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05/09/2019 | FRANCE | N°16/05484

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 05 septembre 2019, 16/05484


N° RG 16/05484 - N° Portalis DBVM-V-B7A-IYSF



FP



Minute :









































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL CDMF AVOCATS



Me Eric HATTAB





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLEr>


CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 05 SEPTEMBRE 2019





Appel d'un jugement (N° RG 2014J610)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 07 novembre 2016

suivant déclaration d'appel du 24 Novembre 2016





APPELANTE :



SA LCL LE CREDIT LYONNAIS

S.A au capital de 1 847 860 375,00 € immatriculée au RCS de LYON sous le n° 954 509 741 agissant po...

N° RG 16/05484 - N° Portalis DBVM-V-B7A-IYSF

FP

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL CDMF AVOCATS

Me Eric HATTAB

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 05 SEPTEMBRE 2019

Appel d'un jugement (N° RG 2014J610)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 07 novembre 2016

suivant déclaration d'appel du 24 Novembre 2016

APPELANTE :

SA LCL LE CREDIT LYONNAIS

S.A au capital de 1 847 860 375,00 € immatriculée au RCS de LYON sous le n° 954 509 741 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIME :

Monsieur [J] [B]

né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Eric HATTAB, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Président de Chambre,

Madame Fabienne PAGES, Conseiller,

Madame Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Juin 2019

Madame Fabienne PAGES, Conseiller, qui a fait rapport et Madame Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller, assistées de Monsieur Frédéric STICKER, Greffier, ont entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile.

Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

------ 0 ------

La SAS MEDLEY est immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 13 septembre 2011.

La société CREDIT LYONNAIS accorde à la société MEDLEY un prêt de 97 000 € au taux effectif global de 5,13% l'an remboursable en 72 mensualités de 1 521,12 €, prêt ayant pour objet le financement de l'acquisition d'un droit au bail situé à [Adresse 6], ainsi que des travaux.

La société MEDLEY exerce une activité de négoce de vêtements et accessoires.

[J] [B] se porte caution solidaire de la société MEDLEY selon acte sous-seing privé en date du 17 février 2012, cautionnement limité à la somme de 48 500 € et pour une durée de 18 mois.

Ce prêt est également garanti par le nantissement du fonds de commerce exploité par la SAS MEDLEY et la garantie OSEO à hauteur de 50 % du prêt, soit 48 500,00 €.

La société MEDLEY est mise en liquidation selon jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 16 septembre 2014 et maître [E] est désigné en qualité de liquidateur.

Le CREDIT LYONNAIS procède à la déclaration de sa créance pour un montant de 67 262,03 €, outre intérêts à titre privilégié par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 10 octobre 2014 à la procédure collective de la société MEDLEY.

Par courrier en date du 10 octobre 2014, le CREDIT LYONNAIS met en demeure [J] [B] de régler la somme de 67 262,03 € outre intérêts dans la limite de son engagement de caution.

Faute de paiement, le CREDIT LYONNAIS fait citer [J] [B] devant le tribunal de commerce de Grenoble par acte d'huissier en date du 6 novembre 2014 en paiement de la somme principale de 48 500 euros en sa qualité de caution.

Le jugement du tribunal de commerce de Grenoble en date du 7 novembre 2016

- juge que la date de conclusion du prêt est le 17 février 2012, date de la signature du contrat de prêt

- juge que le patrimoine de [J] [B] lui permet de faire face à son obligation de paiement au jour de l'appel de la caution par la banque

- prononce la déchéance des intérêts échus depuis la conclusion du contrat de prêt

- ordonne que les 8 235,44 euros d'intérêts payés entre le 24 novembre 2011 et le 24 juillet 2014 soient affectés au règlement du principal, réduisant la somme due par la société MEDLEY en principal à 59 026,59 euros

- condamne [J] [B] à payer au Crédit Lyonnais la somme principale de 29 513,29 euros outre intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2014

- juge [J] [B] comme emprunteur non averti

- juge que le Crédit Lyonnais avait une obligation de mise en garde contre les risques d'endettement nés de l'octroi du prêt, générant une perte de chance à [J] [B] d'échapper à son engament de cautionnement

- condamne le Crédit Lyonnais à payer à [J] [B] la somme de 29 513,29 euros outre intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2014, à titre de dommages et intérêts

- ordonne la compensation entre la créance du Crédit Lyonnais à hauteur de la somme de 29 513,29 euros et la créance de dommages et intérêts de [J] [B]

- condamne le Crédit Lyonnais à payer à [J] [B] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamne le Crédit Lyonnais aux entiers dépens.

