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16/01/2020 | FRANCE | N°17/03395

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 16 janvier 2020, 17/03395


N° RG 17/03395 - N° Portalis DBVM-V-B7B-JDK5





PG



Minute N°





































































Copie exécutoire

délivrée le :







Me Alexia JACQUOT



Me Isabelle GRAVEY



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



C

HAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 16 JANVIER 2020





Appel d'un Jugement (N° RG 15/01235)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de VIENNE

en date du 15 juin 2017, suivant déclaration d'appel du 05 Juillet 2017





APPELANTE :



SCI SEMIMAR III

société au capital de 1.000 €, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 793 642 919, agissant poursuites et dil...

N° RG 17/03395 - N° Portalis DBVM-V-B7B-JDK5

PG

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Alexia JACQUOT

Me Isabelle GRAVEY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 16 JANVIER 2020

Appel d'un Jugement (N° RG 15/01235)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de VIENNE

en date du 15 juin 2017, suivant déclaration d'appel du 05 Juillet 2017

APPELANTE :

SCI SEMIMAR III

société au capital de 1.000 €, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 793 642 919, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Alexia JACQUOT, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

SARL SOVAC

S.A.R.L au capital de 10 000,00 € immatriculée au RCS de Avignon sous le n° 500454418, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Isabelle GRAVEY, avocat au barreau de VIENNE postulant, et par Me MASARIAN, avocat au barreau d'AVIGNON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Patricia GONZALEZ, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Frédéric STICKER, Greffier.

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Novembre 2019

Mme GONZALEZ, Président, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

------0------

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé des 25 et 28 février 2014, la société Valentinoise d'articles chaussants (société Sovac) qui exploite des surfaces de vente sur [Localité 3] et [Localité 4] a conclu avec la Sci Seminar III un engagement synallagmatique de bail commercial aux termes duquel elle se portait candidate à la prise à bail d'un loyer commercial d'environ 500 m² sis à [Localité 5] (38) au sein d'un centre commercial à construire par la Sci Seminar III.

Le contrat stipulait plusieurs conditions suspensives au nombre desquelles, à peine de caducité, l'acquisition par la société Seminar III du tènement immobilier nécessaire à l'implantation du centre commercial ainsi que l'édification et la livraison au preneur du local à l'état brut de béton, devant être réalisées au plus tard le 28 février 2015, les parties conservant la possibilité de prolonger ce délai d'un commun accord.

Le bail commercial portant sur le lot A4 était signé le 28 février 2014, le local devant être livré équipé d'une coque à l'état brut.

L'engagement synallagmatique de bail commercial imposait à la société Sovac, sous peine de résiliation, de déposer auprès de la mairie de [Localité 5] un dossier complet d'aménagement intérieur ainsi qu'une demande d'autorisation d'enseigne dans un délai de deux mois à compter de la signature.

Par lettre recommandée du 17 septembre 2014, la société Seminar III a informé la société Sovac qu'elle ne serait pas en mesure d'acquérir le tènement immobilier et donc de procéder à la délivrance du local pour le 28 février 2015 au plus tard, que la non réalisation des conditions suspensives la conduisait à lui proposer une convention de résiliation amiable des accords, convention dont elle joignait un exemplaire à signer et retourner.

Par lettre recommandée du 24 septembre 2014 avec avis de réception du 29 septembre 2014, la société Sovac a fait répondre par son conseil qu'elle n'entendait pas signer l'accord de résiliation amiable, qu'elle n'était pas opposée à un retard de livraison mais que faute de justificatifs établissant l'arrêt du programme, elle ne souhaitait pas mettre un terme aux relations contractuelles. Faute de réponse de son cocontractant, elle envoyait un second courrier le 2 décembre 2014.

Par lettre recommandée du 15 mai 2015, la société Seminar III se prévalait de l'annulation du projet et adressait à la société Sovac un chèque de 1.600 euros en remboursement des frais de rédaction et honoraires afférent au bail.

Par acte du 1er juillet 2015, la société Sovac a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Vienne la Sci Seminar III aux fins principales de livraison sous astreinte de la coque à l'état brut de béton permettant l'aménagement des lieux par le preneur avec réparation du préjudice subi et subsidiairement au prononcé de la résolution du contrat et en indemnisation de son préjudice.

