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10/09/2019 | FRANCE | N°17/01488

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 10 septembre 2019, 17/01488


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No RG 17/01488 - No Portalis DBVM-V-B7B-I6FT


No Minute :








































































Notifié le :


Copie exécutoire délivrée le :






Me Laure PERRET




CPAM DE L'ISÈRE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE GRENOBLE


CHAMBRE SOCI

ALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU MARDI 10 SEPTEMBRE 2019
Ch.secu-fiva-cdas


Appel d'une décision (No RG 371/2016)
rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VIENNE
en date du 11 janvier 2017
suivant déclaration d'appel du 17 Mars 2017




APPELANTE :


Madame Q... B...
née le [...] à VIENNE
de nationalité Française
[...] [...]


représe...

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No RG 17/01488 - No Portalis DBVM-V-B7B-I6FT

No Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Laure PERRET

CPAM DE L'ISÈRE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU MARDI 10 SEPTEMBRE 2019
Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (No RG 371/2016)
rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VIENNE
en date du 11 janvier 2017
suivant déclaration d'appel du 17 Mars 2017

APPELANTE :

Madame Q... B...
née le [...] à VIENNE
de nationalité Française
[...] [...]

représentée par Me Johanna ABAD, avocat au barreau de GRENOBLE, et plaidant par Me Laure PERRET, avocat au barreau de NICE

INTIMEES :

SAS CALOR SA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Alexandre LUCIEN, avocat au barreau de LYON

CPAM DE L'ISERE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

comparante en la personne de Mme G... W... régulièrement munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
M. Jérôme DIE, Magistrat honoraire,

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Mai 2019

Monsieur Frédéric BLANC, chargé du rapport, et M. Jérôme DIE, Magistrat honoraire ont entendu les représetants des parties en leurs conclusions et plaidoirie, assistés de Madame Chrystel ROHRER, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 10 Septembre 2019, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 10 Septembre 2019

EXPOSE DU LITIGE :

Le 1er octobre 2012, Madame B..., employée en qualité d'animatrice de ligne par la société CALOR, a été victime d'un accident du travail ainsi déclaré le lendemain : « Mme B... se déplaçait dans l'allée de circulation entre deux lignes de montage (Méca 4 et Méca 5). Choc entre les fourches d'un chariot élévateur et la cheville de la victime. Le conducteur du chariot n'a pas vu Mme B... ».

Le certificat médical initial en date du 6 octobre 2012 mentionne une fracture luxation malléolaire cheville gauche.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (CPAM) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

Le 11 septembre 2013, Madame B... a saisi la CPAM d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société CALOR.

Le 6 novembre 2013, Madame B... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VIENNE aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur à l'origine de l'accident du travail dont elle a été victime le 1er octobre 2012.

Le 28 janvier 2014, la CPAM a dressé un procès-verbal de carence.

L'état de santé de Madame B... a été déclaré consolidé à la date du 30 juin 2014. Un taux d'incapacité permanente partielle de 12 % attribué par la CPAM a été révisé à 7 % par jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité de Lyon en date du 2 septembre 2016.

Par jugement du 11 janvier 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de VIENNE a :

- déclaré Madame B... recevable en son action,
- débouté Madame B... de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société CALOR, son employeur, dans la survenance de l'accident du travail dont elle a été victime le 1er octobre 2012,
- débouté Madame B... de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Le 17 mars 2017, Madame B... a interjeté appel de cette décision.

A l'issue des débats et de ses conclusions du 10 décembre 2018 soutenues oralement à l'audience et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame B... demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé son appel,
- réformer dans son entier le jugement rendu le 11 janvier 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de VIENNE,
Statuant à nouveau,
- juger que l'accident de travail dont elle a été victime le 1er octobre 2012 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société CALOR,
- juger que la décision à intervenir aura un caractère commun et opposable à la CPAM,
En conséquence,
- lui allouer la majoration de la rente accident de travail à son taux maximum,
- juger que cette majoration de rente suivra le taux de DFP,
- condamner la société CALOR à pourvoir au paiement de la rente majorée au maximum légal,
- juger que l'employeur sera tenu de l'indemniser de l'ensemble de ses préjudices non déjà couverts par le livre IV du du code de la sécurité sociale,
- ordonner une expertise médicale avec mission habituelle en la matière et notaMadament celle de :
- déterminer les séquelles dont elle reste atteinte et la date de consolidation des blessures,
- dire si son état est susceptible de modifications et/ou aggravations,
- se prononcer sur le déficit fonctionnel temporaire et tous autres éléments du préjudice corporel,
- juger que dans un souci d'équité les frais d'expertise ne pourront rester à sa charge,
- lui allouer une somme de 40.000 € à titre de la provision à valoir sur le montant de son indemnisation définitive,
- condamner la CPAM à faire l'avance de la totalité des sommes qui lui seront allouées,
- condamner la société CALOR à lui payer la somme de 3.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.

