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19/12/2019 | FRANCE | N°16/06045

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 19 décembre 2019, 16/06045


N° RG 16/06045 - N° Portalis DBVM-V-B7A-I2MA





PG



Minute N°





































































Copie exécutoire

délivrée le :







Me Christian GABRIELE



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE




CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 19 DECEMBRE 2019





Appel d'un Jugement (N° RG 2011J00612)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 02 décembre 2016

suivant déclaration d'appel du 26 Décembre 2016



APPELANTE :



Société CAPSYS

SAS immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le N° 381 128 859, prise en la personne de son représentant ...

N° RG 16/06045 - N° Portalis DBVM-V-B7A-I2MA

PG

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Christian GABRIELE

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 19 DECEMBRE 2019

Appel d'un Jugement (N° RG 2011J00612)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 02 décembre 2016

suivant déclaration d'appel du 26 Décembre 2016

APPELANTE :

Société CAPSYS

SAS immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le N° 381 128 859, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Christian GABRIELE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

SAS SPIE SUD OUEST

SAS inscrite au RCS de LYON sous le n° 440 055 861, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Me SOLIVERES, avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Patricia GONZALEZ, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Frédéric STICKER, Greffier.

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Octobre 2019

Mme GONZALEZ, Président, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré

EXPOSE DU LITIGE

Le 9 août 2007, la société du métro de l'agglomération de [Localité 5] (et ci-après SMAT) agissant au nom et pour le compte du syndicat mixte des transports en commune (SMTC) de l'agglomération toulousaine a émis un appel d'offre portant sur l'équipement de signalisation lumineuse du trafic de la ligne de tramway [Localité 5]/[Localité 3]/[Localité 2].

Le 5 septembre 2007, la société Capsys, qui est spécialiste du matériel de détection et d'identification de véhicules pour les transports en commun, s'est adressée à la société SMAT pour obtenir le cahier technique des charges afin de répondre à l'appel d'offres.

La société SPIE Sud Ouest (et ci-après SPIE SO) aux droits de laquelle vient désormais la société SPIE Industrie et Tertiaire a constitué pour sa part un groupement momentané d'entreprises solidaires avec les sociétés SAGEM, Lacroix trafic, et Ceryx pour répondre au même appel d'offre.

Il est constant que divers échanges ont eu lieu entre la société Capsys et la société SPIE SO à compter de septembre 2007. La société Capsys a transmis le 18 septembre 2007 une offre de prix et la description de son système.

Le 21 décembre 2007, le groupement d'entreprises amené par la société SPIE SO s'est vu attribuer le marché.

Par courrier du 6 juin 2008 adressé à la société SPIE SO, la société Capsys a demandé à être sous-traitant du groupement à paiement direct.

Le 23juin 2008, la société SPIE SO a répondu qu'elle n'avait jamais pris aucun engagement contractuel envers la société Capsys, précisant qu'elle avait engagé une consultation après de plusieurs fournisseurs et 'qu'au vu des différentes propositions recueillies, elle avait choisi un autre fournisseur' soit la société belge SPIE Belgique.

La société Capsys l'a faite assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce de Grenoble aux fins d'expertise et il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 27 octobre 2009, M. [S] étant désigné expert. Cette décision a été confirmée par arrêt du 24 février 2011 de la cour d'appel de Grenoble.

M. [S] a remis son rapport le 7 décembre 2010.

Par acte introductif d'instance du 25 octobre 2011, la société Capsys a fait assigner la société SPIE SO devant le tribunal de commerce de Grenoble aux fins de voir reconnaître l'existence de faits de parasitisme de son savoir industriel commis par la société SPIE SO pour répondre au lot signalisation lumineuse, marché E20065564, du tramway de [Localité 5], et en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 24 juin 2013, le tribunal de commerce de Grenoble s'est déclaré territorialement incompétent pour connaître du litige au profit du tribunal de commerce de Toulouse. Saisie sur contredit de la société SPIE SO, la cour d'appel de Grenoble par arrêt du 31 octobre 2013 a infirmé cette décision et retenu la compétence du tribunal de commerce de Grenoble.

