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15/11/2018 | FRANCE | N°11/02731

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 15 novembre 2018, 11/02731


RG N° 11/02731

MPB

N° Minute :





































































Copie exécutoire

délivrée le :





Me RAMILLON



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI

15 NOVEMBRE 2018





Appel d'un jugement (N° RG 2010J10)

rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS

en date du 20 avril 2011

suivant déclaration d'appel du 30 Mai 2011



APPELANTE :



SARL FREGATE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1],



Représentée par Me Marie-franc...

RG N° 11/02731

MPB

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me RAMILLON

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 15 NOVEMBRE 2018

Appel d'un jugement (N° RG 2010J10)

rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS

en date du 20 avril 2011

suivant déclaration d'appel du 30 Mai 2011

APPELANTE :

SARL FREGATE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1],

Représentée par Me Marie-france RAMILLON, avocat au barreau de Grenoble, postulant,et par Me Laurent CARETTO, avocat au barreau de Paris, plaidant

INTIMEE :

SARL GROUPE ITI, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de Grenoble, postulant, et par Me Emmanuelle BELLAICHE avocat au Barreau de Paris, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Président de chambre,

Madame Fabienne PAGES, Conseiller,

Madame Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,

Assistées par Monsieur Frédéric STICKER, Greffier, lors des débats qui se sont déroulés en présence de :

Madame [Q] [E] auditrice de justice

Monsieur [I] [Y] auditeur de justice

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Juin 2018

Madame BLANCHARD, conseiller, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.

------0------

Suivant actes sous seing privé des 13 mars et 14 juin 2007, la SARL GROUPE ITI (société ITI) a cédé à la SARL FREGATE les actions de la SAS ÉTUDES ET FABRICATIONS INDUSTRIELLES TÔLERIE AÉRONAUTIQUE MÉCANIQUE (société EFITAM), moyennant le prix de 2.300.000 € dont 1.280.000 € payable au jour de l'acte et le solde en trois annuités à échéances des 30 juin 2009, 2010 et 2011.

Le 14 juin 2007, une convention de garantie d'actif et de passif d'un montant maximum de 1.000.000 € a également été régularisée entre les parties.

A l'occasion de l'arrêté des comptes de l'exercice 2007, la société FREGATE s'est prévalue d'erreurs commises dans la valorisation du stock au titre de la situation comptable arrêtée au 31 décembre 2006 pour informer la cédante, par lettres des 11 janvier et 18 février 2008, de son intention de mettre en 'uvre la garantie de passif.

Elle a également réclamé l'ajustement du prix résultant de la fermeture de l'établissement de la société EFITAM à [Localité 1].

Par courrier de réponse du 12 mars 2008, la société ITI a contesté la réclamation de la cessionnaire au titre de la garantie de passif.

Les billets à ordre à échéance des 30 juin 2009 et 2010 n'ayant pas été honorés, la société ITI a fait assigner la société FREGATE en paiement devant la juridiction commerciale de [Localité 2] sur Isère'.

Par jugement du 20 avril 2011, le tribunal de commerce a':

- dit que la société FREGATE est débitrice de la société GROUPE ITI de la somme de 674.666, 66 euros au titre des billets à ordre à échéance des 30 juin 2009 et 2010 ;

- dit que la société GROUPE ITI est débitrice de la société FREGATE de la somme de 170.188, 78 euros au titre de la fermeture du site d'HAYANGE;

- dit que l'action de la société FREGATE au titre de la garantie de passif est irrecevable';

- condamné la société FREGATE à payer à la société GROUPE ITI la somme de :

* 167 144,55 euros pour solde du billet à ordre à échéance du 30 juin 2009, outre intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2009, capitalisés à compter du 8 décembre 2009;

* 334 333, 33 euros en paiement du billet à ordre à échéance du 30 juin 2010 outre intérêts au taux légal à compter de cette date avec capitalisation ;

- débouté la société GROUPE ITI de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamné la société FREGATE à payer à la société GROUPE ITI la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- liquidé les dépens mis à la charge de la société FREGATE.

La SARL FREGATE a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 30 mai 2011.

Par arrêt du 4 juin 2015, cette cour a':

- infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- déclaré la SARL FREGATE recevable en ses demandes et la SARL GROUPE ITI recevable en sa contestation de la mise en 'uvre de la garantie de passif,

- avant dire droit sur l'ensemble des demandes, ordonné une expertise confiée à M [T].

