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20/11/2018 | FRANCE | N°16/05757

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 20 novembre 2018, 16/05757


N° RG 16/05757 - N° Portalis DBVM-V-B7A-IZIQ


HC


N° Minute :

















































































































Copie exécutoire délivrée





le :



à :





la SELARL CABINET PHILIPPE X... & VALERIE Y...





la SCP Z... F...











AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE GRENOBLE





1ERE CHAMBRE CIVILE





ARRÊT DU MARDI 20 NOVEMBRE 2018











Appel d'un Jugement (N° R.G. 12/00919)


rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE


en date du 07 novembre 2016


suivant déclaration d'appel du 12 Décembre 2016





APPELANTS :





Madame Pascale A.....

N° RG 16/05757 - N° Portalis DBVM-V-B7A-IZIQ

HC

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL CABINET PHILIPPE X... & VALERIE Y...

la SCP Z... F...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 20 NOVEMBRE 2018

Appel d'un Jugement (N° R.G. 12/00919)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 07 novembre 2016

suivant déclaration d'appel du 12 Décembre 2016

APPELANTS :

Madame Pascale A... veuve B...

née le [...] à OLLIOURES

de nationalité Française

[...]

Madame Ana B...

née le [...] à LA TRONCHE

de nationalité Française

[...]

Monsieur C... B...

né le [...] à LA TRONCHE

de nationalité Française

[...]

Madame Eva B... mineure et représentée par Madame Pascale B..., née A..., mère de la mineure,

née le [...] à ECHIROLLES

de nationalité Française

[...]

Monsieur Yvan B... mineur et représenté par Madame Pascale B..., née A..., mère du mineur

né le [...] à LA TRONCHE

de nationalité Française

[...]

Tous représentés par Me Philippe X... H... de la SELARL CABINET PHILIPPE X... & VALERIE Y..., avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me Amandine D... avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

La BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]

représentée par Me Philippe Z... de la SCP Z... F..., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Jean-François E... de la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Hélène COMBES, Président de chambre,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistées lors des débats de Monsieur Frédéric STICKER, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 octobre 2018, Madame COMBES a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

****

EXPOSE DU LITIGE

Le 16 janvier 2008, les époux J... B... et Pascale A... ont signé en qualité de réservataires un contrat préliminaire de vente en l'état futur d'achèvement portant sur un appartement T1 à [...] (74) au prix de 484.131 euros.

Le 11 février 2008, ils ont accepté l'offre de prêt (n° [...]) de la Banque Patrimoine et Immobilier pour le montant de 484.131 euros.

Ces opérations s'inscrivent dans le cadre des activités de la société Apollonia dont les agissements frauduleux sont invoqués par de nombreux emprunteurs et ont donné lieu à de multiples procédures.

J... B... est décédé le [...] .

En raison d'échéances impayées, la Banque Patrimoine et Immobilier a le 16 novembre 2011, prononcé la déchéance du terme du prêt.

Par acte du 13 février 2012, elle a assigné Pascale A... devant le tribunal de grande instance de Grenoble pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 239.153,89 euros outre intérêts à capitaliser.

Elle sollicitait également l'allocation de dommages intérêts à hauteur de 20.000 euros.

Les quatre enfants des époux B... sont intervenus volontairement à la procédure en qualité d'héritiers de leur père J... B....

Par jugement du 7 novembre 2016, le tribunal a rejeté la demande de sursis à statuer formée par les consorts B... , dit la demande de la Banque Patrimoine et Immobilier recevable, débouté les consorts B... de leur demande de déchéance du droit aux intérêts et les a condamnés à payer à la Banque Patrimoine et Immobilier la somme de 268.620,05 euros outre intérêts au taux contractuel de 5,15 %.

Le tribunal a déclaré irrecevable l'exception de litispendance, débouté les consorts B... et la Banque Patrimoine et Immobilier de leurs demandes de dommages intérêts.

Les consorts B... ont relevé appel le 22 novembre 2016.

Par uniques conclusions du 12 mars 2017, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

Dire et juger les Consorts B... recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE le 7 novembre 2016,

- Ordonner qu'il soit sursis à jusqu'à la fin des instances pénales et civiles pendantes par devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille.

A titre subsidiaire,

Ordonner qu'il soit sursis à statuer jusqu'à la fin de l'instruction.

