N° RG 16/02280 - N° Portalis DBVM-V-B7A-IPZS
LB
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL CABINET BALESTAS
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 24 OCTOBRE 2019
Appel d'un jugement (N° RG 2014J00287)
rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 04 avril 2016, suivant déclaration d'appel du 13 Mai 2016
APPELANTES :
SARL NOCENTE
SARL au capital de 37.000,00euros, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n°072 503 097, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 4]
Compagnie d'assurances MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés du MANS sous le numéro 775 652 126, représentée par son représentant légal en exercice,
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentées par Me Yves BALESTAS de la SELARL CABINET BALESTAS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
SARL MICROSOUD
Société à responsabilité limitée au capital de 255.436 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 348 495 631, représentée par son gérant en exercice
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Me Stéphanie YAVORDIOS, avocat au barreau de LYON, plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Patricia GONZALEZ, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Frédéric STICKER, Greffier.
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Septembre 2019
M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
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Faits et procédure :
Entreprise spécialisée dans la conception de moules métalliques destinés à la fabrication de pièces en plastique injecté, la SAS NOCENTE fabrique des moules composés de deux parties distinctes : un corps et une empreinte démontable qui s'adapte sur le corps du moule, le même corps pouvant être utilisé avec des types d'empreintes différents.
Elle fabrique ces moules métalliques pour le compte de la SAS EUDICA spécialisée dans la fabrication de pièces techniques à base de matière plastique notamment pour chaussures de ski, cette dernière réalisant les produits pour la société SALOMON.
La réalisation de soudures spécifiques sur les moules est confiée par la société NOCENTE à la SAS MICROSOUD, qui en confie ensuite le transport à la SAS 69 EXPRESS pour retour à la société NOCENTE.
La société NOCENTE est assurée par la compagnie MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES.
Par jugement du 4 avril 2016, le tribunal de commerce de Grenoble a :
- dit que la SAS MICROSOUD a commis une faute en ne livrant pas les empreintes confiées par la société NOCENTE';
- condamné la société MICROSOUD à payer à la société NOCENTE la somme de 36.123,60euros au titre du remplacement des moules perdus ;
- débouté la société NOCENTE de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice de la société EUDICA ;
- débouté la compagnie MMA de ses demandes d'indemnisation et de dommages et intérêts.
- débouté les parties de leurs autres demandes';
- condamné la SAS MICROSOUD à payer à la société NOCENTE la somme de 1.000euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La compagnie d'assurances MMA a relevé appel de cette décision par déclaration du 13 mai 2016. Cet appel a été dirigé contre la SAS MICROSOUD seule et limité au rejet des demandes formées l'assureur à l'encontre de cette dernière concernant le préjudice subi par la société EUDICA qu'elle a dû indemniser à la place de son assurée, la société NOCENTE.
La SAS MICROSOUD a également relevé appel de ce jugement le 27 mai 2016, dirigé contre la société NOCENTE seule.
Par arrêt du 6 octobre 2016, la cour a, dans l'instance opposant la compagnie MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SAS MICROSOUD, ordonné une mesure de médiation.
Ces deux procédures ont été jointes par ordonnance du président de la chambre chargé de la mise en état du 16 février 2017, pour être poursuivies sous le n°16/2280.
Par arrêt du 21 septembre 2017, dans la cause opposant la SAS MICROSOUD et la société NOCENTE, la cour a homologué l'accord signé le 11 juillet 2017, a donné acte à chacune des parties de son désistement d'instance et d'action, a constaté que la cour est dessaisie de cette affaire et a dit que chaque partie gardera à sa charge ses frais et dépens.
Prétentions et moyens de la compagnie d'assurances MMA':
Dans ses dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2017, elle demande à la cour, au visa des articles 1147, 1148, 1150 et 1151 du Code Civil':
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré responsable la société MICROSOUD pour avoir commis une faute contractuelle vis-à-vis de la société NOCENTE en ne prenant aucune précaution suffisante pour restituer les moules de fonderie qui étaient destinés à la société EUDICA';
- de réformer cette décision sur ses autres dispositions et ainsi':
- de dire qu'en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de la société NOCENTE, elle a droit à une réparation intégrale de son préjudice';
- de condamner la société MICROSOUD à lui rembourser la somme de 52.608,00euros qui constitue le préjudice subi par la société EUDICA et qui est la résultante directe de la faute commise par la SARL MICROSOUD';
- de condamner la SARL MICROSOUD à lui payer la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du CPC outre les dépens de l'instance.