Le jugement du tribunal de grande instance de Vienne du 15 juin 2017 a :

- rejeté la demande principale de la société Sovac aux fins de livraison sous astreinte du local donné à bail par la société Seminar III,

- prononcé la résolution judiciaire de l'engagement synallagmatique du bail commercial conclu le 28 février 2014 entre la société Seminar III et la société Valentinoise d'articles chaussants,

- condamné la société Seminar III à payer à la société Valentinoise d'articles chaussants la somme de 105.400 euros à titre de dommages intérêts augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société Seminar III à payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejeté la demande tendant à voir transférer à la charge du débiteur les frais supportés par le créancier au titre de l'article 10 du Décret du 12 décembre 1996.

Le tribunal a considéré qu'en application des dispositions combinées des articles 1134, 1176 et 1178 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 10 février 2016, la partie qui se prévaut de la défaillance d'une qualité suspensive stipulée à temps ou met un terme à ses engagements avant que le délai fixé pour la réalisation de cette condition soit expiré manque à son devoir de bonne foi dans l'exécution du contrat, privant d'effet la défaillance qu'elle invoque, qu'en l'espèce la condition liée à l'obtention du permis de construire ne pouvait être regardée comme acquise avant le 28 février 2015 et que la Sci Seminar III a fait preuve de déloyauté.

Il a relevé que si compte tenu du retard pris dans l'exécution des travaux, le contrat autorisait une prolongation à laquelle la société Sovac était favorable, mais que la Sci s'y est opposée sans explication, en choisissant de laisser sans réponse les deux courriers adverses, manifestant son intention de se soustraire à ses engagements dès avant la survenance de l'échéance alors que la condition était stipulée dans l'intérêt du preneur.

Sur la résolution des contrats, il a relevé que la Sci Seminar ne s'était jamais prévalue des manquements adverses notamment dans le courrier du 17 septembre 2014 et qu'elle l'invoquait désormais opportunément, qu'en outre la société Sovac pouvait difficilement accomplir ses formalités avant l'obtention du permis de construire.

La Sci Seminar III a relevé appel total de cette décision par déclaration du 5 juillet 2017.

La procédure a été clôturée le 4 juillet 2019.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 21 juin 2018, la Sci Seminar III demande à la Cour de :

- réformer le jugement querellé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande principale de la société Sovac aux fins de livraison sous astreinte du local donné à bail par la concluante,

- statuant à nouveau,

- à titre principal, vu l'article 1181 du code civil,

- dire qu'en l'état de la caducité des contrats signés, la société Sovac n'était pas en droit d'exiger leur exécution sous astreinte ni d'exiger une indemnisation, de débouter en conséquence la société Sovac de ses prétentions,

- la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel,

- à titre subsidiaire,

- sur la rupture de l'acte d'engagement synallagmatique et du bail commercial, constater le preneur n'a pas exécuté les conditions déterminantes et essentielles mises à sa charge et qu'elle a en conséquence mis fin à l'engagement contractuel, que la société Sovac est mal fondée à demander l'exécution forcée d'un engagement auquel il a été mis fin ou à défaut de demander l'exécution d'un préjudice consécutif à une rupture dont elle est le seul responsable au regard de ces deux fautes, débouter en conséquence la société Sovac de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel,

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait que l'attitude de la concluante a été fautive,

- vu l'article 1142 du code civil, dire la société Sovac mal fondée à demander la livraison du local sous astreinte,

- dire en outre que la société Sovac est mal fondée à prononcer la résolution des contrats aux torts exclusifs de la concluante en l'absence de démonstration de faute,

- constater qu'en toute hypothèse la société Sovac n'apporte aucune preuve sérieuse de ce qu'elle aurait subi un quelconque préjudice, en l'état de ce qu'elle n'aurait pas été en mesure de louer le local commercial, la débouter de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel,

Elle fait valoir que :

- elle a régularisé le 15 novembre 2012 une promesse synallagmatique d'acquisition d'une tènement immobilier avec une société SARA société publique d'aménagement local, portant que un terrain sis dans la zone du centre commercial régional Les Sayes à [Localité 5], il s'agissait de livrer un programme de construction et aménagement du centre et de signer des baux commerciaux avec les futurs exploitants, sous notamment la condition suspensive de réalisation du projet, elle a obtenu un permis de construire le 6 février 2014,

