N° RG 16/04878 - N° Portalis DBVM-V-B7A-IW4F
MPB
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 5 SEPTEMBRE 2019
Appel d'un jugement (N° RG 2015J196)
rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 23 septembre 2016
suivant déclaration d'appel du 13 Octobre 2016
APPELANT :
Monsieur [S] [L]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représenté par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Me Julien MORALES, avocat au barreau de LYON, plaidant
INTIMEE :
BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHÔNE ALPES venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE DES ALPES
société anonyme coopérative de Banque Populaire à capital variable, dont le siège social est [Adresse 1], inscrite au RCS de Grenoble sous le numéro 605 520 071, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Président de Chambre,
Madame Fabienne PAGES, Conseiller,
Madame Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 Mai 2019
Madame Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller, qui a fait rapport et Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Président de Chambre, assistées de Monsieur Frédéric STICKER, Greffier, ont entendu les avocats en leurs conclusions et Me MORALES en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile.
Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
Suivant acte sous seing privé du 10 janvier 2006, M [S] [L] s'est porté caution solidaire à hauteur de 50.000 euros pour une durée de 10 ans en garantie de toutes obligations contractées par la société MODELDIRECT auprès de la BANQUE POPULAIRE DES ALPES.
Par un nouvel acte du 26 juillet 2010, il s'est à nouveau porté caution solidaire de tous engagements de la société MODELDIRECT à hauteur de 150.000 euros.
Sur la demande de la société MODELDIRECT et par ordonnances des 24 octobre 2012 et 21 mai 2013, le président du tribunal de commerce de Lyon a désigné Me [K] en qualité de conciliateur, puis de mandataire ad'hoc.
Le 24 mars 2014, la société MODELDIRECT a été admise au bénéfice d'une procédure de sauvegarde.
La BANQUE POPULAIRE a procédé à la déclaration de ses créances le 23 avril 2014 pour un montant total de 1.564.987, 53 euros.
Par jugement du 17 mars 2015, le tribunal de commerce de Grenoble a converti la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire, arrêté le plan de cession au profit d'une société GOLIATH et ordonné la liquidation judiciaire de la société MODELDIRECT.
Le 18 mars 2015, la BANQUE POPULAIRE a mis en demeure M [L] de lui payer la somme de 200.459, 17 euros en exécution de ses engagements de caution, avant de l'assigner devant la juridiction commerciale par acte d'huissier du 15 avril 2015.
Par jugement du 23 septembre 2016, le tribunal de commerce de Grenoble a':
- condamné M [S] [L] à verser à la BANQUE POPULAIRE DES ALPES la somme de 200.000 € en principal, outre intérêts an taux légal à compter du 25 mars 2014 et jusqu'à parfait paiement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- accordé à M [S] [L] un étalement de sa dette en 23 mensualités de 500 euros, la première intervenant dans le mois suivant le jugement, et le solde le 24ème mois, avec déchéance du terme au premier impayé après une mise en demeure demeurée infructueuse plus de quinze jours ;
- condamné M [S] [L] à payer à la BANQUE POPULAIRE DES ALPES la somme de 2.000 € au titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de l'instance ;
- débouté les parties de toutes leurs demandes et conclusions contraires.
Par déclaration au greffe du 13 octobre 2013, M [L] a interjeté appel de cette décision.
Au terme de ses conclusions notifiées le 6 janvier 2017, M [L] demande à la cour de':
- infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il lui a octroyé des délais de paiement';
- au principal,
- dire et juger que les actes de cautionnement litigieux ont été annulés d'un commun accord entre les parties ;
- dire et juger que la BANQUE POPULAIRE DES ALPES ne verse aux débats aucun acte de cautionnement valide et susceptible d'être exécuté et porter charge ou obligation ;
- débouter la BANQUE POPULAIRE DES ALPES de l'intégralité de ses demandes ;
- subsidiairement,
- dire et juger que les engagements cautionnés ne sauraient excéder la somme de 150.000 € ;
- lui octroyer les plus larges délais de paiement et l'autoriser à s'acquitter de sa dette éventuelle en 23 mensualités de 500 € et le solde le 24 ème mois, avec déchéance du terme au premier impayé, 15 jours après une mise en demeure de payer demeurée infructueuse ;
- dire n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision à intervenir en toute hypothèse compte tenu des contestations sérieuses de la caution ;
- en toute hypothèse,
- condamner la BANQUE POPULAIRE DES ALPES à lui payer la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la BANQUE POPULAIRE DES ALPES aux entiers dépens, distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocats au Barreau de Grenoble en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.