Madame B... soutient que la société CALOR a commis une faute inexcusable puisqu'elle estime que son employeur avait connaissance de la dangerosité de la circulation de chariots élévateurs à l'intérieur du site. Elle prétend que la société CALOR n'a pris aucune mesure pour assurer la sécurité des salariés en les équipant de gilets jaunes, en délimitant les zones de travail de barrières et de chaînes et qu'elle n'a mis en œuvre aucune formation pratique et appropriée notamment suite à la rénovation du plan de circulation. Elle affirme que la société CALOR ne s'est pas assurée de ce que les chariots élévateurs soient bridés afin de ne pas circuler à l'intérieur à une vitesse excessive ni que les chariots élévateurs circulent avec les fourches à hauteur suffisante du sol, ni de l'absence d'élément cachant la visibilité. Elle reproche à la société CALOR de ne pas s'être assurée de l'entretien effectif et régulier des chariots élévateurs par son prestataire. Enfin elle soutient qu'elle se situait sur le passage piétons lorsqu'elle a été percutée par le chariot élévateur.

A l'issue des débats et de ses conclusions du 27 février 2019 soutenues oralement à l'audience et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société CALOR demande de :

A titre principal,
- confirmer le jugement déféré,
- débouter en conséquence Madame B... de sa demande,
Subsidiairement,
- rejeter la demande d'expertise portant sur des postes de préjudices déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale,
- rejeter la demande de provision,
- limiter l'action récursoire de la CPAM au titre de la majoration de rente au taux d'IPP de 7 % conformément au jugement du TCI de Lyon en date du 2 septembre 2016.

La société CALOR soutient que l'accident du travail dont a été victime Madame B... est dû à une faute d'inattention du conducteur du chariot élévateur, Monsieur L..., titulaire des habilitations réglementaires à la conduite et qui a détourné son regard tout en poursuivant sa trajectoire, percutant ainsi Madame B.... Elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable dès lors que, consciente des risques générés par la circulation d'engins au sein de l'atelier, elle a mis en place un plan de circulation lequel prévoyait des voies distinctes et séparées pour les véhicules et pour les piétons. Elle considère que la hauteur des fourches n'est pas la cause de l'accident et relève que l'enquête du CHSCT a démontré que les chariots élévateurs étant bridés à 12 km/h, cette valeur est inférieure à la réglementation en vigueur.

A l'issue des débats et de ses conclusions du 10 mai 2019 soutenues oralement à l'audience et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la CPAM DE L'ISÈRE demande de :

-dire s'il y a eu faute inexcusable de l'employeur
dans l'affirmative,
-fixer la majoration de la rente en application de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale
-fixer l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux, tels que prévus par l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale et de la jurisprudence en la matière, en suite de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur suite à l'accident du travail du 1er octobre 2012 dont a été victime Madame B... Q...
-condamner l'employeur, la société CALOR-GROUPE SEB à rembourser à la CPAM les sommes dont elle serait amenée à faire l'avance auprès de Madame B..., y compris les frais d'expertise
-déclarer le jugement commun à la compagnie d'assurance de la société CALOR-GROUP SEB, qui la garantie contre le risque de la faute inexcusable de l'employeur

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ainsi que des accidents du travail. Dès lors, le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La charge de la preuve de la conscience du danger incombe à la victime de la faute inexcusable.

Il est indifférent que la faute de l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ; il suffit qu'elle soit une cause nécessaire du dommage.

Il importe peu que le salarié ait lui-même commis une imprudence ayant concouru à son dommage. Cette circonstance ne peut atténuer la gravité de la faute de l'employeur. Tout au plus, la faute inexcusable de la victime est susceptible d'entraîner une diminution de la majoration de la rente.

La faute d'un tiers ou d'un co-préposé est indifférente à la gravité de la faute de l'employeur.

L'existence de la faute inexcusable de l'employeur définie à l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale est présumée établie de manière simple pour les salariés sous contrat à durée déterminée et les salariés mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire, victimes d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L. 4154-3 du Code du travail.

La présomption de faute inexcusable résultant de l'article L. 4154-3 du Code du travail ne peut être renversée que par la preuve que l'entreprise a fourni au salarié une formation renforcée à la sécurité.