- la société SARA a fait état de difficultés pour la réitération de l'acte de vente,

- elle a effectué une multitude de démarches auprès de nombreuses autorités afin de pouvoir faire l'acquisition du tènement immobilier sur lequel devait être construit le centre commercial mais qu'elle n'a été en mesure de procéder à cette acquisition qu'en décembre 2014, soit moins de trois mois avant la date limite d'accomplissement des conditions suspensives figurant dans l'acte d'engagement synallagmatique de bail commercial du 28 février 2015 de sorte qu'il n'était pas possible de respecter ce délai de livraison du local loué à l'état brut, elle a souhaité faire savoir à sa cocontractante que l'une des conditions suspensives ne pouvait être accomplie pour lui permettre de prendre toutes dispositions,

- le chantier n'a été achevé qu'en août 2015,

- la condition suspensive d'édification et de livraison au preneur du bâtiment au plus tard le 28 février 2015 n'était pas accomplie de sorte que l'acte synallagmatique et le bail commercial afférent sont caducs depuis le 1er mars 2015, aucun accord de prorogation du délai n'est intervenu, la société Sovac n'a adressé aucun courrier de demande de prorogation de délai, elle a continué ses démarches à ses risques et périls,

- le tribunal a ajouté la notion de mauvaise foi prétendue à l'article 1181 du code civil,

- en l'état de la caducité des deux contrats signés par les parties, la société Sovac n'est pas en droit d'exiger une exécution dudit contrat sous astreinte, ni même de solliciter une quelconque indemnisation du préjudice subi ou encore de solliciter la résolution de contrats caduques,

- à la lecture des pièces 16, 18 et 19 de son adversaire et 19 et 20 de la concluante, la société Sovac a déposé sa demande d'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant du public le 6 mai 2014 et sa demande d'autorisation pour la pose d'enseignes lumineuses le 17 décembre 2014, soit plus de deux mois à compter de la signature de l'acte d'engagement synallagmatique alors que cet acte mentionne que le défaut d'exécution du preneur de cette conditions essentielle et déterminante permet au bailleur si bon lui semble de mettre fin purement et simplement à l'engagement contractuel par tout moyen,

- elle a en conséquence mis fin purement et simplement à l'engagement contractuel souscrit dans l'engagement synallagmatique et au bail commercial,

- la société Sovac est en conséquence mal fondée à solliciter l'exécution forcée d'un engagement contractuel auquel il a été mis fin ou à défaut, de solliciter l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture dont elle doit être considérée comme l'unique responsable au regard des deux fautes commises de ne pas déposer en temps utile ses demandes d'autorisation,

- toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur, de sorte que la société Sovac est mal fondée dans sa demande principale de livraison sous astreinte du local commercial,

- la société Sovac est mal fondée à demander la résolution des contrats aux torts de la concluante, en l'absence de démonstration de faute,

- en toute hypothèse, la société Sovac ne rapporte pas la preuve d'un préjudice, aucune dépense n'a été engagée et il n'y a pas de manque à gagner,

- la société Sovac pouvait acquérir un autre fonds de commerce, la méthode de calcul à hauteur de la valeur prétendue d'un fonds de commerce et du calcul de l'indemnité d'éviction est inopérante, les achats allégués sont à l'adresse des autres magasins, les chiffres portés dans le prévisionnel ne sont pas sérieux.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 12 octobre 2017, la société Sovac demande à la Cour de, au visa des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil :

- vu la rupture fautive par la Sci Seminar III de l'engagement synallagmatique de bail commercial sous condition suspensive des 25 et 28 février 2014,

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a prononcé la résolution aux torts de la société Seminar III,

- réformant sur le quantum,

- condamner la société Seminar III à lui payer la somme de 824.324 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner la société aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les sommes dues au titre de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du Décret du 12 décembre 1996 seront supportées par le débiteur.