Ordonner en tant que de besoin la production des éléments de la procédure pénale.

A titre plus subsidiaire,

- Constater l'irrecevabilité de l'action de la BPI,

- Constater la prescription des demandes de la BPI,

- Constater la titrisation de ses créances par la BPI,

- Constater que la BPI ne rapporte pas la preuve de la non cession des prêts accordés aux époux B...,

- Prendre acte qu'elle se refuse à justifier de cette opération,

Enjoindre à la Banque Patrimoine et Immobilier de produire aux débats :

l'attestation de son commissaire aux comptes qui pourrait justifier de l'absence de titrisation de la créance litigieuse,

les bordereaux de cession de ses créances en justifiant que, au rang de celles-ci ne figure pas les montants et prêt réclamés au concluant ou une attestation de son commissaire aux comptes;

la convention la liant à la société de gestion dont l'intervention est rendue obligatoire par L.214-49-6 du code monétaire et financier

- Prendre acte encore de ce que rien ne permet d'établir qu'elle a conservé à charge en qualité de banque cédante, celle du recouvrement des créances cédées.

En conséquence :

- Dire et juger que la créance de la BPI est prescrite,

- Constater que la BPI n'a pas d'intérêt à agir,

- Déclarer la BPI irrecevable,

- Débouter la même de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,

- Constater qu'une information pénale est en cours à l'encontre d'Apollonia et de tous les autres, notamment des chefs de faux en écritures, y compris de faux en écritures publiques, laquelle a donné lieu à la mise en examen et à l'incarcération de trois notaires rédacteurs des actes et de la BPI,

- Constater les irrégularités contenues dans l'acte notarié et la procuration,

- Constater l'existence d'un taux TEG irrégulier.

- Constater la violation manifeste du délai Scrivener,

- Constater la violation manifeste des dispositions du Code Monétaire et Financier notamment en ses articles L 519-1 et suivants.

- Constater la violation manifeste des dispositions du Code de la Consommation notamment en ses articles L 121-21 et suivants, L 312 et suivants, L 313 et suivants.

- Constater l'absence de mention du taux de période et de la durée de période,

- Constater l'absence au titre du TEG de toute mention touchant à la commission perçue par la société Apollonia,

- Constater l'absence dans le calcul du TEG des frais de notaire et des frais de garantie,

- Constater la violation manifeste notamment de la Loi Scrivener et des dispositions légales impératives touchant à la détermination du TEG,

- Constater la déchéance du droit aux intérêts de l'emprunt,

- Constater que la créance de la BPI n'est dès lors ni liquide, ni certaine ni exigible,

- Dire et juger que la BPI n'a pas respecté son obligation de mise en garde,

- Dire et juger que l'acte à l'origine des poursuites de la banque est frauduleux,

- Constater que le consentement à l'acte donné par M. et Mme B... n'était en rien un consentement éclairé.

- Constater l'illicéité de la cause du contrat de prêt en débat.

En conséquence,

- Débouter la BPI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement sur ce point,

- Prononcer alors à tout le moins la déchéance du droit aux intérêts de la banque au visa des dispositions de la Loi Scrivener, comme encore eu égard à l'existence d'un TEG erroné au contrat de prêt.

En tout état de cause :

- Condamner BPI à payer une somme de 270.000 euros de dommages et intérêts,

- Condamner encore la BPI à verser aux consorts B... une somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner enfin la BPI aux entiers dépens.

Ils expliquent qu'ils sont victimes des agissements de la société Apollonia qui en 2007 et 2008 leur a fait souscrire 12 prêts auprès de différentes banques et les a endettés à hauteur de 3.053.207 euros.

Ils dénoncent les conditions dans lesquelles la société Apollonia leur a fait signer dans l'urgence de nombreux documents.

Dans ses dernières conclusions du 2 août 2018, le Crédit Immobilier de France Développement qui vient aux droits de la Banque Patrimoine et Immobilier demande à la cour de :

Sur la demande de sursis à statuer :

- Dire et juger que la demande de sursis à statuer est irrecevable et mal fondée,

Sur la recevabilité de l'action de la banque :

- Constater que la Banque Patrimoine et Immobilier dispose d'un intérêt à agir,

- Constater que la présente action n'était pas prescrite à la date à laquelle elle a été engagée,

Sur le bien-fondé de l'action de la banque :

- Dire et juger que l'action de la banque est recevable et bien fondée,

- Constater que la créance que détient le banque sur les consorts B... est certaine, liquide

et exigible tant dans son principe que dans son quantum,

En tout état de cause

Débouter les consorts B... de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Sur l'exception de nullité fondée sur le taux effectif global erroné

- Dire et juger prescrite la demande en nullité fondée sur un taux effectif global erroné.