M [L] soutient que':
- les cautionnements initialement consentis ont été annulés d'un commun accord à l'occasion de la restructuration des dettes de la société MODELDIRECT en 2011, le plan de financement incluant une contre-garantie OSEO, un nantissement du fonds de commerce et un cautionnement solidaire de la société holding GRFI, mais n'exigeant pas son cautionnement personnel ;
- le protocole de conciliation intervenu sous l'égide de Me [K] le 11 juin 2013 ne fait apparaître au titre des garanties et sûretés, aucun engagement de caution de sa part';
- les actes de cautionnement portent mention de leur annulation.
Il conteste les montants réclamés en paiement et fait valoir qu'il s'agit de cautionnements omnibus, limités à un plafond, mais ne se cumulant point par l'effet de la novation du cautionnement antérieur.
Il considère que la Banque ne rapporte pas une preuve suffisante d'avoir accompli son obligation annuelle d'information à son égard.
Par conclusions notifiées le 2 mars 2017, la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHÔNE ALPES, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE DES ALPES, entend voir':
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a accordé des délais de paiement';
- dire n'y avoir lieu à de tels délais';
- condamner M [L] à lui verser la somme de 3000 euros ;
- condamner M [L] aux dépens.
Elle fait valoir que si elle a envisagé de renoncer au bénéfice des cautionnements personnels de M [L] dans le cadre des négociations engagées sous l'égide du conciliateur [K], elle a finalement exprimé sa volonté de les conserver, ce qui ressort du protocole d'accord.
Elle soutient avoir adressé l'information annuelle à l'adresse déclarée de la caution et que les deux cautionnements doivent se cumuler, à défaut de stipulations particulières dans l'acte de cautionnement de 2010.
La procédure a été clôturée le 21 février 2019.
MOTIFS DE LA DECISION :
1°) sur la validité des cautionnements :
Les engagements de caution sur le fondement desquels M [L] est appelé à garantir la dette de la société MODELDIRECT ont été souscrits en janvier 2006 et juillet 2010.
Les deux actes sous seing privé les consacrant sont porteurs d'une mention manuscrite datée du 29 août 2013 indiquant : «'acte annulé par erreur'».
M [L] se prévaut d'un courrier du 5 janvier 2012 émanant de Messieurs [T] et [Y], qui indiquent qu'à l'occasion d'une précédente opération de refinancement intervenue entre septembre 2011 et janvier 2012, dans laquelle la BANQUE POPULAIRE est intervenue à hauteur d'un million d'euros, sa caution personnelle n'avait été retenue en garantie d'aucun des crédits à moyen terme accordés et qu'elle « sera de facto retirée des concours court terme ».
La preuve de la renonciation a un droit, qui doit être expresse et ne peut donc résulter que d'une manifestation de la volonté du renonçant claire et univoque, ne peut résulter de déclarations de tiers, qui au surplus ne traduisent qu'une interprétation d'une situation.
Selon les termes de l'article 3 du protocole d'accord du 11 juin 2013 auquel M [L] a expressément concouru en qualité d'actionnaire et de caution, si le cautionnement de ce dernier n'a pas été requis en garantie de l'emprunt de consolidation consenti par les établissements bancaires, dont la BANQUE POPULAIRE, celle-ci a déclaré maintenir les garanties existantes à l'exception des gages sur stock.