L'expert a déposé son rapport le 15 mai 2017 au terme duquel il a conclu qu'en l'absence d'informations suffisantes recueillies dans le cours de sa mission, notamment quant au respect des principes comptables, le montant du dommage se situait entre 990 K€ et 555 K€ avant impôts, montants correspondant aux deux certifications des comptes de l'exercice 2007 par les commissaires aux comptes.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 19 mars 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société FREGATE demande à la cour de':

- dire et juger que le montant dû par la société ITI au titre des frais liés à la fermeture du site de [Localité 1] s'élèvent à la somme de 164.714,33 € et que cette somme s'impute sur le solde du prix de cession ;

- dire et juger que le montant dû par la société ITI au titre de la garantie de passif s'élève à la somme brute de 990.606 € (soit 665.116 € après déduction de la franchise et prise en compte de l'incidence fiscale) et juger que cette somme s'impute sur le solde du prix de cession ;

- condamner la société ITI à lui verser la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise ;

- A titre infiniment subsidiaire,

- inviter l'expert à compléter son chiffrage en donnant notamment son avis sur le chiffrage présenté par M. [U] [B].

Elle fait valoir que:

- les stocks constituaient un élément essentiel de valorisation de la société EFITAM';

- le changement de logiciel informatique durant le dernier trimestre 2006 n'a pas permis d'avoir un état informatique fiable et que le cédant ne lui a a pas communiqué d'informations précises sur le stock dont elle avait relevé qu'il était, fin 2006, notablement supérieur aux années précédentes ;

- lors de l'établissement du bilan 2007, de nombreuses erreurs sont apparues révélant que la valeur des stocks 2006 constituait une anomalie par rapport aux autres années';

- les comptes ont été arrêtés en retraitant lesdites erreurs en charges exceptionnelles pour un montant de 990 401 €, correction expressément validée dans son principe par ses deux commissaires aux comptes.

Elle soutient que :

- le cédant n'a respecté ni les principes comptables, ni les règles énoncées à l'annexe 5 de la garantie de passif ;

- les déclarations faites par la société ITI au titre de la valorisation des stocks 2006 ne sont pas sincères et elle s'est refusée à fournir des explications détaillées sur sa méthode de valorisation.

Elle rappelle que selon le protocole de cession, les frais définitifs de fermeture du site d'[Localité 1] devaient être déduits de la première annuité.

En réponse à la demande de nullité de l'expertise, elle conteste l'inversion de la charge de la preuve reprochée à l'expert judiciaire qui, selon elle, s'est contenté de réclamer aux deux parties la production des éléments utiles à soutenir leurs prétentions respectives.

Au terme de ses dernières écritures notifiées le 4 mai 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société ITI entend voir :

- dire et juger que le rapport d'expertise de M [T] est nul en raison du non-respect des principes essentiels énoncés à l'article 237 du code de procédure civile,

- à tout le moins, dire et juger que le rapport d'expertise est dépourvu de toute force probante,

- en conséquence,

- dire et juger que la réclamation de la société FREGATE au titre de la garantie de passif est mal fondée et l'en débouter,

- à titre subsidiaire, dire et juger que la créance de la société FREGATE au titre de la garantie de passif ne peut excéder la somme de 370.000 euros, ce qui correspond à la correction d'erreur sur stocks admise par Mme [H] après impôts,

- dire et juger que les frais liés à la fermeture du site d'[Localité 1] s'élèvent à la somme de 131.362,79 euros,

- condamner la société FREGATE à lui payer la somme de 674.666,66 euros au titre des billets à ordre du 30 juin 2009 et 2010, avec intérêts au taux légal à compter de l'échéance de ces deux billets à ordre, capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil,

- condamner la société FREGATE à lui payer la somme de 168.235,14 euros au titre du solde du billet à ordre à échéance du 30 juin 2011, avec intérêts au taux légal à compter de l'échéance dudit billet, capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil,

- en tout état de cause, débouter la société FREGATE de l'intégralité de ses fins, demandes et prétentions,

- condamner la société FREGATE à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société FREGATE à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de procédure.

