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02/06/2020 | FRANCE | N°18/05093

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 02 juin 2020, 18/05093


N° RG 18/05093 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JZOJ

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N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée



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à :



la SCP GIROUD STAUFFERT-GIROUD



la SELARL CABINET GREGORY DELHOMME

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 2 JUIN 2020





Appel d'un Jugement (N° R.G. 17/00716)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE

en date du 08 novembre 2018

suivant déclaration d'appel du 13 Décembre 2018



APPELANTS :



Madame [E] [V]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 11]

de nationalité Française

[...

N° RG 18/05093 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JZOJ

DJ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SCP GIROUD STAUFFERT-GIROUD

la SELARL CABINET GREGORY DELHOMME

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 2 JUIN 2020

Appel d'un Jugement (N° R.G. 17/00716)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE

en date du 08 novembre 2018

suivant déclaration d'appel du 13 Décembre 2018

APPELANTS :

Madame [E] [V]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 7]

Monsieur [Z] [Y]

né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentés par Me Patrice GIROUD de la SCP GIROUD STAUFFERT-GIROUD, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMES :

Monsieur [D] [F]

né le [Date naissance 5] 1982 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 9]

Madame [J] [N]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentés par Me Gregory DELHOMME de la SELARL CABINET GREGORY DELHOMME, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ   :

Mme Hélène COMBES, Président de chambre,

Mme Dominique JACOB, Conseiller,

Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistées lors des débats de Mme Anne BUREL, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Février 2020, Madame [H] a été entendue en son rapport.

Et l'affaire a été mise en délibéré au 17 mars 2020, puis le délibéré a été prorogé à la date de ce jour en raison de l'état d'urgence sanitaire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 10 décembre 2013, [J] [N] et [D] [F] ont acquis de [E] [V] et [Z] [Y] une maison d'habitation située à [Localité 9], au prix de 185.000 euros.

Invoquant des infiltrations en toiture et une mauvaise évacuation des eaux usées, ils ont obtenu, par ordonnance de référé du 28 août 2015, une expertise confiée à [K] [X].

L'expert a déposé son rapport le 6 mai 2016.

Par acte du 17 février 2017, [J] [N] et [D] [F] ont assigné [E] [V] et [Z] [Y] devant le tribunal de grande instance de Valence en résolution de la vente pour vices cachés.

Par jugement du 8 novembre 2018, le tribunal a :

- prononcé la résolution de la vente,

- condamné solidairement [E] [V] et [Z] [Y] à restituer à [J] [N] et [D] [F] la somme de 198.000 euros au titre du prix et des frais liés à la vente,

- condamné solidairement [E] [V] et [Z] [Y] à payer à [J] [N] et [D] [F] les sommes de :

- 3.517 euros au titre des frais d'expertise, d'assignation en référé et de constat d'huissier,

- 7.169,46 euros au titre des frais d'amélioration,

- 15.696,99 euros au titre des frais de dossier et d'intérêts bancaires,

- 79,90 euros par mois depuis le 5 janvier 2014 jusqu'à la restitution du prix de vente, au titre des frais d'assurance du prêt,

- 3.836 euros au titre des taxes foncières,

- 16.400 euros au titre du préjudice de jouissance,

- 1.000 euros au titre du préjudice moral,

- 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté [J] [N] et [D] [F] de leur demande au titre des frais de remboursement anticipé du prêt et des frais de relogement,

- condamné [E] [V] et [Z] [Y] aux dépens.

[E] [V] et [Z] [Y] ont relevé appel le 13 décembre 2018.

Dans leurs dernières conclusions du 2 décembre 2019, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement et de :

- débouter [J] [N] et [D] [F] de l'ensemble de leurs demandes,

- subsidiairement, ordonner une expertise à l'effet de constater l'état actuel du bien et de déterminer le coût réel des réparations,

- ordonner la diminution du prix à hauteur du coût des réparations, sans procéder à l'annulation de la vente,

- condamner [J] [N] et [D] [F] à leur verser, à chacun d'eux, la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Ils contestent l'existence de vices cachés, faisant valoir que :

- la maison est une construction ancienne, antérieure à 1949, ce que les acquéreurs ne pouvaient ignorer,

- les constatations réalisées dans le cadre de l'expertise judiciaire démontrent que le réseau des eaux usées dysfonctionne en raison de son ancienneté et de sa détérioration par suite de l'usage normal de l'installation,

- il est de jurisprudence constante que les désordres affectant le bien vendu, dont la cause est la vétusté et l'ancienneté du bien, interdisent aux acheteurs de se prévaloir de l'existence de vices cachés,

- le tribunal a considéré à tort que les débordements étaient liés non pas à la vétusté de l'installation mais à un défaut de conception, alors que le réseau a fonctionné durant plus de 60 ans sans difficulté,

- les acquéreurs connaissaient, avant la réitération de la vente, les problèmes d'infiltrations en toiture qui étaient visibles (bandes de goudron sur le toit et traces au plafond du couloir),

- les acquéreurs avaient été informés de l'état de vétusté de la toiture et de la nécessité d'effectuer des travaux de reprise de l'étanchéité,

- le prix de vente a été baissé en raison des travaux à prévoir.

