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02/05/2019 | FRANCE | N°15/04187

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 02 mai 2019, 15/04187


N° RG 15/04187 - N° Portalis DBVM-V-B67-IFLS





FP



Minute N°

































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL TRANCHAT DOLLET LAURENT ASSOCIES



Me Alain COLLOMB-REY



la SELARL COUTTON GERENTE LIBER MAGNAN



la SCP SAUL-GUIBER

T PRANDINI LENUZZA





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 2 MAI 2019







Appel d'un jugement (RG 2009J82)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 11 mai 2012

suivant déclaration d'appel du 21 juin 2012

après réinscription au rôle après radiation en date 07 octo...

N° RG 15/04187 - N° Portalis DBVM-V-B67-IFLS

FP

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL TRANCHAT DOLLET LAURENT ASSOCIES

Me Alain COLLOMB-REY

la SELARL COUTTON GERENTE LIBER MAGNAN

la SCP SAUL-GUIBERT PRANDINI LENUZZA

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 2 MAI 2019

Appel d'un jugement (RG 2009J82)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 11 mai 2012

suivant déclaration d'appel du 21 juin 2012

après réinscription au rôle après radiation en date 07 octobre 2015

APPELANT :

Monsieur [L] [V]

né à [Localité 4], le 28 juin 1934, de nationalité française, agissant en qualité d'actionnaire minoritaire au nom et pour le compte de la Société Anonyme d'Économie Mixte du Domaine Thermal d'[Localité 3], au capital de 1.400.500 euros, ayant son siège social à [Adresse 6], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de la ville de Grenoble sous le numéro 552 002 164, prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe LAURENT de la SELARL TRANCHAT DOLLET LAURENT ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, par Me Vincent VILCHIEN, avocat au barreau de PARIS, et Me DELSUPHEXE, avocat au barreau de PARIS, tous deux plaidant

INTIMES :

Monsieur [C] [Y]

de nationalité Française, Mandataire judiciaire, agissant en qualité de mandataire judiciaire à la sauvegarde de la SAEM DOMAINE THERMAL D'[Localité 3], suivant jugement du 2 juin 2015.

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Alain COLLOMB-REY, avocat au barreau de GRENOBLE

Commune [Localité 3]

en sa qualité de Président Directeur Général, et administrateur de la Société Anonyme d'Economie Mixte du Domaine Thermal d'[Localité 3], représentée par M. le Maire de la Commune d'[Localité 3], agissant au nom et pour le compte de ladite Commune,

Hôtel de Ville

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée par Me François-Xavier LIBER-MAGNAN de la SELARL COUTTON GERENTE LIBER MAGNAN, avocat au barreau de GRENOBLE

LA SET D'[Localité 3]

anciennement dénommée SA SAEM DU DOMAINE THERMAL D'[Localité 3] Société Anonyme à conseil d'administration au capital de 756.315 euros, Etablissement thermal, identifiée sous le numéro SIREN 552 002 164 et immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de la ville de Grenoble, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Cédric LENUZZA de la SCP SAUL-GUIBERT PRANDINI LENUZZA, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me Camille BOULIER, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Maître Rémi SAINT-PIERRE

ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SA SET [Localité 3], anciennement dénommée SAEM du Domaine Thermal d'[Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Cédric LENUZZA de la SCP SAUL-GUIBERT PRANDINI LENUZZA, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me Camille BOULIER, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Président de chambre,

Madame Fabienne PAGES, Conseiller,

Madame Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,

Assistées lors des débats de Monsieur Frédéric STICKER, Greffier.

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Mars 2019

Madame PAGES, conseiller, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

------0------

Le 12 juin 1997, la Commune d'[Localité 3] acquiert de [L] [V] une partie des actions qu'il détient (18260 sur 20 000) au sein de la société anonyme dénommée Compagnie Générale d'Eaux Minérales et de Bains de Mer (ci-après la « Compagnie ou la société thermale »), dont il est alors dirigeant et actionnaire à 95% et au prix de 18 538 000frs soit 2 826 099,88euros et suite à l'autorisation du conseil municipal conformément à la délibération du 26 mai 1997.

Suite à cette cession, [L] [V] reste actionnaire minoritaire à hauteur de 14,2% au sein de cette société, la Commune d'[Localité 3] acquérant 80% des actions, et la Compagnie est transformée en société anonyme d'économie mixte alors dénommée la Société Anonyme d'Économie Mixte du Domaine Thermal d'[Localité 3] (ci-après la « Société » ou la « SEM »).

