteur de remplacement, décision comportant le risque de voir le moteur endommagé ne pas avoir une panne irréversible et surtout réparable à moindre frais';

- subsidiairement, que le rapport d'expertise est irrégulier et inexploitable, puisqu'à la différence d'un rapport d'expertise judiciaire, il n'a qu'une portée juridique limitée et ne constitue qu'un commencement de preuve'; que Monsieur [C] se trouvait placé dans l'une des causes légales de récusation prévues par les articles 234 et 237 du Code de Procédure Civile et 111-6 du Code de l'Organisation Judiciaire, puisqu'il avait précédemment conseillé et assisté la SAS SOPRIM, courant été 2015, dans l'optique de la réparation de l'automobile, objet du présent litige, les parties se mettant d'accord sur le mode opératoire de la réparation mécanique'; que son intervention préalable pour assister et conseiller la SAS SOPRIM rendait impossible toute intervention postérieure en qualité d'expert et qu'il aurait dû, en qualité d'expert judiciaire, décliner la mission confiée par l'une des parties au litige pour manque d'objectivité et d'impartialité'; que sur le fond, l'expert n'a jamais envisagé la faute de la société AYGON MECANIC SERVICE, puisque rien ne peut écarter l'idée que celle-ci ait pu intervenir sur le véhicule avant l'essai sur le circuit';

- que la preuve d'un vice caché n'est pas rapportée par la SAS SOPRIM, alors que dans l'hypothèse où la vente d'un véhicule intervient entre deux professionnels développant la même activité, le vice à le supposer établi, est présumé apparent'; qu'à supposer que l'incident moteur du 7 mai 2016 soit avéré, il ne peut pas résulter d'un vice caché préexistant à la vente, puisque la fragilité du moteur PORSCHE « Cayman '' est une information connue, sachant en outre que s'agissant d'un véhicule d'occasion âgé de 8 ans, la prévisibilité de certains défauts est l'une des caractéristiques essentielles des véhicules d'occasion';

- que l'appelante ne peut se présenter comme un néophyte au regard de sa connaissance des véhicules automobiles, alors qu'accompagnée de son conseil en la personne de Monsieur [C], elle a assisté et validé la réparation entreprise initialement';

- que plus de six mois se sont écoulés entre ladite réparation et la revente du véhicule, alors que pendant ce délai, Monsieur [R] a poussé le véhicule dans ses retranchements puisqu'il a écrit que ce véhicule ne le satisfaisait pas car jugé insuffisamment puissant.'; que la société SOPRIM est une entreprise dont l'activité consiste notamment à entreprendre sur les véhicules de marque PORSCHE des préparations moteurs ou châssis';

- concernant l'absence de faute contractuelle de sa part, que l'appelante imagine imputer l'incident mécanique dont aurait été victime le sous-acquéreur par la réparation du moteur courant 2015, mais qu'en raison des vices affectant le rapport d'expertise, la SAS SOPRIM est défaillante alors que la charge de la preuve pèse sur elle'; qu'elle omet de dire que les modalités de la réparation, quoique effectuées par la concluante, ont été décidées par Monsieur [R], assisté de son conseil en la personne de Monsieur [C]'; qu'elle ne peut, en sa qualité de réparateur, être tenue à une obligation de résultat dès l'instant où le comportement de la SAS SOPRlM n'a pas été dépourvu de certains risques, qu'elle a acceptés en utilisant le véhicule sur circuit.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

La clôture de cette procédure a été prononcée par ordonnance du président de la chambre du 12 décembre 2019 et cette procédure a été renvoyée pour être plaidée à l'audience tenue le 16 janvier 2020 puis du 20 février 2020 en raison de la grève nationale des avocats, devant Monsieur BRUNO, conseiller rapporteur, qui en a fait rapport à la cour lors de son délibéré. A l'issue, le présent arrêt a été prononcé conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

Motifs':

Il résulte des dispositions de l'article 1641 du Code civil que si l'action en garantie se transmet en principe avec la chose vendue au sous-acquéreur, le vendeur intermédiaire ne perd pas la faculté de l'exercer quand elle présente pour lui un intérêt direct et certain. Peu importe à cet égard qu'il n'ait pas été mise en cause par l'acquéreur final.