Ils soutiennent que [J] [N] et [D] [F] ont occupé les lieux en surchargeant les évacuations d'eaux usées (installation d'une baignoire et d'un lave-linge) sans procéder à aucune remise en état du réseau et qu'ils n'ont pas rénové la toiture, laissant la maison se dégrader.

Ils ajoutent que la restitution du bien dans l'état où il a été pris par les acquéreurs n'étant pas possible, il ne saurait y avoir lieu à résolution de la vente.

Dans leurs dernières conclusions du 15 novembre 2019, [J] [N] et [D] [F] demandent à la cour de confirmer le jugement, sauf à augmenter le montant des dommages et intérêts pour préjudice moral à la somme de 5.000 euros et à condamner [E] [V] et [Z] [Y] à leur payer :

- les frais de remboursement anticipé du prêt bancaire (3% du capital restant dû),

- 850 euros au titre des frais d'agence immobilière pour leur relogement,

- 817 euros par mois au titre de leur relogement, à compter du 15 juillet 2017 jusqu'au remboursement intégral du prix de vente,

- 1.387 euros au titre de la taxe foncière 2015/2016.

Ils réclament 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation des appelants aux dépens comprenant les frais de constat d'huissier de justice du 26 février 2015 et l'intégralité des frais d'expertise judiciaire.

Ils font valoir que :

- le soir même de leur installation, le 7 février 2014, ils ont constaté une mauvaise évacuation des eaux usées,

- seule l'expertise judiciaire a permis de constater, notamment par l'exploration vidéo, l'existence des vices et leur ampleur,

- s'ils avaient aperçu, avant la vente, des traces d'infiltration dans le couloir à côté des chambres, ils n'ont jamais eu connaissance de l'ampleur des infiltrations dont l'expert a constaté qu'elles sont généralisées à toute la maison,

- l'agence immobilière, tout comme le notaire, ne les ont pas informés des désordres affectant la toiture,

- les désordres constatés constituent des vices cachés, antérieurs à la vente et rendant la maison impropre à l'usage d'habitation,

- les vendeurs connaissaient l'existence et la gravité des vices qu'ils leur ont volontairement dissimulés et ne peuvent se prévaloir de la clause de non-garantie.

L'instruction a été clôturée le 17 décembre 2019.

Initialement fixée à l'audience du 13 janvier 2020, l'affaire a été renvoyée à plusieurs reprises à la demande des parties en raison d'un mouvement de grève des avocats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

Le vendeur est tenu, en application de l'article 1641 du code civil, de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

[J] [N] et [D] [F] invoquent l'existence de vices affectant le réseau des eaux usées et la toiture, qu'ils indiquent avoir constatés après leur installation dans les lieux.

Ils justifient avoir adressé une lettre recommandée aux vendeurs le 19 février 2014 pour se plaindre de ces désordres, puis avoir fait établir un procès-verbal de constat le 26 février 2015, avant d'obtenir une expertise judiciaire.

Sur le système d'évacuation des eaux usées

Selon le tableau du dossier de diagnostics techniques figurant pages 20 et 21 de l'acte de vente du 10 décembre 2013, l'immeuble n'est pas raccordé au réseau public de collecte des eaux usées, alors qu'au paragraphe 'Assainissement' (page 23), 'le vendeur déclare qu'il est raccordé au réseau d'assainissement, mais ne garantit aucunement la conformité des installations aux normes actuellement en vigueur'.

Selon l'expert judiciaire qui a fait procéder à une inspection vidéo de l'installation le 20 janvier 2016, 'le réseau est bien branché à l'égout communal' ' ce qui est corroboré par l'attestation Veolia du 19 octobre 2010 annexée à l'acte de vente du 29 novembre 2010 ' mais il est 'bouché, avec des parties inaccessibles'.

L'expert a en effet constaté que :

- le WC est complètement bouché, tous les essais faits pour le déboucher n'ayant rien donné,

- il semble s'évacuer dans une ancienne fosse septique en très mauvais état, située sous la cloison du bureau et du dégagement ; des morceaux de béton se désagrègent ;

- la sortie du regard buanderie, bouchée, n'a pu être définie ; elle débouche sur un T ;

- la sortie cuisine donne sur un siphon dans le garage pour revenir, apparemment, dans un regard dans le jardin ; cette évacuation fonctionne pour l'instant, mais le regard du garage est plein de graisse, ce qui montre une mise en charge des eaux de cuisine ;

- l'inspection vidéo a montré un tuyau écrasé et un regard en partie détruit.