Sur les irrégularités des conditions d'octroi du prêt fondées sur le code de la consommation

- Constater que le prêt litigieux contracté par les emprunteurs avait une destination professionnelle, de sorte que les dispositions du code de la consommation ne leur sont pas applicables.

En conséquence,

- Condamner les consorts B... à payer à la Banque Patrimoine et Immobilier la somme de 268.620,05 euros, outre intérêts au taux contractuel de 5,15 %, à compter du 16 novembre 2011,

- Accorder à la banque le bénéfice de la capitalisation des intérêts, conformément aux termes

de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamner les mêmes à reverser à la banque le montant de la TVA perçue pour le prêt souscrit, soit la somme de 79.339 euros,

- Condamner les consorts B... à payer à la banque la somme de 10.000 euros au titre de

l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les consorts B... aux entiers dépens de l'instance,

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 septembre 2018.

DISCUSSION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

I - Sur la demande en paiement de la Banque Patrimoine et Immobilier

1 - Sur la demande de sursis à statuer

Les consorts B... demandent à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue des instances pénales et civiles en cours devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Le Crédit Immobilier de France Développement réplique que cette demande est irrecevable au motif qu'ils ont été définitivement déboutés d'une précédente demande de sursis à statuer.

Bien que le Crédit Immobilier de France Développement ne produise pas la décision à laquelle il fait référence, il ressort des termes du jugement déféré que c'est le juge de la mise en état qui a rejeté la demande des consorts B....

Le tribunal a exactement relevé que la décision du juge de la mise en état n'avait pas l'autorité de la chose jugée.

Dès lors, la demande formée par les appelants devant le tribunal, puis devant la cour est recevable.

La demande étant recevable, il convient de rechercher si elle est justifiée au regard des éléments du litige.

Au soutien de leur demande, les consorts B... font notamment valoir que la Banque Patrimoine et Immobilier est responsable des agissements frauduleux de la société Apollonia.

Le Crédit Immobilier de France Développement s'y oppose faisant valoir que le sursis est facultatif et qu'il serait contraire à une bonne administration de la justice.

En vertu de l'article 4 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l'action publique n'impose le sursis que sur le seul jugement de l'action civile exercée devant la juridiction civile en réparation du dommage causé par l'infraction.

Les autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, ne sont pas soumises à l'obligation de suspendre l'instance, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

La décision de suspendre l'instance relève donc du pouvoir discrétionnaire conféré au juge en vue d'une bonne administration de la justice.

En l'espèce, la Banque Patrimoine et Immobilier a n'est plus mise en examen depuis le 13 septembre 2013 dans le cadre de l'information ouverte au tribunal de grande instance de Marseille.

A ce jour, aucun élément ne permet de retenir que cette situation pourrait évoluer sur le plan pénal dans un sens défavorable à la banque.

Ni les droits de la défense, ni le principe de la contradiction, ni les considérations liées à une bonne administration de la justice n'imposent de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision pénale qui interviendra dans un délai qu'il est impossible d'évaluer à ce jour et dont l'incidence sur la présente instance est totalement incertaine.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer des consorts B....

Il a exactement rappelé que les dispositions de l'article 312 du code de procédure civile ne sont pas invoquées à bon escient.

C'est également à bon droit que le tribunal a débouté les appelants de leur demande de production de pièces de la procédure pénale, après avoir rappelé qu'en leur qualité de partie civile, ils ne sont pas soumis au secret de l'instruction.

2 - Sur la recevabilité

Les consorts B... concluent à l'irrecevabilité de l'action de la Banque Patrimoine et Immobilier, qui détentrice d'un acte notarié exécutoire n'a pas d'intérêt à agir.

Mais bien que constituant un titre exécutoire, un acte notarié ne revêt pas les attributs d'un jugement et aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu'un créancier dispose de deux titres exécutoires pour la même créance.