En conséquence, M [L] est défaillant à rapporter la preuve qui lui incombe de la renonciation par la BANQUE POPULAIRE à la garantie constituée par sa caution personnelle.
Le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a écarté ce moyen.
2°) sur l'obligation d'information annuelle de la caution :
Conformément à l'article L.313-22 du code monétaire et financier, la BANQUE POPULAIRE était tenue de faire connaître à la caution avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal, des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation cautionnée ainsi que le terme de son engagement.
Les engagements de caution ayant été souscrit les 10 janvier 2006 et 26 juillet 2010, l'obligation annuelle d'information devait intervenir pour la première fois avant le 31 mars 2007 pour le premier et avant le 31 mars 2011 pour le second.
Pour justifier avoir rempli son obligation d'information, la BANQUE POPULAIRE produit les copies de courriers d'information en date des 23 février 2007, 8 février 2008, 20 février 2009, 23 février 2010, 11 février 2011, 15 février 2012, 18 février 2013 et 5 mars 2014 établis à l'adresse de M [L] portée sur chacun des actes de cautionnement ainsi que les procès-verbaux dressés par huissier de justice les 28 février 2007, 25 février 2009, 17 mars 2011, 28 février 2012, 8 mars 2013, 7 mars 2014, 20 février 2015 constatant l'envoi systématique par la BANQUE
POPULAIRE des courriers d'information à ses cautions et, par sondage, que
les courriers établis comportaient les mentions légales exigées et étaient bien affranchis.
Il en résulte preuve suffisante de l'exécution par la créancière de son obligation d'information annuelle à l'égard de M [L] jusqu'au 5 mars 2014.
Cependant, cette obligation demeure jusqu'à l'extinction de la dette garantie par le cautionnement, y compris lorsqu'une instance en paiement a été engagée et a donné lieu à un jugement de condamnation mettant à la charge de la caution des intérêts contractuels.
La BANQUE POPULAIRE ne justifiant pas avoir depuis le 5 mars 2014 satisfait à l'obligation d'information annuelle de la caution dans les conditions requises par l'article L. 313'22 du code monétaire et financier, elle doit être déchue des intérêts conventionnels échus postérieurement à cette date, cette sanction n'atteignant pas les intérêts au taux légal.
3°) sur l'étendue du cautionnement :
Après un premier cautionnement consenti dans la limite de 50'000 €, M [L] a de nouveau accordé sa caution personnelle à hauteur de 150'000 €.
L'acte de cautionnement signé le 26 juillet 2010 ne comporte aucune référence à l'engagement précédent, et il n'est soumis à la cour aucun élément permettant de constater l'intention des parties de substituer ce nouvel engagement à celui pris le 10 janvier 2006.
La novation ne se présumant pas et devant nécessairement résulter d'une volonté clairement exprimée dans l'acte, c'est avec raison que les premiers juges ont retenu que les deux cautionnements successifs ne pouvaient avoir qu'un caractère cumulatif.
Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé en ce qu'il a condamné M [L] au paiement de la somme de 200'000 € ainsi que des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2014 et ordonné leur capitalisation.
4°) sur les délais de paiement :
M [L] a été mis en demeure d'exécuter son engagement de caution le 18 mars 2015 et a déjà bénéficié, par l'effet des instances successives, d'un délai de plus de quatre années qui conduira la cour à considérer que la demande de délais de grâce est à ce jour devenue injustifiée et à infirmer le jugement sur cette disposition.
PAR CES MOTIFS :
La Cour
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Grenoble en date du 23 septembre 2016, sauf en ce qu'il a accordé à M [S] [L] des délais de paiement ;
Statuant à nouveau;
DEBOUTE M [S] [L] de sa demande de délais de grâce ;
Y ajoutant;
CONDAMNE M [S] [L] à verser à la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHÔNE ALPES la somme complémentaire de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M [S] [L] aux dépens de son appel.
SIGNE par Madame BLANCHARD, Conseiller, pour le Président empêché et par Monsieur STICKER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Président