La société ITI reproche à l'expert d'avoir manqué à ses devoirs d'objectivité et d'impartialité en':

- procédant à une analyse erronée et partiale des pièces et des éléments qui lui ont été soumis, qu'il a dénaturés pour les besoins de son raisonnement';

- faisant systématiquement peser sur elle la charge de la preuve, générant un déséquilibre entre les parties dans le déroulement des opérations d'expertise et un comportement déloyal de la part de son contradicteur';

- ne respectant pas les termes de sa mission.

Elle critique les termes du rapport d'expertise en ce que l'expert a considéré que l'évolution des stocks entre 2005 et 2006 était anormale et correspondait au montant de la garantie'; que les marges brutes sur les années 2004, 2005 étaient incohérentes' et que les corrections sur stocks et encours avaient été validées par les commissaires aux comptes.

La société ITI soutient avoir respecté la méthode décrite à l'annexe 5 de la garantie d'actif et de passif pour valoriser les stocks de l'année 2006, mais que c'est la société FREGATE qui s'en est affranchie pour asseoir sa réclamation, alors qu'elle ne peut prétendre à un changement de méthode sans sortir des prévisions contractuelles.

Elle convient que les frais de fermeture du site d'[Localité 1] doivent être déduits du prix de cession, mais relève que les justificatifs comptables ne lui ont été communiqués que tardivement par la société FREGATE et que certaines données doivent être rectifiées.

Enfin, elle rappelle que la société FREGATE reste lui devoir des sommes au titre des billets à ordre impayés.

La clôture de la procédure est intervenue le 14 juin 2018.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) sur la nullité de l'expertise :

En application des dispositions de l'article 237 du code de procédure civile, l'expert doit mener sa mission en toute objectivité et impartialité.

La société ITI reproche à l'expert [T] la violation de ces obligations dans la conduite des opérations d'expertise.

La lecture du rapport d'expertise et des pièces produites par la société ITI révèle que sous couvert de violation par l'expert de ses obligations d'impartialité et d'objectivité, cette dernière critique en réalité l'avis donné par M [T] et donc son analyse des éléments techniques qui lui ont été soumis, ainsi que sa méthode.

Contrairement aux affirmations de la société ITI, M [T] a mis en exergue dans son rapport les défaillances réciproques des parties à lui fournir les éléments comptables nécessaires à l'accomplissement de sa mission et à répondre à ses questions. Le fait pour l'expert de demander des pièces à la partie au litige qui lui paraît la plus à même de les lui fournir, ne constitue pas une violation du devoir d'impartialité, chacune des parties devant collaborer à l'exécution de la mesure d'instruction et seul le juge étant à même de désigner celle qui doit supporter la charge de la preuve et d'en tirer les conséquences de droit.

Il sera relevé que bien que se plaignant de la partialité de l'expert à son égard, la société ITI n'en a, à aucun moment, sollicité la récusation, ni même saisi le juge chargé du contrôle de l'expertise d'une quelconque difficulté.

Par ailleurs, si l'expert [T] a pu exprimer un avis sur les conditions dans lesquelles avait été négociée la garantie de passif, la société ITI ne démontre pas en quoi cette appréciation des faits a influé sur l'analyse des données strictement comptables ayant présidé à la valorisation de ses stocks.

C'est en vain que la société ITI reproche à l'expert d'avoir dénaturé les propos du commissaire aux comptes [A] alors que l'expert n'a fait état que d'un avis sur les conséquences de la certification des comptes de l'exercice 2007 et qu'invitée à fournir les coordonnées de M [A], parti à la retraite, pour permettre à l'expert de l'auditionner, elle est demeurée taisante alors qu'elle verse aux débats un courrier de ce dernier du 3 octobre 2011 au soutien de ses prétentions.

Enfin, le défaut de réponse de l'expert à un chef de mission s'il est susceptible de donner lieu à un complément d'expertise, ne constitue pas une cause de nullité.

En conséquence, la demande de nullité de l'expertise soutenue par la société ITI sera écartée.

