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15/10/2019 | FRANCE | N°17/00632

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 15 octobre 2019, 17/00632


N° RG 17/00632 - N° Portalis DBVM-V-B7B-I4D6

HC

N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



la SELARL CABINET PHILIPPE GUIEU & VALERIE GABARRA



la SCP GIRARD BRIANCON





AU NOM D

U PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 15 OCTOBRE 2019





Appel d'un Jugement (N° R.G. 12/01363)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP

en date du 20 septembre 2016

suivant déclaration d'appel du 06 Février 2017



APPELANTS :



Monsieur [X] [I]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 4]

de nationalité ...

N° RG 17/00632 - N° Portalis DBVM-V-B7B-I4D6

HC

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL CABINET PHILIPPE GUIEU & VALERIE GABARRA

la SCP GIRARD BRIANCON

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 15 OCTOBRE 2019

Appel d'un Jugement (N° R.G. 12/01363)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP

en date du 20 septembre 2016

suivant déclaration d'appel du 06 Février 2017

APPELANTS :

Monsieur [X] [I]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Madame [W] [P] épouse [I]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Tous deux représentés par Me Philippe GUIEU FAUGOUX de la SELARL CABINET PHILIPPE GUIEU & VALERIE GABARRA, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Amandine PHILIP, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

LA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Philippe GIRARD de la SCP GIRARD BRIANCON, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Juliette FABRY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ  :

Madame Hélène COMBES, Président de chambre,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistées lors des débats de Madame Anne BUREL, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Septembre 2019, Madame [T] a été entendue en son rapport.

Maître [J] [H] a été entendue en ses observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE

[X] [I] et [W] [P] épouse [I] ont accepté trois offres de prêt de la Banque Patrimoine et Immobilier :

- le 27 février 2006 une offre de prêt de 316.000 euros destiné à l'acquisition d'un appartement en l'état futur d'achèvement à [Localité 8],

- le 27 février 2006, une offre de prêt de 172.000 euros destiné à l'acquisition d'un appartement en l'état futur d'achèvement à [Localité 6] (31).

- le 15 mai 2006, une offre de prêt de 176.800 euros destiné à l'acquisition d'un appartement en l'état futur d'achèvement à [Localité 7] (29).

Ces opérations s'inscrivent dans le cadre des activités de la société Apollonia dont les agissements frauduleux sont invoqués par de nombreux emprunteurs et ont donné lieu à de multiples procédures.

Les emprunteurs s'étant montrés défaillants dans le remboursement des prêts, la Banque Patrimoine et Immobilier a prononcé la déchéance du terme des trois prêts le 12 octobre 2009.

Par actes du 23 décembre 2010, elle a assigné [X] [I] et [W] [P] épouse [I] en paiement devant le tribunal de grande instance de Gap.

Par jugement du 20 septembre 2016, le tribunal a condamné solidairement [X] [I] et [W] [P] épouse [I] à payer à la Banque Patrimoine et Immobilier les sommes suivantes :

- 332.921,81 euros assortie des intérêts au taux de 3,849 % à compter du 12 octobre 2009,

- 180.168,56 euros assortie des intérêts au taux de 3,849 % à compter du 12 octobre 2009,

- 185.315,05 euros assortie des intérêts au taux de 3,850 % à compter du 12 octobre 2009,

- 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le tribunal a ordonné l'exécution provisoire.

[X] [I] et [W] [P] épouse [I] ont relevé appel le 6 février 2017.

Dans leurs dernières conclusions du 5 mai 2017, il demandent à la cour de :

- Réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Gap le 20 septembre 2016,

Avant dire droit,

Enjoindre la Banque Patrimoine et Immobilier de produire les offres des trois prêts accordés et à défaut de production, débouter purement et simplement la Banque Patrimoine et Immobilier,

À titre principal,

- Ordonner qu'il soit sursis à statuer sur l'instance les opposant à la Banque Patrimoine et Immobilier jusqu'à la fin des instances pénales et civiles pendantes par-devant le tribunal de grande instance de Marseille.

A titre subsidiaire,

- Ordonner qu'il soit sursis à statuer sur l'instance les opposant à la Banque Patrimoine et Immobilier jusqu'à la fin de l'instruction.