La Commune d'[Localité 3] assure la direction et l'administration de la SEM entre 1997 et 2016.

Par jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 2 juin 2015, la SEM fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.

Le tribunal de commerce de Grenoble homologue par jugement du 12 avril 2016 un plan au terme duquel les actions de la SEM, devenue la Société Européenne de Thermalisme - [Localité 3] (ci-après « SET [Localité 3] »), détenues par la Commune d'[Localité 3], sont intégralement cédées pour un prix symbolique d'un euro à la Société Européenne de Thermalisme (ci-après la « SET ») et désigne maître de [F] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Faisant valoir des fautes de gestion de la Commune d'[Localité 3] dans l'administration de la SEM à l'origine de difficultés financières, [L] [V] introduit, par assignation en date du 27 mars 2009, une action ut singuli devant le tribunal de commerce de Grenoble (au visa des articles L.225-251 et L.225-252 du code de commerce), afin d'obtenir au nom et pour le compte exclusif de la SEM, réparation du préjudice résultant des fautes de gestion commises à son encontre au cours des exercices 2006 à 2009, (seuls concernés par la présente instance) et fait citer la commune d'[Localité 3] et en vue d'une condamnation au profit de la société SEM.

Le jugement du tribunal de commerce de Grenoble en date du 11 mai 2012

- ordonne la jonction des affaires enrôlées

- déclare prescrite l'action ut singuli diligentée par [L] [V] à l'encontre de la commune d'[Localité 3] avec laquelle la SAEM les Thermes d'[Localité 3] fait assomption de cause

- déboute [L] [V] de sa demande de condamnation de la commune d'[Localité 3] pour fautes de gestion

- déboute la commune d'[Localité 3] et la SAEM les Thermes d'[Localité 3] de leurs demandes de dommages et intérêts

- condamne [L] [V] à verser à la SAEM les Thermes d'[Localité 3] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[L] [V] en qualité d'actionnaire de la SAEM les Thermes d'[Localité 3] relève appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 21 juin 2012 et intime la commune d'[Localité 3] et la SEM d'[Localité 3].

La SET ayant racheté la quasi-totalité des actions de la SEM en 2016, devenue SET [Localité 3], la présente procèdure se déroule à présent en sa présence.

Monsieur [V] fait citer par acte d'huissier en date du 14 août 2015 maître [Y] ès qualités.

Au vu de ses dernières conclusions n° 10 en date du 11 avril 2018, [L] [V] demande de

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la Société d'Économie Mixte des Thermes d'[Localité 3] et la Commune d'[Localité 3] de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive

- Donner acte à Monsieur [V] que la Commune d'[Localité 3] ne soulève aucun argument contredisant les fautes de gestions soulevées par l'appelant en ce qui concerne la période comprise entre 2006 et 2009 qui seul est en débat

- Juger non-prescrite en son entier l'action ut singuli introduite par M. [L] [V] en qualité d'actionnaire de la Société d'Économie Mixte des Thermes d'[Localité 3], relative aux fautes de gestion commises par la Commune d'[Localité 3] en qualité de dirigeant entre 2006 et 2009

-Juger que la Commune d'[Localité 3], en qualité de Président directeur général et administrateur de la Société d'Économie Mixte des Thermes d'[Localité 3], a commis des fautes de gestion causant un préjudice à la société

- Débouter la Commune d'[Localité 3] de l'intégralité de ses demandes

- A titre principal, condamner la Commune d'[Localité 3] à verser à la Société d'Économie Mixte des Thermes d'[Localité 3], devenue SET [Localité 3], la somme de 3.566.277 € à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire

- Donner acte à la Commune d'[Localité 3] qu'elle a acquiescé au jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et juger, par conséquent, sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif irrecevable

- Débouter la Commune d'[Localité 3] de sa demande pour appel abusif

- Ordonner le retrait, au visa de l'article 41 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, des passages suivants contenus au sein des conclusions de la Commune d'[Localité 3] :

- « acharnement procédural » (conclusions de la Commune d'[Localité 3] p.5)

- « plaideur acharné » (conclusions de la Commune d'[Localité 3] p.12 et p.59)