En revanche, le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur est de droit pour le salarié ou les salariés qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, alors qu'eux-mêmes ou un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé. Il s'agit, dans ce cas, d'une présomption irréfragable.

En l'espèce, s'agissant des circonstances de l'accident, il apparaît que l'employeur admet en première instance comme en appel que Madame B... était en train de traverser sur le passage piétons lorsqu'elle a été percutée au niveau de la cheville par la fourche d'un chariot élévateur conduit par Monsieur L..., qui avait tourné la tête et ne l'a pas vue.

Il est également établi et constant qu'au moment de l'accident Madame B... se déplaçait en téléphonant à une personne du service maintenance, la Cour relevant par ailleurs que l'accident a eu lieu à 23h15 en horaires de nuit.

S'agissant de la conscience du risque, l'employeur ne pouvait ignorer que ses salariés à pied étaient exposés à un risque de choc avec les engins à moteurs qu'il faisait circuler dans le même espace.

S'agissant des mesures prises pour prévenir le risque, l'employeur justifie effectivement de la mise en place d'un plan de circulation adapté tenant compte de la présence conjointe dans les locaux de l'entreprise de piétons et d'engins roulants dont la limite de vitesse est conforme à la réglementation.

Mais comme Madame B... l'établit ainsi que l'a relevé d'ailleurs l'inspecteur du travail dans un courrier du 10 octobre 2012 à la société CALOR, l'employeur ne justifie pas avoir mis en oeuvre, après la modification et la rénovation de son plan de circulation, de mesures d'information adaptées de ses salariés à ce titre alors qu'il s'agit d'une obligation lui incombant en vertu des articles L 4141-2 et R 4141-3 du code du travail.

Ce manquement de l'employeur à son obligation d'information et de sécurité des salariés dans l'entreprise a joué un rôle causal dans l'accident.

En effet, d'après les circonstances sus-rappelées de l'accident et le rapport du CHSCT du 3 octobre 2012, si l'accident a notamment été rendu possible par l'inattention du conducteur du chariot, il est également noté que Madame B... n'a pas vu la présence du chariot élévateur en mouvement, alors qu'elle se trouvait au téléphone avec le service de maintenance.

Madame B... établit que la perte d'attention lorsqu'on téléphone est un risque prévisible puisque l'employeur a postérieurement à l'accident diffusé un document ‘vigilance sur notre sécurité' précisant qu'il fallait "par ailleurs sensibiliser les personnes à la perte d'attention lorsqu'on téléphone".

Ce risque était d'autant plus prévisible pour l'employeur que celui-ci n'a absolument pas remis en cause le fait que Madame B... ait pu se déplacer en téléphonant dans un espace de circulation où se trouvaient à la fois des chariots élévateurs mais également des machines, en stigmatisant un comportement anormal.

Le CHSCT a d'ailleurs estimé qu'il s'agissait d'un fait permanent chronique et la fiche de poste de Madame B... produite par la société CALOR confirme que celle-ci avait des missions de maintenance et devait notamment réaliser un pré-diagnostic avant de faire intervenir la maintenance, supposant des contacts téléphoniques avec ce service.

Ce n'est qu'après l'accident que l'employeur a diffusé en octobre 2012 ce qu'il présente comme "un rappel sur le comportement et le respect des règles de sécurité" prévoyant notamment que le piéton ne doit pas téléphoner dans une zone proche d'une zone de circulation mais il ne produit aucun document antérieur à l'accident ayant informé les salariés de cette règle, effectivement adaptée au risque prévisible de perte d'attention liée au fait de téléphoner en se déplaçant de sorte que cette consigne est considérée comme nouvelle dans l'entreprise et postérieure à l'accident.

En conséquence, il convient de réformer le jugement dont appel et de dire que l'accident de travail dont Madame B... a été victime le 1er octobre 2012 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société CALOR.

Sur la demande d'expertise et la réparation du préjudice subi du fait de la faute inexcusable :

En cas de faute inexcusable, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui sont dues en vertu de la législation sur les accidents du travail (CSS, art. L. 452-2, al. 1).

L'article L 452-3 du code du travail énonce que :

Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayant-droits de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.
La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

Toutefois, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, la victime peut demander la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale (Cons. const., 18 juin 2010, déc. no 2010-8 QPC).