En tout état de cause,

- Débouter la Banque Patrimoine et Immobilier de sa demande de provision,

- Débouter la Banque Patrimoine et Immobilier de sa demande relative au reversement de la TVA,

À titre plus subsidiaire,

- Constater l'irrecevabilité de l'action de la Banque Patrimoine et Immobilier,

- Constater la prescription des demandes de la Banque Patrimoine et Immobilier,

- Constater la titrisation de ses créances par la Banque Patrimoine et Immobilier,

- Constater que la Banque Patrimoine et Immobilier ne rapporte pas la preuve de la non cession des prêts accordés,

En conséquence,

- Dire et juger que la créance de la Banque Patrimoine et Immobilier est prescrite,

- Constater que la Banque Patrimoine et Immobilier n'a pas d'intérêt à agir.

- Déclarer la Banque Patrimoine et Immobilier irrecevable

- Débouler la même de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,

- Constater qu'une information pénale est en cours à l'encontre d'Apollonia et de tous les autres,

notamment des chefs de faux en écritures, y compris de faux en écritures publiques, laquelle a donné lieu à la mise en examen et à l'incarcération de trois notaires rédacteurs des actes,

- Constater les irrégularités contenues dans les actes notariés et les procurations,

- Constater la violation manifeste du délai Scrivener,

- Constater la violation manifeste des dispositions du code monétaire et financier notamment en ses

articles L 519-1 et suivants.

- Constater la violation manifeste des dispositions du code de la consommation notamment en ses articles L 121-21 et suivants, l 312 et suivants, l 313 et suivants.

- Constater l'absence de mention du taux de période et de la durée de période,

- Constater l'absence au titre du taux effectif global de toute mention touchant à la commission perçue par la société Apollonia.

- Constater l'absence dans le calcul du taux effectif global des frais de notaire et des frais de garantie,

- Constater la violation manifeste notamment de la loi Scrivener, et des dispositions légales impératives

touchant à la détermination du taux effectif global,

- Constater la déchéance du droit aux intérêts des emprunts,

- Constater que la créance de la Banque Patrimoine et Immobilier n'est dès lors ni liquide, ni certaine ni exigible,

- Dire et juger que la Banque Patrimoine et Immobilier n'a pas respecté son obligation de mise en garde,

- Dire et juger que l'acte à l'origine des poursuites de la banque est frauduleux,

- Constater que le consentement à l'acte donné par eux n'était en rien un consentement éclairé.

- Constater l'illicéité de la cause du contrat de prêt en débat.

En conséquence,

- Débouler la Banque Patrimoine et Immobilier de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement sur ce point

- Prononcer alors à tout le moins la déchéance du droit aux intérêts de la banque au visa des dispositions

de la loi Scrivener.

En tout état de cause

- Condamner la Banque Patrimoine et Immobilier à leur payer une somme de 698.405,42 euros de dommages et intérêts compte tenu du caractère manifestement abusif de sa demande,

- Condamner encore la Banque Patrimoine et Immobilier à leur verser une somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonner l'exécution provisoire.

- Condamner enfin la Banque Patrimoine et Immobilier aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions du 17 décembre 2018, le Crédit Immobilier de France Développement qui vient aux droits de la Banque Patrimoine et Immobilier demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Gap du 20 septembre 2016 en toutes ces dispositions,

Sauf en ce qu'il a débouté la banque de sa demande de dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau,

Sur la demande de sursis à statuer :

- Dire et juger que la demande de sursis à statuer est irrecevable et mal fondée,

- Constater que la procédure pénale de l'affaire Apollonia n'aura pas d'incidence sur la présente procédure, de sorte que les sursis à statuer sollicités seraient inopportuns et contraires à la bonne administration de la justice,

- Constater que le sursis à statuer sollicité est incompatible avec l'obligation de statuer dans

un délai raisonnable et, partant, contraire à la bonne administration de la justice,

- Constater que l'article 312 du code de procédure civile n'est pas applicable en l'espèce,

En conséquence,

- Confirmer le rejet de la demande de sursis à statuer formulée par les époux [I].

Sur la recevabilité de l'action du Crédit Immobilier de France Développement :

- Constater que le Crédit Immobilier de France Développement dispose d'un intérêt à agir,

- Constater que la présente action n'était pas prescrite à la date à laquelle elle a été engagée,

Sur le bien-fondé de l'action du Crédit Immobilier de France Développement :

- Dire et juger que l'action du Crédit Immobilier de France Développement est recevable et bien fondée,

- Constater que la créance que détient le Crédit Immobilier de France Développement sur les époux [I] est certaine, liquide et exigible tant dans son principe que dans son quantum,

En tout état de cause,

- Débouter les époux [I] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- Condamner solidairement les époux [I] à payer au Crédit Immobilier de France Développement :

Au titre du prêt n° 207 9266W 001 la somme de 332.921,81 euros, outre intérêts sur le principal de 310.825,81 euros capitalisés au taux de 3,849 % à compter du 12 octobre 2009,

Au titre du prêt n° 207 9271 B 001 la somme de 180.168,56 euros, outre intérêts sur le principal de 168.202,42 euros capitalisés au taux de 3,849 %à compter du 12 octobre 2009,

Au titre du prêt n° 208 1929 R 001 la somme de 185.315,05 euros, outre intérêts sur le principal de 172.999,86 euros capitalisés au taux de 3,950 % à compter du 12 octobre 2009.