Le jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 2 décembre 2016 a:

- débouté la société SPIE Sud-ouest de sa demande de nullité du rapport d'expertise de M. [S],

- dit que la société SPIE Sud-ouest ne s'est pas livrée à une action de parasitisme envers la société Capsys,

- débouté en conséquence la société Capsys de toutes ses demandes liées

- au préjudice économique subi du fait du parasitisme ,

- au préjudice des travaux engagés avant les sollicitations pour répondre à l'appel d'offre,

- au préjudice pour la perte de chance et le préjudice économique,

- condamné la société SPIE Sus-ouest à payer à la société Capsys la somme de 40.500 euros au titre d'assistance,

- condamné la société SPIE Sud-ouest à payer à la société Capsys la somme de 10.000 euros au titre de la gestion du litige

- condamné la société SPIE Sud-ouest à payer à la société Capsys la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

La société Capsys a relevé appel total de cette décision par déclaration du 26 décembre 2016.

La clôture est intervenue le 6 juin 2019.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 4 mai 2018 la société Capsys demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement querellé sauf en ce qui concerne la nullité du rapport d'expertise de M. [S] telle que sollicitée par SPIE Sud Ouest,

- dire que la société SPIE Sud Ouest s'est bien livrée à des agissements qualifiés de parasitisme du savoir industriel de la concluante pour répondre au lot signalisation lumineuse marché E20065564M du tramway de [Localité 5],

- dire qu'elle a été victime des agissements de la société SPIE Sud ouest, qualifiés de parasitisme,

- dire que la responsabilité de la société SPIE Sud Ouest dans le préjudice qui lui a été occasionné est démontré,

- dire qu'elle a subi différents préjudices et que la société SPIE Sud Ouest sera condamnée à lui payer les sommes suivantes :

- 2.816.419 euros au titre des travaux engagés antérieurement à l'appel d'offre,

- 81.000 euros au titre de l'assistance à la société SPIE durant une année,

- 63.200 euros au titre du coût financier pour gestion du litige,

- 510.000 euros au titre du manque à gagner,

- 2.860.000 euros au titre de la perte de chance,

- 9.000.000 euros au titre du préjudice économique complémentaire du fait du parasitisme,

- 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SPIE SO aux dépens.

Elle soutient, sur le rapport d'expertise, que :

- l'expert n'a nullement pris son parti mais a répondu avec minutie aux dires de SPIE SO, il n'y a eu aucune requête en suspicion légitime,

- l'expert n'a pas repris in extenso un mail dont son adversaire n'aurait pas eu connaissance, la société SPIE SO l'a eu en copie et l'expert l'a reproduit parce que les sommes lui paraissaient cohérentes, il n'y a pas eu de demande au juge chargé du suivi des expertises.

Sur le fond, elle expose que :

- l'un des membres du groupement a contacté les représentants de la société Capsys afin de proposer une baisse significative de son offre en contrepartie d'une intégration dans le groupe ment comme sous-traitant en paiement direct, ce que confirme un mail du 27 septembre 2007 'la remise exceptionnelle est de 10 % pour nous démarquer de nos concurrents',

- elle a travaillé et échangé en toute transparence avec les mandataires de SPIE SO en fournissant le savoir faire et les éléments techniques nécessaires, c'est avec ces éléments que SPIE SO a pu répondre à l'appel d'offre, qu'après avoir obtenu le marché, elle a continué à la solliciter sur tous les éléments techniques à aborder, ce que la concluante a fait,

- elle a donc mis à disposition de son adversaire toutes ses compétences et son savoir faire industriel,

ce qui démontre le lien contractuel évident entre les parties,

- le marché a été emporté grâce à tout son savoir-faire, ses éléments techniques, son assistance et sa mise à disposition des secrets industriels et SPIE SO n'a cessé de la solliciter puisqu'elle n'aurait pas été en mesure de déposer un dossier sans cela,

- la société SPIE SO a rompu unilatéralement le lien contractuel pour se livrer à un parasitisme lui permettant de faire assembler le système de détection par sa filiale belge,

- elle s'est trouvée évincée d'un marché important auquel elle aurait sans doute pu accéder en se portant candidate,

- elle n'a pas été autorisée par la SMAT à consulter le mémoire technique déposé par SPIE d'où un constat d'huissier qui a révélé que SPIE SO avait répondu à l'appel d'offre avec les seuls documents de Capsys, (avec son entête).

