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11/06/2020 | FRANCE | N°18/00668

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 11 juin 2020, 18/00668


N° RG 18/00668 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JMXH



MPB



Minute :









































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELAS FOLLET RIVOIRE



la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'AP

PEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 11 JUIN 2020





Appel d'une décision (N° RG 2016J00342)

rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 25 janvier 2018

suivant déclaration d'appel du 08 Février 2018





APPELANT :

M. [B] [F]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]



représenté par Me Renaud FOLLET de...

N° RG 18/00668 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JMXH

MPB

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELAS FOLLET RIVOIRE

la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 11 JUIN 2020

Appel d'une décision (N° RG 2016J00342)

rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 25 janvier 2018

suivant déclaration d'appel du 08 Février 2018

APPELANT :

M. [B] [F]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

représenté par Me Renaud FOLLET de la SELAS FOLLET RIVOIRE, avocat au barreau de VALENCE substituée par Me Mathieu RAYNAUD, avocat au barreau de Valence

INTIMEE :

SA BNP PARIBAS SA au capital de 2 526 774 896 € - immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 662 042 449 - ayant son siège social [Adresse 2]) - prise en la personne de son Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Bruno PETIT de la SELARL L.LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Patricia GONZALEZ, Président de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Février 2020, Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller qui a fait rapport assisté de , a entendu les avocats en leurs conclusions , les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile.

L'affaire a été mise en délibéré au 16 avril 2020, puis le délibéré a été prorogé à la date de ce jour en raison de l'état d'urgence sanitaire.

Par acte sous seing privé du 21 décembre 2006, la Sa BNP Paribas a accordé à la Sarl [F] un prêt de 180.000 € et M [B] [F] s'est porté caution du remboursement de ce prêt dans la limite de 234.390 € et sur une durée de 150 mois.

Le 11 juillet 2007, M [B] [F] a consenti à cautionner l'ensemble des obligations contractées par la société [F] à l'égard de la BNP Paribas, dans la limite de 48'000 € et pour une durée de dix ans.

Le 25 septembre 2012, la société [F] a emprunté une somme de 12.000 € auprès de la BNP Paribas et M [F] s'est à nouveau engagé en qualité de caution solidaire à hauteur de 13.800 € pour une durée de sept ans.

Par jugement du 7 septembre 2016, la société [F] a été placée en liquidation judiciaire et par lettre recommandée du 17 octobre 2016, la BNP Paribas a déclaré au passif trois créances pour les sommes de 47.471, 44 € à titre privilégié, 9071, 97 et 5789, 26 € à titre chirographaire.

Après avoir vainement mis en demeure M [F], en sa qualité de caution, de lui payer ces sommes, la BNP Paribas l'a fait assigner en paiement devant la juridiction commerciale.

Par jugement du 25 janvier 2018, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a principalement :

- dit qu'aucun manquement à l'obligation de conseil et de mise en garde ne peut être imputé à la BNP Paribas';

- condamné M [B] [F] à payer à la BNP Paribas la somme de:

. 9.071, 97 € outre intérêts au taux légal à compter du 8 septembre2016 jusqu'à la décision';

. 5.789,26 € outre intérêts au taux de 3,64 % à compter du 8 septembre 2016 jusqu'à la décision';

. 47.471,44 € outre intérêts au taux de 4,46 % à compter du 8 septembre 2016 jusqu'à la décision';

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts dus pour une année entière à compter du 2 novembre 2016';

- ordonné l'exécution provisoire de sa décision';

- accordé à M [B] [F] un délai de paiement sous la forme d'une période de différé de 24 mois, étant précisé que les sommes dues ainsi reportées seront productives d'intérêts ramenés au taux légal,

- dit que l'équité ne commandait pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile';

- liquidé et mis à la charge de M [B] [F] les dépens.

Suivant déclaration au greffe du 8 février 2018, M [F] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 17 janvier 2019, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé de ses moyens, M [F] demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a':

. dit qu'aucun manquement à l'obligation de conseil et de mise en garde ne peut être imputé à la BNP Paribas,

. constaté l'absence de disproportion entre les engagements garantis par la caution et son patrimoine et ses revenus au jour de son engagement,

. condamné M [B] [F] à payer à la BNP Paribas la somme de :

- 9 071,97 €, outre intérêts légaux à compter du 8 septembre 2016 en garantie du solde débiteur du compte courant n° 100281-41 de la société [F] ;

- 5 789,26 €, outre intérêts légaux à compter du 8 septembre 2016 en garantie du solde d'un prêt consenti à la société [F] ;