- « Monsieur [H] » (conclusions de la Commune d'[Localité 3] p.35)

- « absence de réactivité et de vision de l'évolution des choses des anciens propriétaires » (conclusions de la Commune d'[Localité 3] p.47)

- « politique de harcèlement à l'égard de la concluante » (conclusions de la Commune d'[Localité 3] p.59)

- « ces actions répétées (action pénale, action commerciale, appel') ne font qu'illégitimement fragiliser la société dans laquelle il détient des parts, notamment parce que ces démarches ne font que freiner la réalisation des démarches tendant à assurer la pérennité de la SEM » (conclusions de la Commune d'[Localité 3] p.59)

- Condamner la Commune d'[Localité 3] à payer à M. [V] la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts au visa de l'article 41 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881

- Condamner la Commune d'[Localité 3] à payer à M. [V] la somme de 75 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Concernant l'absence de prescription des faits dénoncés, il explique que l'action ut singuli se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, à compter de sa révélation, qu'en l'espèce, l'action introduite par [L] [V] le 27 mars 2009 mentionne des manquements de la Commune intervenus entre 2006 et 2009, ne prend pas en compte la cession de l'Hôtel de l'[1] en 2000 ni la cession de l'Hôtel du Parc en 2005 mais celle de la Résidence [2], projetée en 2004 et réalisée en 2006.

Il ajoute que les fautes de gestion reprochées entre 2006 et 2009 sont :

- une poursuite fautive par la Commune d'une activité déficitaire

- une dissipation d'actifs immobiliers de la SEM à vil prix

- des irrégularités comptables manifestes et réitérées

- les manquements dans la gestion relevés par la Chambre Régionale des Comptes et donc des faits non prescrits à la date de l'introduction de la présente action soit par assignation en date du 27 mars 2009.

Il précise que la vente à vil prix de la Résidence [2], l'un des griefs de [L] [V] n'est pas prescrite à la date de l'assignation de la présente procédure car le point de départ de la prescription se situe à la date de la cession de la Résidence [2] soit le 21 avril 2006 car le « fait dommageable » est la cession effective de la Résidence [2] le 21 avril 2006 et non pas le projet de cession du 21 décembre 2004.

Il ajoute que quand bien même le délai de prescription aurait commencé à courir le 21 décembre 2004, il a été interrompu non seulement durant l'instance de référé suite à l'assignation du 26 avril 2005 devant le juge des référés par [L] [V] pour solliciter une expertise de minorité et un nouveau délai de prescription triennal a commencé à courir à compter du 7 juin 2005 date de l'ordonnance de référé et a encore été suspendu pendant l'expertise, c'est-à-dire jusqu'au 3 août 2007 date à laquelle les experts désignés ont déposé leur rapport.

Au fond, il fait valoir la responsabilité de la commune du fait des fautes de gestion commises et à l'origine de l'appauvrissement de la SEM et au cours des exercices 2006 à 2009 et au visa de l'article L.225-249 et suivants du code de commerce et non sur 1382 du code civil.

Il explique que de nombreuses fautes de gestion ont été commises par la commune tout particulièrement entre 2006 et 2009 et sont établies par

- le commissaire aux comptes : les conclusions du commissaire aux comptes de la SEM (M. [M]) sur les comptes de l'exercice clos le 31 octobre 2007 et son refus de certifier lesdits comptes et bien que non-approuvés par le commissaire aux comptes, ont été arrêtés et présentés en l'état à l'assemblée générale par le conseil d'administration, sans aucune régularisation et ont été approuvés le 28 avril 2008 par l'assemblée générale en toute connaissance de cause par la commune, puis publiés au greffe du tribunal de commerce

- le nouvel expert-comptable, le rapport de la Compagnie Fiduciaire du Grésivaudan du 12 janvier 2009 révélant les irrégularités affectant les comptes de l'exercice clos le 31 octobre 2008

- la Chambre Régionale des Comptes qui a rendu deux rapports alarmants concernant la situation de la SEM qui confirment les fautes graves de gestion de la commune soit l'incapacité des dirigeants de la SEM à mettre en oeuvre des mesures de restructuration à l'exception de licenciements

- le jugement du tribunal correctionnel de Grenoble du 17 janvier 2013 qui confirme l'existence de fautes de gestion et la reconnaissance judiciaire par les administrateurs de la SEM, devant cette juridiction, « de leur inexpérience dans le domaine comptable et de leurs difficultés à comprendre les enjeux », décision qui justifie de la matérialité des faits malgré la relaxe pour défaut d'élément intentionnel.