Elle soutient que :

- le contrat d'entreprise est consensuel et n'est soumis à aucune forme déterminée,

- la cour dans son arrêt du 31 octobre 2013 a retenu l'existence de relations contractuelles,

- si son matériel n'a pas été mis en oeuvre, sur la ligne de tramway, c'est du matériel issu de son seul savoir faire, SPIE SO a ensuite sollicité SPIE Belgium en lui demandant de faire évoluer son matériel qui n'est pas conforme,

- selon l'expert, il n'existe pas une concordance mais une identité entre les documents Capsys et ceux utilisés pour l'appel d'offre,

- ses solutions 3 en 1 et de la boucle de transfert sont les seules sur le marché au moment de la remise des candidatures, elles sont nécessaires et suffisantes pour être retenues par le maître de l'ouvrage, en lot isolé, elle aurait été attributaire du marché,

- le tribunal a retenu à tort une consultation commerciale et un constat d'huissier selon lequel le maître d'oeuvre a indiqué que la SMAT aurait déclaré que le marché global recouvrait des prestations plus larges et qu'il est inexact d'indiquer que le procédé Capsys aurait été déterminant du choix du groupement retenu, constat postérieur aux opérations d'expertise, le maître d'oeuvre n'a pas compétence pour répondre techniquement.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions n°2 déposées le 11 octobre 2018, la société SPIE Industrie & tertiaire venant aux droits de la société SPIE Sud-ouest demande à la cour de :

- débouter la société Capsys de ses demandes,

- réformer partiellement la décision rendue de la manière suivante :

- à titre principal, prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [S],

- à titre subsidiaire, débouter la société Capsys de l'intégralité de ses demandes,

- très subsidiairement, si par impossible 'le tribunal' (sic) devait retenir la qualification de parasitisme, constater qu'elle concerne la société SPIE Belgium qui n'est pas dans la cause, la concluante étant un simple installateur,

- juger en toute hypothèse que les demandes de dommages intérêts de la société Capsys sont excessives,

- en conséquence, les ramener à de plus justes proportions,

- en tout état de cause, condamner la société Capsys à lui payer la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Elle soutient, sur le rapport d'expertise :

- que le rapport manque d'impartialité et de crédibilité,

- que tout au long de son rapport, l'expert abonde dans le sens des intérêts de la société Capsys, n'hésitant pas à de multiples reprises à se contredire,

- que dans son pré-rapport, il a indiqué que Capsys avait contacté le maître de l'ouvrage antérieurement au lancement de l'appel d'offres, ce qui était un délit de favoritisme, avant de se rétracter dans sa réponse au dire n°2, en reconnaissant une erreur de plume, alors qu'il est établi que la société Capsys entretenait de bons rapports avec la SMAT,

- que Capsys indique avoir remis à tous les candidats le même dossier concernant la fourniture de matériel mais que l'expert ajoute que le candidat a été retenu parce qu'il avait du matériel Capsys ; que ce n'est pas non plus du matériel Capsys qui a été mis en oeuvre,

- que l'expert n'a pas répondu sur la différence du matériel Capsys avec le matériel mis en oeuvre et compatible avec le lot signalisation ferroviaire,

- que l'expert joint à son rapport sans commentaire ni analyse un fax de Capsys concernant ses préjudices et non contradictoire, que ceci cause un grief à la concluante.