Elle soutient que :

- la Sci persiste à invoquer la caducité de l'engagement alors qu'elle a imposé une rupture à la seule concluante à l'exclusion des autres preneurs qui n'ont pas reçu le même courrier, la Sci n'a produit aucun justificatif en ce sens et ne s'est pas expliquée,

- le courrier du 17 septembre 2014 n'a pas évoqué l'autorisation pour pose d'enseignes et ce moyen a été ajouté par la suite pour essayer d'appuyer la rupture, la Sci ne voulait manifestement pas de la concluante pour preneur alors que le programme était retardé mais non arrêté, ce qui a été indiqué aux autres preneurs,

- elle a répondu par deux courriers recommandés avec accusé de réception, elle n'a jamais reçu de réponse de son cocontractant, le premier courrier reçu est en date du 15 mai 2015 et est sans explications,

- elle a continué ses démarches en vue de l'aménagement intérieur de son local, elle a recruté du personnel et fait l'acquisition de stocks, elle a fait établir un provisionnel par un cabinet d'expertise comptable, la société Fiducial et elle avait été avisée par son architecte de l'avancement des travaux et de la date de livraison, elle avait reçu les autorisations nécessaires,

- le motif de résiliation est faux, la Sci voulait se désengager dans la mesure où elle se serait engagée avec une autre enseigne qui ne voulait pas de concurrent dans le secteur de la chaussure,

- la Sci Seminar III a donc rompu unilatéralement et de manière abusive le contrat, il y a abus de rupture puisqu'elle a pu légitimement croire en la conclusion probable du contrat en l'absence de réponse à ses courriers,

- l'engagement ne prévoyait pas de caducité automatique, bien au contraire, les parties avaient d'un commun accord prorogé le délai, il n'existe aucun motif légitime de rupture,

- elle a engagé des frais, effectué des commandes auprès de fournisseurs, fait des démarches de recherche de personnel, obtenu un concours bancaire, perdu la valeur de son fonds de commerce, mandaté un architecte, le montant des travaux prévus s'élevait à 363.506,82 euros TTC, elle a commandé 356.255 euros de marchandises livrées et qu'elle a dû stocker sur les autres points de vente, alors qu'elle n'avait pas besoin de stock supplémentaire et pas de clientèle extensible,

- une ouverture en juin 2015 supposait une commande en février 2014,

- elle a perdu un bail commercial, composante essentielle du fonds de commerce, la richesse économique qui devait être créée ne se confond pas avec l'investissement perdu,

- il y a deux méthodes d'appréciation du préjudice, soit la valeur du fonds de 734.496 euros (75 % du chiffre d'affaires HT), soit la perte en chiffre d'affaires pour la durée du bail soit 101.512 euros l'an et 914.151 euros sur 9 ans, d'où une moyenne de 824.324 euros, la perte du bail commercial équivaut à la perte du fonds de commerce et la Sci s'est comportée comme un bailleur qui donne congé sans raison et ne veut pas payer l'indemnité d'éviction.

* * *

Il convient pour un plus ample exposé des prétentions et arguments des parties de se référer aux conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la caducité de l'acte d'engagement synallagmatique de bail commercial sous conditions suspensives

En droit, lorsqu'il est stipulé qu'une condition suspensive doit être réalisée dans un délai déterminé, elle est réputée avoir défailli si elle n'est pas réalisée à l'échéance donnée quelles que soient les circonstances ultérieures, et les parties sont en conséquence déliées de tout engagement à l'expiration du délai, sauf convention contraire.

En l'espèce, la promesse synallagmatique de bail commercial stipulait l'accomplissement au plus tard le 28 février 2015 des conditions d'édification et livraison au preneur des locaux, sauf prorogation du délai prévue à l'article 8.2 du bail comme suit :

'En cas de non réalisation des conditions suspensives dans le délai ci-avant fixé, les parties seront déliées de tout engagement l'une envers l'autre sans indemnité, et le bail conclu entre elles sera caduc. Toutefois, il sera toujours loisible aux parties de proroger d'un commun accord, par avenant ensuite des présentes, ou par simple échange de correspondances, le délai ci-dessus'.