Les préjudices pris en charge par le livre IV du Code de la sécurité sociale :

-les dépenses de santé actuelles et futures
-les frais de déplacement
-les dépenses d'expertise technique
-les dépenses d'appareillage actuelles et futures
-les pertes de gains professionnels et futurs
-l'assistance d'une tierce personne après consolidation
l'incidence professionnelle, la victime devant établir qu'elle avait des chances sérieuses de promotion professionnelle
-le déficit fonctionnel permanent
-les souffrances endurées
-le préjudice esthétique
-le préjudice d'agrément (impossibilité de pratiquer des activités sportives et de loisir)
-les frais funéraires
-la perte des droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude, est couverte de manière forfaitaire, par la rente majorée.

Les préjudices non pris en charge par le titre IV du code de la sécurité sociale (liste non limitative) :

Le déficit fonctionnel temporaire n'est pas réparé par l'attribution après consolidation de la rente d'incapacité permanente et de sa majoration, ce dont il résulte que, n'étant pas couvert par le livre IV du Code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur peut en obtenir réparation.

Les frais d'assistance à tierce personne avant consolidation ne sont pas couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale de sorte que la victime d'une faute inexcusable de son employeur peut en obtenir la réparation.

Le préjudice sexuel, qui comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle doit être apprécié distinctement du préjudice d'agrément mentionné à l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, lequel vise exclusivement à l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir. Le préjudice sexuel doit être indemnisé distinctement du préjudice d'agrément et du déficit fonctionnel.

Les frais d'aménagement du logement et d'adaptation du véhicule sont des préjudices qui peuvent être indemnisés au titre des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Le préjudice d'établissement et le préjudice permanent exceptionnel peuvent indemnisés au titre des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale dès lors qu'il est prouvé qu'ils sont distincts de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent.

En l'espèce, dès lors que la faute inexcusable de son employeur est reconnue, il y a lieu de faire droit à la demande de Madame B... de majoration de la rente accident du travail à son maximum en prenant en considération dans ses rapports avec la CPAM DE L'ISERE un taux d'incapacité permanente de 12 %.

En outre, contrairement à ce que soutient la société CALOR, Madame B... est fondée à solliciter une expertise aux fins de détermination de son préjudice dans la mesure où elle produit aux débats :

-un certificat médical du Docteur P... du 13 février 2013 qui fait état du fait que l'accident du travail dont elle a été victime lui a occasionné "une fracture luxation bimalléolaire de la cheville gauche traitée chirurgicalement par ostéosynthèse en urgence. L'ITT initiale à prévoir est de trois mois en dehors de toute complication"
-un bulletin d'hospitalisation du 2 au 11 octobre 2012 au centre hospitalier de VIENNE
-un bulletin d'hospitalisation du 5 juin 2013 au centre hospitalier de VIENNE
-des certificats d'arrêts de travail du 6 octobre 2012 au 27 juin 2014
-le résultat d'un IRM du 10 octobre 2013 mettant en évidence la présence d'une fracture de fatigue de M3 et d'importants signes inflammatoires osseux et et péri-osseux ainsi qu'un probable cal osseux hypertrophique en voie de constitution
-une prescription de semelles orthopédiques du 22 octobre 2013
-deux avis d'aptitude avec réserves de la médecine du travail en date des 2 juillet et 21 juillet 2014 à un poste de reclassement d'agent administratif SMI
-une notification de rente du 20 novembre 2014 de la CPAM DE L'ISERE avec un taux d'IPP à 12 % ramené à l'égard de l'employeur à 7 % par décision du TCI de LYON du 2 septembre 2016
-la notification d'une reconnaissance de travailleur handicapé du 1er septembre 2014 au 31 août 2019
-un rapport du Docteur T... médecin-conseil de la CPAM DE L'ISERE

Il convient dès lors avant dire droit d'ordonner l'expertise médicale sollicitée aux frais avancés de la CPAM DE L'ISERE, selon les modalités précisées au dispositif de la décision en tenant compte des règles sus-rappelées s'agissant de l'évaluation du préjudice subi en matière de faute inexcusable de l'employeur, étant relevé qu'il est également produit des éléments sérieux sur une perte possible d'évolution professionnelle dès lors que la salariée avait une ancienneté importante pour avoir été embauchée le 1er août 1986 et bénéficié dans le passé d'une évolution de carrière d'agent de production à agent technique.

Compte tenu des éléments médicaux fournis, il sera fait droit à la demande de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi à hauteur de 10000 euros, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

Il y a lieu de dire que la CPAM DE L'ISERE fera l'avance des sommes allouées à Madame B... au titre de la faute inexcusable de son employeur en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, la société CALOR sera condamnée à rembourser à la CPAM DE L'ISERE les sommes qu'elle aura été amenée à verser à Madame Q... B..., y compris les frais d'expertise, sauf à limiter s'agissant de la majoration de la rente au taux d'IPP de 7 %.