Il explique que les fautes de gestion consistent en une gestion contraire à l'intérêt social et compte tenu de la situation chroniquement déficitaire de la SEM entre 2006 et 2009

- avoir poursuivi une activité structurellement déficitaire, sans aucune mesure de restructuration à l'exception de licenciements, son exploitation se traduisant par une augmentation ininterrompue de ses charges, alors que le nombre de clients ne cessait de décroître et que les pertes d'exploitation ne cessaient d'augmenter entre 2006 et 2009

- avoir démantelé, à vil prix et à la hâte, l'essentiel du patrimoine immobilier de la SEM, cession d'actifs d'une société pour des prix anormalement bas, cession de plusieurs actifs à compter de 2000 et en particulier la cession de la Résidence le [2] en 2006 au prix de 475 000euros soit un montant bien inférieur à sa valeur au vu des différentes estimations de ce bien immobilier

Il rappelle qu'en 1995, la valeur de l'ensemble immobilier de la SEM a été estimée par le Service des Domaines (à la demande de la Commune) à hauteur de 7.783.893 €, répartis entre plusieurs immeubles et la cession de

l'essentiel des actifs de la SEM a généré des recettes inférieures à 2.000.000 €, soit un tiers de l'estimation de ces actifs effectuée en 1995 par le Service des Domaines

- avoir présenté aux actionnaires de la SEM de comptes sociaux inexacts

- avoir produit des comptes infidèles, notamment en passant en comptabilité des factures qui ont figuré sur l'exercice suivant en charges exceptionnelles

- ne pas avoir réagi suite au déclenchement d'une procédure d'alerte (procédure déclenchée en 2005 et en 2008 suite à l'arrêté des comptes de l'exercice clos le 31 octobre 2007, lesquels ont fait l'objet d'un refus de certification par le commissaire aux comptes de la SEM, motivé par des irrégularités comptables et par le « caractère récurrent des résultats courants déficitaires substantiels de la société depuis plus de cinq ans et qui n'ont été comblés que par la vente d'actifs » )

- avoir engagé la société dans des opérations qu'elle ne pourra pas assumer

- avoir toléré une anarchie totale dans la gestion et une absence de structures permettant d'appréhender la vie sociale et de préparer les mesures de redressement

- ne pas avoir vérifié l'opportunité des opérations de gestion et de s'associer à des manoeuvres préjudiciables à la société

- avoir délégué des fonctions d'administrateur à des collaborateurs incompétents

- n'avoir pris aucune mesure de sauvegarde.

Il ajoute que ces fautes de gestion objet du présent litige ne peuvent plus aujourd'hui être contestées puisque, depuis la saisine de la Cour d'appel le 21 juin 2012, ces fautes ont été publiquement endossées par les administrateurs représentant la Commune d'[Localité 3] au Conseil d'administration de la SEM entre 2006 et 2009 et au vu du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Grenoble le 17 janvier 2013.

Il fait valoir une comptabilité et une gestion saines de [L] [V] antérieurement à la cession en 1997 et l'absence de lien entre le présent litige et les faits postérieurs à 2009 présentés par la commune d'[Localité 3].

Il ajoute que les préjudices subis par la société sont la cession à vil prix de la Résidence [2] : préjudice s'élevant à 2.185.855 € et les pertes réalisées par la SEM entre 2006 et 2009 alors que son activité a été prolongée de façon artificielle provoquant une diminution de son actif , soit la somme de 3 566 277euros.

Il conclut au rejet des demandes de la commune pour appel abusif.

Il demande également la réparation de son préjudice en raison du caractère dénigrant des propos de la commune dans ses écritures et à hauteur de la somme de 150 000 euros et sa condamnation au retrait de ces propos.

Au vu de ses dernières conclusions n°8 en date du 29 mars 2018, la commune d'[Localité 3] demande

- d'écarter des débats les pièces 68 et 68 bis de la partie adverse

- de prendre acte que [L] [V] a estimé utile d'abandonner les moyens évoqués dans les pages 29 et 41 des conclusions d'appelant n° 7

- de confirmer le jugement contesté

- de débouter [L] [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

reconventionnellement de :

- condamner [L] [V] à lui verser la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et celle de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la partie adverse au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner [L] [V] aux entiers dépens.