- Déduire de cette condamnation la somme de 70.285,56 euros, perçue le 12 mai 2017 par la

banque et résultant de la mise en jeu de nantissements attachés à des assurances-vie contractées par les époux [I],

- Condamner solidairement les époux [I] à verser à la Banque Patrimoine et Immobilier la somme de 40.000 euros au titre de dommages et intérêts,

- Accorder au Crédit Immobilier de France Développement le bénéfice de la capitalisation des intérêts, conformément aux termes de l'article 1154 du code civil,

- condamner les époux [I] à payer au Crédit Immobilier de France Développement la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les époux [I] aux entiers dépens de l'instance,

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 2018.

DISCUSSION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

I - Sur la demande en paiement du Crédit Immobilier de France Développement

Les trois offres de prêt sont versées aux débats par le Crédit Immobilier de France Développement en pièces 1, 2 et 3.

1 - Sur la demande de sursis à statuer de [X] [I] et [W] [P] épouse [I]

[X] [I] et [W] [P] épouse [I] demandent à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue des instances pénales et civiles en cours devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Le Crédit Immobilier de France Développement réplique que cette demande est irrecevable en l'état de l'ordonnance rendue le 18 janvier 2012 par le juge de la mise en état du tribunal de Gap et de l'arrêt rendu par la cour le 5 novembre 2012.

Mais ces décisions ne sont pas produites aux débats, de sorte qu'il ne peut être retenu que c'est dans le cadre de la présente procédure qu'elles ont été rendues.

Le moyen d'irrecevabilité ne pouvant prospérer, il convient de rechercher si la demande de sursis à statuer est justifiée au regard des éléments du litige.

Au soutien de leur demande, [X] [I] et [W] [P] épouse [I] font notamment valoir que la Banque Patrimoine et Immobilier est responsable des agissements frauduleux de la société Apollonia qui les a démarchés de façon particulièrement agressive.

Le Crédit Immobilier de France Développement s'y oppose répliquant que le sursis est facultatif et qu'il serait contraire à une bonne administration de la justice.

La décision de suspendre l'instance relève du pouvoir discrétionnaire conféré au juge en vue d'une bonne administration de la justice.

Il n'est pas contesté que la Banque Patrimoine et Immobilier aux droits de laquelle vient le Crédit Immobilier de France Développement n'est plus mise en examen depuis le 13 septembre 2013.

A ce jour, rien ne permet de retenir que la situation pourrait évoluer sur le plan pénal dans un sens défavorable au Crédit Immobilier de France Développement.

Ni les droits de la défense, ni le principe de la contradiction, ni les considérations liées à une bonne administration de la justice n'imposent de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision pénale et d'une décision civile qui interviendront dans un délai qu'il est impossible d'évaluer à ce jour et dont l'incidence sur la présente instance est totalement incertaine.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer de [X] [I] et [W] [P] épouse [I].

2 - Sur la recevabilité

[X] [I] et [W] [P] épouse [I] concluent à l'irrecevabilité de l'action du Crédit Immobilier de France Développement sur le fondement de différents moyens.

Ils soutiennent en premier lieu que la banque qui dispose d'actes notariés n'a pas d'intérêt à agir.

Mais bien que constituant un titre exécutoire, un acte notarié ne revêt pas les attributs d'un jugement et aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu'un créancier dispose de deux titres exécutoires pour la même créance.

Titulaire d'actes notariés , le Crédit Immobilier de France Développement n'est pas privé de son intérêt à agir aux fins de condamnation de [X] [I] et [W] [P] épouse [I] au paiement des créances constatées dans les actes notariés.

[X] [I] et [W] [P] épouse [I] soutiennent encore que le Crédit Immobilier de France Développement n'a pas d'intérêt à agir en l'état de la cession des créances de la Banque Patrimoine et Immobilier à un fonds commun de créances.

Mais ainsi que l'a relevé le tribunal, un document daté du 4 décembre 2009 établit qu'après avoir cédé 196 créances au fonds commun de créances BPI Master Mortage, la Banque Patrimoine et Immobilier a procédé à la résolution de la cession au mois de décembre 2009, soit avant l'introduction de l'instance.