En conséquence, ainsi que soutenu par l'appelante, le tribunal de commerce n'a pas pu dire que l'auteur de l'action récursoire n'a pas un intérêt à agir à l'encontre de son propre vendeur, qu'autant qu'il a été lui-même mis en cause par son propre acquéreur, et qu'ayant cédé le bien, objet du litige, son action à l'encontre de son propre vendeur est nécessairement conditionnée par celle de son acquéreur.

En l'espèce, l'appelante justifie de l'existence d'un préjudice personnel par le fait qu'elle a dû faire remplacer le moteur, qu'elle a subi une moins-value lors de la revente du véhicule à l'acquéreur final, qu'elle a engagé des frais d'huissier et d'expert, qu'elle a subi une perte de jouissance, éléments démontrant qu'elle justifie d'un intérêt direct et certain à agir.

Le jugement déféré sera ainsi infirmé en toutes ses dispositions.

Sur le fond, Monsieur [C], expert judiciaire, est intervenu à la demande de l'appelante, après avoir convoqué les parties à une première réunion tenue le 22 juin 2016 lors de laquelle la société EXPRESS AUTO a participé, assistée de son conseil. Aucune observation n'a été faite concernant son intervention, ou concernant le fait qu'il connaissait l'une des parties. Il résulte de l'attestation du cabinet d'expertise-comptable LEXOR que la société SOPRIM n'a jamais entretenu de relations d'affaires avec l'expert.

Au titre des articles 234 et 237 du Code de procédure civile, les techniciens peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges. La partie qui entend récuser le technicien doit le faire devant le juge qui l'a commis ou devant le juge chargé du contrôle avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation. Le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité.

Au sens de l'article 111-6 du Code de l'organisation judiciaire, la récusation d'un juge peut être notamment demandée s'il a précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties.

En l'espèce, il résulte du courrier adressé le 30 mai 2016 par Monsieur [C] à la société EXPRESS AUTO la conviant à la première opération d'expertise, que cet expert a relaté avec précision les termes du litige, en précisant avoir accompagné la société SOPRIM le 15 juillet 2015 afin de l'assister, suite à la première panne constatée lors du parcours sur le circuit dijonnais. En conséquence, avant de débuter les opérations d'expertise, Monsieur [C] avait précédemment connu de l'affaire en tant que conseil de la société SOPRIM.

Cependant, malgré que ce fait ressorte avec précision de la convocation de la société intimée aux opérations d'expertise, celle-ci, bien qu'assistée de son avocat, n'a pas émis la moindre protestation.

Il s'ensuit qu'elle est irrecevable à soutenir que le rapport d'expertise amiable est ainsi irrégulier, la cause de récusation, connue, n'ayant pas été soulevée par elle lors du début des opérations d'expertise.

En outre, si la société EXPRESS AUTO n'a pas participé à la seconde réunion d'expertise tenue le 5 septembre 2016, l'appelante a fait établir, au soutien des opérations d'expertise, un constat par huissier de justice le 14 septembre 2016, concernant l'analyse du moteur après démontage.

L'intimée est en conséquence mal fondée à soutenir que le rapport d'expertise amiable serait inexploitable.

Les opérations d'expertise, bien qu'amiables, constituent un commencement de preuve, et sont à interpréter avec le constat d'huissier du 14 septembre 2016, dont les énonciations font foi jusqu'à inscription de faux.