L'appelante soutient':
- que le 26 janvier 2010, la société EUDICA a commandé à la société NOCENTE un moule dont la valeur était fixée à 21.850euros HT, pour une livraison prévue le 23 avril 2010, moule facturé par elle 26.132,60euros le 6 juillet 2010, et que ce moule a été ensuite confié à la SAS MICROSOUD pour modifications en mars 2011';
- que le 24 mars 2011, la SAS NOCENTE a constaté l'absence de livraison de trois empreintes métalliques confiées à la SAS MICROSOUD et a établi une déclaration de perte le 6 avril 2011';
- que la société EUDICA lui a demandé de préparer l'outillage pour refaire un moulage en deux empreintes, avec modification de la chaîne de montage comprenant l'installation d'une empreinte double au lieu d'une empreinte quadruple comme il était prévu initialement, la perte des empreintes engendrant une modification de son planning prévisionnel avec la société SALOMON, informant ainsi la SAS NOCENTE que la majoration des coûts, la modification des moules et la fabrication des nouvelles empreintes, seront à sa charge';
- qu'une expertise a été confiée au cabinet SERE EXPERTS, qu'elle a mandaté pour le compte de son assurée, à laquelle ont participé la SAS MICROSOUD et la SAS 69 EXPRESS, de laquelle il résulte que la SAS NOCENTE est responsable du préjudice subi par la société EUDICA, pour des dommages estimés entre 30.000 et 40.000euros';
- qu'un procès-verbal de constat a été signé le 28 septembre 2012 entre les assureurs des sociétés concernées, arrêtant le montant du préjudice à 68.092 €, avant qu'une seconde expertise arrête le préjudice subi par la société EUDICA à 47.331euros HT et le préjudice subi par la société NOCENTE à 20.761euros HT;
- qu'aucun accord n'est intervenu sur la base de ce second rapport, alors qu'elle a indemnisé la société EUDICA le 22 avril 2013 à hauteur de 42.005 €';
- que suite à ses demandes formulées auprès de la compagnie ALLIANZ, assureur de la SAS MICROSOUD, cet assureur a soulevé l'absence de sa garantie le 30 octobre 2013, ce qui l'a conduite à saisir le tribunal de commerce.
La compagnie MMA oppose':
- qu'en raison d'un contrat d'entreprise, la société NOCENTE qu'elle a garantie était tenue d'une obligation de résultat envers la société EUDICA, concernant la livraison des moules, et que la SAS MICROSOUD est tenue dans les mêmes conditions, étant responsable de la perte des moules qui lui étaient confiés, sauf élément extérieur au contrat revêtant le caractère de la force majeure';
- que si la SAS MICROSOUD conteste sa responsabilité en invoquant le fait d'un tiers l'exonérant de sa responsabilité, la perte d'une marchandise lors d'un transport n'est pas imprévisible alors que cette société n'a pas pris les dispositions nécessaires pour assurer le retour des pièces attendues par la société NOCENTE pour le compte de sa cliente';
- que la société NOCENTE étant tenue de réparer le préjudice intégral subi par la société EUDICA, c'est dans ce cadre qu'elle a procédé à l'indemnisation de ce tiers pour le compte de son assurée, aux droits de laquelle elle est subrogée';
- que si les premiers juges l'ont déboutée de cette demande au motif qu'aucun contrat n'est intervenu entre la SAS MICROSOUD et la société EUDICA, et qu'ainsi ni la société NOCENTE ni son assureur ne sont fondés à obtenir réparation auprès de la SAS MICROSOUD, cette analyse est erronée puisque c'est bien le préjudice subi par la société EUDICA qu'il convient d'indemniser.