Le Crédit Lyonnais relève appel par déclaration au greffe en date du 24 novembre 2016 et intime [J] [B].

Au vu de ses dernières conclusions en date du 22 février 2017, le Crédit Lyonnais demande de

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que l'engagement de caution n'était pas disproportionné au jour de l'engagement de l'action contre Monsieur [B]

Pour le reste,

- INFIRMER le jugement entrepris

- DEBOUTER [J] [B] de toutes ses demandes, fins et prétentions

- DIRE que le cautionnement n'était pas disproportionné à la situation patrimoniale et financière de [J] [B] au jour de sa souscription

- DIRE n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts

- CONDAMNER [J] [B] à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 35 566.04 €, outre intérêts au taux de 6,55 % à compter de la mise en demeure du 10 octobre 2014, jusqu'à parfait paiement

- CONDAMNER [J] [B] à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

- CONDAMNER [J] [B] aux entiers dépens en ce compris ceux de première instance et d'appel.

Il fait valoir que la date de conclusion du prêt est bien celle figurant sur l'acte de prêt soit le 17 février 2012.

Il ajoute que l'acte de cautionnement n'est pas disproportionné compte tenu de la donation partage par acte notarié en date du 9 mai 2012.

Il précise qu'il n'a pas manqué à son obligation de mise en garde compte tenu de la qualité de caution avertie de [J] [B], ce dernier étant dirigeant, issu d'une famille d'entrepreneur, travaillant depuis 2012 comme responsable des achats de la société ODCO et étant membre de SCI familiales depuis 2002 et 2005.

Il ajoute qu'il n'est pas au surplus rapporté la preuve de l'existence d'un risque excessif d'endettement qui serait né de l'octroi de ce crédit obligeant la banque à une mise en garde.

Il conteste la déchéance du droit aux intérêts compte tenu de la production aux débats de courriers.

Au vu de ses dernières conclusions en date du 15 avril 2017, [J] [B] demande de

- constater le caractère disproportionné du cautionnement souscrit par Monsieur [J] [B] au regard des biens et revenus de ce dernier

EN CONSÉQUENCE,

- INFIRMER le jugement,

- DEBOUTER en conséquence le CREDIT LYONNAIS de l'intégralité de ses demandes

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts échus depuis la conclusion du contrat de prêt

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a dit et jugé qu'à l'égard de [J] [B], les règlements effectués par la société MEDLEY depuis la conclusion du contrat de prêt s'imputent prioritairement sur le capital

- CONSTATER que le CREDIT LYONNAIS ne produit pas un décompte expurgé des intérêts pour lesquels la déchéance est prononcée

- DIRE ET JUGER que le CREDIT LYONNAIS ne justifie pas de l'existence et du montant de sa prétendue créance

- DEBOUTER, en conséquence, la société CREDIT LYONNAIS de l'intégralité de ses demandes

A TITRE TRES INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité civile de la banque

- INFIRMER le jugement sur le quantum de l'indemnité allouée à [J] [B]

- CONDAMNER la société CREDIT LYONNAIS à payer à [J] [B] la somme de 33 631, 01 € à titre de dommages-intérêts ou subsidiairement celle de 48 500 €

A TITRE ENCORE PLUS INFINIMENT SUBSIDIAIRE

- CONSTATER que [J] [B] ne peut être tenu au-delà de la somme de 33 631, 01 €

- ACCORDER les plus larges délais de paiement à [J] [B] en lui permettant de s'acquitter de sa dette en 24 mensualités

- DIRE ET JUGER que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital

EN TOUTE HYPOTHÈSE,

- CONDAMNER la société CREDIT LYONNAIS aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il explique que la date du prêt n'est pas justifiée compte tenu des dates figurant sur le tableau d'amortissement.

Il fait valoir la disproportion de son engagement de caution compte tenu de ses revenus annuels mentionnés sur la fiche patrimoniale.

Il précise que la donation alléguée par la banque est postérieure à l'octroi de la garantie en cause.

Il sollicite la déchéance du droit aux intérêts compte tenu du défaut d'information de la banque. Il conteste avoir reçu les lettres versées aux débats.

Il ajoute que la banque a manqué à son obligation de mise en garde compte tenu de sa qualité de caution non avertie. Il fait par conséquent valoir la perte de chance de ne pas s'engager en qualité de caution et en demande réparation.

Il demande enfin des délais de paiement de 24 mois.