Le preneur devait pour sa part 'dans le délai de deux mois à compter de la signature du présent engagement, déposer auprès de la mairie de [Localité 5] son dossier complet d'aménagement intérieur ainsi que sa demande d'autorisation d'enseigne. A défaut d'exécution par le preneur de cette condition essentielle et déterminante, le bailleur, si bon lui semble, pourra mettre fin purement et simplement au présent engagement, par tout moyen'.

Il est constant qu'à la date du 28 février 2015, une des deux conditions suspensives à la charge du bailleur avait été réalisée soit l'acquisition du tènement et que le permis de construire était obtenu mais que l'autre condition, soit la livraison des locaux, ne l'était pas.

Il est également constant qu'aucun commun accord ni échange de correspondances en ce sens n'avait expressément prorogé la promesse susvisée, la demande en ce sens de la société Sovac présentée antérieurement au 28 février 2015 n'ayant reçu aucune réponse positive de son cocontractant de sorte que le preneur ne pouvait se prévaloir d'un silence de son adversaire.

Il ne peut être reproché à la Sci Seminar III d'avoir de manière fautive retardé l'exécution de ses engagements. Cette société établit au contraire concrètement par les pièces qu'elle verse aux débats et sans qu'il ne soit nécessaire d'en donner le détail avoir multiplié les démarches aux fins d'obtenir l'exécution par la société venderesse de ses obligations (courriers multiples adressés à diverses autorités ainsi qu'à plusieurs ministères) de sorte que le retard pris dans l'obtention du permis de construire puis dans l'exécution des travaux n'est pas imputable à une négligence de sa part.

Dans ce contexte, il ne peut non plus lui être reproché une attitude déloyale par son envoi du courrier du 17 septembre 2014 pour aviser d'ores et déjà son cocontractant de ce que le retard né de l'attitude du vendeur ne permettrait pas la réalisation de toutes les conditions suspensives dans le délai, ce qui était à cette date déjà évident compte tenu du contentieux avec le vendeur ayant largement retardé les opérations de construction et la délivrance tardive du permis de construire en découlant.

Par ailleurs, la société Sovac prétend avoir fait l'objet de la part de la société Seminar III d'un comportement discriminatoire dans le sens où les autres locataires du centre commercial n'auraient pas connu le même sort qu'elle. Elle ne procède cependant que par affirmations et ne rapporte pas la preuve concrète de ses dires alors qu'il lui appartient de démontrer la mauvaise foi de son cocontractant dans l'exécution du contrat.

La société Sovac invoque par ailleurs vainement le fait qu'elle aurait engagé de très importantes dépenses d'aménagement et d'achalandage du local commercial à perte et commencé les opérations d'embauche du personnel alors qu'elle ne justifiait d'aucun accord du bailleur de prorogation du délai de réalisation des conditions suspensives et qu'elle aurait dû faire preuve d'une nécessaire prudence en l'absence de réponse du bailleur à son courrier et de nouvelle démarche à la date du 28 février 2015.

Rien ne démontre en conséquence que la société bailleresse ait agi avec mauvaise foi à l'encontre de son cocontractant et elle est en conséquence fondée à se prévaloir de la caducité du bail, sans qu'une indemnité ne puisse lui être réclamée par son adversaire puisqu'à la date du 28 février 2015 et à défaut de prorogation des délais d'un commun accord conformément aux stipulations contractuelles, la société Seminar III s'est trouvée déliée de tout engagement à l'encontre de la société Sovac en raison de la défaillance de l'une des conditions suspensives.

En conséquence de ce qui précède le jugement querellé est infirmé sauf en ce qu'il a rejeté la demande principale de la société Sovac aux fins de livraison sous astreinte du local donné à bail par la Sci Seminar III et la société Sovac est déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Sovac qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement querellé sauf en ce qu'il a rejeté la demande principale de la société Sovac aux fins de livraison sous astreinte du local donné à bail par la Sci Seminar III.

Statuant à nouveau,

Dit qu'en l'état de la caducité des contrats signés par les parties, la société Sovac n'était pas en droit d'exiger leur exécution sous astreinte ni d'exiger une indemnisation et la déboute de toutes ses prétentions.

Condamne la société Sovac aux dépens de première instance et d'appel.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par M. STICKER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17/03395
Date de la décision : 16/01/2020

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°17/03395 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-16;17.03395 ?
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