Sur le fond, elle soutient que :

- il y a eu une demande de tarification à un fournisseur et il n'existe pas de lien contractuel entre les parties, la société Capsys a été consultée et a remis un prix, elle n'a pas été intégrée au groupement momentané d'entreprises solidaires,

- elle a intégré dans son offre la notice technique et les caractéristiques des produits Capsys sans que cela soit le résultat d'une discussion technique et/ou économique, la société Capsys a donné les mêmes notices à deux concurrents,

- lors de la phase de mise au point technique du marché, la société EGIS a relevé que le produit Capsys ne répondait pas à l'ensemble des critères techniques dûs au risque d'interférence avec la signalisation ferroviaire réalisée dans le cadre d'un autre lot, nécessitant de faire évoluer le produit Capsys et de générer des surcoûts et des délais supplémentaires; la concluante n'a donc pas poursuivi ses discussions commerciales et il n'ya eu aucune commande d'achat, elle a cherché un produit concurrent évitant les interférences ; l'offre Capsys a été commune à tous les candidats et n'a donc pas été déterminante, la société Capsys ne figurait pas comme sous-traitante déclarée à l'offre,

- suite à l'obtention du marché, les discussions avec Capsys sur l'aspect économique et technique n'ont pu aboutir, la société Egis a retenu un produit concurrent,

- il y a eu une offre de Capsys mais aucune acceptation du groupement,

- il n'y a pas eu de mission d'assistance postérieurement au marché, Capsys a travaillé sur une période de 6 mois pour proposer un procédé technique compatible avec les contraintes du projet pour le cas échéant conclure un contrat avec la concluante, pour la réalisation du projet, ce qui est un travail normal fourni par toute entreprise souhaitant participer à des projets, et aucune indemnisation n'était prévue pour le cas où les discussions commerciales n'aboutiraient pas,

- sur le parasitisme, les sociétés ne sont pas concurrentes, le fait que SPIE SO et SPIE Belgium appartiennent au même groupe ne fait pas présumer que l'une a fait profiter l'autre d'informations lui procurant un avantage concurrentiel fruit du savoir faire de Capsys,

- SPIE Belgium avait déjà fourni la signalisation du tramway de [Localité 4], en brevetant son système, son procédé bénéficie d'une antériorité,

- le système de SPIE Belgium est différent, même s'il est évident que la fonctionnalité finale est équivalente, il n'y a aucune similitude sur le plan technique, le système Capsys présente une incompatibilité avec le choix de l'attributaire du lot signalétique ferroviaire,

- les demandes de dommages intérêts sont exorbitantes et infondées, il n'y a aucun parasitage, les heures consacrées au projet n'ont pas été exclusivement exécutées au profit de SPIE, l'assistance n'a pu exister que sur 6 mois et la somme est injuste sur le plan comptable,

- la société Capsys est en très bonne santé financière avec un chiffre d'affaires en constante progression, le montant réclamé correspond à trois fois le montant de son chiffre d'affaires annuel.

* * *

Il convient pour un plus ample exposé des prétentions et arguments des parties de se référer aux conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du rapport d'expertise

La société SPIE fait essentiellement valoir que l'expert aurait manqué de partialité en abondant uniquement dans le sens de la société Capsys.

Il est rappelé de manière liminaire que le fait qu'un rapport d'expertise soit dans ses conclusions défavorable à une partie et favorable à une autre n'est pas en soi un motif de nullité même si en l'espèce le rapport se révèle très favorable à la société Capsys.

Il est également rappelé que les conditions du rapport d'expertise judiciaire ne lie pas le juge ; le fait que l'expert ait pu commettre des erreurs d'appréciation et modifier son avis suite aux dires d'une partie n'est pas non plus un motif de nullité.

Quant à l'évaluation du préjudice, s'il n'est pas contesté que l'expert s'est contenté de joindre la liste des préjudices réclamés par la société Capsys aux termes d'un tableau dénommé 'ventilation et estimation du préjudice, envoi Capsys du 29 novembre 2010", le rapport cependant n'est pas équivoque sur ce point, n'indiquant pas que l'expert a évalué lui-mêmes les préjudices subis conformément au chiffrage de la société Capsys.

Il est rappelé qu'il n'a pas été demandé au juge chargé du contrôle des expertises d'enjoindre à l'expert de compléter sa mission sur les préjudices.

Le jugement est confirmé en ce qu'il rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise.