La commune fait valoir que [L] [V] a cédé ses parts au prix fixé, et ce après évaluation par différentes expertises, deux comptes rendus

de mission par deux professionnels du thermalisme, analyse des bilans et le rapport du commissaire aux comptes de la société, que la valeur des parts cédées n'est d'ailleurs pas remise en cause.

Elle fait également valoir la crise du thermalisme impactant l'exploitation de l'activité de la société cédée et le très mauvais état des différents biens immobiliers de la société.

Elle explique que la présente action se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable, que la cession de l'hôtel l'ermitage en 2 000, de terrains formant le parc en 2 000 et la cession de l'hôtel du Parc en 2005 ne peuvent être prises en compte au soutien de la présente action compte tenu du jeu de la prescription.

Elle ajoute que la cession de l'hôtel le [2] a été autorisée en décembre 2004 par le conseil d'administration de la SEM, ce dont l'appelant a été informé étant représenté au conseil d'administration.

Elle ajoute que l'assignation en référé du 26 avril 2005 n'a pu interrompre le délai de prescription en cause, la commune n'étant pas partie à cette procédure, que le nouveau délai a commencé à courir à compter non pas du dépôt du rapport d'expertise mais de l'ordonnance désignant l'expert.

Elle conclut à l'absence de faute de gestion établie à son encontre en l'absence de politique de cession des actifs contraires à l'intérêt social, de violation des règles de droit comptable et du droit des sociétés et de poursuite d'une activité déficitaire.

Elle explique que les rapports de la Chambre régionale des comptes n'ont pas donné lieu à la saisine de la cour de discipline budgétaire et financière et ont été réalisés à la demande du préfet de l'Isère.

Elle ajoute que le jugement du tribunal correctionnel du 17 janvier 2013 déclare [J] [I] [S] coupable des faits reprochés et relaxe les autres administrateurs de la SAEM dont la commune d'[Localité 3].

Elle fait valoir que de nombreuses mesures ont été prises pour moderniser, restructurer, redresser et dynamiser l'activité thermale, que l'efficacité des mesures de redressement est démontrée par la situation actuelle qui démontre au contraire l'absence de toute activité structurellement déficitaire compte tenu de l'ouverture d'une sauvegarde qui établit l'absence d'état de cessation des paiements.

Elle conteste un quelconque agissement contraire aux intérêts de la société.

Elle ajoute qu'il n'est pas justifié d'un préjudice par la partie adverse.

Elle fait valoir le caractère abusif du présent appel.

Elle précise que la demande en dommages et intérêts est irrecevable an application de l'article 41 de la loi sur la presse et au surplus non justifiée.

Au vu de leurs dernières conclusions n° 5 en date du 22 juillet 2016 la SET [Localité 3] et maître [F] es qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SET [Localité 3] venant aux droits de maître [Y] demandent :

- qu'il soit donné acte à maître [F] es qualités de son intervention volontaire

- qu'il soit donné acte à la SET [Localité 3] et à maître [F] es qualités qu'ils s'en rapportent à justice sur l'examen des demandes de [L] [V] et compte tenu du changement de contrôle et de direction de la SET [Localité 3] suite au jugement adoptant le plan de sauvegarde et dont la commune n'est plus ni actionnaire ni mandataire

- la condamnation qui mieux sera jugé au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

L 'affaire est clôturée par ordonnance du 28 juin 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les pièces n° 68 et 68 bis :

L'article 954 al 1er du code de procédure civile prévoit que les conclusions d'appel contiennent en en-tête, les indications prévues à l'article 961 du code de procédure civile. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.

L'alinéa 2 de cet article prévoit que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien des ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, il est versé aux débats deux pièces n° 68 et 68 bis intitulées "note concernant les arguments de la commune d'[Localité 3] sans lien avec le litige" et "note actualisée concernant les arguments de la commune d'[Localité 3] sans lien avec le litige".

Il est constant que les argumentaires mentionnés dans ces deux notes ne sont pas repris dans les conclusions de l'appelant.

Il sera dès lors répondu aux seuls moyens mentionnés dans les dernières conclusions de l'appelant, soit n° 10 en date du 11 avril 2018 de [L] [V] et à aucun de ceux mentionnés dans ces notes produites en pièces n° 68 et 68 bis, et ce conformément à l'article susvisé.