2°) sur la garantie de passif :

Il résulte du paragraphe II de la garantie de passif et actif signée entre les parties le 14 juin 2007, que la société ITI s'est engagée à : « indemniser l'Acquéreur de l'intégralité de tous dommages, pertes, dettes ou frais de toute nature (...) qui découlerait des éléments suivants :

toute inexactitude, erreurs ou omissions contenues dans les Déclarations et Garanties ;

toute diminution de la valeur d'un actif ou toute augmentation de passif ayant son fait générateur avant la date des présentes, et apparaissant après cette date, non comptabilisés ou insuffisamment comptabilisés dans la Situation Comptable et qui n'aurait pas fait l'objet de provisions ou de provisions suffisantes dans la Situation Comptable pour la fraction du préjudice excédant la provision ».

Cet engagement est soumis à un seuil et à un plafond énoncés au paragraphe V-3 de l'acte dans les termes suivants :

« le cas échéant, lors de la mise en jeu de la présente garantie, le cédant bénéficie d'une franchise et non d'un seuil de dix mille (10'000) euros » ;

« le montant total dû par le cédant, pour l'ensemble des réclamations de l'acquéreur au titre de la présente garantie ne pourra excéder une somme globale égale à 1 million d'euros. Cette garantie sera réduite par tranche de 300'000 € à l'expiration de chaque année garantie, étant précisé que toute réclamation bénéficiera de la garantie en vigueur à la date de sa notification, la date d'exigibilité des paiements dûs par l'acquéreur n'ayant en l'espèce aucune incidence ».

Concernant sa situation comptable, la société ITI a déclaré que les comptes d'EFITAM arrêtés au 31 décembre 2006 et certifiés par son commissaire aux comptes, avait été établis dans la forme exigée par la réglementation applicable, conformément aux principes comptables définis par le Nouveau Plan Comptable Français, et que ces principes comptables avaient été appliqués de manière constante, notamment concernant la méthode de valorisation des stocks détaillée dans l'annexe 5.

Cette annexe intitulée «'méthodes de valorisation des stocks EFITAM'» expose les modes de calcul de la valeur des encours et des stocks, distingués en 4 catégories (consommables, matières, composants, articles finis) et les données chiffrées utilisées (tableau A).

Dans son courrier recommandé du 18 février 2008, la société FREGATE se prévaut d'une dépréciation du stock de 990 606 euros, listant à l'appui de sa réclamation :

- un écart entre les valeurs comptables et les données présentées conduisant à une surévaluation de l'encours de production au 31 décembre 2006 de 58'414 € ;

- l'application de taux horaires de production et de coefficient de frais généraux erronés, occasionnant une surévaluation de 133'051 € sur le stock d'encours et de 82'709 € sur le stock d'articles finis ;

- un écart entre les encours de production au 31 décembre 2006 et au 31 décembre 2007 de 345 326 € malgré la limitation de leur montant au total restant à facturer ;

- l'absence de comptage de certains composants ayant généré une perte de 52'500 € et des erreurs matérielles affectant le dernier prix d'achat connu pour 68'806 € ;

- des erreurs dans la prise en compte des prix de vente des articles finis aboutissant à une surévaluation de 5601 € ;

- l'impossibilité de vérifier les prix de revient réels du stock des articles produits sans prix de vente la conduisant à retenir une surévaluation de 86'359 €';

- l'existence de stocks d'éléments informatiques ne relevant d'aucune définition figurant à l'annexe 5 de la garantie de passif pour un montant de 157'840 €.

L'expert [T] a confirmé que le litige sur l'existence d'un éventuelle insuffisance d'actif reposait exclusivement sur la détermination des stocks et encours de l'exercice 2006 et sur le respect ou non des principes comptables énoncés dans l'annexe 5 de la garantie d'actif et de passif.

Il sera rappelé que demanderesse à la mise en 'uvre de cette garantie, la société FRÉGATE supporte la charge de la preuve.

Si M [A], commissaire aux comptes "historique" de la société EFITAM, a certifié sans réserve les comptes de l'exercice 2007 et ainsi validé les corrections apportées par la société FREGATE à la valorisation des stocks existants au 31 décembre 2006 et leur retraitement en charges exceptionnelles, il doit être relevé que ce même professionnel du chiffre avait pourtant certifié la sincérité des comptes arrêtés au 31 décembre 2006 et que Mme [H], commissaire aux comptes nouvellement mandatée par la société FREGATE, a, dans son rapport général du 28 juin 2008, émis des réserves expresses sur les corrections faites au titre du calcul des affaires partiellement réalisées à hauteur de 345'326 € et des frais à intégrer dans les encours de production et produits finis pour un total de 52'753 €, estimant pour les premières que les éléments fournis ne lui permettaient pas de se prononcer sur le bien-fondé du retraitement en charges exceptionnelles et pour les seconds que le calcul du taux était entaché d'une erreur.