La preuve d'une cession ultérieure des créances n'est pas rapportée par les appelants.

Le Crédit Immobilier de France Développement qui vient aux droits de la Banque Patrimoine et Immobilier justifie de son intérêt à agir.

[X] [I] et [W] [P] épouse [I] soutiennent enfin que l'action de la banque est prescrite sur le fondement de l'article L 137-2 du code de la consommation qui dispose que l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Le Crédit Immobilier de France Développement réplique que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables, [W] [P] épouse [I] ayant la qualité de loueur en meublé professionnel.

Mais l'immatriculation de [W] [P] épouse [I] au Registre du commerce et des sociétés a été faite le 27 septembre 2006 pour une activité débutant le 15 septembre 2006, soit postérieurement à l'acceptation des offres de prêt aux mois de février et mai 2006.

Le Crédit Immobilier de France Développement n'est dès lors pas fondé à soutenir que les prêts immobiliers échappent aux dispositions du code de la consommation, puisqu'ils n'étaient pas lors de leur conclusion, destinés à financer une activité professionnelle.

Aucune prescription n'est cependant encourue sur le fondement des dispositions sus-visées.

En effet, la déchéance du terme a été prononcée le 12 octobre 2009.

A cette date les échéances étaient impayées depuis le mois de mai 2009 selon les propres indications des appelants et l'assignation interruptive de prescription a été délivrée le 23 décembre 2010 soit dans le délai biennal.

La demande du Crédit Immobilier de France Développement est recevable.

3 - Sur le fond

[X] [I] et [W] [P] épouse [I] ne développent aucun moyen pour contester la demande principale du Crédit Immobilier de France Développement et concentrent leur argumentation sur la déchéance des intérêts conventionnels, invoquant divers manquements aux dispositions du code de la consommation.

Ils soutiennent notamment qu'ils n'ont pas pu bénéficier du délai de réflexion de 10 jours prescrit par l'article L 312-10 du code de la consommation.

En l'espèce, si les offres de prêt sont datées :

- du 15 février 2006 pour le prêt 2079266 W001,

- du 15 février 2006 pour le prêt 2079271 B001,

- du 28 avril 2006 pour le prêt 2081929 R001,

aucun élément ne permet en revanche de déterminer les dates d'expédition de ces offres et de réception par [X] [I] et [W] [P] épouse [I], les mentions de l'acceptation de ces offres indiquant uniquement qu'elles ont été reçues par voie postale.

L'acceptation des offres étant datée des 27 février 2006 pour les deux premiers prêts et du 15 mai 2006 pour le troisième prêt, la cour n'est pas en mesure de vérifier que les emprunteurs ont effectivement disposé d'un délai de 10 jours entre la réception des offres et leur acceptation.

Dès lors la sanction prévue par l'article L 312-33 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion des prêts est encourue.

Pour ce seul motif, il convient, compte tenu du contexte du litige, de prononcer la déchéance en totalité du droit aux intérêts de la banque, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'argumentation de [X] [I] et [W] [P] épouse [I] sur les autres points.

[X] [I] et [W] [P] épouse [I] invoquent enfin le caractère frauduleux du prêt.

S'agissant des actes sous seing privé, ils ne démontrent pas en quoi le consentement qu'ils ont donné n'était pas un consentement éclairé.

Quant aux critiques qu'ils formulent à l'encontre des actes notariés, elles sont inopérantes dès lors que l'action en paiement de la banque est fondée sur les offres de prêt acceptées.

Le Crédit Immobilier de France Développement sollicite au titre du remboursement des prêts le paiement des sommes dont le détail figure sur les lettres recommandées du 16 avril 2010 prononçant la déchéance du terme.

Il convient de faire application d'office des dispositions de l'article 1152 devenu 1231-5 du code civil et de ramener à 100 euros le montant de l'indemnité contractuelle, dont le montant est manifestement excessif.

En l'état de la déchéance du droit aux intérêts et au vu du tableau d'amortissement et du décompte figurant sur les lettres recommandées du 12 octobre 2009, la créance du Crédit Immobilier de France Développement s'établit de la façon suivante :

1) Sur le prêt 2079266 W001:

- échéances impayées : 9.530,24 euros

- capital restant dû au 25 septembre 2009 : 301.295,57 euros

- indemnité de résiliation :100,00 euros

- à déduire intérêts déchus de la première échéance jusqu'au jour de la déchéance du terme le 12 octobre 2009 (40 échéances) : 40.620,00 euros

Total : 270.305,81 euros

outre intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2009.