Sur le fond

L'arrêt du 31 octobre 2013 a précisé que la société Capsys figurait au mémoire technique déposé par SPIE SO et disposait d'une annexe au même titre que les autres sociétés du groupe, que ce document et les échanges par mail révèlent l'existence de relations contractuelles, que le sapiteur désigné dans le cadre de l'expertise a indiqué que les documents élaborés par Capsys ont été intégrés sans modification au mémoire technique, qu'il ne s'agit pas d'une simple notice technique mais du seul système de détection répondant aux exigences techniques du CCCP du lot signalisation lumineuse proposé par le groupement, qu'à la suite de l'attribution du marché, la société Capsys

a continué à travailler avec SPIE SO, qu'elle a mis sans expérience technique au service de SPIE SO pour l'attribution et la réalisation du lot de signalisation lumineuse et exécuté une prestation de service intellectuelle.

Cette décision ne statuait cependant que sur la compétence de la juridiction grenobloise et ne lie pas le juge du fond.

Il appartient à la société Capsys de démontrer qu'elle aurait noué des relations contractuelles avec la société SPIE impliquant une rémunération de ses services et que les relations de ces deux sociétés ont dépassé de simples pourparlers commerciaux, que ce soit avant ou après l'attribution du marché à la société SPIE.

* antérieurement à l'attribution du marché

Il est constant que la société SPIE a répondu à l'appel d'offre dans le cadre d'un groupement momentané d'entreprises solidaires constitué avec les sociétés Sagem, Lacroix-Trafic et Ceryx, mais la société Capsys n'a pas été intégrée à ce groupement momentané, y compris en qualité de sous-traitant, le dossier d'appel d'offres n'en faisant pas mention. Les conclusions de l'expert sur ce point sont donc erronées.

La société Capsys verse aux débats des correspondances échangées à compter de septembre 2007 avec la société SPIE. Selon le rapport, elle a ainsi transmis le 18 septembre 2007 à la société SPIE SO une offre de prix avec description de son système et les plans des boucles associées ; elle a ensuite transmis un dossier technique complet le 1er octobre 2007.

Il n'est donc pas contestable que la société Capsys a fait une proposition commerciale à la société SPIE SO et que cette dernière a retenu dans son dossier la notice technique et les caractéristiques des produits Capsys, ce que la société SPIE ne réfute pas, mais ceci n'entraînait aucun lien contractuel entre les deux sociétés et n'engageait pas la société SPIE pour la suite à l'encontre de la société Capsys, ne la faisant pas participer au groupement ni comme co-contractant, ni comme sous-traitant.

Il résulte également des pièces du dossier que deux autres candidats à l'appel d'offre avaient répondu en proposant également d'installer du matériel Capsys. Ceci a été confirmé par le maître d'oeuvre, la société Egis, et par la SMAT suite à une ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Toulouse du 1er août 2013 autorisant un huissier à recueillir les dires de la société Egis et de la SMAT. La société Capsys conteste la véracité de ces auditions mais rien ne permet d'écarter l'impartialité de ces témoignages, l'appelante ne procédant que par affirmations sur ce point.

Il était notamment demandé à ces sociétés si le procédé Capsys figurant dans l'offre du groupement composé notamment de SPIE SO avait été déterminant dans l'attribution du marché à ce groupement. Le représentant de la société Egis a indiqué que ce procédé a été neutre et signalé comme étant de toutes les offres. Le représentant de la SMAT a confirmé que cette société apparaissait sur les offres de trois candidats au marché, que le marché global recouvrait des prestations beaucoup plus larges que les seules prestations Capsys et qu'il était inexact d'indiquer que le procédé Capsys aurait été déterminant du choix du groupement retenu.

En tout état de cause, il n'est pas contesté que la société Capsys a fourni une offre à plusieurs candidats (dont deux autres que la société SPIE ont retenu son dossier technique) de sorte que c'est à tort qu'elle prétend que son adversaire a obtenu l'appel d'offre en raison de sa proposition alors que la société SPIE a sur ce domaine technique fourni les mêmes pièces que ses concurrents.

La proposition de la société Capsys ne peut donc avoir été spécifiquement formulée dans le seul intérêt de la société SPIE et ne peut non plus avoir été déterminante puisque plusieurs dossiers la comportaient.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une seule proposition commerciale à ce stade.