Titulaire d'un acte notarié, la Banque Patrimoine et Immobilier n'est pas privée de son intérêt à agir aux fins de condamnation des consorts B... au paiement des créances constatées dans les actes notariés.

Les consorts B... soutiennent également que l'action de la Banque Patrimoine et Immobilier est prescrite sur le fondement de l'article L 137-2 du code de la consommation qui dispose que l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Le Crédit Immobilier de France Développement réplique que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables, J... B... étant enregistré au Registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur en meublé professionnel.

Mais l'immatriculation de J... B... au Registre du commerce et des sociétés a été faite le 5 mai 2008 soit postérieurement à l'acceptation de l'offre de prêt le 11 février 2008, étant observé que l'offre mentionne sur la première page le statut de loueur en meublé non professionnel.

Le Crédit Immobilier de France Développement n'est dès lors pas fondé à soutenir que le prêt immobilier échappe aux dispositions du code de la consommation, puisqu'il n'était pas lors de sa conclusion, destiné à financer une activité professionnelle.

Aucune prescription n'est cependant encourue sur le fondement des dispositions sus-visées.

En effet, la première échéance impayée est celle du 29 septembre 2010, ainsi que les consorts B... le précisent en page 49 de leurs conclusions.

La déchéance du terme a été prononcée le 16 novembre 2011 et l'assignation interruptive de prescription a été délivrée le 12 février 2012, soit dans le délai biennal.

Les consorts B... contestent également l'intérêt à agir de la Banque Patrimoine et Immobilier au motif qu'elle a vendu ses créances.

Le Crédit Immobilier de France Développement réplique que le prêt n° [...] souscrit par les époux B... n'a jamais fait l'objet d'une titrisation.

Faute pour les consorts B... d'établir le bien fondé de leur affirmation, le moyen ne peut prospérer.

La demande de la Banque Patrimoine et Immobilier aux droits de laquelle vient le Crédit Immobilier de France Développement est recevable.

3 - Sur le fond

Pour contester la demande de la banque, les consorts B... développent plusieurs moyens qu'il convient d'examiner successivement.

Ils soutiennent qu'il n'est pas possible de s'assurer du respect des dispositions de l'article L 121-23 du code de la consommation sur le démarchage à domicile.

Mais c'est à eux qui invoquent le non respect des dispositions sus-visées d'en rapporter la preuve, ce qu'ils ne font pas.

En tout état de cause, le tribunal a exactement relevé que les dispositions de l'article L 121-22 du code de la consommation ne sont pas applicables en l'état de la réglementation particulière édictée par le code monétaire et financier.

Le moyen ne peut prospérer.

Les consorts B... soutiennent qu'ils n'ont pas pu bénéficier du délai de réflexion de 10 jours prescrit par l'article L 312-10 du code de la consommation.

En l'espèce, si l'offre de prêt est datée du 22 janvier 2008, aucun élément ne permet de déterminer la date à laquelle elle a été expédiée et reçue par les consorts B..., la mention de l'acceptation de l'offre indiquant uniquement qu'elle a été reçue par voie postale.

L'acceptation de l'offre étant datée du 11 février 2006, la cour n'est pas en mesure de vérifier que les emprunteurs ont effectivement disposé d'un délai de 10 jours entre la réception de l'offre et son acceptation.

Dès lors la sanction prévue par l'article L 312-33 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion du prêt est encourue.

Pour ce seul motif, il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'argumentation des consorts B... sur le taux effectif global.

Les consorts B... invoquent enfin le caractère frauduleux du prêt, mais ils ne concluent pas à sa nullité de sorte que l'argumentation n'est pas opérante.

Quant aux critiques qu'ils formulent à l'encontre de l'acte notarié, elles sont inutiles dès lors que l'action en paiement de la banque est fondée sur l'offre de prêt acceptée.

Le Crédit Immobilier de France Développement sollicite au titre du remboursement du prêt le paiement de la somme de 268.620,05 euros dont le détail figure sur la lettre recommandée du 16 novembre 2011 prononçant la déchéance du terme.

Il convient de faire application d'office des dispositions de l'article 1152 devenu 1231-5 du code civil et de ramener à 100 euros le montant de l'indemnité contractuelle, dont le montant est manifestement excessif.