Il sera par conséquent fait droit à la demande de la commune d'[Localité 3] demandant que ces deux pièces soient écartées.

Sur la prescription :

Aux termes des dispositions de l'article L225-254 du code de commerce, l'action ut singuli intentée par [L] [V] se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, à compter de sa révélation.

En l'espèce, la cession de l'hôtel l'ermitage en 2 000, de terrains formant le parc en 2 000 et la cession de l'hôtel du Parc en 2005 ne peuvent dès être prises en compte au soutien de la présente action, ces faits étant prescrits à la date de l'introduction de la présente instance car par assignation en date du 27 mars 2009.

Par ailleurs, la vente de la résidence le splendide a été autorisée selon procès verbal de l'assemblée générale en date du 21 décembre 2004, date du fait dommageable s'agissant de la cause génératrice du dommage prétendu, et ce bien que la cession ait été réalisée le 21 décembre 2006 et ce dont a eu connaissance l'appelant étant représenté au conseil d'administration, le point de départ du délai de prescription de trois ayant par conséquent commencé à courir le 21 décembre 2004.

L'article 2241 du code civil énonce que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion à l'égard des seules parties à la procédure ainsi engagée.

En l'espèce, [L] [V] par assignation du 26 avril 2005 n'a pas fait citer devant le juge des référés aux fins d'expertise la commune d'[Localité 3] mais la seule société d'économie mixte du domaine thermal d'[Localité 3], le délai de prescription de trois ans en cause et ayant commencé à courir à compter du 21 décembre 2004 n'a pu dès lors être interrompu par cette demande en justice à l'égard de la commune.

La décision contestée sera confirmée en ce qu'elle a jugé la vente de l'hôtel le [2] comme étant un fait prescrit à la date de la présente demande en justice ne pouvant par conséquent être retenue au soutien de l'action en responsabilité ut singuli introduite par [L] [V] à l'encontre de la commune.

Sur les fautes de gestion :

Il résulte des conclusions du rapport de la Chambre régionale des comptes du 25 novembre 2010 ayant pour objet l'examen de la gestion de la société SEM que la situation économique et financière de la SEM est devenue périlleuse sur la période de 2006 à 2009 et la continuité d'exploitation de cette société se trouve exclusivement garantie par une sollicitation de plus en plus systématique des finances communales lesquelles ne sauraient être durablement garantes du maintien artificiel de cette activité économique si celle ci ne trouve en urgence une rentabilité économique.

Il n'est ainsi caractérisé par ce rapport aucune faute de gestion à l'origine du manque de rentabilité de l'activité de la SEM, il n'est pas non plus constaté à cette date une activité déficitaire mais il est seulement expliqué que les ventes d'actifs et le financement communal seuls de nature à compenser les pertes et ne peuvent perdurer.

Le 6 mai 2008, le commissaire aux comptes lance une seconde procédure d'alerte prévue à l'article L234-1 du code de commerce en enjoignant à la société de produire des éclaircissements de nature à sortir la société de ses difficultés.

À l'occasion de cette procédure d'alerte le commissaire aux comptes constate que la société accuse des pertes d'exploitation depuis de nombreuses années et constate la stratégie menée de façon à permettre à la société de dépasser ces difficultés soit son recentrage sur son coeur de métier en cédant une grande partie de ses actifs et en développant la création d'une activité tournée sur le "mieux être".

Il est également constaté le projet quant à quatre licenciements économiques et de façon à réaliser des économies substantielles dans le cadre du plan de restructuration financier.

Si le fonctionnement de la société SEM dont l'activité soit l'exploitation de cures thermales est en pleine crise lors de la cession en 1997 et le patrimoine immobilier vétuste, les difficultés financières importantes mises en lumière par la Chambre régionale des comptes et le commissaire aux comptes ont pour autant été surmontées puisque par jugement en date du 2 juin 2015, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la SEM et par jugement en date du 12 avril 2016 a homologué un plan de continuation jugeant ainsi par conséquent l'absence d'état de cessation des paiements de cette société et démontrant que la SEM a réussi la mise en place d'une restructuration efficace et dès lors l'absence de caractère déficitaire désormais de cette activité, l'efficacité de la mise en place de la procédure d'alerte et l'efficacité des mesures de redressement prises dans le cadre de la gestion de la SEM et donc conformes à l'intérêt social, et ce contrairement à ce qui est affirmé par l'appelant.