* postérieurement à l'attribution du marché

Il n'est pas contesté que les sociétés SPIE et Capsys sont restées en relation épistolaire, ce que démontrent plusieurs courriels échangés entre mars et mai 2008 notamment. Les parties sont par contre en opposition sur la nature de ces relations et leurs conséquences.

La société Capsys s'appuie sur le rapport d'expertise selon lequel elle aurait apporté une aide technique, des préconisations, prescriptions, recommandations et validations jusqu'en mai 2008 'sa participation au groupement SPIE s'achèvera environ un mois plus tard' selon l'expert. Selon l'expert, les sociétés SPIE Be et SPIE SO n'étaient pas en mesure de résoudre les problèmes rencontrés dans la mise au point définitive des solutions sans l'aide de Capsys alors que le système Aisy n'était toujours pas exploitable. L'expert suggère même une concurrence déloyale.

Il est constant que la société SPIE n'a passé aucune commande d'achat de matériel auprès de la société Capsys. Il est également constant qu'elle a fait appel au matériel d'un concurrent de la société Capsys (pièce 9 de l'intimée), la société SPIE Belgium qui est cependant une société indépendante de SPIE SO et non une filiale.

Le maître d'oeuvre de la société Egis a précisé que dans la phase de mise au point du projet il existait un risque d'interférence sur les boucles électromagnétiques du procédé de détection du système de la SIG ferroviaire dans le projet Capsys et que c'était bien la raison pour laquelle le procédé Capsys n'avait pas été retenu. La société SPIE a choisi un nouvel équipement estimé conforme au cahier des charges et qui n'avait pas ce problème d'interférence.

Les échanges de courriels entre les sociétés Capsys et SPIE versés aux débats portent sur des discussions techniques avec transmission de documents, toujours sur la proposition de la société Capsys et plus précisément sur le problème de l'interférence de ce matériel avec le réseau ferroviaire.

Les messages en cause établissent un désaccord persistant sur les solutions techniques pouvant être proposées par Capsys ainsi que sur le coût et les délais de la prestation proposée (pièce 8 de l'intimée) mais c'était toujours la proposition commerciale de Capsys qui était en débat et ce débat état nécessairement très technique quant aux les avantages et inconvénients du système. Il n'y a pas eu transmission de savoir faire exigeant rémunération mais pourparlers sur le projet proposé par Capsys et qui n'ont pas abouti à un contrat.

Quels que soient les mérites techniques respectifs du procédé Aisy finalement retenu et ceux du procédé de la société Capsys analysés par l'expert, force est donc de constater, sans qu'il ne soit nécessaire de rentrer dans le détail des pièces techniques produites, que les parties en sont restées à l'état de discutions commerciales et qu'à aucun moment, ces discutions ne se transformées en relations contractuelles.

Par ailleurs, en l'absence de la société SPIE Belgium aux débats, c'est vainement que la société Capsys fait état de faits de concurrence déloyale de cette société à son encontre.

Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu des préjudices indemnisables au bénéfice de la société Capsys qui doit être déboutée de l'ensemble de ses prétentions.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Capsys qui succombe sur l'ensemble de ses prétentions supportera les dépens de première instance et d'appel et versera à son adversaire la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement querellé en ce qu'il a

- débouté la société SPIE SO de sa demande de nullité du rapport d'expertise

- dit que la société SPIE SO ne s'est pas livrée à une action de parasitisme envers la société Capsys,

- débouté la société Capsys de toutes ses demandes liées au préjudice économique subi du fait d'actes de parasitisme, au préjudice des travaux engagés avant les sollicitations pour répondre à l'appel d'offre, au préjudice pour perte de chance et préjudice économique.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Déboute la société Capsys de l'ensemble de ses prétentions.

Condamne la Société Capsys aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société SPIE industrie & tertiaire venant aux droits de la société SPIE sud ouest la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par Mme AMARI, Greffier présent lors de la mise à disposition auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16/06045
Date de la décision : 19/12/2019

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°16/06045 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-19;16.06045 ?
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