L'affaire est clôturée par ordonnance en date du 14 mars 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la date de conclusion du prêt :

Le prêt en cause est daté du 17 février 2012 et signé par [J] [B] en sa qualité de représentant de la société MEDLEY, soit la date du prêt et ce indépendamment des dates mentionnées sur le tableau d'amortissement.

Son cautionnement par le même acte que le prêt est par conséquent également du 17 février 2012.

Sur la disproportion :

Aux termes de l'article L. 343-4 du Code de la Consommation : " Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation."

En l'espèce, la fiche patrimoniale renseignée par la caution lors de son engagement mentionne des revenus annuels à hauteur de la somme de 33 000 euros outre une assurance vie de 7 000 euros.

Par ailleurs, l'acte de donation partage en date du 11 juin 2012 soit postérieur à l'engagement de caution mentionne en page 6 que [J] [B] a bénéficié de la somme de 2 500 euros le 25 août 2011 et de la somme de 28 000 euros en octobre 2011, soit la somme totale de 30 500 euros et avant la conclusion de l'engagement de caution susvisé à hauteur de la somme de 48 500 euros.

Cette garantie et à hauteur de cette somme n'est pas par conséquent disproportionnée aux biens et revenus de [J] [B].

Le jugement contesté ayant retenu le caractère disproportionné de cet engagement de caution et le retour à meilleure fortune de [J] [B] sera par conséquent infirmé de ce chef.

La banque peut donc se prévaloir du cautionnement de [J] [B] de 48 500 euros.

Sur l'obligation de mise en garde de la banque :

Si [J] [B] lors de son engagement en qualité de caution a la qualité de dirigeant de la société cautionnée, il est cependant dirigeant de cette société depuis 5 mois, ne permettant pas dès lors pour ce seul motif de présumer de sa qualité de caution avertie.

L'environnement familial rompu aux affaires comme affirmé par la banque ne peut justifier d'une connaissance particulière de [J] [B] concernant la gestion et en particulier le crédit.

La qualité de responsable de formation de la société ODCO de [J] [B] avant la création de la société MEDLEY n'est pas non plus de nature à justifier de sa qualité de caution avertie.

La banque avait par conséquent une obligation de mise en garde et ce indépendament de l'existence d'un endettement excessif consécutif ce dont elle ne justifie pas.

Il est par conséquent démontré le manquement de la banque à son obligation de mise en garde.

Ce manquement a fait perdre à [J] [B] une chance de ne pas s'engager en qualité de caution du prêt susvisé.

Par contre, l'octroi du prêt étant conditionné par l'engagement de caution du dirigeant de la société et ce crédit étant affecté au financement de l'acquisition du droit au bail, en vue de l'obtention d'un local pour l'exercice de l'activité de cette société nouvellement immatriculée, la caution en sa qualité de dirigeant ne pouvait pas ne pas cautionner ce prêt.

La perte de chance est par conséquent nulle ; la demande d'indemnisation de la caution à ce titre sera rejetée.

Le jugement contesté condamnant la banque à ce titre au paiement de dommages et intérêts sera infirmé de ce chef.

Sur l'obligation d'information de la banque :

Aux termes de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier :

Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

En l'espèce, pour justifier avoir satisfait à cette obligation, la banque produit deux lettres simples du 18 mars 2013 et du 18 mars 2014 que la caution conteste avoir reçues.

La banque n'a donc pas justifié avoir satisfait à cette obligation.

Il sera prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la banque.

Compte tenu du tableau d'amortissement, la caution tenue à 50 % de la somme due sera condamnée au paiement de la somme de 29 513,29 euros après déchéance du droit aux intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2014, date de la mise en demeure.

Le jugement contesté sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande de délais de paiement :

La caution ne produit aucune pièce justifiant de sa situation financière actuelle.

Sa demande de délais sera rejetée.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour

Statuant par décision contradictoire prononcée publiquement et par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement contesté en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dit que le cautionnement de [J] [B] n'est pas disproportionné.

Dit que la banque a manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de [J] [B].

Dit qu'il n'est pas justifié de la perte d'une chance consécutive au manquement à l'obligation de mise en garde par [J] [B] et rejette la demande d'indemnisation consécutive.

Prononce la déchéance du droit aux intérêts.

Condamne [J] [B] à payer à la SA CREDIT LYONNAIS la somme de 29 513,29 euros outre intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2014.

Y ajoutant,

Rejette la demande de délais de paiement de la caution.

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne [J] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SIGNE par Madame CLOZEL-TRUCHE, Président et par Monsieur STICKER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16/05484
Date de la décision : 05/09/2019

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°16/05484 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-05;16.05484 ?
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