Il ne peut être tiré de ces avis contradictoires des commissaires aux comptes d'éléments probatoires pertinents quant à la sincérité ou l'insincérité des comptes de la société EFITAM et de la valorisation de ses actifs.

Pour sa part, l'expert [T] s'est plaint, tout au long de son rapport, de ne pas avoir obtenu communication par les parties de toutes les pièces comptables nécessaires, ni avoir obtenu les explications suffisantes de leur part, pour mener à bien sa mission.

L'ensemble du travail d'analyse par l'expert des données de comptabilisation des stocks s'est heurté à l'absence d'éléments permettant de vérifier la mise en oeuvre des principes énoncés et l'a conduit à des conjectures, interrogations et déductions plutôt qu'à des conclusions étayées.

Ainsi, le caractère tronqué de cette analyse faite sur des éléments comptables parcélaires prive l'avis expertal de toute efficacité.

M [T] a lui même reconnu les limites de son travail puisqu'il n'a notamment pas pu déterminer l'écart exact de valorisation des stocks et encours en résultant, se limitant à la reprise des montants certifiés par chacun des commissaires aux comptes pour en déduire l'existence d'une insuffisance d'actif comprise dans une fourchette de 370'000 à 660'000 €, nette d'impôts.

Les critiques formulées par la société FREGATE démontrent qu'elle conteste les données chiffrées retenues par la société ITI pour procéder à la valorisation des stocks et détaillées dans le tableau A de l'annexe 5, plus particulièrement celles relatives au calcul des coûts de production tels que le taux horaire moyen de production et le coefficient de 20% retenus au titre de la part des frais généraux, revendiquant l'application de taux et coefficient différents et modifiant ainsi les bases chiffrées des calculs.

Or, par courriel du 25 mai 2007, M [R], président de la société EFITAM a adressé à M. [B], dirigeant de la société FRÉGATE, les explications sur les éléments chiffrés du calcul des prix de revient horaires par centre de charges et l'influence des frais généraux sur les achats.

Les données chiffrées prises en compte pour valoriser le stock étaient donc parfaitement connues du cessionnaire.

Par ailleurs, les pièces produites permettent à la cour de constater que la société FREGATE a fait procéder, avant la cession, à un examen des comptes au 31 décembre 2006 par le cabinet ACE et à un audit par M. [U] [B].

Ce dernier dans son rapport du 4 mai 2007 précise que sa mission portait notamment sur «'l'audit du stock de fin d'année'» et «' la maîtrise des prix de revient'».

Il a fait état d'un inventaire physique du stock réalisé en novembre 2006 et relevé que le changement du système informatique de la société EFITAM en avait perturbé l'établissement.

Pour autant, il ressort de l'audit que la méthode de valorisation du stock était dans la continuité des années précédentes, confirmant en cela les déclarations de M.[A] dans son courrier du 3 octobre 2011, sur la permanence des méthodes comptables appliquées.

Il ressort également de son rapport que M [B] a eu communication des méthodes de valorisation des différentes rubriques de stock comme des données de calcul et les a analysées ; qu'il a procédé à l'examen des encours et de leur valorisation, ce qui l'a conduit à noter la grande imprécision de la méthode utilisée par l'entreprise pour les affaires partiellement engagées, à émettre des doutes sur la valorisation d'une partie de ces encours et surtout à faire état d'une vraissemblable sur-évaluation du stock d'en cours et d'articles fabriqués.

La lecture de ce rapport a donc nécessairement alerté la société FREGATE sur les difficultés et imprécisions relatives à l'évaluation des stocks de la société EFITAM et lui a fourni tous les éléments utiles pour en critiquer la pertinence.

En outre, même si l'examen des comptes par le cabinet ACE a été limité et n'a pas constitué un audit complet, n'emportant aucun inventaire physqiue du stock et des encours, ni examen de la pertinence de leur valorisation, il n'a conduit à la découverte d'aucune anomalie ou irrégularité.