Le présent arrêt sera également déclaré commun et opposable à l'assureur de responsabilité faute inexcusable de la SAS CALOR.

Enfin, les prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens sur lesquels la Cour doit statuer à raison de l'abrogation de l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale, seront réservés.

PAR CES MOTIFS ;

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement en l'ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que l'accident de travail dont Madame Q... B... a été victime le 1er octobre 2012 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la SAS CALOR

FIXE au maximum la majoration du taux de la rente servie à Madame Q... B...

Avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices de Madame Q... B... :

ORDONNE une expertise médicale médicale,
* Commet pour y procéder :
le Docteur N... D..., expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de GRENOBLE,
adresse : [...]
téléphone : [...]
avec pour mission de :
- convoquer, dans le respect des textes en vigueur, Madame Q... B...,
- Après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l'identité de Madame Q... B... et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut et/ou sa formation s'il s'agit d'un demandeur d'emploi, son mode de vie antérieur à l'accident et sa situation actuelle,
- A partir des déclarations de Madame Q... B..., au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins,
- Recueillir les doléances de Madame Q... B... et au besoin de ses proches, l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,
- Décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,
- Procéder, en présence des médecins mandatés par les parties avec l'assentiment de Madame Q... B..., à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par lui,
- Analyser dans un exposé précis et synthétique :
* la réalité des lésions initiales,
* la réalité de l'état séquellaire,
* l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur.
- Tenir compte de la date de consolidation fixée par l'organisme social,
- Préciser les éléments des préjudices limitativement listés à l'article L452-3 du code de la sécurité sociale :
* Souffrances endurées temporaires et/ou définitives :
Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif, les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7,
* Préjudice esthétique temporaire et/ou définitif:
Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7,
* Préjudice d'agrément:
Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir, en distinguant les préjudices temporaires et définitif,
* Perte de chance de promotion professionnelle:
Indiquer s'il existait des chances de promotion professionnelle qui ont été perdues du fait des séquelles fonctionnelles,
- Préciser les éléments des préjudices suivants, non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale :
* Déficit fonctionnel temporaire:
Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, pour la période antérieure à la date de consolidation, affectée d'une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, ainsi que le temps d'hospitalisation.
En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée,
* Assistance par tierce personne avant consolidation:
Indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire, avant consolidation, pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne, préciser la nature de l'aide prodiguée et sa durée quotidienne,
* Frais de logement et/ou de véhicule adaptés:
Donner son avis sur d'éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la victime d'adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap,
* Préjudices permanents exceptionnels et préjudice d'établissement :
Dire si la victime subit, de manière distincte du déficit fonctionnel permanent, des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents et un préjudice d'établissement
* Préjudice sexuel:
Indiquer s'il existe ou s'il existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité),
- Établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission,

- Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport, et que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert,

- Dit que l'expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif,

- Dit que les frais de l'expertise seront avancés par la Caisse primaire d'assurance maladie de l'ISERE,

- Dit que l'expert déposera au greffe de la cour son rapport dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine,

- Désigne le président ou tout magistrat de la Chambre sociale A de la cour pour surveiller les opérations d'expertise,

Renvoie l'affaire à l'audience du 07 Avril 2020 à 9 heures,

Dit que la notification de la présente décision vaut convocation des parties à ladite audience,

Dit que les parties devront déposer et communiquer leurs conclusions selon le calendrier de procédure suivant :
- 12 Février 2020 pour la partie appelante,
- 12 Mars 2020 pour les parties intimées,

ALLOUE à Madame Q... B... une indemnité provisionnelle de dix mille euros (10000 euros) à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

DEBOUTE Madame Q... B... du surplus de sa demande de provision,

DIT que la Caisse primaire d'assurance maladie de l'ISERE fera l'avance des sommes allouées à Madame Q... B... au titre de la majoration de la rente, de l'indemnité provisionnelle ainsi que des frais d'expertise,

CONDAMNE la SAS CALOR à rembourser à la CPAM DE L'ISERE les sommes qu'elle aura été amenée à verser à Madame Q... B..., y compris les frais d'expertise, sauf à limiter s'agissant de la majoration de la rente au taux d'IPP de 7 %,

DECLARE le présent arrêt commun et opposable à l'assureur de responsabilité au tire de la faute inexcusable de la SAS CALOR,

RESERVE les dépens et les prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile en fin de cause.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur SILVAN, conseiller faisant fonction de président et par Madame ROHRER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 17/01488
Date de la décision : 10/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-10;17.01488 ?
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