Il résulte de ces deux pièces qu'une première intervention a été réalisée par la société EXPRESS AUTO suite à la panne survenue le 28 mai 2015 sur le circuit de [Localité 5], concernant le cylindre n°4. Ce piston a été remplacé. Le second incident est survenu le 7 mai 2016 sur le circuit du [Localité 6], et résulte d'une absence de lubrification de la bielle du cylindre n°6, qui aurait dû être détectée lors de la première intervention, alors que l'opérateur n'a pas alors contrôlé la bonne lubrification de l'attelage mobile du moteur bien que la défaillance du piston alors remplacé a permis à l'huile de s'échapper.

Il en résulte que lors de son acquisition par la société SOPRIM le 20 mai 2015, ce véhicule était affecté d'un vice caché, la première panne n'étant intervenue que huit jours plus tard, après quelques kilomètres d'utilisation. Ce premier vice a entraîné l'apparition de la seconde panne, dont la cause résulte bien ainsi de l'état du moteur avant la vente du véhicule.

Si l'intimée soutient que le vice est apparent, dans la mesure où la vente est intervenue entre professionnels, que les problèmes de moteur sont connus concernant le modèle Cayman, qu'il s'agit d'un véhicule d'occasion de sorte que certains défauts sont prévisibles, il résulte du KBIS de la société SOPRIM qu'elle a pour objet social la vente de biens, l'achat et la vente de véhicules neufs et d'occasion, le conseil et l'assistance administrative, la prévention et la médiation d'entreprises en difficulté. Aucun élément ne permet de constater qu'elle est spécialisée dans la réparation automobile.

En outre, aucun élément ne permet de constater que le constructeur a attiré l'attention du public sur des problèmes inhérents au moteur des PORSCHE Cayman ni que les problèmes rencontrés soient de notoriété public. Le fait qu'il s'agisse d'un véhicule d'occasion n'entraîne pas ipso facto le risque d'une destruction du moteur, d'autant qu'en l'espèce, ce véhicule ne totalisait que 15.540 kilomètres lors de sa vente à la société SOPRIM.

L'intimée ne peut pas plus soutenir que l'appelante aurait poussé ce véhicule dans ses derniers retranchements, alors qu'il s'agit d'une voiture de sport deux places, avec une puissance de 21 chevaux fiscaux, et donc normalement destinée à une conduite peu modérée sur circuit fermé.

Il résulte de ces éléments que le véhicule était bien ainsi affecté d'un vice caché lors de son acquisition par la société SOPRIM, dont l'importance était de nature à entraîner soit sa restitution, soit une minoration du prix, à hauteur des travaux à entreprendre.

La société SOPRIM justifie du préjudice résultant de ce vice affectant l'élément essentiel de ce type de véhicule, puisqu'afin d'éviter un litige avec l'acquéreur final, elle a procédé à l'acquisition d'un moteur neuf, ce qui se conçoit s'agissant d'un véhicule affectant un très faible kilométrage. Elle justifie en outre des frais d'expertise et d'huissier qu'elle a réglés, ainsi que d'une moins-value lors de la revente du véhicule à la société AYGON MECANIC SERVICE, le véhicule étant revendu 31.000 euros alors qu'il avait été acquis auprès de la société EXPRESS AUTO pour 35.000 euros.

Statuant ainsi à nouveau, la cour fera droit à la demande en paiement de l'appelante pour la somme totale de 22.934,24 euros.

La société EXPRESS AUTO sera condamnée à lui payer 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'article 1641 du Code civil';

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions';

Statuant à nouveau':

Déboute la société EXPRESS AUTO de l'intégralité de ses prétentions';

Reçoit l'action de la société SOPRIM et la déclare bien fondée';

Condamne en conséquence la société EXPRESS AUTO à payer à la société SOPRIM la somme de 22.934,24 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant du vice caché affectant le véhicule PORSCHE Cayman';

Condamne la société EXPRESS AUTO à payer à la société SOPRIM la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile';

Condamne la société EXPRESS AUTO aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Maître GRIMAUD, avocat';

SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par Mme RICHET, Greffier présent lors de la mise à disposition auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18/01059
Date de la décision : 11/06/2020

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°18/01059 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-11;18.01059 ?
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