L'avis de la Chambre régionale des comptes de 2011 ne peut justifier d'une faute de gestion entre 2006 et 2009, n'a donné lieu à aucune suite disciplinaire et ne caractérise aucune faute de gestion particulière et y compris concernant l'éventuelle tenue irrégulière tenue de comptabilité.

Le jugement du tribunal correctionnel de Grenoble en date du 15 novembre 2012 révèle que suite à la première enquête diligentée après différentscourriers de l'appelant mettant en avant des anomalies

comptables, l'enquêteur conclut à l'absence d'infraction et la seconde enquête met en évidence des pratiques comptables litigieuses de la part de [J] [I] [S] et précise que ce dernier préparait les bilans des différents exercices présentés au conseil d'administration de la société

ayant ensuite donné lieu à publication, que le délit de présentation et publication de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle de la société a été par conséquent retenu à l'encontre de [J] [I] [S] alors que l'ensemble des administrateurs de la SEM y compris la commune d'[Localité 3] ont été relaxés du chef de cette infraction précisant qu'il ne peut être considéré qu'ils ont agi avec l'intention de dissimuler la véritable situation de la société au regard des tiers et que le refus de certification des comptes par le commissaire aux comptes n'est pas la conséquence de leur fausseté mais de l'incertitude quant à la création du centre "mieux être".

Il ne peut dès lors être justifié d'une quelconque faute de gestion constituée par la présentation d'une comptabilité irrégulière imputable à la commune sur la période de 2006 à 2009.

Il n'est par ailleurs justifié de la vente d'aucun actif de la société à compter de 2006 y compris la cession de la résidence le [2] comme préalablement expliqué, l'ensemble des actifs cédés l'ont été avant 2006 et constituent par conséquent des faits prescrits ne pouvant être retenus pour établir une faute de gestion de nature à permettre de retenir la responsabilité de la société sur le fondement de l'action ut singuli.

Par ailleurs, la vente de différents biens immobiliers était exigée par la politique de restructuration de la société.

Il n'est par conséquent justifié d'aucune faute de gestion de la commune en sa qualité de dirigeant de la société SEM.

Le jugement contesté déboutant [L] [V] de l'ensemble de ses demandes en indemnisation à l'encontre de la commune sur le fondement de l'action ut singuli et déboutant la commune de sa demande en dommages et intérêts sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande d'indemnisation de [L] [V] pour les propos dénigrants et sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 :

L'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 énonce que l'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait.

En l'espèce, il est constant que les propos dénigrants pour lesquels il est demandé indemnisation résultent des conclusions de la commune du 15 novembre 2012 alors que [L] [V] sollicite pour la première fois leur retrait et une indemnisation pour ces propos jugés dénigrants dans ses conclusions en date du 4 mai 2017, soit après l'expiration du délai de prescription de l'article 65 de la loi susvisée.

Les demandes de [L] [V] à ce titre seront déclarées irrecevables comme prescrites.

Sur les autres demandes :

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la commune d'[Localité 3].

La commune d'[Localité 3] ne justifie pas d'un préjudice imputable à une faute de [L] [V].

Sa demande en dommages et intérêts sera rejetée.

L 'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SET [Localité 3] et maître [F] ès qualités de commissaire.

PAR CES MOTIFS,

la Cour

Statuant par décision contradictoire prononcée publiquement et par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les conclusions de [L] [V] soit n° 10 en date du 11 avril 2018,

Ecarte des débats les pièces n° 68 et 68 bis,

Confirme la décision contestée en toutes ses dispositions.

Y ajoutant

Déclare irrecevables les demandes de [L] [V] sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881.

Condamne [L] [V] à payer à la commune d'[Localité 3] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne [L] [V] à payer à la SET [Localité 3] et maître [F] es qualités de commissaire à l'exécution du plan de cette société la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette la demande en dommages et intérêts de la commune d'[Localité 3] à l'encontre de [L] [V].

Rejette tous les autres chefs de demandes.

Condamne [L] [V] aux entiers dépens.

SIGNE par Madame CLOZEL-TRUCHE, Président et par Monsieur STICKER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15/04187
Date de la décision : 02/05/2019

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°15/04187 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-02;15.04187 ?
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