[E] [V] et [Z] [Y], sans contester l'existence de ces désordres, invoquent la vétusté de l'installation et affirment n'avoir eu à déplorer qu'une 'seule difficulté liée à un gros bourrage de papiers hygiéniques jetés dans les toilettes', alors :

- qu'ils ont, le 14 juin 2011, déclaré un sinistre à leur assureur pour le débordement du WC,

- que, selon le rapport d'intervention du plombier en date du 7 juin 2011 repris par l'expert et produit par les intimés en pièce 10, le passage d'une caméra par l'écoulement des WC a montré de nombreux coudes et embranchements gênant le passage de l'objectif, ainsi qu'un bouchon compact à environ 2 mètres, que le déboucheur haute pression n'a pas pu éliminer,

- que la solution alors proposée était de : 'Reprendre les écoulements du WC ainsi que ceux de la buanderie, les sortir par les murs afin de reprendre l'égout à l'extérieur (côté route)', ce qui n'a manifestement pas été effectué, puisque le 26 février 2015 un huissier de justice a constaté l'absence d'écoulement de l'eau de la cuvette du WC et l'expert judiciaire indique que le réseau d'évacuation des eaux usées est entièrement hors service.

Ainsi que l'a justement analysé le tribunal, il ressort de ces éléments la preuve que les canalisations d'évacuation des eaux usées sont affectées d'un vice caché préexistant à la vente et rendant l'immeuble impropre à sa destination, en ce qu'il ne permet pas l'habitation dans des conditions sanitaires décentes.

Sur les infiltrations en toiture

L'expert judiciaire a également constaté l'existence d'infiltrations généralisées à toute la maison, excepté le garage, qui affectent les plafonds de la maison et sont d'une importance telle qu'elles la rendent inhabitable.

Il indique que les infiltrations proviennent de la toiture, dont il a relevé qu'elle est très vétuste ' l'ensemble des plaques de fibrociment est hors d'usage ' et qu'elle a été réparée à plusieurs reprises, mais que les bandes goudronnées à la jonction de plusieurs plaques collent très mal et qu'une partie du faîtage est démonté.

L'expert précise que cette situation est ancienne. Il relève que [E] [V] et [Z] [Y] ont déclaré un sinistre pour des infiltrations d'eau par la couverture qui, selon le rapport d'intervention de l'expert d'assurance en date du 11 décembre 2012, avaient endommagé les plafonds de deux chambres, du séjour, du dégagement et de la salle de bain.

[J] [N] et [D] [F] ne contestent pas avoir constaté, avant la signature de l'acte de vente, des traces d'infiltrations dans le couloir à côté des chambres.

Dans la mesure où les vendeurs avaient chargé un couvreur d'intervenir sur la toiture avant l'acte de vente pour faire cesser les infiltrations, l'apparition de désordres affectant l'ensemble des plafonds constitue un vice caché dont l'ampleur et l'importance rendent l'immeuble impropre à sa destination.

Sur la résolution de la vente

Dès lors que les vendeurs connaissaient les vices affectant l'évacuation des eaux usées et la toiture, ils ne peuvent se prévaloir de la clause de non garantie insérée à l'acte de vente stipulant que l'acquéreur prendra l'immeuble dans son état au jour de l'entrée en jouissance sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit et notamment pour vices même cachés.

L'expert a chiffré le coût des travaux de reprise du réseau des eaux usées à 5.916,90 euros TTC et de la couverture à 28.944,30 euros TTC.

[J] [N] et [D] [F] qui, en vertu de l'article 1644 du code civil, ont le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, sont fondés en leur demande de résolution de la vente et de restitution du prix et des frais de vente, soit la somme de 198.000 euros.

Le jugement sera donc confirmé, y compris en ce qu'il a condamné les vendeurs à rembourser les frais d'expertise, d'assignation en référé et de constat d'huissier et a rejeté la demande au titre du remboursement anticipé du prêt.

En raison de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, [J] [N] et [D] [F] sont fondés en leur demande de remboursement des travaux d'amélioration qu'ils ont effectués dans les lieux (7.169,46 euros) ainsi que des taxes foncières qu'ils ont acquittées en 2014, 2015 et 2016 et dont il est justifié à hauteur de 3.836 euros.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a, par des motifs que la cour adopte, rejeté la demande formée par [J] [N] et [D] [F] au titre du relogement et fait une juste appréciation du préjudice de jouissance et du préjudice moral.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de [J] [N] et [D] [F].

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- Condamne [E] [V] et [Z] [Y] à payer à [J] [N] et [D] [F] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne [E] [V] et [Z] [Y] aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, président, et par Madame PELLEGRINO, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 18/05093
Date de la décision : 02/06/2020

Références :

Cour d'appel de Grenoble 01, arrêt n°18/05093 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-02;18.05093 ?
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