2) Sur le prêt 2079271 B001:

- échéances impayées : 5.289,87 euros

- capital restant dû au 25 septembre 2009 : 162.912,55 euros

- indemnité de résiliation :100,00 euros

- à déduire intérêts déchus de la première échéance jusqu'au jour de la déchéance du terme le 12 octobre 2009 : 24.052,96 euros

Total : 144.249,46 euros

outre intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2009.

3) Sur le prêt 2081929 R001 :

- échéances impayées : 5483.45 euros

- capital restant dû au 25 septembre 2009 : 167.516,41 euros

- indemnité de résiliation :100,00 euros

- à déduire intérêts déchus de la première échéance jusqu'au jour de la déchéance du terme le 12 octobre 2009 : 25.292,84 euros

Total : 147.807,02 euros

outre intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2009.

Conformément à ce que précise le Crédit Immobilier de France Développement, il convient de déduire de ces sommes, la somme de 70.285,56 euros perçue le 12 mai 2017.

II - Sur la demande de dommages intérêts de [X] [I] et [W] [P] épouse [I]

[X] [I] et [W] [P] épouse [I] reprochent à la Banque Patrimoine et Immobilier d'avoir manqué à son devoir de mise en garde en leur consentant les prêts litigieux sans les rencontrer et sans s'assurer de leur situation financière.

L'établissement bancaire qui consent un crédit est tenu envers un emprunteur non averti d'une obligation de mise en garde au regard de ses capacités financières et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt.

L'obligation de mise en garde est ainsi subordonnée à deux conditions, la qualité d'emprunteur non averti et l'existence d'un risque d'endettement.

Les qualités d'artisan de [X] [I] et de médecin de [W] [P] épouse [I] ne font pas d'eux ipso facto des emprunteurs avertis et le Crédit Immobilier de France Développement ne développe aucune argumentation étayant son affirmation sur la qualité d'emprunteurs avertis des appelants.

Les appelants étant des emprunteurs non avertis, il convient dès lors de rechercher si les emprunts contractés étaient adaptés leur capacités financières, ainsi que le soutient le Crédit Immobilier de France Développement.

Au soutien de cette affirmation, le Crédit Immobilier de France Développement produit en pièce 30 la fiche de renseignements bancaires signée par les emprunteurs le19 janvier 2006, soit avant la conclusion des trois prêts.

Selon les renseignements portés sur ce document, le couple percevait des revenus mensuels de 8.047,86 euros, était endetté à hauteur de 818 euros par mois et détenait un patrimoine immobilier évalué à 731.500 euros soit directement soit par l'intermédiaire de SCI.

Il est également fait état de placements à hauteur de 167.000 euros.

En l'état de ces éléments les emprunts contractés, nonobstant le montant des remboursements à compter de la troisième année, ne généraient pas, au regard des revenus du couple et de son patrimoine immobilier, un risque d'endettement excessif et un risque de non remboursement.

Aucun manquement au devoir de mise en garde de la banque n'est établi de sorte que [X] [I] et [W] [P] épouse [I] seront déboutés de leur demande de dommages intérêts.

***

Le Crédit Immobilier de France Développement n'établit pas en quoi [X] [I] et [W] [P] épouse [I] sont de mauvaise foi et sera débouté de sa demande de dommages intérêts.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sa faveur.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement

- Confirme le jugement déféré sauf sur le quantum des condamnations prononcées et sur l'allocation à la banque d'une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Statuant à nouveau, condamne solidairement [X] [I] et [W] [P] épouse [I] à payer aux Crédit Immobilier de France Développement qui vient aux droits de la Banque Patrimoine et Immobilier les sommes suivantes :

270.305,81 euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2009 au titre du prêt 2079266 W001

144.249,46 euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2009 au titre du prêt 2079271 B001

147.807,02 euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2009 au titre du prêt 2081929 R001

- Dit qu'il convient de déduire de ces sommes la somme de 70.285,56 euros perçue le 12 mai 2017.

- Dit que les intérêts se capitaliseront dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil.

- Y ajoutant, déboute [X] [I] et [W] [P] épouse [I] de leur demande de dommages intérêts.

- Déboute le Crédit Immobilier de France Développement de sa demande de dommages intérêts et de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance que devant la cour.

- Condamne [X] [I] et [W] [P] épouse [I] aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 17/00632
Date de la décision : 15/10/2019

Références :

Cour d'appel de Grenoble 01, arrêt n°17/00632 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-15;17.00632 ?
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