- 47.471,44 €, outre intérêts légaux à compter du 8 septembre 2016 en garantie du solde d'un prêt consenti à la société [F] ;

. ordonné la capitalisation annuelle des intérêts dus pour une année entière à compter du 2 novembre 2016, date de signification de l'assignation, en application des dispositions de l'article 1154 du code civil';

- dire et juger que la société BNP Paribas ne justifie pas avoir respecté son obligation de mise en garde';

- la condamner au paiement de dommages et intérêts dont le quantum sera identique aux sommes sollicitées par elle à l'encontre de M [F]';

- ordonner la compensation judiciaire des créances et dettes réciproques';

- à titre subsidiaire,

- dire et juger disproportionné le cautionnement souscrit par M [F]';

- déclarer inopposable à M [F] le contrat de cautionnement litigieux';

- à titre infiniment subsidiaire,

- allouer à M [F] un délai de grâce pour s'exécuter';

- dire et juger que M [F] procédera au paiement des condamnations éventuellement prononcées à son encontre à l'issue d'un délai de 24 mois commençant à courir à compter de la signification du jugement à intervenir';

- en tout état de cause,

- condamner la société BNP Paribas à payer à M [F] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamner la société BNP Paribas aux entiers dépens de l'instance.

M [F] entend se prévaloir de la violation par l'établissement de crédit de son obligation de mise en garde à son égard, considérant être une caution profane, s'agissant de sa première expérience de dirigeant d'une société.

Il soutient que l'engagement de caution consenti en 2006 était disproportionné et que sa situation patrimoniale ne s'est pas améliorée et ne lui permet pas de faire face à son engagement.

Au terme de ses conclusions notifiées le 21 novembre 2018, la BNP Paribas entend voir :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. dit qu'aucun manquement à l'obligation de conseil et de mise en garde ne peut être imputé à la BNP Paribas ;

. constaté l'absence de disproportion entre les engagements garantis par la caution en 2007 et 2012 et son patrimoine et ses revenus au jour desdits engagements ;

. ordonné la capitalisation annuelle des intérêts ;

. condamné M [F] aux dépens de première instance.

- pour le surplus, par substitution de motifs ;

- constater que le patrimoine de M [F] au moment où celui-ci est recherché lui permet de faire face à son obligation de garantir la dette inhérente au prêt consenti en 2006, soit la somme de 47 471,44 € outre intérêts au taux de 4,46 % par an';

- débouter M [F] de toutes fins et prétentions contraires comme étant mal fondées';

- condamner M [F] à payer à la BNP Paribas les sommes de 9.071,97 € outre intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2016 avec capitalisation, puis celle de 5.789,26 € outre intérêts au taux de 3,64 % par an à compter du 8 septembre 2016 avec capitalisation, et celle de 47.471,44 € outre intérêts au taux de 4,46 % par an à compter du 8 septembre 2016 avec capitalisation';

- faisant droit à l'appel incident ;

- débouter M [F] de sa demande de délais.

- condamner M [F] à payer à la BNP Paribas une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamner M [F] aux dépens d'appel.

La BNP Paribas considère que M [F] était une caution avertie et qu'elle n'était pas tenue à son égard d'un devoir de mise en garde'; que l'engagement de caution n'était pas disproportionné au biens et revenus de M [F] qui demeure propriétaire d'un patrimoine immobilier au jour où il est appelé.

La clôture de la procédure est intervenue le 12 décembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION':

1°) sur le devoir de mise en garde':

Un établissement de crédit est tenu à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Si la BNP Paribas ne justifie pas avoir recueilli par écrit des informations sur la situation patrimoniale de M [F] à l'occasion des deux premiers cautionnements, c'est en toute hypothèse à la caution, qui se prétend créancière de l'obligation de mise en garde, de démontrer l'existence, au jour du contrat, de la disproportion de son engagement et de risques d'endettement qui seraient nés de l'octroi de la somme prêtée.

A la date du premier cautionnement le 21 décembre 2006, il est établi par les productions que M [F] détenait 50'% du capital social de la Sarl [F] exploitante du fonds de commerce de restauration et hôtellerie acquis en mai 2003 au prix de 259.163 € et 50'% des parts sociales de la Sci Cedane propriétaire des murs acquis en septembre 2004 qui figurent aux bilans clos les 31 décembre 2005 et 2006 pour une valeur de 426.857 €.

M [F] ne produit aucun élément relatif à ses revenus de l'année 2006.

Ainsi, à la date de souscription du cautionnement à hauteur de 234.390 €, son assise patrimoniale pouvait être évaluée à environ 343.000 €.