Prétentions et moyens de la SAS MICROSOUD, intimée':
Selon conclusions signifiées le 17 octobre 2017, elle sollicite, au visa des articles 1150, 1151, 1789 et 1315 alinéa 1 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations), de l'article 9 du Code de procédure civile, de l'article L. 133-1 du Code de commerce':
- de dire qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société NOCENTE, les empreintes ayant été égarées par un tiers alors qu'aucun engagement contractuel ne reposait sur elle au titre du type d'assurance à contracter auprès du transporteur;
- d'infirmer en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'elle a commis une faute et engagé sa responsabilité contractuelle en ne livrant pas les empreintes confiées par la société NOCENTE et de débouter la compagnie MMA de sa demande de confirmation du jugement sur ce point;
- de dire que la demande d'indemnisation à hauteur de 56.608 euros TTC formée par l'appelante à son encontre repose sur un prétendu préjudice subi par EUDICA qui était imprévisible pour elle et donc inopposable;
- de juger que faute de pièce justificative de ce préjudice, la demande d'indemnisation de l'assureur sera rejetée';
- en tout état de cause, de dire que la compagnie MMA ne démontre pas être subrogée dans les droits et obligations de la société NOCENTE et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'assureur de sa demande visant le paiement de 47.331 euros HT outre intérêts au taux légal et capitalisation, au titre du préjudice subi par EUDICA, au motif que ce préjudice était imprévisible pour elle';
- de prendre acte du fait que la compagnie MMA a abandonné sa demande formée en première instance tendant à sa condamnation au paiement de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- de confirmer la décision du tribunal de commerce en ce qu'il a débouté MMA de sa demande tendant au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 2.000 euros, au motif que ce préjudice n'était en tout état de cause, pas établi ;
- en toute hypothèse, de débouter la compagnie MMA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de la condamner à lui payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.
La SAS MICROSOUD expose':
- que l'article 1789 du Code civil relatif au contrat d'entreprise, dispose que dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute, de sorte que si la chose confiée à l'entrepreneur vient à périr, non pas en raison de sa faute, mais d'un cas fortuit, d'un vice interne de la chose ou d'un fait extérieur quelconque, ne relevant pas nécessairement de la force majeure, l'entrepreneur est libéré de son obligation de restitution et ne peut voir sa responsabilité engagée';
- que concernant la responsabilité d'ordre public du transporteur professionnel, l'article L.133-1 du Code de commerce prévoit que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure, étant garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure';
- qu'en l'espèce, la compagnie MMA soutient, sans le démontrer, qu'elle aurait commis une faute contractuelle à l'égard de la société NOCENTE, puisque une fois les soudures réalisées, elle a, dans le prolongement de sa prestation, pris les mesures nécessaires pour restituer les empreintes à la société NOCENTE en les confiant à un transporteur professionnel, France EXPRESS, alors que l'expertise organisée par l'assureur n'a pas précisé le fondement juridique sur lequel il s'est fondé';
- que n'étant pas elle-même transporteur professionnel, elle n'avait aucune obligation à l'égard de la société NOCENTE au titre de la prestation de transport en tant que telle';
- que le transporteur a reconnu avoir égaré les moules, et qu'il est garant de la perte des objets qu'il transporte, de sorte qu'elle ne peut se voir reprocher la perte des empreintes, d'autant qu'elle n'a commis aucune faute
contractuelle au titre de l'assurance des empreintes, la souscription d'une assurance ad valorem auprès du transporteur n'ayant jamais été convenue entre les parties, aucun contrat ni aucun bon de commande n'ayant été signés avec la société NOCENTE, qui lui a uniquement transmis le bon de livraison des empreintes, accompagné d'un plan identifiant les points précis où les soudures devaient être réalisées';
- qu'elle ne pouvait connaître la valeur des empreintes qui lui étaient confiées, n'étant spécialisée qu'en matière de soudures alors que sa prestation s'élevait à la somme de 220 euros et qu'ainsi, si la société NOCENTE qui seule connaissait la valeur des empreintes, souhaitait faire peser sur elle une obligation de souscrire une assurance ad valorem, elle devait le lui préciser expressément, a minima sur le bon de livraison, en lui précisant le coût des empreintes, de sorte qu'il ne peut lui être reproché aucun manquement fautif à ce titre';
- qu'au titre de l'article 1150 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée, alors que selon l'article 1151 du même code, dans le cas même où l'inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention';