En l'état de la déchéance du droit aux intérêts et au vu du tableau d'amortissement et du décompte figurant sur la lettre recommandée du 4 février 2010, la créance du Crédit Immobilier de France Développement s'établit de la façon suivante :

- échéances impayées hors intérêts : 19.280,00 euros

- capital restant dû au 16 novembre 2011 : 221.591,12 euros

- indemnité de résiliation : 100,00 euros

Total : 240.971,12 euros

outre intérêts au taux légal à compter du 4 février 2010.

Les consorts B... seront condamnés au paiement de cette somme.

Le Crédit Immobilier de France Développement sollicite encore le remboursement de la somme de 79.339 euros au titre du montant de la TVA perçue par les consorts B....

Cette demande ne peut manifestement pas prospérer.

En effet, l'on voit mal comment la banque pourrait solliciter le remboursement de sommes qu'elle n'a pas déboursées puisqu'elles ont été versées aux consorts B... par le Trésor Public.

II - Sur la demande de dommages intérêts des consorts B...

Les consorts B... reprochent en page 90 de leurs conclusions à la Banque Patrimoine et Immobilier d'avoir manqué à son devoir de mise en garde en leur consentant le prêt litigieux sans les rencontrer et sans s'assurer de leur situation financière.

Le Crédit Immobilier de France Développement conteste toute responsabilité de la Banque Patrimoine et Immobilier sur le fondement invoqué.

Il est acquis en jurisprudence que l'établissement bancaire qui consent un crédit est tenu envers un emprunteur non averti d'une obligation de mise en garde au regard de ses capacités financières et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt.

L'obligation de mise en garde est ainsi subordonnée à deux conditions, la qualité d'emprunteur non averti et l'existence d'un risque d'endettement.

Le Crédit Immobilier de France Développement ne soutient pas en l'espèce que les consorts B... étaient des emprunteurs avertis, mais fait valoir que le devoir de mise en garde s'opère sur la base des informations communiquées par les emprunteurs potentiels; que la banque a vérifié la capacité financière des consorts B... au moyen des fiches de renseignements contenues dans les demandes de prêt.

Elle produit en pièce 27 une fiche de renseignements bancaires comportant deux signatures que les appelants ne contestent pas.

Selon les renseignements qui y sont portés, les époux B... disposaient de revenus nets de 9.603 euros par mois et avaient des charges mensuelles de 1.312 euros au titre du remboursement du prêt contracté en 2005 pour l'achat de la résidence principale.

Aucun autre engagement contracté auprès d'une autre banque n'est mentionné sur ce document.

Le prêt étant contracté sous le statut de loueur en meublé non professionnel (voir offre de prêt page 1), la fiche de renseignements ne comportait aucune anomalie apparente que la banque aurait dû vérifier.

Le prêt étant au vu des renseignements communiqués, adapté aux capacités financières du couple, il ne peut être reproché à la banque d'avoir manqué à son devoir de mise en garde.

C'est au terme d'une exacte analyse des éléments qui lui étaient soumis que le tribunal a rejeté la demande de dommages intérêts des consorts B....

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur du Crédit Immobilier de France Développement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement

- Confirme le jugement déféré sauf sur le montant de la condamnation prononcée à l'encontre des consorts B....

- L'infirmant de ce seul chef et statuant à nouveau, condamne solidairement Pascale A... veuve B..., Ana B..., C... B..., Eva B... et Ivan B..., ces deux derniers mineurs représentés par leur mère Pascale A... veuve B..., à payer au Crédit Immobilier de France Développement venant aux droits de la Banque Patrimoine et Immobilier la somme de 240.971,12 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 février 2010.

- Dit que les intérêts se capitaliseront dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil.

- Déboute le Crédit Immobilier de France Développement de sa demande en paiement de la somme de 79.339 euros au titre du remboursement de la TVA versée par le Trésor Public.

- Déboute le Crédit Immobilier de France Développement de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne Pascale A... veuve B..., Ana B..., C... B..., Eva B... et Ivan B..., ces deux derniers mineurs représentés par leur mère Pascale A... veuve B... aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 16/05757
Date de la décision : 20/11/2018

Références :

Cour d'appel de Grenoble 01, arrêt n°16/05757 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-20;16.05757 ?
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