Par ailleurs, il n'est produit aucune pièce comptable de la société [F] qui permette de constater qu'au 21 décembre 2006, ses capacités financières ne lui permettait pas de faire face au prêt cautionné. Comme l'a d'ailleurs relevé le tribunal, les mensualités d'amortissement de ce prêt ont été honorées pendant neuf années.

Ainsi, M [F] ne peut prétendre que la BNP Paribas était tenue à son égard, qu'il soit caution avertie ou profane, d'un devoir de mise en garde en l'absence d'inadaptation de son engagement de caution à ses capacités financières comme de risque d'endettement résultant du prêt consenti à sa société.

En l'absence de tout élément nouveau, l'état patrimonial de la caution comme celui de la société [F] à la date du second cautionnement du 11 juillet 2007, étaient identiques et ne révélait aucune inadéquation de l'engagement supplémentaire pris dans la limite de 48'000 €, le total des engagements pris par M [F], soit 282.390 € étant toujours inférieur à la valeur de son patrimoine.

Lors de la souscription du dernier engagement de caution, le 25 septembre 2012 à hauteur de 13.800 €, M [F] a rempli une fiche de renseignements dans laquelle il a déclaré un revenu personnel annuel de 33.000 €, auquel s'ajoutaient les 24.000 € de revenus de son épouse commune en biens, ainsi qu'un patrimoine familial de 1.430.000 € grevé de 757.780 € de charges d'emprunts.

Sa capacité financière personnelle nette déclarée demeurait donc de plus de 336.000 € et n'était pas épuisée par le cumul des cautionnements consentis.

Il n'apparaît pas non plus qu'à cette date, la société [F] n'était pas en capacité de faire face au remboursement d'un prêt de 12.000 € remboursable par mensualités de 222, 15 € et destiné à financer un programme d'investissements.

Ainsi, lors de la souscription de ce dernier cautionnement, l'établissement de crédit n'était pas tenu à un devoir de mise en garde à l'égard de M [F] qui disposait alors d'une solide expérience de neuf années de la vie des affaires, au cours de laquelle il avait été amené à contracter plusieurs emprunts et consentir plusieurs types de garanties telles que cautionnements, nantissement de fonds de commerce et hypothèques conventionnelles.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la BNP Paribas n'avait manqué à aucun devoir de conseil à l'égard de M [F], mais sera complété en ce qu'il n'a pas débouté M [F] de sa demande de dommages et intérêts.

2°) sur la disproportion du cautionnement':

Aux termes de l'article L.341-4 du code de la consommation applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La charge de la preuve de la disproportion manifeste pèse sur la caution qui entend s'en prévaloir et ne dépend pas de la vérification ou non par la banque de la situation patrimoniale de la caution.

Il résulte de ce qui précède sur l'examen du devoir de mise en garde que M [F] ne démontre pas l'existence d'une disproportion manifeste au sens de l'article L.341-4 du code de la consommation, entre le montant de son engagement de caution du 21 décembre 2006 et celui de ses biens et revenus.

La BNP Paribas est en conséquence bien fondée à se prévaloir du bénéfice de ces engagements à l'encontre de M [F] et le jugement devra être confirmé en ce qu'il l'a condamné au paiement des sommes dont le montant n'est pas contesté.

3°) sur les délais de paiement':

M [F] a été mis en demeure d'exécuter son engagement de caution dès le 25 juin 2015 et a bénéficié en première instance d'une mesure de report de l'exigibilité de sa dette de deux années au cours desquelles aucun paiement n'est intervenu.

Par l'effet des instances successives, un délai de près de cinq ans lui a déjà été octroyé de fait, ce qui conduira la cour à rejeter sa demande de délai de grâce.

En conséquence, le tribunal ayant cru nécessaire de stopper le cours des intérêts au taux contractuel sur les sommes dues à compter de son jugement, il y aura lieu de préciser que ces intérêts continueront à courir au-delà du 25 janvier 2018.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère en date du 25 janvier 2018 sauf en ce qu'il a accordé à M [B] [F] un délai de paiement sous la forme d'un différé de 24 mois';

Statuant à nouveau';

DEBOUTE M [B] [F] de sa demande de délais de paiement';

Y ajoutant';

DEBOUTE M [B] [F] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'obligation de mise en garde';

DIT que les intérêts seront dus au taux contractuel au delà du 25 janvier 2018';

REJETTE les demandes de condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE M [B] [F] aux dépens de son appel.

SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par Mme RICHET, Greffier présent lors de la mise à disposition auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18/00668
Date de la décision : 11/06/2020

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°18/00668 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-11;18.00668 ?
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