- qu'en l'espèce, le préjudice subi par la société EUDICA était imprévisible, ce qu'a exactement jugé le tribunal de commerce, alors qu'elle n'a signé aucun contrat avec cette société, et ne peut pas être tenue responsable des conséquences pour EUDICA de la perte des moules, sa responsabilité restant limitée à sa seule relation contractuelle avec la société NOCENTE, d'autant qu'elle n'avait aucune connaissance de la valeur et de la destination finale des empreintes ni des contraintes industrielles de la société EUDICA';
- que si la compagnie MMA demande le paiement de 47.311euros HT, elle n'a cependant réglé à la société EUDICA que 42.005 euros HT (soit 50.406 euros TTC), soit une différence ne reposant sur aucune explication, d'autant que le rapport d'expertise ne contient aucune pièces justificatives qui auraient dû en principe être communiquées à l'expert pour calculer le préjudice et que l'assureur ne verse à la présente procédure aucun justificatif du préjudice subi par la société EUDICA, ni aucun détail sur le mode de calcul de ce préjudice';
- que si la société EUDICA a dû organiser des mesures afin d'exécuter le marché conclu avec la société SALOMON, elles relèvent de l'organisation interne mise en place au sein l'entreprise en vue de l'exécution par celle-ci de ses engagements contractuels à l'égard de son client SALOMON, ce qui lui est étranger';
- que si la compagnie MMA s'appuie sur une quittance subrogative par laquelle la société EUDICA, et non NOCENTE, indique la subroger dans ses droits et actions, elle ne s'est pas trouvée subrogée dans les droits et actions de la société NOCENTE';
- que si en première instance la compagnie MMA a également sollicité sa condamnation à lui payer 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, cette demande ne reposait sur aucune justification ni aucun élément probant, alors que l'assureur a abandonné cette demande en cause d'appel';
La clôture de cette procédure a été prononcée par ordonnance du président de la chambre du 6 juin 2019 et cette procédure a été renvoyée pour être plaidée à l'audience tenue le 19 septembre 2019. A l'issue, le présent arrêt a été prononcé conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
Motifs':
1) Sur la subrogation de la compagnie MMA':
Il résulte de la quittance subrogative du 22 avril 2013 que la société EUDICA a reçu de l'assureur 42.005euros au titre du sinistre résultant de la perte des moules. La compagnie MMA ne peut prétendre obtenir, par la voie de la subrogation, une somme supérieure.
Son action est recevable à ce titre, puisqu'elle a indemnisé directement la société EUDICA pour le compte de son assuré, la société NOCENTE. Elle se trouve bien ainsi subrogée dans les droits de cette dernière, et ce moyen de la société MICROSOUD ne peut qu'être rejetée.
2) Sur les liens contractuels et la responsabilité de la société MICROSOUD':
Le tribunal de commerce a exactement relevé qu'aucun lien contractuel n'existe entre la société MICROSOUD et la société EUDICA. La première n'est que le sous-traitant de la société NOCENTE, qui lui confie les moules, avec l'indication des soudures à opérer, et demande de les lui retourner.
Il n'en demeure pas moins qu'à l'égard de la société NOCENTE, la société MICROSOUD est tenue de réaliser les soudures et de renvoyer les moules. La société NOCENTE est responsable de l'opération envers la société EUDICA. L'inexécution de ses obligations par la société MICROSOUD entraîne l'engagement de la responsabilité de la société NOCENTE vis-à-vis de son client, et l'intimée peut avoir à répondre des conséquences dommageables, par le biais d'une action récursoire de la société NOCENTE. Par le biais de la subrogation, l'action de la compagnie MMA s'inscrit dans ce parcours.
La relation contractuelle entre les sociétés NOCENTE et MICROSOUD s'analyse en un contrat d'entreprise, relevant de l'article 1789 du code civil, puisque la société MICROSOUD ne fournit pas la matière, mais seulement son travail. Ce contrat impose à l'intimée de réaliser les soudures spécifiées par la société NOCENTE, et de lui retourner les moules destinés à la société EUDICA. Elle est ainsi garante de cet envoi, avec le choix des moyens, aucun stipulation contraire n'étant arguée par les parties.
Si l'article 1789 précité dispose que dans un tel cas, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute, il lui appartient cependant de prendre les précautions se trouvant à sa portée pour éviter cette perte.
La perte d'un colis par le transporteur n'est pas une circonstance imprévisible. En l'espèce, il appartenait à la société MICROSOUD de se prémunir contre un risque de perte des colis destinés à la société EUDICA, ayant le choix des moyens de ce transport, au besoin par le biais d'une assurance permettant de couvrir le prix des moules, et le cas échéant les conséquences prévisibles de cette perte. Son intervention s'inscrit en effet dans un processus industriel, et en sa qualité de professionnelle, elle était à même de prendre en considération le risque d'une perte des moules lors de leur transport, générant pour leur destinataire final une désorganisation de sa production, outre le simple coût du remplacement des moules.