Ainsi, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas démontré que la société ITI n'a pas respecté la méthode de valorisation des stocks énoncée par l'annexe 5 et que la société FREGATE ne rapporte pas la preuve de l'insincérité des comptes et plus particulièrement de l'évaluation des stocks réalisée par la société ITI au 31 décembre 2006, ni de la découverte postérieure à la cession d'une diminution de la valeur de ce stock, constituant pour elle un passif occulte justifiant la mise en oeuvre de la garantie promise par la société ITI.

En conséquence, la société FREGATE sera déboutée de ses demandes au titre de la garantie de passif.

3°) sur les frais de fermeture du site d'[Localité 1] :

Conformément aux stipulations du protocole de cession du 13 mars 2007, que l'acte de cession du 14 juin 2007 n'a pas modifié, le solde de l'opération de fermeture de l'établissement d'[Localité 1] doit être imputé sur la première échéance de paiement du solde du prix exigible au 30 juin 2009.

Les justificatifs produits et vérifiés par l'expert [T] l'ont conduit à retenir un montant de 147.422,49 euros au titre de ces frais, retenant la correction de 7.723,54 euros correspondant à la TVA récupérable ainsi que le précompte salarial de 16.042,75 euros, comptabilisés par erreur par la société FREGATE.

La créance de la société FREGATE au titre des opérations de fermeture du site devant être déduite du solde du prix doit être fixée à 147 422,49 euros.

4°) sur les comptes entre les parties :

L'acte de cession a prévu le règlement du prix à hauteur de 1.288.000 euros comptant au jour de sa signature et le solde soit 1.012.000 euros en trois annuités de 337.333,33 euros payables au 30 juin 2009, 2010 et 2011.

Il est constant que les deux premiers billets à ordre émis au titre de ce solde n'ont pas été honorés par la société FREGATE à leur échéance des 30 juin 2009 et 2010 et que celui à échéance du 30 juin 2011 n'a été payé qu'à hauteur de 168.235,14 euros.

Après déduction des frais de fermeture du site d'[Localité 1] à hauteur de 147 422,49 euros, la société FREGATE reste devoir à la société ITI la somme de 189.910, 84 euros sur le billet à ordre échu le 30 juin 2009 et la somme de 674.666,66 euros au titre des billets à ordre échus les 30 juin 2010 et 2011.

Les intérêts dus sur ces sommes seront capitalisés à compter de l'échéance de chacun des effets de commerce, conformément à la demande expresse de la société ITI.

5°) sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive :

Le caractère abusif de la contestation de la SARL FREGATE ne peut résulter de son caractère mal fondé et la société ITI qui est défaillante à établir la mauvaise foi alléguée comme à justifier de son préjudice, sera déboutée de sa demande indemnitaire.

6°) sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

La société ITI a été contrainte d'engager des frais non taxables de représentation en justice qu'il paraîtrait contraire à l'équité de laisser à sa seule charge et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société FREGATE sera condamnée à lui verser la somme de 5000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'arrêt en date du 4 juin 2015 ayant infirmé dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Romans-sur- Isère en date du 20 avril 2011;

DEBOUTE la SARL FREGATE de ses demandes au titre de la garantie de passif ;

FIXE à 147 422,49 euros le montant des frais de fermeture du site d'[Localité 1] à déduire du prix de cession ;

CONDAMNE la SARL FREGATE à payer à la SARL GROUPE ITI les sommes de :

* 189.910, 84 euros sur le billet à ordre échu le 30 juin 2009 outre intérêts au taux légal à compter de cette échéance ;

* 337.333,33 euros au titre du billet à ordre échu le 30 juin 2010 , outre intérêts au taux légal à compter de cette échéance ;

* 337.333,33 euros au titre du billet à ordre échu le 30 juin 2011, outre intérêts au taux légal à compter de cette échéance ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus pour une année entière ;

DEBOUTE la SARL GROUPE ITI de sa demande d'indemnisation au titre de la résistance abusive ;

CONDAMNE la SARL FREGATE à payer à la SARL GROUPE ITI la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL FREGATE aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise

SIGNE par Madame CLOZEL-TRUCHE, Président et par Monsieur STICKER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11/02731
Date de la décision : 15/11/2018

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°11/02731 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-15;11.02731 ?
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