Elle ne peut invoquer à cet égard l'absence de renseignement fournie par son donneur d'ordre, ou le caractère modique de sa prestation. Il lui appartenait de s'informer auprès de la société NOCENTE de l'importance de l'opération au regard de l'utilisation finale des moules, afin de prendre conscience de l'importance de sa prestation dans le processus industriel, et ainsi de recourir au besoin à un autre mode de livraison que la remise à une entreprise de messageries, avec le risque d'une perte pendant le transport, ce qui a été le cas de la cause.
Disposant du choix du moyen de transport, et n'ayant pas pris les précautions nécessaires, la société MICROSOUD a commis une faute, au sens de l'article 1789 du code civil, puisque l'une de ses obligations étaient de s'assurer que les moules seraient effectivement livrés. A cet égard, l'invocation de l'article L133-1 du code de commerce sur la responsabilité du transporteur est sans objet pour la présente instance, ne concernant que les obligations du transporteur envers son client.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la société MICROSOUD ne peut être tenue responsable des conséquences subies par la société EUDICA résultant de la perte des moules et que sa responsabilité est limitée à sa seule relation avec la société NOCENTE.
3) Sur les demandes en paiement de la compagnie MMA:
Dans leur rédaction applicable à la cause, les articles 1150 et suivants du code civil disposent que le débiteur de l'obligation inexécutée n'est responsable que des dommages prévisibles lors de la conclusion du contrat.
Il a été détaillé plus haut les conditions de l'intervention de la société MICROSOUD dans le processus industriel. En sa qualité de professionnelle, elle ne peut prétendre ignorer les conséquences d'une mauvaise exécution des soudures sur l'activité de la société EUDICA, ni corrélativement celles résultant d'une perte intégrale des moules. Il s'agit en l'espèce de moules destinés à une production en grande série de chaussures de ski.
Elle est ainsi responsable des préjudices subis par la société EUDICA résultant de la désorganisation de sa chaîne de production.
A cet égard, plusieurs expertises contradictoires ont été réalisées par le cabinet SERI EXPERT. Il résulte du second rapport du 6 novembre 2012 que suite à la perte du moule, une réorganisation de la chaîne d'assemblage de la société EUDICA a dû être opérée, nécessitant la modification des équipes de travail, des coûts de transport supplémentaires afin de ne pas pénaliser la production de la société SALOMON, client final des produits fabriqués par la société EUDICA. Des pénalités contractuelles ont été appliquées par la société SALOMON à la société EUDICA. Cette dernière a dû faire l'acquisition d'une presse supplémentaire et recourir à des emplois à durée indéterminée, s'agissant d'une activité saisonnière, le temps de pouvoir disposer à nouveau d'un moule permettant de produire quatre empreintes de chaussures de ski simultanément.
Le cabinet d'expertise en a déduit que des coûts de fabrication supplémentaires pour 34.917euros ont été supportés par la société EUDICA, outre des pénalités facturées par la société SALOMON pour 4.576euros. Des frais divers ont été également supportés pour 7.838euros, de sorte que ce cabinet a conclu à un préjudice total hors taxe de 47.331euros.
Cette somme finale est reprise dans la quittance délivrée par la société EUDICA à la compagnie MMA. Cependant, l'assureur n'étant que subrogé, il ne peut prétendre au paiement que de ce qu'il a réglé pour le compte de son assuré. De ce fait, la somme finale mise à la charge de la société MICROSOUD ne peut dépasser 42.005euros HT. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
Il sera confirmé en ce qu'il a débouté la compagnie MMA de sa demande de dommages et intérêts, cette dernière ne présentant aucune demande à ce titre en appel.
La société MICROSOUD sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 2.000euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société MICROSOUD sera enfin condamnée aux dépens, par application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1789 et 1150 (ancien) du code civil;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a':
- débouté la société NOCENTE de sa demande de dommages au titre du préjudice subi par la société EUDICA';
- débouté la compagnie MMA de ses demandes d'indemnisation';
- débouté la compagne MMA de sa demande de dommages et intérêts';
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions et statuant à nouveau':
Dit que la société MICROSOUD est responsable des dommages subis par la société NOCENTE au titre du préjudice subi par la société EUDICA';
Condamne en conséquence la société MICROSOUD à payer à la compagnie MMA la somme de 42.005euros au titre de son recours subrogatoire du chef des dommages pris en compte du chef de son assurée la société NOCENTE au titre des préjudices subis par la société EUDICA';
Condamne la société MICROSOUD à payer à la compagnie MMA la somme de 2.000euros par application de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la société MICROSOUD aux dépens exposés en cause d'appel';
SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par M. STICKER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Président